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sont profondément humains. Job n'échappe pas à ce principe, moins encore que les personnages que
nous avons abordés jusqu'à ce jour23. En termes pragmatiques, le récit de Job,"c'est plutôt une
tentative de l'homme en désarroi pour se situer par rapport au Dieu saint et tout puissant."24 Cette
tentative, avec Job, fait recours aux armes de la sagesse que l'Antiquité, en Egypte et au Moyen-
Orient, avait déployées sur une large échelle populaire et depuis un lointain passé, tout en la
transformant en une vertu particulière : la crainte de Dieu.
- But et enjeu
Le but n'est pas de résoudre le problème du Mal, au sens de la souffrance injuste, ou de l'expliquer,
mais de recadrer les termes du rapport de l'homme à Dieu, dans la limite de la condition de finitude.
Il est aussi d'intégrer, dans les conditions de l'Alliance, l'expérience profane acquise par l'homme de
tous les jours dans son rapport à l'univers et à sa destinée. Il est enfin de nous positionner par
rapport aux notions de sagesse et de justice, et de définir celle de la crainte de Dieu.
L'enjeu est de nous ouvrir ici et maintenant, et en ce qui nous concerne, à un modèle de sagesse qui
nous permette d'admettre le Mal et l'injustice dans les conditions de l'Alliance testamentaire, en
nous remettant sans cesse en question, au-delà du confort des habitudes, des règles, des dogmes,
des absolus, dans notre rapport à autrui, à la société, à notre finitude, à Dieu.
13.1.2 MISE EN PERSPECTIVE GÉNÉRALE
- Introduction
Le récit de Job est l'un des cinq "Livres de sagesse" (Livres sapientiaux), qui regroupent par aileurs
Proverbes, Ecclésiaste (Qohélet), Ecclésiastique, Sagesse (Sagesse de Salomon). On inclut dans ce
groupe, sans qu'ils soient à proprement parler sapientiaux, les Psaumes et Cantique des Cantiques.
Après la Loi (Torah ou Pentateuque), et les Prophètes (Nebiim), les "Livres de sagesse" forment, avec
Ruth, Lamentations, Esther, Daniel, Esdras, Néhémie et 1,2 Chroniques, la troisième et dernière
partie de la Bible hébraïque, sous l'appellation hébraïque Ketouvim (les "Ecrits")25, ou chrétienne
Hagiographes.
Les Ecrits présentent une structure peu stricte et des genres littéraires hétéroclites26, au contraire
des deux premiers Livres de l'Ancien Testament. Ils apportent par contre une ouverture sur la culture
de l'époque, en particulier la culture juive, car " ils forment un véritable condensé de la littérature
juive de l'époque hellénistique."27 Achevés au IVème siècle Av. J.-Chr, ils entrent dans le canon
hébraïque tardivement (IIème siècle Apr. J.-Chr), avec le double objectif d'aider à "redéfinir l'identité
du judaïsme après la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains en 70, mais aussi face au
christianisme qui se revendiquait comme le «vrai Israël»"28.
23 Voir nos contributions précédentes sur Ève, Caïn, Abraham, Jacob, Moïse, d'après Gn et Ex..
24 TOB, op. cit. p. 1483
25 Cf. notre contribution 001, annexe 001
26 Pour une structure détaillée, voir notre contribution 001 "Référencement biblique", et plus particulièrement
l'annexe 01
27 Römer, op. cit. 2004, p. 479
28 Idem