universite de nantes faculte de medecine dans l`abord anterieur du

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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
M.S.B.M
MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE
2000-2001
BASES ANATOMIQUES DES RISQUES CHIRURGICAUX
SUR LE NERF LARYNGE RECURRENT DROIT
DANS L’ABORD ANTERIEUR DU RACHIS CERVICAL
INFERIEUR
Par
BURON
Fanny
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Vice-Président :
Pr. J. LEBORGNE
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
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Pr.
Pr.
Dr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
Pr.
O. ARMSTRONG
C. BEAUVILLAIN
F. CAILLON
P. COSTIOU
D. CROCHET
A. DE KERSAINT-GILLY
B. DUPAS
D. DUVEAU
Y. HELOURY
P.A. LEHUR
J.P. MOISAN
N. PASSUTI
R. ROBERT
D. RODAT
13
UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
M.S.B.M
MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE
2000-2001
UNIVERSITE DE NANTES
BASES ANATOMIQUES DES RISQUES CHIRURGICAUX
SUR LE NERF LARYNGE RECURRENT DROIT
DANS L’ABORD ANTERIEUR DU RACHIS CERVICAL INFERIEUR
Par
BURON
Fanny
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Vice-Président :
Pr. J. LEBORGNE
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
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Dr.
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O. ARMSTRONG
C. BEAUVILLAIN
F. CAILLON
P. COSTIOU
D. CROCHET
A. DE KERSAINT-GILLY
B. DUPAS
D. DUVEAU
Y. HELOURY
P.A. LEHUR
J.P. MOISAN
N. PASSUTI
R. ROBERT
D. RODAT
14
Je tiens à remercier particulièrement
Professeur ROBERT pour sa disponibilité, pour ses conseils et pour
m’avoir permis d’observer au bloc opératoire l’abord chirurgical dont il est question
dans ce mémoire ;
tous nos professeurs d’anatomie pour nous avoir donné le goût de cette
science ;
le personnel du laboratoire d’anatomie : Stéphane LAGIER et Yvan
BLIN pour leur aide précieuse et leur patience ;
Madame GARCON pour son accueil et sa disponibilité.
15
Sommaire
Introduction
Rappels anatomiques
Rappels embryologiques
Rappels chirurgicaux
Matériel et méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
Bibliographie
16
Introduction
Lors de l’abord chirurgical antérieur du rachis cervical inférieur, la complication
la plus fréquente est la paralysie des cordes vocales, le plus souvent transitoire mais
parfois aussi permanente, par atteinte du nerf laryngé récurrent – comme l’a rapporté
Flynn [7] en 1982 “the single largest complication was that of recurrent laryngeal
nerve palsy ”.
Des études montrent également que l’incidence de cette complication est plus
élevée à droite qu’à gauche.
Plusieurs mécanismes expliquent ces complications, notamment à droite. L’
objectif ici est alors d’exposer les bases anatomiques des risques chirurgicaux sur le
nerf laryngé récurrent droit lors de cet abord, d’une part en montrant les différences
anatomiques entre le nerf laryngé récurrent à droite et à gauche pour expliquer
l’incidence plus importante lors de l’abord à droite, et d’autre part en étudiant plus
particulièrement les répercussions de la traction des viscères par les écarteurs de
Cloward sur le nerf laryngé récurrent droit. On commencera par de brefs rappels
anatomiques, embryologiques et chirurgicaux.
17
Rappels anatomiques :
les nerfs laryngés récurrents
Origine réelle
Bien que le nerf laryngé récurrent semble naître du nerf vague (X), ses fibres
motrices proviennent en réalité du noyau laryngé du nerf accessoire (XI) (noyau
branchial moteur), sous jacent au noyau ambigu, au niveau de la moelle allongée.
De ce noyau partent des filets nerveux qui émergent au niveau du sillon
dorso-latéral de la moelle allongée et constituent la racine crâniale du XI, rejointe par
la racine spinale du XI pour former le nerf accessoire.
Après un trajet intracrânien dans la fosse crânienne postérieure, où il chemine
à la limite caudale de la citerne du trigone ponto-cérébelleux, puis transcrânien à
travers le foramen jugulaire dont il occupe avec le nerf vague et l’artère méningée
postérieure le compartiment moyen, le nerf accessoire se retrouve dans la région
rétrostylienne. Dans cet espace, il est ventro-médial, contre la face latérale de l’artère
carotide interne, laissant la veine jugulaire interne dorso-latérale ; le X, représenté
par son ganglion inférieur, reste dorso-latéral par rapport au XI ; le nerf hypoglosse
(XII) est le plus dorsal, les cravatant par leur face dorsale ; la chaîne sympathique,
représentée par le ganglion cervical supérieur, se trouve dans un dédoublement de
la lame prévertébrale du fascia cervical.
A ce niveau, le tronc du XI se divise en deux rameaux :
- un rameau latéral, représentant le XI spinal
- un rameau médial qui se jette sur le ganglion inférieur du X, il représente le
XI crânial et se détache plus bas sous forme du nerf laryngé récurrent, ceci
après avoir donné très haut le rameau destiné au muscle crico-thyroïdien
qui est véhiculé par le nerf laryngé supérieur.
123456789101112-
moelle allongée
racine crâniale
tronc du XI
racine spinale
complexe vago-spinal
moelle cervicale
sillon dorso-latéral
nerf laryngé récurrent
rameau externe (XIs)
ganglion inférieur du X
rameau interne (XIc)
nerf vague
D’après Leguerrier [13]
18
Origine apparente
Le nerf laryngé récurrent est une branche du nerf vague.
Le nerf vague, après avoir reçu au niveau de son ganglion inférieur le rameau
médial du XI dans la région rétrostylienne, descend dans la région sterno-cléidomastoïdienne dans l’angle dièdre dorsal jugulo-carotidien entre la jugulaire interne
latéralement, doublée plus latéralement de la chaîne lymphatique jugulaire interne et
l’axe carotide commune-carotide interne médialement. Ce paquet vasculo-nerveux
se trouve dans une gaine vasculaire commune, la gaine carotidienne.
A droite, au niveau de la base du cou , le X se glisse en avant de l’artère
subclavière droite pour gagner le médiastin. Il détache à ce niveau le nerf laryngé
récurrent droit qui passe en dessous puis en arrière de l’artère subclavière, au
contact du dôme pleural, médialement à l’anse de Vieussens et à l’anse du
phrénique.
A gauche, le X continue sa course. Dans le médiastin antérieur il chemine
entre l’artère carotide commune gauche en avant et l’artère subclavière gauche en
arrière. Au niveau de T4, il précroise la crosse aortique et détache le nerf laryngé
récurrent gauche qui passe en dessous, puis en arrière de la crosse, sous le
ligament artériel.
Trajet et rapports
D’après Bouchet [2]
19
A droite , après sa crosse sous l’artère subclavière, le nerf laryngé récurrent
monte oblique en haut et en dedans, en passant entre l’artére carotide primitive en
avant et l’artère vertébrale en arrière, croisant en dedans le flanc droit de la trachée.
Puis, toujours oblique en haut et en arrière, il longe le flanc droit de la trachée puis
de l’œsophage, en arrière du lobe droit du corps thyroïde et des parathyroïdes, en
avant (le plus souvent) du segment transversal de l’artère thyroïdienne inférieure. Il
pénètre enfin dans le larynx en passant sous le muscle constricteur inférieur du
pharynx.
A gauche, après sa crosse sous l’aorte, il chemine verticalement dans l’angle
œso-trachéal, plaqué sur la face ventrale du bord gauche de l’œsophage,
accompagné par les nœuds de la chaîne récurrentielle, puis passe en arrière (le plus
souvent) de l’artère thyroïdienne inférieure et du lobe gauche du corps thyroïde et
s’engage enfin sous le bord caudal du constricteur inférieur pour pénétrer dans le
larynx.
Terminaison
Le nerf laryngé récurrent pénètre dans le larynx en passant dans la gouttière
entre thyroïde et chaton cricoïdien. Il chemine sous la muqueuse des sinus piriformes
et se ramifie en donnant une branche ascendante sensitive qui va s’anastomoser au
nerf laryngé supérieur pour former l’anse de Galien et une série de branches
motrices qui innervent tous les muscles du larynx à l’exception du crico-thyroïdien.
D’après Bouchet [2]
20
Branches collatérales
Les nerfs laryngés récurrents donnent deux à quatre rameaux cardiaques, des
rameaux œsophagiens et trachéaux.
Rôle
Le nerf laryngé récurrent est le nerf de la phonation. Il innerve tous les
muscles laryngés à l’exception du crico-thyroïdien innervé par le laryngé externe,
branche du nerf laryngé supérieur.
Son noyau bulbaire est relié par le faisceau géniculé à un centre cortical de la
phonation situé dans le pied de la troisième frontale et à la partie inférieure de la
frontale ascendante du côté opposé.
L’innervation sensitive du larynx est assurée essentiellement par le nerf
laryngé supérieur mais également plus accessoirement par l’anse de Galien dont la
fonction est purement sensitive.
Quant à l’innervation sympathique, vasomotrice et sécrétoire, elle provient du
sympathique cervical, les fibres sympathiques suivant les parois artérielles ou se
rendant directement au larynx à partir de l’anse de Drobnick et du ganglion cervical
moyen.
21
Rappels embryologiques
L’embryologie permet d’expliquer la naissance à des niveaux différents des
nerfs laryngés récurrents droit et gauche.
Au cours des quatrième et cinquième semaines du développement, les six
arcs branchiaux apparaissent successivement suivant un ordre crânio-caudal, sans
jamais être tous présents simultanément. Chaque arc reçoit son nerf crânien et son
artère. Ces artères, appelées arcs aortiques, proviennent de l’aorte ventrale,
extrémité distale du tronc artériel, traversent le mésenchyme des arcs branchiaux et
se terminent dans les aortes dorsales droite et gauche qui se réunissent plus en
arrière en une aorte unique.
D’après Langman [11]
Les nerfs laryngés se distribuent aux six arcs branchiaux. Lors de la migration
descendante du cœur de sa position cervicale initiale vers la cavité thoracique du fait
de la formation du cou, ces nerfs se réfléchissent autour du sixième arc et remontent
vers le larynx, d’où leur trajet récurrent.
Au cours du développement ultérieur, la disposition des arcs aortiques se
modifie et certains régressent.
D’après Langman [11]
22
Lors de la disparition du cinquième arc et de la partie distale du sixième arc
droits, le nerf laryngé récurrent droit remonte et se réfléchit autour de l’artère
subclavière droite (qui correspond au quatrième arc droit). A gauche, la partie distale
du sixième arc persiste sous la forme du canal artériel (entre l’artère pulmonaire
droite et l’aorte) qui s’oblitère à la naissance pour former le ligament artériel. Le nerf
laryngé récurrent gauche conserve donc son trajet réfléchi autour de ce ligament.
D’après Langman [11]
23
Rappels chirurgicaux :
voie d’abord antéro-latérale du rachis cervical
L’approche antérieure du rachis cervical a été introduite par Southwick et
Robinson [20] en 1957 puis développée par Cloward. C’est devenu une technique
courante et très utilisée par les chirurgiens orthopédiques et neurochirurgiens.
Elle donne accès aux corps vertébraux et aux disques de C2 à T2 et du côté
de l’abord aux articulations uncovertébrales, aux racines des processus transverses
et enfin à l’artère vertébrale de C3 à C7.
Son principe est de passer en avant du muscle sterno-cléido-mastoïdien puis
entre l’axe aérodigestif médialement et le paquet jugulo-carotidien latéralement.
24
25
Matériel et méthodes
Matériel
-
1 bistouri n°4 et une série de lames n°23
des pinces à disséquer sans griffe, des pinces à disséquer de Cushing
des ciseaux courbes à pointe mousse, des ciseaux droits pointus
des écarteurs de Cloward
1 porte-aiguille, du fil de suture
des champs verts
1 scie égoïne, 1 scie à ruban
formol, glycérine, alcool
-
1 sujet formolé de sexe féminin
1 sujet formolé congelé de sexe masculin
2 sujets frais de sexe féminin
26
Méthodes
La dissection du premier sujet (tronc, sexe féminin, formolé) a été réalisée
dans un but anatomique, selon l’approche de Rouvière [19], à droite.
Le sujet est installé en décubitus dorsal, la tête maintenue en légère rotation
vers la gauche.
Une première incision cutanée est faite le long du bord caudal de la
mandibule, partant derrière le pavillon de l’oreille jusqu’à la pointe du menton ; une
seconde de la ligne médiane à l’acromion en suivant le bord crânial du sternum et de
la clavicule et enfin une troisième médiane réunissant les deux précédentes. Le
lambeau cutané est rabattu latéralement.
Le platysma est nettoyé puis sectionné le long du bord crânial de la clavicule
et récliné. La veine jugulaire externe est disséquée. Le fascia cervical superficiel est
récliné.
Le muscle sterno-cléido-mastoïdien est nettoyé, sectionné en son milieu puis
rabattu. Le fascia cervical moyen est récliné. Le muscle omo-hyoïdien est nettoyé et
sectionné au niveau de son tendon intermédiaire ; les muscles sterno-cléido-hyoïdien
et sterno-thyroïdien sont nettoyés et sectionnés en leur milieu.
La clavicule est luxée au niveau du sternum et rabattue.
Le paquet vasculo-nerveux du cou (artère carotide commune, veine jugulaire
interne et nerf vague) est disséqué. Des nœuds de la chaîne jugulaire interne sont
reconnus et enlevés. La glande thyroïde et la trachée sont exposées, l’artère
thyroïdienne inférieure disséquée.
Le nerf laryngé récurrent est retrouvé puis disséqué depuis son origine du nerf
vague sous l’artère subclavière (disséquée dans sa portion exposable) jusqu’à son
entrée dans le larynx. Ses branches collatérales sont disséquées. Ses rapports avec
l’artère thyroïdienne inférieure sont observés.
Des clips métalliques sont alors placés sur le nerf, à sa naissance du nerf
vague et à son entrée dans le larynx, pour permettre d’évaluer sur une radiographie
standard le niveau vertébral de ces deux points. Le sujet est alors refermé, congelé
et coupé au niveau du thorax pour être plus facilement transportable. Une
radiographie standard du cou de face est alors réalisée.
Le second sujet (tronc, formolé, sexe masculin) est congelé. Des coupes
transversales régulières du cou sont alors réalisées, puis nettoyées et frottées à
l’alcool. Deux objectifs ont mené à la réalisation de ces coupes : d’une part observer
les rapports du nerf laryngé récurrent à droite et à gauche ; d’autre part mesurer sa
distance par rapport à l’angle œso-trachéal au niveau de C7 toujours des deux cotés.
Cependant cette seconde partie n’a pu être réalisée en raison de la difficulté à isoler
le nerf, à droite comme à gauche.
Le but de la troisième dissection est d’étudier les répercussions de la traction
des viscères par les écarteurs de Cloward sur le trajet du nerf laryngé récurrent droit.
Un sujet frais de sexe féminin est utilisé dans cette perspective.
Le sujet est installé en décubitus dorsal, l’abord est celui de la chirurgie du
rachis cervical inférieur, à droite.
Une incision cutanée est faite le long du bord ventral du sterno-cléidomastoïdien, du bord ventral de la mastoïde au manubrium sternal. Le platysma est
27
alors décollé aux ciseaux du fascia cervical superficiel. Celui-ci est incisé
longitudinalement sur la longueur de la voie d’abord. Une dissection douce au doigt
permet alors d’effondrer le fascia cervical moyen et de prendre contact avec la face
ventrale du rachis.
Les éléments du paquet vasculo-nerveux du cou sont repérés et disséqués.
La thyroïde est exposée. Elle est hypertrophiée et un nodule sans doute tumoral est
observé.
Des écarteurs sont mis en place en refoulant médialement l’axe aérodigestif,
la thyroïde et les muscles infra-hyoïdiens et en réclinant latéralement le paquet
jugulo-carotidien. Le muscle omo-hyoïdien et l’artère thyroïdienne inférieure sont
alors disséqués et sectionnés.
Le nerf laryngé récurrent est repéré et disséqué sur sa portion exposable
jusqu’à son entrée dans le larynx.
Avec un fil de suture bleu 5.0, deux points de repère espacés de 11 mm sont
placés sur le nerf afin de mesurer son étirement. Des écarteurs de Cloward sont
alors placés entre les deux muscles longs du cou pour exposer la face ventrale du
rachis au niveau de C5. L’écartement entre les deux valves nécessaire pour une
bonne exposition ainsi que la distance entre les deux points de repère sur le nerf
sont mesurés avec une bande de papier millimétré large de 1 mm. Les écarteurs
sont alors placés au niveau de C7. Le nerf n’étant plus atteignable derrière la valve
gauche des écarteurs, un écartement similaire est simulé à l’aide de deux pinces et
la distance entre les deux points de repère sur le nerf est mesurée.
Une dernière dissection est enfin réalisée sur un quatrième sujet, frais de sexe
féminin. Celle-ci est complémentaire de la première dissection : elle permet d’obtenir
des images sur sujet frais, des images manquantes lors de la première dissection et
enfin un rapide abord à gauche dans un but de comparaison.
L’abord réalisé à droite est le même que lors de la première fois. Afin de
mieux voir l’anse du nerf laryngé récurrent sous l’artère subclavière, le tronc artériel
brachio-céphalique est ligaturé et sectionné juste avant la naissance de l’artère
carotide commune. Des clips métalliques sont à nouveau posés sur le nerf laryngé
récurrent, à son origine sous l’artère subclavière et à son entrée dans le larynx, dans
le même but.
A gauche, un abord similaire est réalisé. Dans le but d’atteindre la crosse du
récurrent sous l’aorte et pour éviter des superpositions indésirables lors de la
radiographie, le manubrium sternal doit être enlevé. Pour cela, les couches cutanée
et musculaire à ce niveau sont réclinées. Les clavicules étant déjà luxées, la même
opération est effectuée pour les deux premières côtes de chaque coté. Le
manubrium sternal est alors scié et enlevé, permettant la dissection du nerf vague
d’une part et du nerf laryngé récurrent de l’autre jusqu’à leur jonction à la face
ventrale de l’aorte. De la même façon que du coté droit, des clips métalliques sont
placés à l’origine du nerf et à son entrée dans le larynx.
Le sujet est alors refermé, les quatre membres sont coupés pour faciliter le
transport et une radiographie standard du cou de face est réalisée.
28
Résultats
Anatomie comparée du nerf laryngé récurrent à droite et à gauche
•
Origine
A droite (photo n°1), le nerf laryngé récurrent naît du nerf vague sous l’artère
subclavière droite, à la partie le plus médiale de celle-ci juste au niveau de sa
naissance du tronc artériel brachio-céphalique. Cela correspond au niveau vertébral
T3-T4 (cf photos n°13 et 14). Sur ce sujet, le nerf ne semble pas réellement décrire
une anse sous l’artère mais paraît plutôt garder un trajet rectiligne après sa
naissance du nerf vague qui, lui, plonge légèrement médialement dans le médiastin.
Cependant une anse était visible sur le sujet formolé. Le nerf laryngé récurrent est à
ce niveau assez profond puis il monte dans le larynx selon une direction oblique en
haut, à gauche et légèrement en avant.
A gauche (photo n°2), le nerf laryngé récurrent naît du nerf vague au niveau
de la face ventrale de la crosse aortique entre la projection de la naissance de
l’artère carotide commune gauche médialement et de celle de l’artère subclavière
gauche latéralement. Cela correspond au niveau vertébral T5 (cf photo n°14). Il
décrit alors une véritable crosse à concavité supérieure en passant sous le ligament
artériel puis le long de la face dorsale de la crosse aortique. Cette courbe le plaçant
dans une position médiale par rapport à sa naissance, son trajet vers le larynx n’a
une direction que très légèrement médiale, mais reste crâniale et légèrement
ventrale.
•
Trajet et rapports
A droite (photo n°3), le nerf laryngé récurrent est légèrement latéral et surtout
ventral par rapport à l’angle œso-trachéal. Ses rapports sont ici, outre la trachée
médialement et l’œsophage dorsalement, les nœuds lymphatiques de la chaîne
jugulaire interne latéralement, l’artère carotide commune plus latéralement, l’artère
thyroïdienne inférieure, le lobe droit de la glande thyroïde ventralement.
Les rapports entre le nerf laryngé récurrent droit et l’artère thyroïdienne
inférieure sont la source de fréquentes variations et l’on a la chance ici d’en voir trois
modalités sur les photos n°5, 6 et 7. En effet, alors que le nerf passe ventralement
par rapport à l’artère sur le sujet formolé, il passe dorsalement sur un des sujets frais
et entre ses branches sur l’autre.
A gauche (photo n°4), le nerf laryngé récurrent chemine plaqué dans l’angle
œso-trachéal (bien que sur la photo il en soit séparé par la pince). Ses rapports sont
alors la trachée médialement, l’œsophage dorsalement, les nœuds de la chaîne
récurrentielle latéralement, l’artère carotide commune plus latéralement, l’artère
thyroïdienne inférieure ventralement ici, le lobe gauche de la glande thyroïde
ventralement.
13
•
Entrée dans le larynx
A droite (photo n°8), le nerf laryngé récurrent entre dans le larynx après avoir
croisé l’artère thyroïdienne inférieure et s’être glissé entre la glande thyroïde
latéralement et la trachée médialement. On retrouve sur les différentes dissections
qu’il se divise en plusieurs rameaux, trois sur cette photo, avant son entrée dans le
larynx. Cette entrée se situe au niveau vertébral C7 (cf photos n°13 et 14).
On retrouve les mêmes résultats à gauche (photo n°9). De la même façon, le
nerf se divise en plusieurs rameaux et, après avoir croisé l’artère thyroïdienne
inférieure et être passé entre thyroïde et trachée, il entre dans le larynx ; au niveau
vertébral C7.
•
Branches collatérales
A droite (photo n°10), il a été retrouvé sur les différentes dissections que le
nerf laryngé récurrent donne de nombreuses branches collatérales, en particulier
pour l’œsophage ici mais aussi pour la trachée, sur toute la longueur de son trajet.
On retrouve le même phénomène à gauche (photo n°11), le nerf laryngé
récurrent donnant également des rameaux cardiaques, quoique que ce ne soit pas
visible sur la photo.
•
Rapports sur une coupe transversale en C7
Cette coupe (photo n°12) n’est pas symétrique, le sujet ayant été congelé
dans une position non symétrique. De plus la photo ne couvre pas un champ
suffisamment étendu. On peut cependant observer les rapports directs des nerfs
laryngés récurrents droit et gauche, ces derniers n’étant malheureusement pas
identifiables avec certitude. Ainsi, à ce niveau, on retrouve à droite comme à gauche,
la trachée médialement, l’œsophage dorsalement, le lobe droit ou gauche
respectivement de la thyroïde latéralement.
•
Trajet sur radiographie standard
La photo n°13 correspond à la radiographie du premier sujet, formolé, les
points de repères ayant été placés sur le nerf laryngé récurrent à droite uniquement.
Bien que sur cette radio le rachis cervical ne soit pas réellement de face, on voit
nettement le niveau vertébral des points de repère. Ainsi, pour ce sujet, le nerf
laryngé récurrent droit naît du nerf vague au niveau de T3 et entre dans le larynx au
niveau de C7. Sa longueur entre ces deux points, mesurée sur la radio, est de 55
mm, ce qui doit quasiment correspondre à la distance réelle, le nerf n’étant que
légèrement oblique d’arrière en avant dans un plan sagittal.
14
La photo n°14 correspond à la radiographie du quatrième sujet, frais. Cette
radio n’étant pas d’une qualité exceptionnelle, plusieurs détails doivent d’abord être
éclaircis.
Rappelons que sur ce sujet, des points de repère ont été placés sur le nerf à
droite et à gauche. Pour cela, les clavicules et les deux premières côtes de chaque
côté ont été luxées et le manubrium sternal enlevé. On remarque que malgré une
attention particulière à remettre les différents éléments en place avant de refermer, la
trachée est décalée sur la droite. Le rachis cervical est en légère extension. Enfin,
l’opacité rectiligne située à la partie supérieure de T6 est un artéfact, le point de
repère étant situé légèrement plus haut, à gauche.
On peut alors observer que le nerf laryngé récurrent droit naît ici au niveau T3T4 et entre dans le larynx au niveau de C7. A gauche, ces niveaux sont
respectivement T5 et C7.
Les longueurs entre ces deux points à droite et à gauche, mesurées sur la
radio, sont respectivement de 59 mm et 112 mm.
Suite au déplacement visible de certains éléments du à la dissection, l’angle
que fait le trajet du nerf avec le plan sagittal ne reflète sans doute pas précisément la
réalité, c’est pourquoi il n’a pas été mesuré. On observe cependant qu’il semble plus
important à droite.
15
•
Origine
photo n°1
gauche
haut
glande thyroïde
trachée
n. laryngé récurrent droit
tronc artériel brachio-céphalique
ligaturé
n. vague
tronc veineux brachio-céphalique
ar. subclavière
ar. carotide commune
v. jugulaire interne
photo n°2
gauche
haut
tête de la clavicule luxée
naissance du n. laryngé récurrent
gauche
nerf vague
tronc veineux brachio-céphalique
aorte
ar. carotide commune
n. laryngé récurrent gauche
trachée
16
•
Trajet et rapports
photo n°3
gauche
haut
peau
m. infra-hyoïdiens réclinés
isthme de la glande thyroïde
trachée
ar. thyroïdienne inférieure
lobe droit de la thyroïde
n. laryngé récurrent droit
nœud lymphatique
ar. carotide commune
tronc veineux brachio-céphalique
nerf vague
v. jugulaire interne
photo n°4
droite
glande thyroïde soulevée
bas
trachée
n. laryngé récurrent gauche
ar. thyroïdienne inférieure
œsophage
ar. carotide commune
n. vague
17
•
Rapport avec l’artère thyroïdienne inférieure à droite
photo n°5
gauche
haut
photo n°6
gauche
haut
photo n°7
gauche
haut
18
•
Entrée dans la larynx
photo n°8
gauche
haut
lobe droit de la thyroïde soulevé
trachée
ar. thyroïdienne inf.
oesophage
n. laryngé récurrent droit
ar. carotide commune
photo n°9
droite
lobe gauche de la thyroïde soulevé
bas
trachée
n. laryngé récurrent gauche
ar. thyroïdienne inférieure
œsophage
19
•
Branches collatérales
photo n°10
gauche
haut
glande thyroïde
trachée
ar. thyroïdienne inférieure
œsophage
branches collatérales pour l’
oesophage
n. laryngé récurrent droit
ar. carotide commune
photo n°11
droite
glande thyroïde
trachée
n. laryngé récurrent gauche
bas
œsophage
branches collatérales
n. vague
ar. carotide commune
20
•
Rapports sur une coupe transversale en C7
photo n°12
avant
droite
m. sterno-thyroïdien
m. sterno-cléido-hyoïdien
v. jugulaire interne
lobe gauche de la thyroïde
lobe droit de la thyroïde
cartilage trachéal
ar. carotide commune
muscle trachéal
oesophage
21
•
Trajet sur radiographie standard
photo n°13
haut
droite
22
photo n°14
haut
droite
23
Répercussions de la traction des viscères par les écarteurs de Cloward sur le
trajet du nerf laryngé récurrent droit
Le sujet est abordé selon l’approche antérieure du rachis cervical inférieur
(photo n°15). La voie est pré-sterno-cléido-mastoïdienne, on voit ainsi ce muscle sur
le bord latéral de l’ouverture. Les différents éléments rencontrés sont disséqués dans
un souci de clarté : artère carotide commune, veine jugulaire interne, branche du
plexus cervical, artère thyroïdienne inférieure, nerf laryngé récurrent. On aperçoit
ainsi celui-ci du coté médial de l’incision, ce qui n’est pas le cas en réalité.
Les points de repère (fil de suture bleu 5.0) sont mis en place sur le nerf
(photo n°16). Une bande de papier millimétré, large de 1 mm et dont les marques
espacées de 10 mm ont été surlignées, est disposée à coté du nerf. On observe ainsi
que les points de repère sur le nerf non étiré sont espacés de 11 mm. Sur la photo, la
pince refoule la thyroïde hypertrophiée.
Les écarteurs de Cloward sont alors mis en place au niveau des muscles
longs du cou pour exposer C5 (photo n°17). Une seconde bande de papier millimétré
est disposée entre les deux valves pour mesurer l’écartement nécessaire à une
bonne exposition du rachis. Cette distance est ici de 30 mm. La première bande de
papier millimétré, placée le long du nerf, montre que les points de repère sont
toujours espacés de 11 mm.
Lors de la mise en place des écarteurs de Cloward en C5, le nerf laryngé
récurrent n’est donc pas étiré chez ce sujet.
Ces écarteurs sont ensuite disposés de façon à exposer C7 (photo n°18).
Cependant, le nerf étant caché par la valve gauche des écarteurs, on ne peut
observer son éventuel étirement. C’est pourquoi celui-ci est simulé à l’aide de deux
pinces disposées de manière similaire à la valve gauche des écarteurs, prenant
appui sur le muscle long du cou (photo n°19). On observe que la distance entre les
deux points de repères sur le nerf est alors de 11,5 mm.
Lors de la mise en place des écarteurs de Cloward en C7, le nerf laryngé
récurrent est donc étiré de 4,5 % chez ce sujet.
24
•
Abord antérieur droit du rachis cervical inférieur
photo n°15
peau
gauche
haut
glande thyroïde
hypertrophiée
n. laryngé récurrent
ar. thyroïdienne inf.
ar. carotide commune
v. jugulaire interne
branche du plexus cervical
m. sterno-cléidomastoïdien
•
Mise en place des points de repère sur le nerf
photo n°16
gauche
haut
glande thyroïde
hypertrophiée
n. laryngé récurrent
papier millimétré
ar. carotide commune
25
•
Mise en place des écarteurs pour exposer C5
photo n°17
gauche
haut
valve des écarteurs de
Cloward
glande thyroïde
n. laryngé récurrent droit
vertèbre C5
m. long du cou
ar. carotide commune
26
•
Mise en place des écarteurs pour exposer C7
photo n°18
gauche
haut
vertèbre C7
photo n°19
gauche
haut
thyroïde hypertrophiée
vertèbre C7
27
Discussion
Lors de l’abord chirurgical antérieur du rachis cervical, différentes
complications sont envisageables, en particulier : syndrome de Claude Bernard
Horner suite à une atteinte du sympathique, perforation de l’œsophage, atteinte de
l’artère vertébrale, atteinte d’une racine cervicale, atteinte du nerf accessoire ; mais
la plus fréquente reste la paralysie des cordes vocales due à l’atteinte du nerf
laryngé récurrent.
Des études ont montré l’incidence relativement élevée de cette complication :
Cloward [4] en 1962 a rapporté une incidence de 8 à 10 % d’enrouement temporaire
et 2 % de réelle paralysie des cordes vocales, qui se résolvaient en 1 à 6 semaines.
Heeneman [8] a publié une étude sur 85 patients dont 11 % présentaient des
changements de voix postopératoires, permanents pour 3,5 %. Deux larges séries (
Flynn [7] en 1982 ; Zeidman et al [24] en 1997) ont estimé le taux de paralysie
permanente entre 0,15 et 0,2 %.
Elles ont également montré une incidence plus importante dans l’abord du
côté droit. Netterville et al [17] ont rapporté que sur 16 patients présentant une
paralysie des cordes vocales après une fusion des vertèbres cervicales, 15 (94 %)
sont apparues après un abord du côté droit.
Cette incidence plus élevée à droite peut être expliquée par différentes
raisons.
Avant tout, il est vrai que la majorité des chirurgiens, droitiers, opèrent
préférentiellement à droite. Cependant cela ne suffit pas pour expliquer une telle
différence d’incidence.
L’anatomie entre alors en cause. D’abord, comme l’explique l’embryologie et
comme on peut le voir ici, le nerf laryngé récurrent naît à un niveau supérieur à droite
qu’à gauche (T3 et T5 respectivement), son trajet pour rejoindre le larynx est alors
plus court à droite (59 mm contre 112 à gauche), ce qui lui laisse moins de place
pour rejoindre l’angle œso-trachéal où il est plus protégé. Deux données, sa distance
par rapport à l’angle œso-trachéal sur une coupe transversale en C7 et son angle
avec le plan sagittal, expliquent cette notion. Elles n’ont pas pu être calculées
précisément ici mais on peut les retrouver dans la littérature. Ainsi, Ebraheim et al [6]
ont montré qu’à gauche, le nerf est situé précisément dans l’angle œso-trachéal,
tandis qu’à droite, il est latéral de 7,3 ± 0,8 mm et antérieur de 6,5 ± 1,2 mm par
rapport à cet angle. Ils ont également trouvé un angle entre le trajet du nerf et le plan
sagittal de 25,0 ± 4,7 degrés à droite contre 4,7 ± 3,7 à gauche. Lu et al [15]
retrouvent les mêmes chiffres.
Ceci montre donc que le nerf est plus exposé à droite. De plus, grâce à ces
données, la géométrie peut expliquer pourquoi l’étirement est plus sensible à droite.
C’est ce qu’ont montré Netterville et al [17].
28
F est le point de fixation du nerf dans le
thorax (sa naissance du nerf vague).
L1 est le point de fixation du nerf dans le larynx.
n1 représente la longueur du nerf entre ces deux
points.
Pour exposer les corps vertébraux, le larynx est déplacé transversalement par
les écarteurs. Ceci déplace le point de fixation physiologique du nerf dans le larynx
L1 à une seconde position L2. Le nerf est donc étiré à une nouvelle longueur n2.
n1/n2 correspond à l’étirement proportionnel du nerf.
D’après le théorème de Pythagore : n1/n2 = √(1+ (2ax+a²)/(x²+y²)) et par
définition le pourcentage d’étirement égale 100(n2/n1-1).
L’étude de ces formules montre que plus y augmente, plus n1/n2 tend vers 1,
ce qui correspond à 0% d’étirement.
Or on voit ici que y est nettement plus important à gauche qu’à droite ( sur la
radio : 110 mm à gauche pour 52 mm à droite), ce qui prouve que pour un
écartement égal du larynx, le nerf est beaucoup plus étiré à droite. De même, plus
les écarteurs sont posés bas sur le rachis cervical, plus y diminue, donc plus
l’étirement est important. C’est ce qui a été retrouvé expérimentalement ( cf plus
loin).
On comprend ainsi l’incidence plus importante de cette atteinte à droite, reste
à présent à expliquer son mécanisme.
On a vu qu’avec un espacement des valves suffisant pour exposer les corps
vertébraux (30 mm), le nerf n’était pas étiré pour C5 mais l’était pour C7. Ces
résultats sont bien sûr insuffisants pour tirer des conclusions, mais on retrouve des
données similaires dans la littérature. Weisberg et al [23] ont mené une étude
semblable et complémentaire sur 10 cadavres. Ils ont trouvé à droite, en C4 un
étirement significatif dans 30 % des cas et en C7 des étirements de 12 et 24 % avec
des écartements de 30 et 40 mm respectivement. A gauche, il n’ont pas trouvé
d’étirement du nerf.
Des études ont évalué les fonctions électrophysiologiques, l’intégrité
structurale et les flux vasculaires des nerfs périphériques en fonction de leur
étirement. Ainsi, Wall et al [22] ont étudié l’étirement du nerf tibial sur 24 lapins. A 6
% d’étirement, au bout d’1 heure, l’amplitude des potentiels d’action diminue de 70 %
29
mais retourne à la normale après une période de récupération. A 12 % d’étirement, la
conduction est complètement bloquée à 1 heure et sa récupération est limitée. Ogata
et al [18] ont étudié le nerf sciatique du lapin et ont montré un arrêt complet du flux
sanguin à 16 % d’étirement. Dans l’ensemble, ces études rapportent des dommages
significatifs à 15 % d’étirement chez des modèles humains et animaux variés, et
montrent qu’aucune altération à 8 % d’étirement n’est totalement réversible.
Lors de l’abord antérieur du rachis cervical, l’étirement du nerf laryngé
récurrent est donc un mécanisme démontré expliquant les paralysies des cordes
vocales, parfois permanentes, souvent transitoires, compliquant cette intervention.
D’autres mécanismes sont proposés.
Tout d’abord un traumatisme chirurgical direct, mais ceci est peu probable,
l’approche restant relativement latérale par rapport à la trachée, l’œsophage et le
nerf laryngé récurrent.
Comme on l’a vu précédemment, le nerf laryngé récurrent à des rapports
importants mais variés avec l’artère thyroïdienne inférieure. Il peut passer en avant,
en arrière ou entre ses branches. Les chiffres concernant ces rapports étant tout
autant variés dans la littérature, ils ne seront pas cités ici. Comme on l’a montré
également, l’angle que fait le nerf avec le plan sagittal à droite est nettement
supérieur à celui de gauche. Le rapport entre le nerf et l’artère est donc plus latéral à
droite. C’est pourquoi, en cas de ligature de l’artère thyroïdienne inférieure à droite,
le risque d’atteinte du nerf est plus élevé et celle-ci doit se faire le plus latéralement
possible pour augmenter la distance avec le nerf et minimiser ainsi le risque
d’atteinte.
Ensuite le nerf laryngé inférieur peut ne pas être récurrent du coté droit (1 %
des patients) ou l’artère thyroïdienne inférieure peut être absente. Le nerf naît alors
du nerf vague mais passe directement dans le larynx. Il est vulnérable quand des
veines sont clampées latéralement par rapport aux structures médianes. Un nerf
laryngé non récurrent à gauche est rare. Si un nerf laryngé inférieur non récurrent est
identifié à droite mais qu’il ne peut être rétracté, il est conseillé de fermer l’incision et
de refaire un abord à gauche.
Enfin, un autre mécanisme implique l’intubation endotrachéale. Tew et
Mayfield [21] affirment qu’une pression prolongée sur le nerf peut entraîner une
paralysie des cordes vocales, des études antérieures ayant montré qu’une pression
prolongée diminue le flux capillaire, augmentant ainsi le risque d’altération du nerf.
Apfelbaum et al [1] montrent alors que les sources de pression durant cette approche
sont les écarteurs et/ou le tube endotrachéal. La conclusion de leur étude
rétrospective est la suivante : lors de la mise en place des écarteurs, le nerf est
comprimé contre le tube endotrachéal ce qui entraîne une cause significative de
paralysie vocale. Ils préconisent alors de diminuer la pression du tube après la mise
en place des écarteurs puis de ré augmenter à la pression nécessaire et trouvent
que cette technique diminue significativement le taux de paralysie du nerf. Ce
mécanisme semble donc être une autre cause de paralysie vocale, cependant il est
insuffisant pour expliquer l’incidence plus élevée à droite.
Dans la littérature, on retrouve
recommandé pour l’approche. Bulger et
expliquant que le nerf est alors protégé
cependant qu’un nerf non récurrent peut
une grande diversité quant au coté
al [3] proposent une approche à droite,
au dessous de la thyroïde. Ils précisent
être un risque. Kelley et Whitecloud [10]
30
affirment que si l’approche à droite comporte un risque pour le nerf laryngé récurrent,
l’approche à gauche en comporte un pour le conduit thoracique. Ils proposent donc
de choisir le coté le plus confortable. Hoppenfield et deBoer [9] pensent qu’une
approche à gauche doit être préférée en raison de la possibilité d’un nerf non
récurrent à droite.
Cependant les résultats présents, en accord avec différents auteurs, montrent
que lorsque le choix du coté de l’abord n’est pas dicté par les lésions (artère
vertébrale ou articulations uncovertébrales), cas le plus courant, il est préférable, en
dessous de C5, d’opérer le rachis cervical par un abord à gauche. Le nerf est en
effet moins exposé qu’à droite et de par son trajet moins sensible à l’étirement. De
plus, d’autres risques, quoique plus rares, renforcent cette position : la présence d’un
nerf laryngé inférieur non récurrent est plus fréquente à droite, le rapport avec l’artère
thyroïdienne inférieure est plus latéral à droite.
Globalement, l’abord préférentiel du rachis cervical sera donc à gauche en
traumatologie et controlatéral à la douleur en cas de névralgies cervico-brachiales
pour mieux discerner la racine. Les constatations présentes incitent cependant à
préférer la voie gauche pour l’abord du rachis cervical inférieur de C6 à T1.
31
Conclusion
Lors de l’abord antérieur du rachis cervical, la complication la plus fréquente
est l’atteinte du nerf laryngé récurrent et son incidence est plus élevée à droite. Ceci
s’explique par l’anatomie des nerfs laryngés récurrents, le droit étant plus exposé
que le gauche, et de par son trajet plus sensible à l’étirement. Le mécanisme
principal de cette atteinte semble être l’étirement du nerf lors de la mise en place des
écarteurs de Cloward pour exposer le rachis, ce mécanisme étant valable en
dessous de C5. Il est donc préférable, lors de l’abord du rachis cervical inférieur de
C6 à T1, en traumatologie comme en neurochirurgie, de choisir le coté gauche.
32
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34
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