Faut-il vraiment avoir peur du virus Zika?

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10 | MM07, 15.2.2016 | SOCIÉTÉ
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Cette semaine
Faut-il vraiment avoir
peur du virus Zika?
Alors que l’épidémie bat son plein en Amérique centrale et du Sud, l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) redoute une propagation internationale de la maladie. De
quoi nous dissuader de voyager ou craindre une recrudescence des cas en Suisse?
Texte: Tania Araman
En chiffres
23
C’est le nombre de pays
d’Amérique latine
actuellement touchés
par le virus Zika.
3174
Il s’agit, au Brésil, du
nombre de cas de
microcéphalie
(réduction anormale de
la boîte crânienne)
décelés en 2015 chez les
nourrissons et qui pourraient être liés au virus
Zika contracté par la
mère.
3-4
Source: Organisation mondiale de la
santé (OMS).
Au Brésil, la petite Melisa Vitoria (à gauche) est née avec une microcéphalie, pas son frère jumeau Edison Junior (à droite).
A
vec un million et demi
de personnes touchées
au Brésil, Zika continue
sa fulgurante
progression en Amérique centrale
et du Sud. De quoi inquiéter
sérieusement l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) qui
apparente la situation actuelle à
«une urgence de santé publique de
portée internationale».
Faut-il donc craindre de voir
débarquer le virus en Suisse? Le
moustique Aedes, plus connu sous
le nom de tigre et vecteur de la maladie, n’est-il pas d’ailleurs déjà
présent dans nos contrées? Après
le Tessin, ne vient-il pas d’être également repéré du côté de Bâle?
Pour l’heure, notre pays n’a
pourtant pas trop de souci à se
faire. Seuls quatre cas ont été
déclarés, tous détectés chez des
voyageurs revenant d’Amérique
latine. Nos moustiques tigres
locaux ne sont pas, quant à eux,
porteurs de la maladie, assurent les
spécialistes.
Rappelons par ailleurs que
l’OMS n’a émis aucune restriction
de voyage pour les pays concernés
par l’épidémie. L’Office fédéral de
la santé publique (OFSP) relève
pour sa part que dans 80% des cas,
le virus ne provoque pas de
manifestations cliniques. Pour les
20% restants, les symptômes
(fièvre légère, éruption cutanée,
maux de tête, etc.) demeurent en
général bénins.
Finalement, seules les femmes
enceintes doivent rester sur leurs
gardes si elles souhaitent voyager.
Le virus Zika pouvant causer des
malformations congénitales chez
le fœtus, même si le lien de
causalité, fortement soupçonné,
n’a pas encore été confirmé.
Photo: AP Photo/Felipe Dana
C’est, en millions, le
nombre de cas d’infection au virus Zika auquel
l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) s’attend en 2016 en Amérique centrale et du Sud.
SOCIÉTÉ | MM07, 15.2.2016 | 11
Votre avis
L’expert
«Cette maladie est moins
dangereuse que la dengue»
Faut-il avoir peur du virus Zika?
Non. Ce virus ne représente un danger potentiel que pour les femmes enceintes: il existe un risque de malformation congénitale chez le fœtus.
Pour toutes les autres tranches de la
population, la maladie reste bénigne.
Les symptômes (fièvre, éruption cutanée, etc.) ainsi que les syndromes qui
y sont associés, comme celui de Guillain-Barré, peuvent être rattachés à
n’importe quel autre virus.
Pas de quoi tomber dans la
psychose, donc…
Non, en effet. Mais ce genre d’épidémie fait en général couler beaucoup
d’encre. L’attention médiatique que
l’on y porte est toutefois surdimensionnée par rapport à son importance médicale dans nos contrées.
Attention, je ne sous-estime pas en
revanche l’impact que peut avoir une
telle maladie sur les systèmes de santé dans les pays endémiques.
Les Suisses peuvent-ils dès lors se
rendre sans crainte en Amérique du
Sud?
La plupart d’entre eux, oui, en prenant toutes les protections d’usage
pour prévenir les piqûres de moustiques. Il est seulement recommandé
aux femmes enceintes d’éviter le
voyage. Et il est conseillé aux femmes
en âge de procréer d’attendre entre
quatre et huit semaines après leur retour avant de planifier une grossesse.
Le lien entre des malformations
congénitales chez le fœtus et le
virus n’est toutefois pas encore
prouvé scientifiquement…
En effet, il n’y a pour l’heure aucune
certitude absolue. Et même si ce lien
existe, il est vraisemblable que toutes
les femmes enceintes atteintes du
virus ne risquent pas de voir leur fœtus affecté. A l’heure actuelle, nous
ignorons la proportion que cela représente, mais il est probable qu’on
soit loin d’atteindre les 100%.
Les prochains JO auront lieu cet été
au Brésil, un pays particulièrement
touché par le virus. Un risque de
plus de voir ce dernier se propager
ensuite dans le monde entier?
Oui et non. Le virus Zika est déjà
présent dans de nombreux pays, qui
recensent quelques cas isolés. Dans
certaines régions comme la Polynésie
– qui a connu une épidémie entre
2013 et 2014 – la population est
maintenant immunisée. Zika ne peut
donc plus y circuler. Certes, si un
Européen contracte le virus durant
les JO, il pourrait ensuite le propager
de retour au pays, mais ceci tant que
le moustique Aedes y est présent.
De quelle manière le propagerait-il?
En se faisant piquer par un moustique
Aedes local, qui deviendrait un
vecteur du virus et pourrait le
transmettre à d’autres individus.
Nous aurions alors affaire à une
infection autochtone, contrairement
aux cas recensés en Europe jusqu’à
maintenant, qui sont importés.
Le risque d’épidémie existe-t-il donc
en Suisse?
Oui, mais il est minime. La masse de
vecteurs, c’est-à-dire de moustiques,
n’est pas suffisante pour déclencher
une épidémie à large échelle. L’infection demeurerait occasionnelle et saisonnière. N’oublions pas que le climat européen n’est pas le même que
dans les zones touchées par le virus.
Le réchauffement climatique ne
risque-t-il pas de changer la donne?
Certes, les moustiques remontent de
plus en plus vers le nord. Mais ces
modifications se font très lentement,
on parle ici en termes de décennies.
Par ailleurs, la situation n’a rien de
nouveau. Le moustique est présent au
Tessin depuis 2003 et pourtant aucun
cas autochtone de dengue ou chikungunya n’a été à l’heure actuelle diagnostiqué en Suisse. Or, ces deux maladies se transmettent également par
le biais des moustiques tigres. Il n’y a
donc pas de raison que le Zika se propage différemment. Rappelons aussi
que ce dernier est un virus beaucoup
moins dangereux que la dengue. MM
Dr Gilles Eperon,
chef de clinique du
service de
médecine
tropicale et
humanitaire des
Hôpitaux
universitaires de
Genève (HUG).
Ingrid Bezzola
«Je n’ai pas peur du virus Zika et je
n’hésiterais pas à me rendre en Amérique du Sud. En prenant quelques
précautions, bien sûr! Cette histoire
ne m’empêche pas de dormir la nuit.»
Jérémie Werkmeister
«Dans l’absolu, je ne crains pas ce
virus. J’irais en Amérique du Sud si j’en
avais l’opportunité. Quant à la Suisse,
je ne trouve pas que la situation y soit
préoccupante.»
Maria Verissimo
«Quand on entend ce qui se passe en
Amérique du Sud, ça fait peur! Et avec
les changements climatiques, les
moustiques pourraient bientôt se développer plus facilement en Suisse.»
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