Page 1 sur 39 Le texte que vous trouverez ici ne constitue qu`un

Page 1 sur 39
Le texte que vous trouverez ici ne constitue qu’un aide-mémoire. Il ne prétend pas
reprendre tous les développements du cours et particulièrement certaines nuances qui doivent
obligatoirement affiner un propos écrit, forcément généralisant sur certains points.
Pour aider l’étudiant(e), je renvoie toujours, avec précision, aux différentes lectures
qui ont fait l’objet, pour illustrer le « patient cheminement » intellectuel, d’une explication et
d’un commentaire. Une écoute attentive de ces textes devrait toutefois permettre d’en retirer
la substantifique moelle !
Chaque lecture a été, en effet, commentée. Il est bien sûr évident que ces références
sont à entendre comme un complément pour quiconque souhaite prolonger ou approfondir le
propos. Celles-ci ne sont donc pas à « étudier » et, le syllabus se suffisant à lui-même, les
lectures indiquées ne font pas partie de la « matière première » de l’examen.
Le recours à cette pratique de la lecture s’explique par ceci que l’art de philosopher,
d’apprendre, de vivre aussi est souvent un art de lire.
Bonne lecture et bonne étude !
Page 2 sur 39
Avant-propos
Notre volonté est de donner différents aperçus sur des penseurs, des textes, des idées,
tout en renvoyant à leur origine première : leur écriture. Nous voudrions aussi donner
quelques bases pour l’acquisition d’une culture générale, tout en mettant en évidence un
rapport constructif et libre au savoir, avec l’esprit critique que cela nécessite. Aristote ne dit-il
pas que toute science devrait être capable de libérer le sujet qui s’y adonne ?
Pour l’étude de ce support, il ne convient pas de jouer les « entonnoirs » et d’étudier
pour étudier. Il s’agit plutôt de pressentir l’existence d’un mouvement, d’une dynamique, de
manifester un esprit de recherche, mais d’être aussi très précis dans une démarche. En effet, si
la philosophie peut être un travail sur le concept, comme le pense Gilles Deleuze, alors il
convient de pouvoir le définir correctement, de savoir de quoi on parle et de demeurer dans la
transparence du langage, sans faux hermétisme et sans simplisme
1
. En ce sens, la philosophie
comporte aussi sa part de technique, mais elle est la condition d’un plus grand plaisir.
Dès lors, il conviendra d’être attentif aux « notions » qui traversent ce bref parcours de
la philosophie occidentale, pour les comprendre, tant d’un point de vue synchronique que
diachronique. L’enjeu est, en effet, de pouvoir mener des lectures croisées et sans cesse
enrichies. Par exemple : entre Platon et Kant, qu’en est-il de la compréhension de la notion de
« dialectique » ?
1
Voir ainsi G. Deleuze et F. Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, 1991 ou A. Philonenko, Qu’est-ce
que la philosophie ? Kant et Fichte, Paris, 1991.
Page 3 sur 39
La philosophie et son histoire
L’objectif qui a été fixé pour ce cours entend donner « les bases d’une culture
philosophique », tout en approchant « quelques textes philosophiques classiques ou récents »,
selon un point de vue à la fois « historiographique » et « thématique ». Il est aussi mentionné
que le corpus de la « philosophie occidentale » sera privilégié
2
.
C’est sur ces quelques éléments que nous entendons réfléchir, en guise d’ouverture à
ce parcours. En effet, si l’historiographie et la chronologie sont des moyens de nous
« introduire » à la philosophie, il vaut mieux s’arrêter un instant sur les enjeux de cette
manière de procéder dont nous reconnaissons bien volontiers qu’elle n’est pas la seule, mais
qu’elle est peut-être la plus pragmatique pour une initiation rapide.
Propos sur la connaissance historique en philosophie
La position qui est prise dans l’établissement de cette charge montre d’emblée que la
dimension historique est considérée ici comme constitutive de la pratique philosophique.
Pourtant, l’envisager sous la modalité d’une « historiographie » ou d’une « écriture d’une
histoire » ne signifie en rien qu’il y a volonté de sombrer dans un historicisme (ce qui serait
absurde), ou dans une historiographie neutre, alignant des faits et des dates (les mauvais
souvenirs des cours d’histoire…), ou encore dans la pure pratique généalogique. Ceci serait
bien ennuyeux ! Pour autant, on reconnaîtra qu’une présentation prétendument « objective »
de « systèmes philosophiques » serait absolument illusoire. C’est un exercice pastiche où,
quoi que l’on fasse, on demeure constamment confronté aux difficiles notions d’« actuel » et
d’« inactuel » qui restent plus que relatives.
Dès lors, il importera de comprendre de grands mouvements philosophiques, des
mutations, des transformations, des émergences, voire des révolutions, dans le domaine précis
des « notions de la philosophie ». Il s’agira aussi de mettre en perspective, toujours sous cet
angle historiographique et thématique, des philosophes et des philosophies.
Mais, avant d’aller dans ce sens, on doit d’abord s’expliquer sur le fait que la
philosophie, comme discipline actuelle, est le plus souvent en dialogue constant avec
2
Nous ne pouvons pas exposer les systèmes philosophiques de l’Inde, de la Chine et de l’Orient ancien. On peut
toutefois consulter pour une excellente introduction deux manuels de base : P. Kunzmann, Fr.-P. Burkard et
Fr. Wiedmann, Atlas de la philosophie, Paris, Le Livre de Poche (La Pochotèque), 1999, p. 14-27 et J. Russ,
Panorama des idées philosophiques. De Platon aux contemporains, Paris, Armand Colin, 2000, p. 11-20.
Page 4 sur 39
l’Histoire et sa propre « histoire ». Or cette notion « histoire » recouvre, tout à la fois, la
réalité historique et le processus complexe de la connaissance historique.
Nous aurons à voir avec les deux sens du mot, mais nous allons d’abord évoquer la
problématique de la « connaissance historique », puisqu’elle a des répercutions sur la
philosophie, son histoire et ses notions.
En effet, le passage d’une réalité historique à une connaissance historique est une
opération qui comporte ses opérations propres (établissement du fait, présomptions, indices,
critique des faits, recherche des causes, interprétation, etc.). Nous allons tenter d’en illustrer
quelques-unes, particulièrement pour la philosophie approchée par son histoire.
Ainsi, sur ce point, on dira que, généralement, l’histoire entend étudier le passé des
hommes et donner un tableau raisonné de leurs actions et de leurs gestes. Elle est alors, dans
cette mesure, une réponse à une interrogation très profonde du sujet sur son passé, ses
origines, son évolution aussi.
Mais attention, le choix qui est fait de privilégier l’approche de quelques notions
philosophiques par le biais de la chronologie est, déjà, une construction de l’esprit ! Cela veut
dire que cette façon de travailler comportera toujours une d’arbitraire. Mais pourquoi parler
d’une « construction de l’esprit » ? En fait, dans cette approche des philosophies, des
philosophes (des hommes et des femmes), des philosophèmes, des thématiques, en un mot
dans notre historiographie des notions, si nous ne voulons pas sous-estimer la problématique
des dates et, plus largement, de la chronologie, on doit demeurer conscient qu’il reste, dans
toute approche chronologique, une opération calculée ou une intervention contrôlée sur des
dates.
En effet, qu’est-ce qu’une date en philosophie ? Remarquons tout d’abord que le
problème de la datation, surtout pour les débuts de la philosophie, est bien réel. Pour plusieurs
philosophes grecs, les dates de leur naissance et de leur mort sont souvent approximatives. Il y
a certes un problème lié à la critique des sources et même, antérieurement à cela, à l’accès aux
sources. Nous le verrons amplement.
S’ajoute à cela le fait que les Grecs pratiquent l’histoire d’une façon particulière qui
est plus une doxographie qu’une historiographie. C’est-à-dire que le personnage est situé
selon sariode de maturité telle que l’opinion la met en évidence, selon son acmé, et
fréquemment en référence à une « olympiade » (une période de quatre ans s’écoulant entre
Page 5 sur 39
deux jeux olympiques). En fonction de son début ou de sa fin, il reste donc une marge parfois
mouvante.
Plus encore, on notera que leur comput historique peut faire coïncider une vie avec un
événement traumatique ou extraordinaire. C’est notamment le cas pour Thalès et l’éclipse de
soleil, comme on le verra plus loin. Il ne faut donc pas s’étonner de l’imprécision des dates et
essayer de comprendre, malgré tout, quel mouvement intellectuel et quelle évolution
philosophique se dessinent déjà, en fonction des critères que l’on choisit.
Pour prendre un exemple plus proche de nous, doit-on dire que la publication de Sein
und Zeit de Martin Heidegger, en 1927 (un événement marquant pour la pensée
philosophique !), a le même impact que la promulgation d’un décret (celui de Bologne, par
exemple), qu’une guerre, ou qu’une invention ? En réalité, la réponse risque de varier au gré
des interprétations qui vont, elles-mêmes, se déployer dans le temps, donc dans l’Histoire.
Certes, il y a bel et bien des critères et des points de vue d’appréciation et de jugement, quand
on porte son regard sur le passé et ses œuvres. Mais, on doit bien reconnaître que tout rapport
à l’histoire est déjà marqué par une forme de subjectivité.
Ainsi, si la pratique historique (quel que soit l’objet de ce dont on fait l’histoire) doit
composer par un assemblage de faits, d’événements, de coordonnées (la « réalité »
historique), dont on remarquera d’ailleurs qu’il n’est pas toujours évident de savoir pourquoi
tel fait est retenu et considéré comme historique, à un moment donné, si ce n’est que parce
que la « mémoire collective » l’a fixé et l’a considéré, pour lui donner une dimension
précisément historique, ou alors parce que les gens qui l’ont vécu ont eu le pressentiment vif
que ce fait changeait leur rapport à l’histoire et au temps. Ceci vaut pour toutes les disciplines
qui nourrissent un rapport étroit avec l’histoire.
Ainsi, pour bien mesurer la portée philosophique et l’application réelle à la
philosophie de cette question théorique, prenons un nouvel exemple. Quand Descartes publie,
en 1637, son Discours de la Méthode, en quoi l’événement est-il devenu « historique » ?
En vérité, il y a bien ici matière à interprétation(s). Une herméneutique est donc
nécessaire. Prenons différents cas de figure.
L’utilisation du français ? Montaigne le fit avant lui, diront certains ! Mais Montaigne
est-il philosophe, diront d’autres ?
La rupture subtilement mise en scène avec la scolastique telle qu’il la présente
personnellement ?
1 / 39 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !