mécanisme physiologique d’accommodation : la lente variation
du champ laisse le temps aux phénomènes physiologiques natu-
rels de compenser l’effet du champ. Une exception est constituée
par les magnétophosphènes, dont le seuil d’intensité, de 2-3 mT
ou 0,05 V/m, se produit à 20 Hz.
À des fréquences croissantes, au-delà de 1 000 Hz, le seuil
augmente également en raison du temps de réponse limité des
canaux ioniques membranaires et de la constante de temps de
charge des membranes cellulaires : en d’autres termes, les cou-
rants traversent les membranes trop rapidement pour avoir le
temps d’interagir.
En dessous de 10 kHz, le courant nécessaire pour stimuler un
nerf est de l’ordre de 0,6 à 1 mA ; puis le seuil augmente
rapidement selon une fonction en f
2
: le seuil est de 2-3 mA à
10 kHz, de 60 mA à 100 kHz et de 100 mA à 400 kHz [8]. Les
valeurs seuils correspondantes de champ ou de densité de cou-
rant entre 100 et 10 000 Hz sont, selon le type de fibre nerveuse
et notamment en fonction de leur diamètre, de6à24V/metde
1à5A/m
2
, les fibres les plus épaisses étant les plus sensibles
(fibres de 20 lm de diamètre).
Au-delà de 10 kHz, le seuil du champ électrique in situ
augmente régulièrement, jusqu’à 100 V/m à 100 kHz, ce qui
correspond à un courant induit de 20 A/m
2
.
Le champ magnétique correspondant peut assez aisément
être calculé en inversant la formule (3) :
B=j⁄r2pfr=20/0,2.2.3,14.10
5
.0,25 =0, 64mT,
et on s’aperçoit qu’il suit une courbe inverse : maximal aux plus
faibles fréquences, stable au-delà de4à5kHz.
L’expérience montre que ces valeurs ne sont jamais rencon-
trées dans l’environnement, qu’il soit public ou professionnel.
En revanche, le calcul du champ électrique externe corres-
pondant est beaucoup plus complexe, et le seuil de perception a
plutôt été déterminé expérimentalement. Il varie de fait assez peu
entre 3 kV/m en dessous de 1 Hz, à 700 V/m au-delà de 10 kHz.
Cas particuliers des magnétophosphènes
et des fibres cardiaques
Le seuil des magnétophosphènes est plus faible (champ
interne de 0,08 V/m) et rejoint celui des nerfs périphériques
au-delà de 10 kHz. Cela correspond à un champ externe 10
6
à
10
8
fois supérieur, soit au minimum 80 kV/m. Le seuil de stimu-
lation des fibres cardiaques est supérieur à celui des fibres
périphériques, mais surtout il s’élève rapidement avec la fré-
quence dès qu’elle dépasse 100 Hz.
Échauffement
Lorsque la fréquence augmente, le mécanisme physiologi-
que connu produit par le phénomène de relaxation diélectrique
est un échauffement des tissus. La stimulation sensorielle est
relayée par la perception thermique, qui ne dépend plus de la
fréquence du champ produit à l’intérieur du corps mais seule-
ment de son intensité. À l’extrême, des lésions peuvent être
produites lorsque l’échauffement est supérieur à 5 °C. À des
niveaux inférieurs au degré de brûlure (4-5 °C), le risque de
cancer lors d’une exposition chronique répétée a été montré dans
quelques études. Il a aussi été montré un risque augmenté de
cataracte. Avec des échauffements prolongés de 2-3 °C, il peut se
produire un œdème cérébral source de confusion, de nausées...
avec éventuellement une perméabilisation de la barrière héma-
toencéphalique. Le seuil d’échauffement à l’origine de troubles
fonctionnels chez le rat et le singe est de l’ordre de un demi- à un
degré, vraisemblablement extrapolable à l’homme. Ces troubles
consistent en une perturbation de l’apprentissage et correspon-
dent à des difficultés de concentration lorsque la température
dépasse 37,5 à 38 °C (équivalent à de la fièvre). Aucun de ces
effets n’a été observé à des fréquences inférieures à 10 MHz, car
l’absorption à ces fréquences dans les organismes biologiques en
général, et chez l’homme en particulier, est très faible. Seul le
seuil de perception a pu être testé en dessous de cette fréquence
dans des conditions expérimentales.
L’électroporation est un phénomène particulier qui se pro-
duit à des niveaux très supérieurs à ceux qui permettent une
stimulation nerveuse, et également très supérieurs à ceux que
l’on est susceptible de rencontrer dans l’environnement. Par
exemple, le seuil à 1 kHz est de 3 kV/m, tandis qu’il est de
100 kV/m à 1 MHz [9].
Émissions par impulsions
Lorsque le champ est émis par impulsions, la puissance
moyenne à l’origine de l’échauffement est inférieure à la puis-
sance instantanée (puissance crête) à l’origine de la stimulation.
Le rapport entre la durée de l’impulsion et l’intervalle entre deux
impulsions est appelé « rapport cyclique » : plus il est faible, plus
la puissance moyenne est faible. Le seuil du courant produit à
l’origine d’une perception thermique augmente alors avec la
fréquence de façon inverse au rapport cyclique : jusqu’à 200 mA
à une fréquence de 300 kHz pour un rapport cyclique de 0,1,
jusqu’à 500 mA à 1 MHz et un rapport cyclique de 0,01 et
jusqu’à 2 000 mA à 3 MHz et un rapport cyclique de 0,001 [8].
En parallèle, la fréquence augmentant avant que la perception
thermique ne soit mise en jeu, on peut atteindre des intensités de
plus en plus élevées avant de déclencher le seuil de stimulation
nerveuse.
Études in vivo chez l’animal
De nombreux travaux ont été réalisés autour des fréquences
utilisées dans les écrans vidéo de télévision, jusqu’à 20 kHz –
quasiment pas au-delà de, et jusqu’à, 10 MHz. La majorité des
études ne suggèrent pas d’effets sanitaires, à l’exception de
quelques résultats peu pertinents montrant une légère augmen-
tation de malformations morphologiques mineures, dont l’ordre
d’importance est comparable au « pied plat » chez l’homme. Ces
effets potentiels semblent limités à des souches animales spécifi-
ques et ne sont pas extrapolables à l’homme [10].
Conclusion
Les phénomènes physiologiques à l’origine des effets des
champs électriques ou magnétiques sont bien connus : ce sont la
stimulation nerveuse et l’absorption diélectrique à l’origine d’un
échauffement. Le double niveau d’interaction entre la pénétra-
R. de Sèze
E
nvironnement,
R
isques &
S
anté − Vol. 5, n° 1, janvier-février 2006
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