Le drapeau et la rose des vents - Guerres et voyages sous la révolution et l’empire
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armes. En même temps, une grande place est faite à la contradiction qui peut exister entre la
volonté affichée d’une guerre de libération, pour porter au-delà des frontières les idéaux de la
révolution française, et une guerre de conquête pour assurer les fins de mois du régime du
directoire. Au final, la période révolutionnaire permet la constitution d’une armée nationale, non
seulement en France mais dans les autres pays européens, et en même temps accentue le
processus de professionnalisation de certains secteurs de l’armée qui doivent s’appuyer tout de
même sur la masse de combattants que fournit la conscription.
Louis Bergès, conservateur général du patrimoine présente la construction de deux mythes
républicains, de Valmy aux soldats de l’an deux. Encore une fois, comme pour tous les articles de ce
recueil, l’auteur nous propose une très belle mise en situation historique et en même temps des
illustrations de grande qualité. L’explication sur l’exploitation des événements avec la bataille de
Valmy, les conséquences de la levée en masse qui permet d’aligner dans la bataille des frontières
730 000 combattants, ce qui donne à la France une incontestable supériorité numérique sur le
champ de bataille sont également présentées. À partir de 1793 les acteurs héroïques de cette
bataille ne sont plus des généraux qui ont par ailleurs trahi, comme Kellermann (suspect) et
Dumouriez, mais le peuple en armes, le soldat ordinaire, le citoyen mobilisé. Très vite, des récits
fabuleux naissent autour de ce soldat citoyen. Ce sont des sortes d’anti-héros, comme le jeune
Bara, le tambour mythique des guerres de Vendée, ou encore des femmes qui sont signalées par
leur patriotisme lors des combats autour de Lille. L’auteur de cet article, à partir de l’exemple de
Valmy et des soldats de l’An deux, montre comment chez les révolutionnaires d’autres époques,
ceux de la révolution russe ou dans la lutte de la résistance en France avec le parti communiste, le
mythe a été repris et largement exploité.
Sarga Moussa chercheur au CNRS traite de Dominique Vivant Denon, un personnage tout de
même assez peu connu. Baron d’empire, proche de Joséphine Beauharnais, il accompagne
Bonaparte en Égypte, avant d’être chargé par Napoléon de remplir le futur musée du Louvre
d’œuvres d’art prélevées dans toute l’Europe.
Ces chroniques de l’expédition d’Égypte sont qualifiées par l’auteur de cet article d’« émergence
d’une conscience critique ». Denon publie en 1802 un livre de Voyages dans la basse et la haute
Égypte, dans lequel il fait à la fois un récit de guerre mais en même temps une sorte de récit de
voyage. Toutefois, d’après l’auteur, la démarche est également critique puisque Denon prend
simultanément en compte le point de vue du vainqueur est celui du vaincu. Il s’intéresse
également aux relations entre les troupes d’occupation françaises en Égypte et les populations
locales, à propos d’un épisode touchant au respect dû aux mosquées en tant que lieux de culte. Le
récit est également très précis sur les conséquences de la guerre y compris physiques, il est vrai
que Denon est également dessinateur et graveur. Cet article est très agréablement illustré par des
gravures de Denon, qui font parti du fonds patrimonial des bibliothèques de Blois.
Maya Goubina, docteur en histoire de l’université de Paris IV, présente un regard réciproque des
Français et des Russes lors de la campagne de 1812. Encore une fois richement illustrée cette
présentation de regards croisés d’une campagne n’est pas fondamentalement originale, mais
constitue une très agréable mise au point sur la perception que les Français pouvaient avoir de
cette guerre lointaine et de son utilité, et en même temps comment la France révolutionnaire et
impériale pouvait être perçue par les populations d’Europe centrale et orientale. Les Russes
retournent l’accusation de barbarie contre les Français, les termes de cannibales, de gredins, de
monstres et de scélérats foisonnent dans les textes. La retraite de Russie devient objet de
moqueries. L’auteur conclut son propos en rappelant qu’au début du XIXe siècle la guerre a une
dimension plus large que militaire et politique. Les adversaires découvrent une autre réalité
sociale, ethnique et culturelle et finalement font connaissance. Mais après tout c’était déjà le cas
lors des croisades.
Bien d’autres articles sont proposés, et ils mériteraient tous une présentation tant les approches
sont originales, inédites souvent, et, car on ne le dira jamais assez, richement illustrées.
De ce point de vue ce recueil est aussi une belle banque d’images que nous sommes impatients
d’utiliser dans nos enseignements.