ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2010 - Thèse n° LES MALADIES TRANSMISSIBLES DU LAPIN DE GARENNE (Oryctolagus cuniculus) EN LIBERTE THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 19 mars 2010 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par CORDIER Muriel, Catherine Née le 19 mars 1985 à Belfort (90) ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2010 - Thèse n° LES MALADIES TRANSMISSIBLES DU LAPIN DE GARENNE (Oryctolagus cuniculus) EN LIBERTE THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 19 mars 2010 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par CORDIER Muriel, Catherine née le 19 mars 1985 à Belfort (90) 2 3 4 Remerciements A Monsieur le Professeur Michel Berland, De la faculté de Médecine de Lyon, Pour m’avoir fait l’honneur d’accepter la présidence de ce jury de thèse Avec l’expression de mon plus profond respect, et de mes plus sincères remerciements A Monsieur le Professeur Marc Artois, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Qui m'a proposé ce sujet de thèse, et m'a encadrée tout au long de ce travail Pour sa confiance et le temps qu’il a bien voulu me consacrer, Qu’il trouve ici le témoignage de ma reconnaissance et de mon respect le plus sincère A Madame le Docteur Marie-Anne Arcangioli, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Pour avoir accepter de juger ce travail et de faire partie de ce jury de thèse. Sincères remerciements. 5 A mes parents, Pour avoir toujours cru en moi et m’avoir permis d’arriver jusqu’ici Pour m’avoir soutenue et supportée pendant les moments difficiles Je ne vous remercierai jamais assez A Anne-Claire et Jean-Nicolas, Sciences-Po, Véto et Nintendo, un sacré trio ! J’espère qu’on restera complices pendant encore de longues années… A mes grands-parents, Merci pour toute l’affection que vous me portez Et merci d’être venus aujourd’hui J’espère que vous êtes fiers de moi ! A Simon, mon neveu préféré, Pour tes sourires qui me font oublier tous mes soucis A Ramsès, sans qui je serais sans doute devenue prof de maths A Morgane, Qui m'as appris tellement de choses sur l'amour et sur l'amitié ; merci d’être toujours là pour moi A Grisou, mon génialissime coloc’ Merci pour ces 5 années de vie commune, pour ta gentillesse, ton humour, tes bons « petits » plats, les soirées nanars, le vin chaud pollionnois, plus belle la vie… et pour les fois où tu m’as enfermée dehors ! Tu vas me manquer ! A Roxane, organisatrice de pré-soirées en D-126 Pour les TD de machines thermiques, les montages au club vidéo, les fins de boums bien arrosées, les premières gardes à Bron, le rugby… j’ai toujours pu compter sur toi à 100% ! A Julie, qui n’aime pas les petites olives, Mon acolyte de clinique : c’est toi qui m’as appris à faire un nœud de chirurgien ! A Christèle, tireuse d’élite A toutes nos heures de repro, nos matchs de hand, et nos apéros au Martini. T’inquiètes, tu vaux bien plus qu’un pichet de vin ;-) A Aurélie, ma petite-petite-petite cousine, C’est pas grave si tu chantes faux en Franche-Comté, là-bas il pleut déjà tout le temps ! A Gaëlle, hyène exilée chez les caribous, N’oublie pas de revenir, tabernacle ! Sinon, qui ira secouer les distributeurs de boisson aux urgences ? A Toupti, mycologue, Qui est bien plus douée avec un stéthoscope, qu’avec une ampoule à décanter ;-) A Fanny, réparatrice de photocopieuses, Merci pour tous les fous rires en pré- et post-boums, et pour ton joli sourire ! 6 A Clément et Thiébaut, puisque je ne peux pas choisir, je vous épouserai tous les deux ! A Baku et Choue, chanteuses a cappella… A tous les autres NMP, sans qui la vie à l’ENVL aurait été beaucoup moins drôle ! A Jérémie, futur papa, Parce qu’on est pareils tous les deux : beaux, riches, intelligents, drôles… et très compliqués ! A Panpan, vétérinaire en Kangoo, Une oreille de lapin toujours disponible pour écouter mes petits malheurs… Merci pour les douches quand la chaudière était en panne, et pour les pauses pipi en boum ! A Alex, maître en sudoku, A toutes les petites pauses dragibus à la Kfet, et à notre mémorable après-midi de neuro au karting ! A Sarah, ostéopapatte, Merci pour ton dynamisme, et pour ta bonne humeur ^^ A Anne, Coralie, Rachel et Steph’, mes co-cliniqueuses en minijupes ☺ A Lolo, le meilleur des anciens, Qui a pris le temps d’apprendre à me connaître quand j’étais une poulotte un peu sauvage…et qui est toujours là, 5 ans après ! A Amicie, ma fofolle de poulotte, Qui a essayé le rugby pour me faire plaisir ; c’est pas grave si tu préfères le poney ! Profites bien de l’école, et ne fais pas trop de bêtises en clinique… A Félicie, vieille ancienne toi-même, Tu m’auras fait aimer les NAC, même si ça mord et ça pue ! A Marix, insulinothérapeute, A notre grande aventure du LOU, nos inter-écoles aux urgences, et nos looooongues heures de gardes au CNITV et à Bron. Merci de rire à mes blagues et de m’en raconter des pires ! « Qu’est ce qui est transparent et qui sent la carotte? … Un pet de lapin » A Sophie, partenaire des 3ème mi-temps, J’espère pouvoir jouer aussi les 2 premières avec toi un jour ! A toutes les rug'biquettes du passé, du présent et du futur ! A Marlène, ma belle au bois dormant… 7 8 TABLE DES MATIERES Table des matières……………………………………………………….…………….9 Table des illustrations…………………………………………………………….…14 Liste des abréviations…………………………………………………….…………15 Introduction………………………………………………………………………….…..17 Eléments de biologie et de gestion du lapin de garenne ……….19 Identification…………………………………………………………………………………………….…19 Alimentation……………………………………………………………………………………..…………19 Reproduction……………………………………………………………………………………………….20 Habitat……………………………………………………………………………………………………….…20 Chasse…………………………………………………………………………………………………….……20 Gestion de l’espèce et repeuplements……………..……………………..…………………21 I. LES MALADIES VIRALES ......................................................... 23 A. Les herpèsviroses ...................................................................................... 23 1. Infection par Herpesvirus cuniculi .................................................................23 2. Infection par Herpesvirus sylvilagus ..............................................................23 3. Infection par Herpes simplex virus................................................................23 4. Infection par un nouvel herpesvirus ..............................................................24 B. La rage....................................................................................................... 24 C. Entérite à coronavirus................................................................................ 24 D. La calicivirose hémorragique des lapins (Viral Haemorrhagic Disease) ..... 25 Définition et historique de la maladie ............................................................25 Signes cliniques..........................................................................................25 a) Forme suraiguë.......................................................................................25 b) Forme aiguë ...........................................................................................26 c) Forme subaiguë ......................................................................................26 3. Lésions......................................................................................................26 4. Pathogénie ................................................................................................27 5. Réponse immune........................................................................................27 6. Epidémiologie ............................................................................................28 a) Population atteinte ..................................................................................28 (1) Espèce cible ........................................................................................28 (2) Réceptivité – sensibilité ........................................................................28 b) Sources de virus .....................................................................................29 c) Modes de transmission.............................................................................29 d) Evolution dans le temps et dans l’espace....................................................29 7. Diagnostic .................................................................................................30 8. Lutte contre la maladie................................................................................30 9. Infections par des calicivirus apparentés au RHDV ..........................................31 a) Caractéristiques des calicivirus apparentés au RHDV....................................31 b) Epidémiologie .........................................................................................32 1. 2. 9 E. 1. 2. F. G. Papillomaviroses........................................................................................ 32 La papillomatose de Shope ..........................................................................32 La papillomatose orale ................................................................................32 La parvovirose ........................................................................................... 33 La myxomatose.......................................................................................... 33 Définition et historique de la maladie ............................................................33 Variabilité de la virulence ............................................................................33 Signes cliniques..........................................................................................34 a) Forme aiguë ...........................................................................................34 b) Forme subaiguë ......................................................................................35 c) Forme atténuée ......................................................................................36 d) Myxomatose amyxomateuse.....................................................................36 4. Lésions......................................................................................................36 5. Pathogénie ................................................................................................37 6. Réponse immune........................................................................................37 a) Mise en place de la réponse immune .........................................................37 b) Cinétique des anticorps ............................................................................37 c) Immunité maternelle passive....................................................................38 7. Epidémiologie ............................................................................................38 a) Sources de virus .....................................................................................38 b) Persistance.............................................................................................38 c) Modes de transmission.............................................................................39 (1) La transmission directe et indirecte ........................................................39 (2) La transmission vectorielle ....................................................................39 (3) Influence de la transmission par les moustiques sur la virulence des souches 40 d) Cycle épidémiologique .............................................................................40 8. Lutte contre la maladie................................................................................41 a) Mesures sanitaires...................................................................................41 b) Vaccination.............................................................................................41 (1) Vaccination par fibromatisation..............................................................42 (2) Vaccination par le virus modifié SG33.....................................................42 c) Vaccination des lapins avant le lâcher ........................................................42 9. Impacts actuels de la myxomatose en France ................................................44 1. 2. 3. H. 1. 2. I. Autres poxviroses ...................................................................................... 45 La fibromatose ...........................................................................................45 La variole ..................................................................................................45 Entérite à rotavirus .................................................................................... 46 II. LES MALADIES BACTERIENNES .............................................. 49 A. 1. 2. Infections et maladies dues aux mycobactéries......................................... 49 La tuberculose ...........................................................................................49 La paratuberculose .....................................................................................49 B. La dermatophilose ..................................................................................... 50 C. La chlamydophilose ................................................................................... 50 D. La listériose ............................................................................................... 50 10 E. 1. 2. F. 1. 2. La staphylococcie....................................................................................... 50 Réceptivité ................................................................................................51 Signes cliniques..........................................................................................51 a) Forme suraiguë.......................................................................................51 b) Forme aiguë ...........................................................................................52 c) Formes chroniques ..................................................................................52 Infections et maladies dues aux clostridies ............................................... 52 La maladie de Tyzzer ..................................................................................52 Infection par Clostridium spiroforme .............................................................52 G. La nécrobacillose ....................................................................................... 53 H. La brucellose ............................................................................................. 53 I. La bordetellose .......................................................................................... 53 J. Les colibacilloses ....................................................................................... 54 K. La klebsiellose ........................................................................................... 54 L. La salmonellose ......................................................................................... 54 M. Les yersinioses .......................................................................................... 55 N. La coxiellose .............................................................................................. 55 O. La pasteurellose......................................................................................... 56 1. Réceptivité ................................................................................................56 a) Facteurs extrinsèques ..............................................................................56 b) Facteurs intrinsèques...............................................................................56 2. Signes cliniques..........................................................................................57 a) Forme respiratoire...................................................................................57 b) Forme septicémique ................................................................................57 c) Formes localisées ....................................................................................57 P. Infection par Pseudomonas ....................................................................... 58 Q. La tularémie............................................................................................... 58 R. La syphilis à tréponèmes ........................................................................... 59 S. La mycoplasmose....................................................................................... 59 III. LES MALADIES PARASITAIRES ............................................ 61 A. 1. 2. Maladies dues aux helminthes ................................................................... 61 Maladies dues aux trématodes .....................................................................61 Maladies dues aux cestodes .........................................................................61 a) Les téniasis ............................................................................................61 b) Les échinococcoses..................................................................................62 c) La coenurose ..........................................................................................62 d) La cysticercose .......................................................................................62 11 3. a) b) c) d) B. Maladies dues aux nématodes ......................................................................63 La trichurose ..........................................................................................63 L’oxyurose .............................................................................................63 Les strongyloses .....................................................................................63 Protostrongylose pulmonaire ....................................................................63 Maladies dues aux arthropodes ................................................................. 64 Maladies dues aux acariens..........................................................................64 a) Les tiques ..............................................................................................64 b) La thrombiculose.....................................................................................64 c) La gale des oreilles..................................................................................64 d) La cheyletiellose......................................................................................64 e) La dermatose due à Listrophorus gibbus ....................................................65 2. Maladies dues aux insectes hexapodes ..........................................................65 a) La phtiriose ............................................................................................65 b) Les myiases............................................................................................65 c) La pulicose .............................................................................................65 1. C. Maladies dues aux protozoaires ................................................................. 66 La giardiose ...............................................................................................66 Les coccidioses...........................................................................................66 a) Le cycle .................................................................................................66 b) Les différentes espèces ............................................................................67 c) Epidémiologie .........................................................................................68 d) Les formes cliniques ................................................................................69 (1) La coccidiose hépatique ........................................................................69 (2) Les coccidioses intestinales ...................................................................69 3. La cryptosporidiose.....................................................................................70 4. La toxoplasmose ........................................................................................70 5. L’encéphalitozoonose ..................................................................................71 1. 2. D. 1. 2. 3. 4. Mycoses ..................................................................................................... 71 Les teignes ................................................................................................71 La pneumocystose ......................................................................................71 La candidose..............................................................................................71 L’aspergillose .............................................................................................72 Discussion………………………………………………………………………….………75 Impact des différentes maladies dans les populations de lapin de garenne……………………………………...........…………………………………………………75 Les entérites d’adaptation……………………………….…………………………………….……75 Impact des différentes maladies lors d’un repeuplement………………………….77 Conclusion……………………………………………………………………………...…81 Bibliographie………………………………………………………………….……...…83 12 13 TABLE DES ILLUSTRATIONS Figures Figure 1 : Le lapin de garenne Oryctolagus cuniculus (Photographie Alex Jo)……....…19 Figure 2 : VHD: Hépatite nécrosante………………………………………………...…..26 Figure 3 : VHD: Poumon congestionné et splénomégalie…………………………..…...26 Figure 4 : Signes cliniques de myxomatose au début de l’épizootie en France………….35 Figure 5 : Cycle épidémiologique de la myxomatose………………………………..…..40 Figure 6 : Probabilité de survie des lapins capturés, en fonction de leur âge, leur statut vaccinal, leur poids, leur tendance à être capturé et de la saison….…...42 Figure 7 : Facteurs de réussite de la vaccination contre la myxomatose…………..…….43 Figure 8 : Modélisation de l’évolution de la myxomatose dans une population à forte densité………………………………………………………..….…….44 Figure 9 : Modélisation de l’évolution de la myxomatose dans une population à faible densité…………………………………………….……………...…...44 Figure 10 : Cycle des Eimeria……………………………………………………………..66 Figure 11 : Prévalence saisonnière des différentes espèces de coccidies chez les lapins juvéniles…………………………………………..………................…68 Figure 12 : Facteurs de dérèglement digestif lors d’un repeuplement…………………….76 Tableaux Tableau I : Vaccins contre la calicivirose hémorragique disponibles en France………….30 Tableau II : Critères de gradation de la virulence des souches de virus myxomateux…….34 Tableau III : Vaccins contre la myxomatose disponibles en France……………………......41 Tableau IV : Agents pathogènes recherchés et fréquence de leur identification sur les 141 cadavres de lapins…………………...……………………………..…51 Tableau V : Critères de reconnaissance des différentes Eimeria du lapin…………….…...67 Tableau VI : Prévalence des différentes espèces d’Eimeria chez les lapins domestiques adultes………………………………………………………..….69 Tableau VII : Virus du lapin : action pathogène et impact probable lors d’un repeuplement……………………………………………………….…………77 Tableau VIII : Bactéries du lapin : action pathogène et impact probable lors d’un repeuplement……………………………………………………………78 Tableau IX : Parasites du lapin : action pathogène et impact probable lors d’un repeuplement…………………………………………….…………..…..79 14 LISTE DES ABREVIATIONS AFSSA : agence française de sécurité sanitaire des aliments CIVD : coagulation intra-vasculaire disséminée cm : centimètre EBHS : european brown hare syndrome ELISA : enzyme-linked immunosorbent assay ECE : Escherichia coli entéropathogène Gram + : coloration de Gram positive ha : hectare IgA : immunoglobuline de type A IgG : immunoglobuline de type G IgM : immunoglobuline de type M ICSP: international committee on systematics of prokaryotes ICTV: international committee on taxonomy of virus kg : kilogramme LERRPAS : laboratoire d’études et de recherches sur la rage et la pathologie des animaux sauvages mm : millimètre OIE : organisation internationale des épizooties (organisation mondiale de la santé animale) ONCFS : office national de la chasse et de la faune sauvage RCV : rabbit calicivirus RHDV : rabbit haemorrhagic disease virus SG33 : mutant du virus de la myxomatose mis au point par Saurat et Gilbert, atténué par passage en séries sur cultures cellulaires et adapté à la température de 33°C VHD : viral haemorrhagic disease µm : micromètre WHO : world health organization °C : degré Celsius 15 16 INTRODUCTION Pour de nombreux chasseurs, la mauvaise santé globale des populations d’Oryctolagus cuniculus semble une évidence. Des enquêtes auprès des sociétés de chasse montrent une baisse importante des prélèvements cynégétiques au cours du dernier quart du vingtième siècle : en effet, les prélèvements sont passés de 13,5 millions de lapins en 1974/1975 à 6,4 millions en 1983/1984 puis 3,2 millions en 1998/1999 (MARCHANDEAU S. et al. 2000a). Il n’existe pas d’étude publiée récemment à l’échelle du pays, mais les constatations sur le terrain semblent aller dans le sens de cette régression (MARCHANDEAU S. et al. 2008). Cependant, cette tendance générale masque des situations très contrastées géographiquement, des cas de surabondance côtoyant parfois des cas de quasi-extinction. Ainsi, le lapin de garenne reste encore l’espèce la plus prélevée dans de nombreux départements français, notamment dans l’Ouest de la France (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). Le repeuplement, réalisé par capture de lapins puis relâcher dans un autre habitat, constitue un fréquent recours pour le renforcement de populations jugées trop faibles. Cependant, la transplantation des animaux s’accompagne également du transfert d’agents pathogènes dont ils peuvent être porteurs. De plus, le lapin étant un animal très sensible au stress, ces opérations sont souvent le théâtre d’une mortalité importante liée à l’émergence clinique d’agents pathogènes habituellement bien tolérés. Ainsi, le but de ce travail est de réaliser un inventaire des maladies transmissibles du lapin de garenne en France, afin de mieux anticiper les conséquences sanitaires de ces opérations de repeuplement. Nous étudierons tout d’abord les maladies virales, avec notamment la myxomatose et la calicivirose hémorragique, qui figurent parmi les causes largement invoquées par le monde de la chasse pour expliquer le déclin des populations (ONCFS page consultée le 10 février 2010). Puis nous nous intéresserons aux maladies bactériennes, et enfin au parasitisme du lapin de garenne, qui reste peu étudié en France malgré l’importance de certaines maladies comme les coccidioses. L’impact de ces maladies dans le cadre de repeuplements sera discuté en conclusion de ce travail. 17 18 ELEMENTS DE BIOLOGIE ET DE GESTION DU LAPIN DE GARENNE Le lapin de garenne, Oryctolagus cuniculus (Linné, 1758), appartient à l'ordre des Lagomorphes et à la famille des Léporidés. L'espèce est présente dans toute l'Europe occidentale et une partie de l'Europe centrale. Identification Le pelage est globalement brun foncé, excepté le ventre qui est gris clair. Le lapin de garenne pèse entre 1,1 et 1,5kg. Il n'y a pas de différence morphologique entre le mâle et la femelle. Plus petit que le lièvre, il s'en distingue par des pattes moins longues, une tête plus ronde et des oreilles plus courtes (moins de 8cm) qui n'ont pas les extrémités noires caractéristiques du lièvre. Il peut vivre jusqu'à huit ans. Figure 1 : Le lapin de garenne Oryctolagus cuniculus (Photographie Alex Jo) Alimentation Herbivore, le lapin de garenne se nourrit essentiellement de graminées et de nombreuses plantes herbacées. Opportuniste, il est capable de consommer également des végétaux ligneux comme les ronces, les ajoncs, les bruyères... (ONCFS page consultée le 10 février 2010). Lorsque les apports du milieu naturel ne sont pas suffisants, il peut occasionner des dégâts considérables aux cultures et plantations forestières. Le lapin de garenne présente une digestion particulière avec un comportement de caecotrophie. La première digestion produit des crottes molles, riches en protéines et vitamines synthétisées par la flore caecale. Ces caecotrophes sont ingérées par le lapin et leur digestion permet l’assimilation des nutriments d’origine bactérienne (BRUGERE-PICOUX 1995). 19 Reproduction L’espèce est organisée en groupes formés de plusieurs familles, au sein desquels les mâles et femelles dominants assurent la majorité de la reproduction. Celle-ci débute généralement en janvier et se termine entre la fin du printemps et l'automne. La gestation est de 30 jours, et les femelles produisent chaque année 15 à 25 jeunes en trois à cinq portées. Les lapereaux naissent nus et aveugles et deviennent autonomes dès l’âge d’un mois. Cette forte prolificité est compensée par une mortalité juvénile importante puisque seuls cinq à six jeunes parviennent à l’âge adulte du fait notamment de la destruction des nids par des travaux agricoles ou de fortes précipitations, et des prédateurs (petits carnivores, renard, chat, sanglier, rapaces...- ONCFS page consultée le 10 février 2010). Habitat Le lapin recherche des milieux où alternent couverts et zones ouvertes, et des sols profonds dans lesquels il peut creuser ses terriers. En France, les principaux biotopes qu’il affectionne sont les landes à couverts, la garrigue buissonnante, les zones vallonnées et sableuses avec des pâturages, les bois limitrophes aux cultures et prairies, le bocage avec des haies importantes (BIADI et al. 1993). Ce qui caractérise l’habitat du lapin sauvage est son organisation en garenne, qui est définie comme étant un réseau de terriers, et qui peut abriter plusieurs dizaines d’individus (JEANCLAUDE P. 1999). Les lapins s’éloignent rarement de plus de cent mètres de leur garenne. Leur activité est essentiellement nocturne. Chasse Le lapin de garenne peut être chassé à tir, à l’arc ou à courre. Il figure également, en raison des dégâts qu’il peut occasionner, sur la liste nationale des espèces pouvant être classées nuisibles. L’enquête nationale de 1998/1999, réalisée par la Fédération nationale des chasseurs et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, estimait les prélèvements à 3 200 000, classant le lapin au quatrième rang des gibiers (ONCFS page consultée le 10 février 2010). 20 Gestion de l’espèce et repeuplements Tout repeuplement, qu’il s’agisse d’une réintroduction en cas de disparition complète de l’espèce sur un territoire donné, ou d’un renforcement de population, vise à l’installation d’une population viable à long terme. La gestion du lapin de garenne est un travail de longue haleine, et même un repeuplement ne se résume pas au simple lâcher de quelques individus : il se prépare longtemps à l’avance, et sa réussite résulte d’un ensemble de conditions et de mesures de gestion (LETTY J. et al. 2006) : Le territoire d’accueil doit être choisi en fonction des potentialités écologiques et cynégétiques pour le lapin, tout en évaluant les risques agronomiques. Un objectif minimum semble être d’installer une population de cent reproducteurs, ce qui nécessite l’existence d’environ cent garennes. Un territoire de 20ha peut suffire à cet objectif dans des conditions très favorables. Le milieu d’accueil doit être aménagé (construction de garennes artificielles, débroussaillage, régulation des prédateurs…) et doit faire l’objet d’une gestion cohérente continue. Les lapins peuvent être capturés dans des populations sauvages, ou provenir d’élevages semi-extensifs de lapins de souche sauvage. La capture, le transport et le lâcher de gibier sont des activités réglementées et soumises à autorisation. La manipulation permet généralement de vacciner les individus contre la myxomatose et la calicivirose hémorragique, de les traiter contre les parasites externes, de déterminer leur sexe, et de les marquer pour une éventuelle identification ultérieure. Les lâchers en été de jeunes individus de deux ou trois mois sont recommandés. Ils sont libérés par groupes de cinq à dix, mâles et femelles confondus, dans plusieurs garennes artificielles voisines. Un nourrissage complémentaire peut être effectué pendant quelques jours, notamment avec des granulés contenant des anti-coccidiens. Si la survie à long terme des lapins lors de repeuplements est surtout liée à la qualité du nouvel environnement (MARCHANDEAU S. et al. 2000b), le premier problème de ce genre d’opération reste la forte mortalité initiale. En effet, la confrontation à un milieu inconnu et à ses prédateurs, ainsi que le stress provoqué par la transplantation en font une véritable épreuve pour les animaux. Même en s’entourant de toutes les précautions, le taux de survie deux mois après le lâcher semble le plus souvent n’être que de 60 à 70% (LETTY J. et al. 2006). Devant cette situation se pose la question de l’importance de la maîtrise des facteurs de risque pathologique au cours d’une opération de transplantation. Dans ce but, nous envisageons dans les pages qui suivent tous les agents infectieux et parasitaires pouvant interférer avec une telle opération. 21 22 I. LES MALADIES VIRALES Les maladies virales du lapin de garenne sont présentées ici par ordre taxonomique de leur agent étiologique, selon la classification de l’International Committee on Taxonomy of Virus (ICTV page consultée le 15 février 2010). A. Les herpèsviroses 1. Infection par Herpesvirus cuniculi Le lapin est sensible naturellement au virus Herpesvirus cuniculi ou Leporid herpesvirus 2, appartenant à la sous-famille des Gamma-herpesvirinae, cependant les cas d’infection naturelle restent rares. L’infection est la plupart du temps asymptomatique et ne cause pas de lésions macroscopiques (KROGSTAD A. et al. 2005). On peut observer à l’examen histologique des inclusions intranucléaires au niveau des cellules interstitielles du testicule, des cellules endothéliales cutanées et des cellules épithéliales de la cornée (MORISSE J.P. 1995; KROGSTAD A. et al. 2005). 2. Infection par Herpesvirus sylvilagus Seul le lapin de Floride (Sylvilagus sp.) est sensible à l’infection à Herpesvirus sylvilagus, ou Leporid herpesvirus 1 (BARBIER M. 2009). 3. Infection par Herpes simplex virus Deux cas d’infections par l’Herpes simplex virus humain ont été mis en évidence en 1997 et en 2002, chez des lapins nains de compagnie (WEISSENBLOCK H. et al. 1997). Dans les deux cas, les lapins avaient été en contact étroit avec une personne présentant des lésions herpétiques. Ce mode d’infection rend la maladie très peu probable chez des animaux sauvages. Les lapins ont d’abord été présentés en consultation pour agitation et prurit. Une semaine plus tard, ils ont présenté une anorexie et des signes neurologiques : course en cercle, spasmes tono-cloniques, s’aggravant jusqu’au décubitus latéral. Les lapins furent alors euthanasiés. 23 4. Infection par un nouvel herpesvirus Un nouvel herpesvirus a été identifié en 2006 comme étant la cause d’une affection mortelle dans un élevage de lapins en Alaska. Le virus isolé évoque très fortement un alphaherpesvirus (JIN L. et al. 2008). A l’heure actuelle, aucun cas n’a été rapporté sur des lapins sauvages. B.La rage La rage est causée par un virus de la famille des Rhabdoviridae et du genre Lyssavirus. Des cas de rage canine importée, sporadiques surviennent en France, et bien que la maladie soit rarissime chez le lapin, il convient de ne pas oublier qu’il y est malgré tout sensible (KROGSTAD A. et al. 2005). Dans les archives du Laboratoire d'Etudes et de Recherches sur la Rage et la Pathologie des Animaux Sauvages (LERRPAS – AFSSA Nancy), laboratoire national de référence pour la rage, un seul cas de rage sur un lagomorphe a été trouvé : il s’agissait d’un lièvre (Lepus europaeus) analysé en 1983. Le nombre de cas recensés en Europe n’a pu être obtenu sur le site de la World Health Organization (WHO): l’espèce étant regroupée avec d’autres animaux sauvages dans les tables, il n’existe pas de données spécifiques au lapin de garenne. En 2005, sept cas de rage sur des lapins de compagnie, confirmés par laboratoire ont été rapportés aux Etats-Unis d’Amérique, tous dans des zones d’enzootie rabique des ratons laveurs (EIDSON M. et al. 2005). Dans la majorité des cas, une forme paralytique de la maladie a été observée, avec des signes cliniques non spécifiques : anorexie, abattement, trémulations musculaires, cécité puis paralysie ascendante. La mort est survenue 3 à 4 jours après l’apparition des signes cliniques. C. Entérite à coronavirus Le virus du lapin est un coronavirus de type I (KROGSTAD A. et al. 2005). Il provoque chez le lapin domestique une anorexie, une distension du caecum, un amaigrissement avec déshydratation et une diarrhée très liquide. Il peut également entraîner une mort subite. L’infection expérimentale sur des animaux indemnes d’autres agents pathogènes ne provoque cependant jamais de mort subite. On peut donc supposer que, comme dans le cas des rotaviroses (voir « Entérite à rotavirus » page 46), l’infection concomitante par d’autres agents pathogènes digestifs peut exacerber les signes cliniques. L’infection peut également être sub-clinique et il existe des porteurs inapparents. Aucune information concernant la maladie chez le lapin de garenne n’a été obtenue au cours des recherches bibliographiques. 24 D. La calicivirose hémorragique des lapins (Viral Haemorrhagic Disease) 1. Définition et historique de la maladie La maladie hémorragique est provoquée par un calicivirus du genre Lagovirus, et touche les lapins de l’espèce Oryctolagus cuniculus. C’est en 1989 qu’elle est nommée officiellement « Viral Haemorrhagic Disease » (VHD) par l’OIE, soit en français « maladie hémorragique virale » (FAGES M.-P. 2007). Le virus s’est principalement répandu à travers le monde par l’exportation de lapins et de viande. Apparemment, la tradition italienne et française d’importation de viande de lapin en provenance de Chine et d’Europe de l’Est a été responsable de l’introduction de la maladie dans ces pays dans les années 1980. Elle est décrite en France depuis 1988 sur les populations sauvages de lapins de garenne, ainsi qu’en élevage. Elle entraîne de forts taux de mortalité chez les adultes et les jeunes de plus de deux mois, généralement dans les 72 heures suivant l’infection, le tableau clinique étant dominé par une hépatite nécrosante aiguë et un syndrome hémorragique. Plusieurs études sérologiques ont mis en évidence l’existence de virus apparentés au Rabbit Haemorrhagic Disease Virus (RHDV) de pathogénicité plus faible, voire nulle dans les populations de lapins de garenne (MARCHANDEAU et al. 2005). Leur pouvoir protecteur vis-à-vis du RHDV, ainsi que leur rôle dans l’épidémiologie de la VHD sont actuellement discutés. 2. Signes cliniques Les signes cliniques de la VHD sont assez variés, inconstants et d’évolution rapide. Les animaux touchés sont les adultes ou les jeunes âgés de plus de deux mois. La période d’incubation est courte : un ou deux jours, trois au maximum. La mortalité est toujours très élevée, elle est de 40 à 95 %. Il s’agit d’une maladie le plus souvent aiguë ou suraiguë, même si quatre formes évolutives ont pu être décrites (MARCATO et al. 1991) : a) Forme suraiguë La forme suraiguë affecte les lapins les plus sensibles qui n’ont jamais été en contact avec le virus. On observe alors une mort foudroyante sans aucun signe clinique préalable. Une hématurie ou un écoulement nasal spumeux ont parfois été notés. 25 b) Forme aiguë Sur le lapin domestique, la forme aiguë est la plus fréquente lors d’épizootie. Les signes cliniques apparaissant le plus fréquemment sont : - des signes généraux : anorexie, hyperthermie (40-41,5°C), tachycardie, prostration. - des signes respiratoires : polypnée, dyspnée, cyanose, épistaxis - des signes oculaires : épiphora, hémorragies oculaires. - des signes nerveux : convulsions, contractions, ataxie, pédalages, paralysie des postérieurs. - une dilatation de l’anus et une distension abdominale avec diarrhée ou constipation. - dans de rares cas, des avortements avec expulsion de fœtus morts. La période précédant la mort est caractérisée par l’apparition de cris et de gémissements marqués, laissant présager que les animaux souffrent intensément (MARCATO et al. 1991; OHLINGER V.F. et al. 1993). La mort survient rapidement après l’apparition des signes cliniques, après environ 12– 48 heures, ce qui correspond à deux à trois jours post-infection. Certains animaux développent un ictère sévère et meurent quelques semaines plus tard. c) Forme subaiguë La forme subaiguë est moins fréquente, elle se produit plutôt en fin d’épizootie. Les signes sont ceux d’une forme aiguë mais très atténués : anorexie et apathie, avec évolution spontanée vers la guérison. Un portage chronique du virus sans aucun signe associé serait possible mais rare (MARCATO et al. 1991). 3. Lésions Un écoulement hémorragique souillant les narines est souvent observé sur les carcasses, de même que des pétéchies oculaires, et un ictère. Figure 2 : VHD: Poumon congestionné et splénomégalie (BOUCHER S. et al. 2002). 26 Figure 3 : VHD: Hépatite nécrosante (BOUCHER S. et al. 2002). A l’ouverture du cadavre, c’est l’appareil respiratoire qui apparaît le plus touché avec des lésions hémorragiques constantes sur la trachée et les poumons, associées à une congestion marquée et un abondant liquide mousseux dans la trachée (MARCATO et al. 1991). On note aussi des pétéchies sur presque tous les organes, une hypertrophie du foie, du thymus, de la rate et des reins. Le foie est pâle, ponctué de petites hémorragies, de consistance diminuée avec une lobulation marquée et dans certains cas une surface granuleuse. De nombreux micro-thrombi sont présents dans différents organes, en particulier les poumons et les reins. Si d’un point de vue macroscopique le poumon et la trachée semblent être les plus touchés, l’étude microscopique révèle que les lésions hépatiques sont les plus significatives : la lésion caractéristique de la VHD est une hépatite nécrosante aiguë (TUNON M.J. et al. 2003). 4. Pathogénie La principale voie de pénétration du virus dans l’organisme semble être la voie orale, suivie par la voie respiratoire, puis la voie trans-cutanée lorsque la peau est lésée (MARCATO et al. 1991). Les lésions hépatiques (nécrose et inflammation) sont dues aux effets cytolytiques direct du RHDV, ce qui est appuyé par l’observation de particules virales ou d’antigènes spécifiques dans les hépatocytes, ainsi qu’aux micro-thrombi qu’il provoque indirectement (MARCATO et al. 1991). A cela s’ajoute un phénomène de coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD) dont l’origine s’explique de deux façons : lésions de l’endothélium vasculaire dues à la virémie, et nécrose hépatique massive entraînant la libération de grandes quantités de thromboplastine tissulaire. De plus, l’insuffisance hépatique aiguë qui accompagne la nécrose hépatique ne permet pas le renouvellement des facteurs de coagulation (PLASSIART G. et al. 1992). A terme on a une défaillance de la fonction de coagulation (coagulopathie de consommation), à l’origine du syndrome hémorragique. 5. Réponse immune Le RHDV entraîne la formation d’anticorps spécifiques détectables dès cinq jours post-infection. Leur titre atteint un plateau au bout d’une semaine et se maintient pendant plus de huit mois (OHLINGER V.F. et al. 1993). Ces anticorps sont protecteurs, et il a également été démontré qu’il s’établissait une immunité maternelle transmissible au jeune par l’intermédiaire d’anticorps colostraux efficaces sur une période d’au moins 50 jours. 27 6. Epidémiologie a) Population atteinte Dans un population de lapins de garenne réceptifs, la VHD évolue le plus souvent sous la forme d’une maladie aiguë, hautement contagieuse caractérisée par une forte morbidité qui approche 100%, et une forte mortalité allant de 40% le premier jour, jusqu’à 80 à 100% les jours suivants chez les lapins adultes. (1) Espèce cible Seul le lapin de garenne européen Oryctolagus cuniculus est atteint par le RHDV. Les autres espèces de lagomorphes n’y sont pas sensibles (CHASEY D 1997). Une maladie similaire également due à un calicivirus, nommée European Brown Hare Syndrome (EBHS), atteint le lièvre brun européen (Lepus europaeus) depuis les années 1980. L’agent étiologique de l’EBHS est un calicivirus relié antigéniquement au RHDV, mais différent de celui-ci. (2) Réceptivité – sensibilité L’âge a une influence très nette sur la sensibilité à la maladie. En effet, les lapereaux de moins de un mois ne présentent pas de signes cliniques. Entre un et deux mois, ils peuvent être infectés, mais ils ne représentent qu’un faible pourcentage de la population atteinte. Enfin, la majorité des infections concerne les lapins de plus de trois mois (MARCHANDEAU S. et al. 1998). La première hypothèse formulée pour expliquer ce phénomène a été une protection des plus jeunes par l’immunité passive maternelle transmise par le colostrum. Cependant l’évolution foudroyante de la maladie chez la mère, et l’absence d’anticorps détectables chez la plupart des lapereaux ne vont pas dans le sens d’une telle hypothèse. Les jeunes lapins auraient en réalité une sensibilité naturelle plus faible liée à l’absence de récepteurs pour le RHDV qui ne sont pas encore exprimés au niveau des cellules de l’appareil respiratoire supérieur et du tractus digestif (RUVOEN-CLOUET N. et al. 2000). Cependant, même si les jeunes lapins (moins de trois semaines) ne sont pas sensibles au virus, ils sont indirectement victimes de la maladie. Ceci peut s’expliquer par un déficit de naissances dû à la mort de nombreuses femelles gestantes, ou par une forte mortalité des jeunes due à un sevrage prématuré. Le stress, une maladie intercurrente, les parasites et de façon générale toute cause de diminution de l’état général des lapins aggravent les signes cliniques de la VHD. Par exemple, les caractéristiques immunosuppressives de la myxomatose pourraient être responsables de l’augmentation de la mortalité due au RHDV dans les populations sauvages où les deux virus cohabitent (MARCHANDEAU S. et al. 1998). 28 b) Sources de virus Les sources principales de virus sont les animaux atteints de VHD, en particulier en fin d’évolution de la maladie, et les cadavres d’animaux. Le virus étant hautement résistant dans le milieu extérieur, tout matériel ou être vivant en contact avec les lapins malades est susceptible d’être contaminé (MORISSE J. P. et al. 1991). La population de lapins de garenne agit en tant que réservoir sauvage du RHDV. Les terriers, où des lapins sont morts, jouent un rôle important dans l’épidémiologie de la maladie, en permettant la persistance du virus (MARCHANDEAU et al. 1998; CALVETE et al. 2002). c) Modes de transmission La transmission directe se fait par contact entre un individu sain et un individu infecté ou son cadavre. Dans la nature c’est le mode de contamination le plus fréquent, par la voie oro-fécale. Cette voie est particulièrement efficace car les fèces de lapins ayant survécu à la maladie sont virulents jusqu’à quatre semaines après l’infection (OHLINGER V.F. et al. 1993). La transmission indirecte est la voie majeure d’introduction de la maladie dans un élevage. Elle est favorisée par la grande résistance du virus dans le milieu extérieur. Il peut s’agir de véhicules animés (hommes) ou inanimés (aliments, litière, matériel, vêtements, viande de lapins contaminés, objets de soins aux animaux, poils, véhicules…). Les lapins sauvages sont aussi des véhicules de la maladie, des épizooties chez les lapins domestiques ont été observées simultanément à un déclin des populations sauvages. D’autres véhicules animaux sont suspectés comme les rongeurs, insectes, animaux de compagnie, animaux sauvages (OHLINGER V.F. et al. 1993; MARCHANDEAU S. et al. 1998). d) Evolution dans le temps et dans l’espace L’impact de la VHD dans les populations sauvages de lapin reste peu documenté. Lors de son apparition sur un territoire indemne, le taux de mortalité est généralement très élevé, de plus de 45% (VILLAFUERTE R. et al. 1995; MARCHANDEAU et al. 1998). Une épizootie peut cependant provoquer une plus faible mortalité si elle a lieu au moment où les lapereaux sont âgés de moins de trois mois, et sont donc peu réceptifs. Par ailleurs, l’impact de la calicivirose hémorragique se ressent dans la population pendant plusieurs mois : les populations sévèrement touchées ne retrouvent leur équilibre initial qu’après au moins une année (MARCHANDEAU et al. 2004). Le caractère saisonnier de la VHD ne fait pas l’objet d’un consensus. Cependant, plusieurs études ont mis en évidence un cycle annuel dans l’occurrence de la maladie avec une augmentation des cas en hiver et au printemps (VILLAFUERTE R. et al. 1995; MARCHANDEAU et al. 1998; CALVETE et al. 2002). 29 7. Diagnostic Une mortalité élevée et brutale sur les lapins de plus de deux mois en bon état général évoque la calicivirose hémorragique. La présence de signes cliniques tels que des épistaxis ou des signes nerveux renforce la suspicion, même s’ils ne sont pas toujours présents. De même, à l’autopsie, les lésions macroscopiques peuvent être assez évocatrices de la maladie (aspect congestivo-hémorragique des organes, lésions pulmonaires, trachéales, hépatiques…). Le diagnostic différentiel doit être fait avec les intoxications, coup de chaleur, septicémie à pasteurelles, staphylocoques… (FAGES M.-P. 2007) Les observations de terrain permettent d’établir une suspicion qui doit être confirmée par les analyses de laboratoire afin d’obtenir un diagnostic de certitude. 8. Lutte contre la maladie Des mesures sanitaires sont mises en place dans les élevages pour éviter l’entrée de la maladie, ou pour l’éradiquer une fois qu’elle s’est déclarée. Cependant, il est souvent nécessaire d’associer la vaccination à ces mesures, en particulier dans les élevages industriels (FAGES M.-P. 2007). Dans les populations sauvages, la vaccination reste la principale méthode de lutte envisageable. Tableau I : Vaccins contre la calicivirose hémorragique virale disponibles en France (ANONYME 2009) Nature du vaccin Voie d’administration Cunical® (Merial) Vaccin inactivé Voie souscutanée Lapimune® HVD (Fort Dodge) Vaccin inactivé Voie souscutanée Lapinject® VHD (Ceva) Vaccin inactivé Voie souscutanée Nom déposé Dercunimix® (Merial) Vaccin inactivé de la VHD + virus de la myxomatose modifié : souche SG33 Voie intradermique 30 Protocole proposé en élevage - Primovaccination à partir de 4 semaines - Rappels tous les 6 mois - Primovaccination à partir de 10 semaines - Rappels annuels - Primovaccination à partir de 5 semaines - Rappels annuels - Primovaccination : injection de Dervaximyxo® SG33 à 4 semaines, puis injection de Dercunimix® à 10 semaines - Rappels annuels avec Dercunimix®, et rappels semestriels avec Dervaximyxo® SG33 Les vaccins utilisés actuellement sont des vaccins à virus inactivés. Les premiers résultats obtenus avec des virus recombinants sont concluants puisqu’ils entraînent une protection efficace des animaux, mais ils ne sont pas encore commercialisés (MOLERES B. 1998). 9. Infections par des calicivirus apparentés au RHDV Lors de plusieurs études sérologiques réalisées sur des lapins ne présentant pas de signes cliniques de VHD, des anticorps anti-RHDV ont été détectés dans des sérums prélevés avant l’apparition de la maladie dans les différents pays (CAPUCCI L. et al. 1996; MOSS S.R. et al. 2002). Ces résultats ont donc conduits leurs auteurs à suspecter l’existence de virus proches du RHDV mais non pathogènes, c’est-à-dire capables d’entraîner une séroconversion des animaux infectés sans signes cliniques, et qui seraient plus anciens que le RHDV (CAPUCCI L. et al. 1996; CAPUCCI L. et al. 1997). a) Caractéristiques des calicivirus apparentés au RHDV Afin d’étudier les caractéristiques des virus apparentés au RHDV, nous prendrons l’exemple du Rabbit Calicivirus (RCV) : il s’agit d’un virus identifié en Italie en 1996 sur des lapins provenant d’un élevage où le taux de séropositivité était important sans que la maladie n’ait jamais été rapportée (CAPUCCI L. et al. 1996; MOSS S.R. et al. 2002). Le RCV n’est quasiment détecté que dans les intestins. Une méthode sérologique utilisant l’ELISA de compétition et l’iso-ELISA permet de détecter et titrer les différents isotypes IgA, IgG et IgM, et donc de distinguer les anticorps produits contre le RHDV de ceux produits contre les virus apparentés. En effet, même si ces virus présentent un grand nombre d’épitopes similaires, et donc des anticorps difficilement distinguables, on a observé que les titres en anticorps étaient beaucoup plus faibles chez les lapins infectés par le RCV (CAPUCCI L. et al. 1996). Des lapins infectés par le RCV ont été infectés expérimentalement par une forte dose de RHDV. Ils ont survécu et n’ont pas montré de signes clinique (CAPUCCI L. et al. 1996). Les anticorps produits contre le RCV semblent donc protecteurs contre le RHDV. Cependant d’autres observations ont abouti à des conclusions différentes. C’est le cas d’une étude menée en France sur des lapins sauvages lors d’une épizootie de VHD. En effet, des lapins présentant des titres en anticorps anti-RHDV suffisants pour conférer une protection contre toutes les souches de RHDV ou virus apparentés, donc présumés protégés, ont déclaré une forme aiguë qui leur a été fatale (MARCHANDEAU et al. 2005). 31 b) Epidémiologie Apparemment, les virus apparentés au RHDV sont présents dans la plupart des populations sauvages et sont responsables d’infections persistantes (MARCHANDEAU et al. 1998). Ces virus modifieraient alors l’épidémiologie de la VHD car les anticorps qu’ils induisent confèrent une certaine protection aux lapins face à la maladie. Ils sont également suspectés d’être responsables de la répartition particulière de la VHD dans les populations sauvages. En France par exemple, la VHD se manifeste sous la forme de nombreux cas ponctuels sans liens ni continuités géographiques. La plupart des populations sauvages hébergent une forte proportion de séropositifs sans que des cas de VHD ne soient observés. Il est donc possible que le RHDV ne s’exprime que dans les populations où ces virus non ou peu pathogènes n’aient pas provoqué une protection immunitaire suffisante, ou dans les populations ayant subi un stress responsable d’une baisse de cette immunité (MARCHANDEAU et al. 1998). E. Papillomaviroses 1. La papillomatose de Shope Cette maladie est due au Rabbit Cottontail papillomavirus, de la famille des Papoviridae. Bien que le lapin sauvage américain (Sylvilagus spp.) en soit l’hôte naturel, il est transmissible au lapin de garenne (KROGSTAD A. et al. 2005). Le principal mode de transmission est la vectorisation par les arthropodes, notamment les tiques et les moustiques. La transmission par les moustiques semble être le mode prépondérant d’infection du lapin de garenne, au vu de la localisation prédominante des lésions sur les parties glabres des oreilles (KROGSTAD A. et al. 2005). On observe d’abord des verrues rougeâtres qui évoluent ensuite en papillomes. Ces lésions sont rugueuses au toucher et se localisent majoritairement sur les parties les plus glabres comme les oreilles, le pourtour des yeux et la face ventrale de l’abdomen (FENNER F. 1994). Elles régressent alors en quelques mois, ou évoluent parfois en carcinomes (dans 25% des cas environ). L’inoculation expérimentale révèle un degré de régression moindre chez le Oryctolagus que chez le Sylvilagus, ainsi qu’un taux supérieur d’évolution en carcinome (MORISSE J.P. 1995; KROGSTAD A. et al. 2005). 2. La papillomatose orale La papillomatose orale est causée par un Papillomavirus (Rabbit Oral Papillomavirus) de la famille des Papoviridae. L’infection pouvant passer inaperçue, il est difficile d’en déterminer la prévalence ou l’incidence. Elle semble néanmoins peu fréquente chez le lapin domestique (KROGSTAD A. et al. 2005), et l’absence de cas observés suggère qu’il en va de même dans les populations sauvages. 32 La maladie se caractérise par l’apparition de petits papillomes localisés généralement sur la face ventrale de la langue. Ces lésions peuvent apparaître dès 14 jours après l’infection et atteignent leur taille maximale au bout d’un mois environ. Elles disparaissent d’ellesmêmes dans la majorité des cas. F. La parvovirose Le Lapine parvovirus fut isolé pour la première fois en 1977 au Japon. Une étude réalisée sur 90 lapins d’élevage a montré qu’environ la moitié d’entre eux étaient porteurs d’anticorps, et il a été prouvé que l’infection naturelle chez les lapins sauvages était possible (KROGSTAD A. et al. 2005). Les signes cliniques causés par la maladie sont généralement discrets. On observe une anorexie quatre à six jours après inoculation par voie orale. Le virus provoque une entérite modérée avec hyperhémie et accumulation de liquide dans la lumière intestinale. L’évolution se fait généralement vers la guérison (KROGSTAD A. et al. 2005). G. La myxomatose 1. Définition et historique de la maladie La myxomatose, décrite pour la première fois en 1986 par Sanarelli, est due au virus myxomateux, un poxvirus du genre Leporipoxvirus. Les hôtes naturels de ce virus sont les lapins américains du genre Sylvilagus. Chez ces animaux, la maladie est bénigne (fibrome cutané) et il n’est relevé aucune immunodépression générale. Il semble ainsi que le virus myxomateux ait « sauté » une barrière d’espèce pour provoquer chez le Lapin européen une maladie fulgurante (FENNER F. et al. 1965). Le virus myxomateux a réussi une adaptation totale à son nouvel hôte, le lapin européen, et peut désormais être transmis entre Oryctolagus cuniculus en l’absence de son hôte originel. La transmission du virus se fait essentiellement de manière vectorielle par l’intermédiaire d’arthropodes piqueurs, vecteurs mécaniques. Ce virus reste la seule arme biologique utilisée un jour officiellement pour détruire une population de vertébrés à l’échelle d’un continent. En effet, le virus a été introduit volontairement en Australie en 1950 pour éliminer les lapins, responsables de dommages agronomiques, écologiques et économiques considérables dans le pays. En France, l’introduction du virus par le docteur Armand Delille en 1952, fut à l’origine de l’apparition et de l’extension de la maladie dans toute l’Europe (BONLIEU S. 2008). 2. Variabilité de la virulence Au cours des premières années, le virus s’est propagé très rapidement en provoquant des épizooties catastrophiques, décimant 99% des individus. Par la suite, la maladie a fait progressivement place à une forme enzootique, ponctuée de micro-épizooties régionales et saisonnières. Ainsi, sur le plan clinique, aux formes aiguës, rapidement mortelles, se sont ajoutées des formes subaiguës et atténuées, non systématiquement mortelles et génératrices d’immunité. 33 Lorsque ce phénomène est observé pour la première fois en Australie, les scientifiques proposent de classer la virulence des souches de virus, selon une échelle dépendant du taux de mortalité mais aussi du temps moyen de survie des animaux (FENNER F. et al. 1999). Tableau II : Critères de gradation de la virulence des souches de virus myxomateux (FENNER F. et al. 1999) Ainsi, les souches de degré I sont des souches hyper-virulentes, tandis que les souches de degré V sont des souches de virulence très atténuée. 3. Signes cliniques Le caractère clinique principal de la myxomatose est l’apparition de proliférations dermiques abondantes et exsudatives, appelées pseudotumeurs ou myxomes (BONLIEU S. 2008). Les formes cliniques se diversifient, à mesure de l’ancienneté du processus dans une région, selon une forme aiguë, une forme subaiguë et une forme atténuée. Ces formes classiques coexistent depuis le début des années 80 en Europe, avec des formes atypiques caractérisées par l’absence de myxomes et par un hyper-pneumotropisme apparent, on parle de « myxomatose amyxomateuse » ou de « myxomatose respiratoire » (MARLIER D. et al. 1996; MARLIER D. et al. 1997). a) Forme aiguë Cette forme est généralisée, exsudative, grave voire mortelle, épizootique. Elle est associée aux souches virales de degrés I et II, et correspond aux formes cliniques observées sur les populations fraîchement infectées. La phase de début se caractérise par une blépharo-conjonctivite intense, contemporaine d’une lésion cutanée au site d’inoculation, le myxome primaire, qui peut atteindre plusieurs centimètres de diamètre. Le larmoiement s’intensifie progressivement et devient purulent, agglutinant les poils de la face en plaques. Les paupières sont rapprochées, tuméfiées, épaissies. Les lapins, devenus aveugles, errent en plein jour en dehors de leur terrier. 34 La phase d’état est marquée par une atteinte ano-génitale : un œdème inflammatoire apparaît, la région devient rosée, puis rougeâtre et turgescente, enfin vineuse, liliacée et noirâtre. Chez le mâle surtout, les lésions sont très révélatrices, avec un paraphimosis important et très douloureux. La phase terminale correspond aux multiples myxomes qui apparaissent trois à cinq jours après le début des signes cliniques. Leur nombre est variable, de trois à plusieurs dizaines, et leur dimension oscille de 3 à 30 mm. Elles sont d’autant plus volumineuses que la maladie se prolonge. Les lésions se situent le plus souvent sur les oreilles et la face, le dos, les lombes et à l’extrémité des membres. L’obstruction des narines provoque un cornage et une dyspnée intense. A ce stade, l’animal perd son instinct de conservation et ne fuit plus à l’approche de prédateurs. En élevage, on observe que l’état général est profondément altéré, souvent fébrile en raison des surinfections bactériennes. L’appétit a disparu, l’amaigrissement rapide se transforme en cachexie avec une véritable fonte musculaire. La mort survient assez vite après une prostration complète. Les surinfections bactériennes de la sphère respiratoire sont souvent invoquées comme cause de la mort (MARLIER et al. 2000b). D’autres auteurs évoquent l’asphyxie causée par l’obstruction complète des narines (JOUBERT L. et al. 1973). Figure 4 : Signes cliniques de myxomatose au début de l’épizootie en France (FENNER F. et al. 1957). Le lapin domestique, photographié 24 jours après inoculation, est mort le lendemain. Le myxome primaire sur le flanc est étendu et exsudatif. De nombreux myxomes secondaires sont présents sur la face et les oreilles. Les paupières sont complètement fermées. b) Forme subaiguë Les lésions encore nombreuses, essentiellement céphaliques, apparaissent moins exsudatives. Même si la mort survient encore fréquemment, la survie est prolongée (15 jours à trois semaines), et la guérison spontanée peut même intervenir dans certains cas. Cette forme demeure fréquemment enzootique et correspond aux souches virales de degré III. 35 c) Forme atténuée Cette forme d’évolution prolongée est localisée, peu exsudative et bénigne. Elle autorise à la fois la survie des lapins et le développement d’une immunité post-infectieuse solide et durable. Les souches correspondent aux souches virales de degrés IV et V. L’animal conserve un bon état général ainsi que tous ses réflexes. Des myxomes apparaissent en faible nombre et leur taille ne dépasse pas cinq millimètres. Leur répartition est essentiellement céphalique et métatarsienne. Ils se densifient progressivement en prenant une coloration noirâtre, et se recouvrent d’une carapace épaisse. Peu à peu, la lésion régresse, les croûtes se détachent, et il ne subsiste plus que des dépilations en regard de chaque lésion initiale. Cette évolution nécessite deux à huit semaines pour s’accomplir en totalité. d) Myxomatose amyxomateuse Ce forme particulière de myxomatose, présentée dans un premier temps en tant qu’accident vaccinal du à l’utilisation de la souche SG33 en élevages intensifs (BRUN A. et al. 1981), a été constatée par la suite en élevages traditionnels et chez les lapins de garenne en France (JOUBERT L. et al. 1982; ARTHUR C. P. et al. 1988). Cette forme se caractérise par un hypo-ectodermotropisme allant jusqu’à l’absence de myxomes, et par un hyperpneumotropisme, surtout dans les formes atténuées, très souvent compliquées de bactérioses pulmonaires (JOUBERT L. et al. 1982). La présence du myxome primaire est constante. Une semaine après inoculation, une conjonctivite avec épiphora apparaît, puis une forte dyspnée inspiratoire associée à un jetage muco-purulent (MARLIER D. et al. 1997). Une tuméfaction du scrotum et de l’anus est présente mais d’apparition plus tardive que pour les souches classiques. 4. Lésions Les lésions principales sont constituées par les myxomes, soit très exsudatifs, soit rapidement densifiés, croûteux, et générateurs d’une dépilation prolongée (JOUBERT L. et al. 1973). Les lésions accessoires viscérales confirment la généralisation de la maladie. Les poumons sont souvent congestionnés, avec des hémorragies ponctuées du parenchyme et quelquefois de la trachée, des grosses bronches et des bronchioles. Le foie peut recéler des zones congestives ou dégénérées. La rate est hypertrophiée, de couleur foncée et boueuse à la coupe. Les nœuds lymphatiques, réactionnels, sont congestionnés et succulents. Il en est de même du thymus. Les testicules sont congestionnés et hypertrophiés. Leurs lésions s’associent à celles des organes génitaux externes. Lors de guérison, les séquelles d’orchite mais aussi de métrite et de salpingite, sont responsables d’une baisse considérable de la fécondité et d’un retard à la régénération des populations. Pour les formes amyxomateuses, les complications respiratoires bactériennes sont fréquentes, notamment avec les souches atténuées. On retrouve alors des lésions aigues de blépharo-conjonctivite, de rhinite ou de bronchopneumonie (MARLIER D. et al. 1997). 36 5. Pathogénie Le point d’inoculation correspond au site de multiplication primaire du virus. Une virémie initiale est détectable à partir du deuxième jour et est responsable de l’invasion de l’organisme. Le virus n’est pas retrouvé dans le sérum mais dans la fraction des globules blancs. En effet, il se réplique dans les lymphocytes et les macrophages, et le dysfonctionnement de ces cellules-clés du système immunitaire explique le tableau général d’immunodépression caractéristique de la maladie. Le sixième jour environ, apparaissent une blépharo-conjonctivite, un œdème anogénital et des myxomes secondaires répartis sur le corps. Au cours des derniers stades, les signes cliniques s’aggravent, la multiplication virale s’accroît pour atteindre des titres maximaux le huitième ou le neuvième jour, et baisser ensuite peu avant la mort, qui survient donc en dix jours environ pour les formes aiguës, avec trois ou quatre jours d’incubation et sept ou huit jours d’expression clinique. Dans les formes subaiguës et atténuées, la séquence des évènements demeure identique, mis à part la période d’incubation et la phase terminale qui sont allongées. 6. Réponse immune a) Mise en place de la réponse immune Les lapins développent des IgM et IgG contre le virus, mais ces anticorps ne sont pas complètement protecteurs. La réponse à médiation cellulaire est plus importante que la réponse humorale dans le contrôle de l’infection (BONLIEU S. 2008). Or le virus myxomateux possède plusieurs protéines aux propriétés anti-inflammatoires, qui empêchent la mise en place d’une réponse à médiation cellulaire efficace. Ainsi, la résistance constatée chez certaines lignées de lapins serait due à une forte réponse immunitaire innée, autorisant une réponse cellulaire efficace (BEST et al. 2000). b) Cinétique des anticorps Dans les formes atténuées de la maladie, le niveau en IgM est élevé à partir du neuvième jour après l’infection, soit à peu près au moment où les signes cliniques apparaissent, puis il décline et passe en dessous du seuil de détection environ 30 à 37 jours après l’infection. A l’inverse les IgG atteignent leur maximum 30 jours post-infection et se maintiennent à un niveau élevé pendant plusieurs mois. Le rapport IgM/IgG constitue ainsi une valeur prédictive du stade d’infection. Un rapport élevé caractérise une infection récente tandis qu’un rapport bas indique que l’on se trouve plutôt en phase de rémission (KERR et al. 1998). Des infections successives, dans une population dont l’effectif est suffisant, permettent un entretien permanent de la circulation virale, et conduisent au développement d’une réponse immunitaire durable, persistant probablement à vie (MARCHANDEAU S. et al. 1999b). 37 c) Immunité maternelle passive L’immunité maternelle transmise est détectable par ELISA chez tous les lapereaux jusqu’à six semaines après la naissance (KERR et al. 1998). Ces anticorps leur confèrent une protection clinique vis-à-vis de la myxomatose. 7. Epidémiologie a) Sources de virus Les animaux malades produisent des quantités importantes de virus au niveau des myxomes, en particulier pour les formes aiguës. Les vecteurs peuvent s’infecter à la suite d’un repas sanguin pris en phase virémique, mais c’est la piqûre sur les lésions cutanées (le myxome primaire, les paupières tuméfiées, la base des oreilles et les myxomes secondaires principalement) qui a la plus grande part de responsabilité (JOUBERT L. et al. 1973; FENNER F. 2001). Les animaux convalescents constituent également une source de virus puisqu’ils restent porteurs jusqu’à la disparition complète des lésions. Enfin, les cadavres sont une source abondante de virus car la peau demeure porteuse du virus plusieurs mois. b) Persistance Contrairement aux Lapin de Floride (Sylvilagus sp.), de faible sensibilité au virus, Oryctolagus cuniculus reste, après 60 ans d’exposition au virus, pleinement sensible. Les souches de virulence intermédiaires, devenues prédominantes, autorisent un portage prolongé du virus par des animaux malades et convalescents (FENNER F. 1994; FENNER F. 2001). Les vecteurs arthropodes piqueurs peuvent également jouer le rôle de réservoirs, soit de manière temporaire en raison de la brièveté de leur infectiosité, soit de manière prolongée lorsque la puce contaminée hiverne dans le terrier. Par ailleurs, le virus peut se conserver pendant 26 mois au moins dans la terre, à température constante et à l’abri de la lumière. Le terrier du lapin de garenne constitue donc un autre réservoir de virus myxomateux, soit dans la terre elle-même, soit chez les puces quiescentes (JOUBERT L. et al. 1969). 38 c) Modes de transmission (1) La transmission directe et indirecte Le contact direct est faiblement efficace. La voie oculaire ou nasale s’observe parfois lors du fouissement d’un lapin de garenne dans un terrier infecté, ou lors de microtraumatismes oculaires avec des griffes infectées par de la terre contaminée. Les voies respiratoire et vénérienne sont relativement efficaces (FENNER F. 1994; BONLIEU S. 2008). (2) La transmission vectorielle L’inoculation par un arthropode se révèle être la principale voie de transmission et de persistance du virus chez le lapin de garenne (FENNER F. 1994; FENNER F. 2001). Les arthropodes s’infectent essentiellement à la suite d’une piqûre sur une lésion cutanée. Une partie du virus reste sur leurs pièces buccales, et sera inoculée lors des repas suivants. Il s’agit ainsi d’une transmission exclusivement mécanique (JOUBERT L. et al. 1973). Les moustiques et les puces sont les principaux vecteurs de la maladie en Europe ; les autres arthropodes (simulies, poux, tiques…) ne jouent qu’un rôle accessoire (FENNER F. 2001). Les puces restent quiescentes plusieurs mois dans les terriers abritants des populations dévastées par la myxomatose, tout en conservant le virus infectieux sur leurs pièces buccales (FENNER F. 2001). La recolonisation des garennes entraîne la reprise d’activité des puces et la transmission du virus lors de piqûres (myxomatose d’inoculation : JOUBERT L. et al. 1969). De plus, la présence du virus dans les déjections de puces, ainsi que la dégradation des puces elles-mêmes autorisent la contamination de la terre. Lors de la recolonisation du terrier, le nouvel hôte peut se contaminer directement en creusant les nouvelles galeries et lors de la toilette avec ses griffes souillées (myxomatose de fouissement : JOUBERT L. et al. 1974). En conclusion, la pérennité de la myxomatose d’une année sur l’autre est assurée par les puces, qui conservent le virus infectieux dans les terriers pendant l’hiver (FENNER F. 2001). En revanche, elles participent peu à la propagation de la maladie dans l’espace, car elles ne s’éloignent pas de leurs hôtes. Les moustiques, qui sont capables de se déplacer sur de plus longues distances, sont responsables de la propagation entre différentes populations. Cependant, ils ne sont actifs que quelques mois par an, et ne conservent le virus infectieux sur leurs pièces buccales que pendant un mois au maximum (JOUBERT L. et al. 1973). 39 (3) Influence de la transmission par les moustiques sur la virulence des souches Il a été démontré que les moustiques jouent un rôle majeur dans la sélection de souches de virulence intermédiaire. En effet, les lapins infectés par une souche de degré I ou II sont ceux qui ont le temps de survie le plus court ; donc peu de vecteurs pourront s’infester après une piqûre. A l’inverse, les lapins touchés par des souches de degré V survivent longtemps, mais le titre viral cutané n’atteint des valeurs élevées que très brièvement. Finalement, les lapins infectés par des souches de degré III ou IV présentent une combinaison d’un temps de survie prolongé avec un haut titre viral cutané. Ces lapins constituent donc la plus grande source d’infection pour les moustiques, et les souches de virulence intermédiaire sont plus facilement transmises sur le terrain et deviennent dominantes (FENNER F. et al. 1965; MAY R.M. et al. 1983; KERR et al. 1998; FENNER F. 2001). d) Cycle épidémiologique La myxomatose persiste de manière enzootique, ponctuée par des micro-épizooties. Les variations régionales, saisonnières et annuelles constatées sur le terrain sont la résultante de l’interaction de trois éléments : l’abondance des lapins, l’immunité de masse et l’abondance et la diversité des vecteurs (ROSS J. et al. 1986; ARTHUR C. P. et al. 1988). Figure 5 : Cycle épidémiologique de la myxomatose (ARTHUR C. P. et al. 1988) 40 Les mois de la fin de l’été et du début de l’automne sont très favorables à l’apparition de flambées épizootiques de myxomatose. En effet, outre la pullulation importante de moustiques à cette saison, les populations de lapins de garenne sont constituées majoritairement de jeunes n’ayant jamais été exposés au virus, et la densité de la population est la plus forte, ce qui offre au virus les meilleures conditions de transmission (KERR et al. 1998; MARCHANDEAU S. et al. 1999b; FERREIRA C. et al. 2009). 8. Lutte contre la maladie a) Mesures sanitaires Le volet sanitaire de la lutte contre la myxomatose repose sur la destruction des terriers infectés, la capture et la destruction des lapins malades, ainsi que la lutte contre les vecteurs. Toutefois, elle n’autorise en aucun cas l’espoir d’une éradication de la myxomatose dans les populations sauvage, mais vise seulement la limitation d’explosions épizootiques (JOUBERT L. et al. 1982). Peu d’études ont permis de mesurer l’efficacité de ce type de mesures. b) Vaccination Tableau III : Vaccins contre la myxomatose disponibles en France (ANONYME 2009) Nom déposé Nature du vaccin Voie d’administration Dermyxovax® (Merial) Virus du fibrome de Shope Voie intradermique Dervaximyxo® SG33 (Merial) Virus modifié : souche SG33 Voie intradermique Lyomyxovax® (Merial) Virus du fibrome de Shope Voie sous-cutanée Dercunimix® (Merial) Vaccin inactivé de la VHD + virus de la myxomatose modifié : souche SG33 Voie intradermique 41 Protocole proposé en élevage - Primovaccination : injection de Dermyxovax® à 4 semaines, puis injection de Dervaximyxo® SG33 à 6 semaines et à 8 mois - Rappels bimestriels ou semestriels avec les 2 vaccins - Primovaccination entre 28 et 35 jours - Rappels semestriels ou en cas de risque important - Primovaccination : injection de Dervaximyxo® SG33 à 4 semaines, puis injection de Dercunimix® à 10 semaines - Rappels annuels avec Dercunimix®, et rappels semestriels avec Dervaximyxo® SG33 (1) Vaccination par fibromatisation Le virus du fibrome de Shope (voir « La fibromatose » page 45), qui possède une homologie antigénique avec le virus myxomateux, a été utilisé en premier pour protéger les lapins domestiques de la myxomatose. Mais ce vaccin ne confère qu’une protection partielle qui est due au manque de spécificité de la vaccination croisée (MARLIER et al. 2000a; BONLIEU S. 2008). (2) Vaccination par le virus modifié SG33 Le virus modifié SG33 a été mis au point à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse en 1978 par Saurat et Gilbert. Il s’agit d’un mutant thermosensible, atténué par passage en séries sur cultures cellulaires et adapté à la température de 33°C. L’innocuité de ce vaccin est partielle : des signes bénins de myxomatose sont possibles. Cependant, il a été établi que la vaccination avec le virus modifié SG33 augmentait les chances de survie du lapin de garenne (GUITTON et al. 2008). c) Vaccination des lapins avant le lâcher La vaccination des lapins capturés, avant de les relâcher, engendre des effets néfastes à court terme liés au stress de la capture et de la manipulation, qui se surajoutent au choc vaccinal immunodépressif. On constate une surmortalité des jeunes et des sub-adultes dans la première semaine suivant le lâcher (JOUBERT L. et al. 1982; CALVETE et al. 2004). A long terme, la vaccination apporte un bénéfice aux lapins vaccinés par rapport aux lapins réceptifs, si l’exposition au virus est importante et si la souche circulante est virulente. Figure 6 : Probabilité de survie des lapins capturés, en fonction de leur âge, leur statut vaccinal, leur poids, leur tendance à être capturé et de la saison (GUITTON et al. 2008). 42 En effet, l’étude de Guitton et al. a suggéré que les lapins vaccinés avec le virus modifié SG33 avaient une plus forte probabilité de survie que les individus non-vaccinés (GUITTON et al. 2008). Dans les conditions de leur étude, réalisée avec des données collectées entre 1991 et 1994 en France, et en tenant compte de facteurs tels que le poids ou la saison, la probabilité saisonnière de survie des jeunes lapins vaccinés était supérieure à celle des lapins non vaccinés (0,63 contre 0,48). Cependant, les avantages apportés par la vaccination sont difficilement quantifiables, étant donné les interactions de la myxomatose avec les autres causes de mortalité des lapins (CALVETE et al. 2004). Entre avril et octobre 2007, 2158 lapins de garennes ont été capturés dans la province de Séville pour étudier l’efficacité de la vaccination contre la myxomatose (FERREIRA C. et al. 2009). Parmi les individus juvéniles, 466 ont été vaccinés, et 558 ont reçu une injection placebo avant d’être relâchés. Le radio-pistage a ensuite permis de contrôler la survie des lapins. Les résultats de cette étude suggèrent que la survie des jeunes lapins vaccinés est meilleure que celle des animaux non-vaccinés, mais seulement s’ils ont été vaccinés contre la myxomatose avant la flambée épizootique de la maladie en été. Au cours de cette étude, Ferreira a mis en évidence les différents facteurs affectant l’efficacité de cette vaccination, notamment concernant l’épidémiologie de la maladie : Figure 7 : Facteurs de réussite de la vaccination contre la myxomatose (FERREIRA C. et al. 2009) Enfin, une large introduction du Lapin de Floride, comme cela a été essayé en France et en Italie, si elle aboutissait, pourrait compromettre la régénération des populations de lapins de garenne, car l’espèce introduite se révèle très compétitrice d’Oryctolagus en présence de pression myxomateuse. 43 9. Impacts actuels de la myxomatose en France Certains paramètres structuraux et biologiques des populations de lapins de garenne influencent l’impact de la myxomatose, notamment l’effectif de ses populations (FOUCHET et al. 2006; FOUCHET et al. 2007). Figure 8 : Modélisation de l’évolution de la myxomatose dans une population à forte densité (BONLIEU S. 2008) Dans les fortes populations, la propagation efficace du virus entretient le taux de porteurs d’anticorps à un niveau élevé chez les adultes toute l’année. Les jeunes se contaminent très vite, pendant la période où ils sont encore porteurs d’anticorps maternels, et développent pour la majorité des formes atténuées. L’immunité acquise est entretenue par les réinfections au cours de l’année. L’impact de la myxomatose est alors très limité puisque la majorité de la population adulte est porteuse d’anticorps, la situation est enzootique. Figure 9 : Modélisation de l’évolution de la myxomatose dans une population à faible densité (BONLIEU S. 2008) 44 Dans le cas de populations peu denses, on enregistre généralement un maximum annuel de l’épizootie en période estivo-automnale. La majorité des lapins concernés sont les nouveau-nés qui sont souvent touchés lorsque les anticorps maternels ont disparu. Ensuite, l’immunité protectrice des lapins convalescents décroît progressivement, jusqu’au début de la saison de mise bas suivante. Le nombre de lapins infectés est très bas et quand le nombre de jeunes augmente, le nombre de lapins sensibles augmente également et l’épizootie estivoautomnale se renouvelle tous les ans. Il apparaît donc que l’impact de la myxomatose est fort surtout dans les populations de faible effectif et isolées. La disparition d’habitats favorables ainsi que leur fragmentation constituent donc une des causes majeures de la régression des populations de lapin de garenne, en permettant à la myxomatose d’évoluer par épizooties. Les lapins relâchés au cours d’un repeuplement constituent généralement des populations de faible effectif et isolées, et donc représentent un terrain favorable à une épizootie de myxomatose. On comprend donc l’intérêt de vacciner les lapins contre cette maladie au cours de l’opération. H. Autres poxviroses 1. La fibromatose Le virus responsable de la fibromatose est le Shope fibroma virus, appartenant à la famille des Poxviridae. Il a été identifié pour la première fois en 1932 sur un lapin américain (Sylvilagus spp), cette espèce servant d’hôte naturel au virus. Les lapins européens (Oryctolagus cuniculus) y sont peu sensibles mais peuvent être infectés expérimentalement (FENNER F. 1994). Aucun cas de fibromatose chez le lapin de garenne n’est connu à ce jour. L’intérêt du virus réside principalement dans sa proximité antigénique avec celui de la myxomatose, d’où son utilisation pour la fabrication de vaccins contre cette maladie par protection croisée. Mais un fibrome de Shope peut apparaître quelques jours après la vaccination car il s’agit d’un vaccin à virus atténué (DELOBRE F. 2004). L’atteinte se caractérise par la présence de fibromes cutanés isolés ou groupés, sur la région podale, la vulve, le périnée, le pavillon de l’oreille, les paupières et la région ventrale de l’abdomen. Ces nodules sont généralement recouverts d’une croûte grisâtre épaisse et ne sont pas prurigineux (HAFFAR A. et al. 1995). L’apparition des nodules est souvent précédée d’une phase fébrile avec anorexie et jetage nasal (MORISSE J.P. 1995). Dans la plupart des cas les lésions régressent spontanément. 2. La variole Il s’agit d’une maladie peu fréquente, provoquée par le Variola virus, de la famille des Poxviridae, et atteignant principalement les jeunes animaux et les femelles gestantes en élevage. La variole du lapin est décrite uniquement aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, et sur des sujets d’élevage (HAFFAR A. et al. 1995; MORISSE J.P. 1995). 45 I. Entérite à rotavirus Les infections à rotavirus sont à l’origine de diarrhée chez de nombreuses espèces animales. Le rotavirus isolé chez le lapin est classé dans le groupe A, sérotype 3. La présence d’anticorps dirigés contre le virus est liée à l’âge des animaux. En effet, plus de 90% des nouveau-nés (âgés de moins d’un mois), des lapereaux sevrés (de deux à trois mois), des jeunes adultes (de trois à quatre mois) et des adultes (âgés de plus de cinq mois) sont porteurs d’anticorps anti-rotavirus. Chez les lapereaux âgés de un à deux mois, ce taux tombe à 25% environ (LICOIS D. 1995). La prévalence maximale de la maladie est d’ailleurs observée chez les animaux âgés de 36 à 42 jours, ce qui suggère que ces animaux sont infectés après la disparition des anticorps maternels (MORISSE J.P. 1995). Chez les lapins de garenne, seulement 30% des individus sont séropositifs (BOUCHER S. et al. 2002). Les animaux atteints présentent une diarrhée avec parfois des grumeaux verts jaunâtres associée à de la déshydratation. La mort survient en un à deux jour après le début des signes cliniques (LE GAL S. 2002). L’infection peut également être asymptomatique, bien que les animaux excrètent le virus dans leurs fèces (CIARLET M. et al. 1998). Il a été démontré que l’affection est plus sévère, et la mortalité augmentée, lorsque le lapin est infecté simultanément par Escherichia coli (MORISSE J.P. et al. 1982). Le virus se réplique dans les villosités de l’intestin grêle et faciliterait l’adhésion de bactéries pathogènes comme Escherichia coli. Les diarrhées virales touchent essentiellement les lapereaux de moins d’un mois dans les élevages. Ceci semble indiquer qu’elles sont favorisées par un environnement stressant et des conditions de vie et d’hygiène favorables à la transmission de viroses digestives (LICOIS D. 1995). Elles semblent rares chez le lapin de garenne, mais le stress lors des opérations de repeuplement et les perturbations digestives engendrées pourraient favoriser leur expression. 46 47 48 II. LES MALADIES BACTERIENNES Les maladies bactériennes du lapin de garenne sont ici présentées en fonction de leur agent étiologique, par ordre taxonomique. La classification retenue est celle de J.P. Euzéby, selon la nomenclature officielle de l’International Committee on Systematics of Prokaryotes (ICSP - EUZEBY J.P. page consultée le 15 février 2010). A. Infections mycobactéries et maladies dues aux 1. La tuberculose La tuberculose naturelle est rarissime chez le lapin de garenne. Elle est provoquée par des bactéries du genre Mycobacterium, principalement M. tuberculosis, M. bovis ou M. avium. On rencontre également M. microti, notamment chez les campagnols sauvages (WILLIAMS E.S. et al. 2001). Cette maladie a une évolution très lente, l’amaigrissement de quelques lapins adultes est le principal signe clinique. Une toux et des râles peuvent parfois apparaître (BOUCHER S. et al. 2002). La culture de la bactérie sur milieu spécifique reste le seul moyen de diagnostic de certitude. De nouvelles approches diagnostiques, telles que le dosage de l’interféron gamma ou le sérodiagnostic, sont en cours d’évaluation sur le terrain et semblent prometteurs pour améliorer le diagnostic de la tuberculose des animaux sauvages (LECU A. et al. 2008). 2. La paratuberculose Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis est responsable de la paratuberculose, ou maladie de Johne, une entérite affectant les ruminants en France. Des cas de paratuberculose sur des lapins de garenne ont été récemment identifiés en Ecosse (BEARD P.M. et al. 2001) : 114 cadavres de lapins provenant de fermes ayant des antécédents de paratuberculose bovine ont été collectés. Aucune lésion macroscopique de la maladie n’a pu être mise en évidence, mais des preuves de l’infection par M. a. paratuberculosis ont été apportées pour 22% des cadavres. Le caractère pathogène du bacille chez le lapin reste donc hypothétique. Parmi les différentes espèces de mammifères sauvages réceptives, le lapin de garenne pourrait représenter une source d’infection pour les bovins. En effet, il présente un fort taux d’excrétion de la bactérie dans ses fèces. Actuellement, on pense que les lapins de garenne en Ecosse jouent surtout un rôle de réservoir de la bactérie, et qu’ils pourraient servir de véhicule de propagation de la maladie entre les troupeaux de ruminants (JUDGE et al. 2006; CHASTEL M. 2008). 49 B.La dermatophilose La dermatophilose est due à Dermatophilus congolensis. Quelques infections spontanées ont été rapportées chez des lapins de compagnie en France, mais aucune chez le lapin de garenne (BOURDEAU P. 1997). La bactérie provoque une dermatose caractérisée par des croûtes, une dépilation, ainsi que des lésions exulcératives à ulcératives, et ceci partout sur le corps (WILLIAMS E.S. et al. 2001; DELOBRE F. 2004). C. La chlamydophilose La chlamydophilose est due à Chlamydophila abortus. Cette bactérie peut occasionnellement provoquer des troubles de la reproduction chez les lapins (EUZEBY J.P. page consultée le 15 février 2010). Les signes cliniques en élevage sont observés principalement sur les lapines en gestation et les lapereaux au nid : difficulté ou refus d’accouplement, infertilité, avortements, hémorragies avant et après mise bas, naissance de lapereaux hydrocéphales, faiblesse, conjonctivite et pneumonies chez les nouveau-nés (BOUCHER S. et al. 2002). D. La listériose La listériose est provoquée par un petit bacille Gram +, Listeria monocytogenes, à tropisme nerveux et génital. Les rongeurs sauvages sont le principal réservoir de la bactérie. La maladie est très rare chez le lapin de garenne, elle se traduit chez les jeunes par une septicémie, et chez les adultes par une forme nerveuse ou génitale (FILLEUL J.P 1985; WILLIAMS E.S. et al. 2001). E. La staphylococcie La staphylococcie est une maladie infectieuse fréquente dans de nombreuses espèces de Mammifères et se traduit principalement par des lésions suppurées dues à la multiplication et à l’action pathogène de Staphylococcus aureus. Lors d’une étude menée dans l’Ouest de la France par Marchandeau, 141 cadavres de lapins de garenne ont été récoltés entre 1996 et 1998. Chaque animal, présentant des lésions ou non, a fait l’objet d’une autopsie ainsi que de prélèvements biologiques afin de rechercher la présence de certains agents pathogènes (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). Staphylococcus aureus, associé ou non à d’autres agents pathogènes, a été identifié chez 5% des cadavres de lapins autopsiés au cours de cette étude. 50 Tableau IV : Agents pathogènes recherchés et fréquence de leur identification sur les 141 cadavres de lapins (MARCHANDEAU S. et al. 1999a) Nombre d’analyses Virus Myxomatose VHD Parasites Coccidies dont forte infestation Strongles dont forte infestation Taenias dont forte infestation Cysticerques Bactéries Pasteurella Salmonella Yersinia Listeria Staphylococcus aureus 141 69 (48,9%) 24 (17,0%) 98 (69,5%) 40 (28,4%) 41 (29,1%) 16 (11,3%) 28 (19,9%) 18 (12,8%) 4 (2,8%) 7 2 3 1 7 (5%) (1,4%) (2,1%) (0,7%) (5,0%) 1. Réceptivité L’existence de porteurs sains est un facteur important pour la transmission et la pérennisation de l’infection. Signalons en particulier le portage asymptomatique sur la peau et les muqueuses. Des blessures, en particulier au cours de combats, les lésions parasitaires, les piqûres d’insectes, la macération sur une litière souillée par de la diarrhée permettent la pénétration de la bactérie présente sur la peau et le développement de la maladie (DELOBRE F. 2004). La femelle est rendue vulnérable après la mise-bas par la fragilité de la mamelle, qui est congestionnée et soumise à des agressions diverses : succion violente, poils arrachés… Elle peut développer alors une mammite. Le lapereau nouveau-né est très fragile. Si la mère est porteuse de staphylocoques, il se contamine avec une grande facilité, exprimant une forme clinique (RICHARDSON V.C.G. 2000). A l’inverse, les sujets âgés sont souvent atteints de lésions suppurées chroniques. 2. Signes cliniques a) Forme suraiguë Relativement rare, elle se produit lors d’infection massive, ou bien sur des sujets déficients, ou soumis à un stress sévère. L’animal meurt brusquement d’une septicémie, d’une toxémie ou d’une pneumonie. On la rencontre surtout chez le lapereau nouveau-né lorsque la mère est atteinte de mammite ou de métrite (LAVAL A. 1995). 51 b) Forme aiguë Elle se manifeste par une fièvre accompagnée de dépression, anorexie, et évolue rapidement vers la mort (LAVAL A. 1995). Très souvent on constate chez les jeunes une dermatite exsudative avec œdème des pattes, abcès interdigités et une conjonctivite purulente (RICHARDSON V.C.G. 2000). Chez les lapins plus âgés, on observe plutôt des abcès souscutanés et du jetage, et chez les lapines une tuméfaction mammaire et une métrite. L’évolution est souvent mortelle. c) Formes chroniques Les formes chroniques sont les plus fréquentes. Elles peuvent se manifester par une suppuration visible sur l’animal, mais le plus souvent, le seul signe clinique est une dégradation de l’état général, avec amaigrissement, poil piqué, tristesse et perte d’appétit. La rhinite chronique se traduit par l’émission d’un jetage purulent. Les lésions histologiques varient avec la localisation et la durée d’évolution de l’infection, mais on retrouve toujours à des degrés divers une infiltration cellulaire diffuse plus ou moins suppurée, avec abcès, nécrose, et formation de granulomes. Pasteurellose, bordetellose et staphylococcie sont des affections fréquentes chez le lapin. Elles ont en commun un très grand polymorphisme clinique et une tendance à évoluer vers la chronicité avec formation d’abcès. F. Infections et maladies dues aux clostridies 1. La maladie de Tyzzer De nombreuses espèces de Mammifères, dont le lapin, sont habituellement porteurs sains de Clostridium piliforme (PRITT S. et al. 2010). La maladie se déclare à la faveur de dérèglements digestifs provoqués par des facteurs environnementaux ou alimentaires (WILLIAMS E.S. et al. 2001). En Amérique du Nord cette maladie est très fréquente chez les rongeurs, notamment chez les rats musqués (Ondatra zibethicus). La forme aiguë de la maladie se caractérise par une diarrhée aqueuse, le plus souvent hémorragique, et une apathie profonde. L’anorexie précède souvent la mort qui survient dans les deux jours. Dans les cas d’évolution chronique, on note une perte de poids puis des retards de croissance, parfois associés à une diarrhée aqueuse (LICOIS D. 1995). 2. Infection par Clostridium spiroforme En élevage, l’entérotoxémie touche habituellement les lapins après le sevrage, mais on peut la rencontrer également chez les adultes, en particulier les femelles venant de mettre bas et les animaux nourris avec une alimentation très concentrée en énergie et pauvre en fibres. 52 En effet, l’entérotoxémie résulte d’un stress et d’un déséquilibre de la flore intestinale (PERCY D.H. et al. 1993). Dans la plupart des cas, Clostridium spiroforme est associé à d’autres agents pathogènes (LICOIS D. 1995). Cette maladie évolue très rapidement : les lapins peuvent mourir sans manifester aucun signe clinique. Mais le plus souvent, ils présentent une diarrhée profuse, très liquide, pouvant contenir du sang ou du mucus, associée à une anorexie et un abattement intense. La mort survient après deux ou trois jours d’évolution. G. La nécrobacillose L’agent en cause est Fusobacterium necrophorum, ou bacille de Schmörl, une bactérie commensale du tube digestif des Mammifères. La bactérie pénètre dans la peau ou dans la muqueuse buccale à la faveur de lésions de l’épithélium, puis se multiplie et produit des toxines à l’origine de la nécrose. La rupture de la barrière cutanée ou muqueuse (plaies cutanées, malocclusions dentaires, nourriture abrasive…) ainsi que des conditions de macération (diarrhée, hypersalivation…) sont des facteurs de risque d’apparition de la maladie (WILLIAMS E.S. et al. 2001). Les lésions cutanées observées sur le lapin domestique se situent initialement au niveau de la bouche, provoquant une anorexie et une altération de l’état général. L’abcédation, l’ulcération et la nécrose s’étendent ensuite à la tête, au cou et aux pattes, puis de multiples abcès se développent sur les organes vitaux (HAFFAR A. et al. 1995; DELOBRE F. 2004). H. La brucellose Les bactéries du genre Brucella peuvent infecter naturellement de nombreuses espèces animales. Chez le lapin de garenne, c’est Brucella suis qui est responsable de la maladie. L’infection est rare et demeure en général inapparente. Lorsque toutefois la maladie est signalée, elle prend une forme chronique caractérisée par un amaigrissement progressif, associé à des cas d’avortement, de métrite et d’orchite (GANIERE J.P. 2006). I. La bordetellose Bordetella bronchiseptica est considérée comme un germe qui favoriserait plus qu’il ne déclencherait des affections respiratoires. On le retrouve essentiellement au niveau des sinus, et parfois au niveau des poumons (BOUCHER S. et al. 2002). La bordetellose est en général secondaire à la pasteurellose dont elle aggrave l’évolution. Une étude réalisée avec 121 lapins d’élevage présentant un coryza clinique a montré que 54,8% hébergeaient P. multocida, 52,2% hébergeaient B. bronchiseptica, 27,9% hébergeaient Pseudomonas et 17,4% hébergeaient Staphylococcus. Le coryza était pour la plupart d’origine polybactérienne, et la combinaison la plus fréquemment observée était P. multocida avec B. bronchiseptica (28,9% des lapins) (ROUGIER S. et al. 2006). 53 J. Les colibacilloses Escherichia coli fait partir de la flore bactérienne caecale habituelle du lapin. Certaines souches appartenant au groupe des ECE, c'est-à-dire les « Escherichia coli entéropathogènes », ont un pouvoir pathogène marqué qui s’exprime lors d’une multiplication excessive de la bactérie. La souche la plus fréquemment rencontrée en France est celle de sérotype O103. Elle est identifiée sur 30 à 50% des lapins diarrhéiques en élevage (LICOIS D. 1992; GRANGE K. 2003). L’élévation du nombre de colibacilles est étroitement liée au pH caecal. En effet, ce pH est normalement compris entre 5,8 et 6. Dans ces conditions, les acides gras volatils jouent un rôle inhibiteur sur les colibacilles et maintiennent leur population entre 100 et 10000 par gramme de contenu caecal. Une perturbation de la flore, liée à un changement d’alimentation, un stress, ou une entérite par exemple, s’accompagne d’une augmentation du pH caecal. Lorsque la valeur du pH dépasse 6,8 les acides gras volatils se dissocient et autorisent la multiplication excessive des colibacilles (LICOIS D. 1992). La maladie se caractérise par une mortalité rapide et importante des animaux de tout âge, associé à une diarrhée aqueuse et souvent hémorragique (GRANGE K. 2003). K. La klebsiellose Klebsiella pneumoniae est souvent considérée comme une bactérie opportuniste. En effet, les animaux malades sont fréquemment des lapereaux dont les défenses immunitaires ne sont pas encore bien établies, ou alors des lapins fragilisés par d’autres affections, notamment digestives (BOUCHER S. et al. 1999; COLETTI M. et al. 2001). En élevage, la klebsiellose peut prendre trois formes (BOUCHER S. et al. 1999) : une septicémie foudroyante chez les lapereaux (cas le plus fréquent), des avortements chez les femelles, et une forme chronique avec des porteurs sains. L. La salmonellose Cette maladie est due à une entérobactérie : Salmonella enterica subsp. enterica. Les deux sérovars les plus souvent incriminés chez le lapin sont Salmonella Typhimurium et Salmonella Enteritidis. Le lapin de garenne n’est pas considéré comme une espèce très exposée, mais la maladie est de plus en plus fréquente en élevage. Entre 1997 et 1998, Marchandeau a identifié des salmonelles sur deux lapins parmi les 141 cadavres récoltés (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). La proximité d’oiseaux ou de rongeurs réceptifs augmenterait le risque de contamination (LE GAL S. 2002), mais l’infection des animaux sauvages aurait le plus souvent comme origine des animaux domestiques ou des hommes (WILLIAMS E.S. et al. 2001). 54 Les salmonelloses ont un tropisme digestif et génital d’où les signes observés : une diarrhée fulgurante avec mortalité brutale chez les lapereaux, et des avortements et la mort des femelles gestantes. M. Les yersinioses Les yersinioses sont des zoonoses provoquées par Yersinia pseudotuberculosis ou Yersinia enterocolitica, et qui peuvent atteindre de nombreux Mammifères. Le lièvre est une espèce particulièrement sensible : sur 1000 cadavres de lièvres parvenus au Laboratoire Central de Recherches d’Alfort, Y. pseudotuberculosis a été isolée dans environ 25% des cas (WILLIAMS E.S. et al. 2001; TOMA B. 2004). Au cours de l’enquête menée dans l’Ouest de la France en 1997 et 1998, trois cas seulement ont été recensés chez les lapins de garenne, soit 2,1% des cadavres autopsiés (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). La forme latente de l’infection, réduite à la présence du bacille dans le tube digestif, est très fréquente, et on assiste à la « sortie » de la maladie à l’occasion d’un stress (TOMA B. 2004). La maladie, décrite chez des lapins domestiques, se limite à une apathie profonde et une diarrhée profuse, rapidement suivies par la mort par septicémie. A l’autopsie, on constate une splénomégalie, la présence de petits nodules blanc jaunâtres sur les viscères, ainsi qu’une hypertrophie des ganglions mésentériques (BOUCHER S. et al. 2002). L’infection par Yersinia pseudotuberculosis est aussi appelée pseudo-tuberculose en raison de l’analogie de ses lésions avec celles de la tuberculose. N. La coxiellose Cette maladie, appelée chez l’homme « Fièvre Q », est due à Coxiella burnetii ; cette bactérie infecte principalement les ruminants, mais peut atteindre de nombreuses espèces domestiques et sauvages, dont le lapin de garenne. Les tiques semblent jouer un rôle important dans la transmission de la maladie entre les différents animaux sauvages réceptifs (MAURIN M. et al. 1999). Les signes observés chez des lapins domestiques en cas de coxiellose sont une hyperthermie, une splénomégalie et parfois des lésions cutanées (BOURDEAU P. 1997; DELOBRE F. 2004). Aucune description de la maladie chez les individus sauvages n’a été publiée. 55 O. La pasteurellose L'agent étiologique quasi-unique lorsqu'on parle de pasteurellose chez le lapin est Pasteurella multocida, un germe de la famille des Pasteurellaceae. La pasteurellose est l’une des maladies les plus fréquentes chez le lapin d’élevage et de compagnie, mais elle est moins importante et surtout moins documentée chez le lapin de garenne. Une enquête réalisée en 1999 dans l’Ouest de la France a révélé que seulement 5% des cadavres de lapins de garenne récoltés hébergeaient des Pasteurella (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). 1. Réceptivité a) Facteurs extrinsèques La structure des sinus du lapin est très complexe et leur muqueuse très fragile. Ainsi, un climat froid et humide, le vent, la poussière... vont fragiliser l’épithélium et le rendre plus sensible à l’infection. De même, la mauvaise hygiène de l’environnement immédiat du lapin (surtout rencontré en élevage) ou encore le surpeuplement sont des facteurs favorisants. Par ailleurs, un simple stress comme un changement des conditions de milieu peut favoriser l’apparition des signes cliniques. b) Facteurs intrinsèques L’âge est un facteur très important. La résistance « naturelle » des lapereaux avant le sevrage a été montrée. En effet, quand les conditions environnementales sont bonnes, les lapereaux restent indemnes de pasteurelles jusqu’à l’âge de 21-25 jours, même si la mère est porteuse saine. L’état physiologique de la lapine détermine aussi sa réceptivité à l’infection. C’est au cours des quelques jours précédent la mise-bas que vont s’extérioriser les phénomènes pathologiques préexistants et notamment les affections respiratoires (KPODEKON M. et al. 1999). Enfin, les maladies intercurrentes peuvent également faciliter l’expression d’une pasteurellose, en particulier la myxomatose et l’otocariose (LAVAL A. 1995). 56 2. Signes cliniques a) Forme respiratoire C’est la forme la plus fréquemment décrite, mais aussi la plus visible. Les signes cliniques concernent d’abord les voies respiratoires supérieures : rhinite avec jetage séreux puis muco-purulent, éternuement, trachéite. La rhinite aiguë peut évoluer vers le stade chronique, jusqu’à l’atrophie totale ou partielle des cornets nasaux (DIGIACOMO R.F. et al. 1991). La pneumonie est le terme ultime de cette forme respiratoire. Elle est caractérisée par une hyperthermie et une dyspnée ; elle est rapidement mortelle. Ces signes respiratoires sont peu différents de ceux observés avec d'autres germes tels que Staphylococcus, Streptococcus ou Bordetella. b) Forme septicémique La septicémie est rare, ou rarement diagnostiquée. Elle intervient surtout dans les élevages fermiers, où lapins et volailles cohabitent. En effet, les souches les plus septicémiques chez le lapin proviennent souvent des oiseaux. Dans les cas suraigus, les animaux peuvent mourir sans autre signe clinique (WILLIAMS E.S. et al. 2001). Parfois l'animal se retire dans un coin, apathique, et l'hyperthermie peut atteindre 41°C. La mort survient dans les 24 à 48 heures. c) Formes localisées Les abcès pasteurelliques peuvent être très volumineux et envahissants sans que l’état général de l’animal en soit affecté. La localisation dans la cavité de l’oreille moyenne provoque une otite suppurée chronique très fréquente dans les élevages. On la trouve chez plus de 60% des lapines en fin de gestation (KPODEKON M. et al. 1999). Cette otite est le plus souvent asymptomatique, mais elle peut évoluer en otite interne ou en encéphalite. De multiples autres formes de pasteurellose sont décrites. Les métrites et vaginites sont rencontrées dans les élevages pratiquant l’insémination artificielle de manière peu hygiénique. Péritonite, ostéomyélite, ostéoarthrite ou encore dacryocystite sont rarement rencontrées. La pasteurellose du lapin se décrit comme une maladie d'évolution chronique dont les signes cliniques, bien que très variés, se traduisent par un seul type de lésion anatomique: l'inflammation suppurée (WILLIAMS E.S. et al. 2001). 57 P. Infection par Pseudomonas En élevage cunicole, Pseudomonas aeruginosa est responsable de pneumonies, de diarrhées, et occasionnellement d’affections cutanées (BOUCHER S. et al. 2002). Il n’existe actuellement aucune donnée concernant ce germe chez le lapin de garenne. Lors d’atteinte respiratoire, la septicémie est brutale avec léthargie, fièvre, jetage nasal, épiphora, dyspnée, parfois diarrhée et mort. Des abcès semblables à ceux provoqués par les pasteurelles peuvent également être rencontrés (POZET C. 2009). Q. La tularémie La tularémie est une maladie due à Francisella tularensis qui affecte principalement les rongeurs et lagomorphes, mais qui peut se transmettre à d’autres espèces dont l’homme. Entre 1999 et 2004, 229 cas ont été diagnostiqués chez des animaux, dont 224 chez des lièvres et trois chez des lapins de garenne (VAISSAIRE J. et al. 2005). Le lapin semble être moins sensible que le lièvre ; la maladie est rare chez Oryctolagus, mais il peut être porteurexcréteur de la bactérie (WILLIAMS E.S. et al. 2001). En France, le cycle d’entretien de la tularémie repose sur les populations de micromammifères, notamment les campagnols, en association avec les arthropodes. En effet, la bactérie est capable de se multiplier chez certaines tiques (Dermacentor, Amblyomma…). Les animaux se contaminent directement dans un environnement souillé, ou indirectement par morsure de tique (WILLIAMS E.S. et al. 2001). Des épizooties surviennent régulièrement en période de prolifération des tiques, mais la plupart du temps, la maladie sévit sous la forme de foyers sporadiques (DUMAS P.H. 2005). L’incubation est de trois à six jours en moyenne. On constate ensuite une mortalité anormale dans les populations et éventuellement la présence d’animaux apathiques, errants, qui perdent leur méfiance à l’égard de l’homme. La mort par septicémie survient en moins d’une semaine. La tularémie provoque des lésions de congestion généralisée, une splénomégalie assez caractéristique (rate « en cigare »), une hypertrophie des nœuds lymphatiques et des micro-abcès répartis sur la rate, le foie et les nœuds lymphatiques. 58 R. La syphilis à tréponèmes La syphilis est due à une bactérie de la famille des spirochètes, Treponema cuniculi. C’est une maladie vénérienne : la contamination se fait lors de l’accouplement, de la mise bas ou pendant la lactation. On la rencontre surtout en élevage ; aucun cas n’a été rapporté chez le lapin de garenne. Au début, on voit apparaître de petits nodules rouges et œdémateux, mesurant 1 à 5 mm. Ensuite, il y a un dessèchement de l’exsudat, ce qui forme les croûtes, recouvrant des ulcères. Les lésions sont, au départ, bien localisées aux régions péri-anale et périnéale, puis elles s’étendent à la face, aux oreilles et aux pattes. Elles ne sont pas prurigineuses mais douloureuses (HAFFAR A. et al. 1995; BOUCHER S. et al. 2002; DELOBRE F. 2004). La syphilis peut devenir chronique et les lésions se dessécher progressivement. Des germes pyogènes viennent parfois compliquer la maladie, en particulier les Staphylocoques et le Fusobacterium. Ils provoquent alors des ulcères et des zones de nécrose. S. La mycoplasmose Les mycoplasmes identifiés chez le lapin sont Mycoplasma arginini et Mycoplasma bovis. Ces germes passent plutôt inaperçus, mais peuvent être responsables de troubles respiratoires lorsqu’ils sont associés à d’autres agents pathogènes, notamment des pasteurelles, ou des facteurs de stress environnementaux (VILLA A. et al. 2001). 59 60 III. LES MALADIES PARASITAIRES Nous étudierons successivement les maladies provoquées chez le lapin de garenne par les helminthes, les arthropodes, les protozoaires et enfin par les champignons. Dans chacune de ces parties, c’est la classification taxonomique des parasites qui est utilisée (TAYLOR M.A. et al. 2007). A. Maladies dues aux helminthes Les helminthes parasites du tube digestif du lapin sont assez variés. Ils sont en général bien tolérés ; des troubles diarrhéiques peu spécifiques traduisent un parasitisme massif (LE GAL S. 2002). 1. Maladies dues aux trématodes La grande douve ou Fasciola hepatica, et la petite douve ou Dicrocoelium lanceolatum peuvent infester le lapin. Les douves sont habituellement des parasites des ruminants, présentes surtout dans les prés humides. Une étude menée dans une ferme française où des bovins infectés par Fasciola hepatica cohabitaient avec des animaux sauvages a révélé que 34% des lapins de garenne (42/124) étaient infestés, mais que seulement 12% environ d’entre eux excrétaient des œufs (MENARD et al. 2000) Les formes immatures, ingérées par le lapin, migrent à travers le parenchyme hépatique, provoquant des lésions irréversibles au foie, et les adultes s’installent dans les voies biliaires. A part un léger ralentissement de croissance, il n’y a généralement pas de signes spécifiques. 2. Maladies dues aux cestodes a) Les téniasis Une demi-douzaine de ténias de la famille des Anoplocéphalidés peut parasiter le lapin de garenne. Le plus fréquemment retrouvé est Cittotaenia ctenoïdes, ver plat d’une vingtaine de centimètres de long et de 0,5 à 1cm de large. En général, l’infestation ne provoque pas la mort du lapin, mais ralentit sa croissance ou puise sur ses réserves. Parfois, on peut observer une légère diarrhée, une météorisation, ou une occlusion intestinale (BOUCHER S. et al. 2002). Les ténias adultes sont trouvés chez environ 20% des lapins de garenne, et 13% sont fortement parasités (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). 61 b) Les échinococcoses Ces maladies sont provoquées chez le lapin par les larves de cestodes du genre Echinococcus. Les échinococcoses sont des zoonoses grave et l’échinococcose alvéolaire est actuellement considérée comme émergente en Europe (ECKERT J. et al. 2004; GUISLAIN M.H. 2006). Les cycles de développement des échinocoques impliquent des carnivores (renard, chien voire chat) en tant qu’hôtes définitifs, et comme hôtes intermédiaires : des petits rongeurs sauvages pour E. multilocularis (échinococcose multiloculaire ou alvéolaire de l’homme), et les moutons pour E. granulosus (kyste hydatique de l’homme). Le lapin de garenne peut néanmoins s’infester en ingérant les œufs rejetés dans les fèces de carnivores (ECKERT J. et al. 2004). Les signes cliniques chez le lapin, dépendent de la localisation des kystes formés par les larves (en général hépatiques), mais la plupart du temps, il s’agit d’une découverte d’autopsie (BOUCHER S. et al. 2002). c) La cœnurose Cette maladie est rare et se développe chez les lapins en contact indirect avec des chiens contaminés. Elle est due à la larve de Taenia serialis appelée Coenurus serialis. Le lapin, hôte intermédiaire, se contamine en ingérant les œufs excrétés dans les fèces de chien. Les cœnures se développent dans le tissu conjonctif (sous-cutané, intermusculaire, cavité orbitaire…) en trois mois. Les signes cliniques dépendent de la localisation de la vésicule hydatique (BOUCHER S. et al. 2002). d) La cysticercose Le lapin est l’hôte intermédiaire de Taenia pisiformis : il héberge les formes larvaires kystiques du ténia du chien, appelées Cysticercus pisiformis. Ces larves, ingérées avec des herbes ou de l’eau souillées par des fèces de chien, sont libérées dans le tube digestif du lapin et vont traverser la paroi intestinale pour atteindre le foie. Elles s’y développent pendant un mois, puis le traversent pour gagner la cavité péritonéale où elles se fixent sur la séreuse hépatique ou sur le mésentère. Les manifestations cliniques sont pratiquement inexistantes ; la cysticercose est une découverte d’autopsie. Lors de l’étude de 1997-1998, environ 3% des lapins de garennes prélevés étaient infestés (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). 62 3. Maladies dues aux nématodes a) La trichurose L’infestation par les trichures est fréquente chez le lapin de garenne, mais moins que chez le lièvre (IPPEN R. et al. 1995). Les adultes de Trichuris leporis vivent dans le caecum du lapin et sont habituellement bien tolérés. Ils peuvent néanmoins provoquer des troubles digestifs ou une émaciation en cas de forte infestation ou de pathologie digestive associée. b) L’oxyurose Les oxyures sont les nématodes les plus fréquents chez le lapin. L’oxyurose n’est pas une maladie grave, mais plutôt gênante pour le lapin : en effet, les femelles de Passalarus ambiguus pondent aux marges de l’anus, entraînant un prurit et des dépilations de la région anale. De plus, lors d’infestation massive, les formes juvéniles présentent dans la muqueuse intestinale peuvent provoquer une diarrhée (BOUCHER S. et al. 2002). c) Les strongyloses Les parasites du genre Trichostrongylus (T. retortaeformis et T. axei) sont fréquemment trouvés dans les intestins du lapin de garenne, ainsi que Graphidum strigosum dans son estomac. En 1997-1998, 29% des lapins de garenne prélevés dans l’Ouest de la France étaient porteurs de strongles, et 11% étaient fortement infestés (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). La maladie passe en général inaperçue. De fortes infestations peuvent provoquer des diarrhées, des anémies ou une émaciation. Lors de graphidiose, on peut parfois observer une gastrite hémorragique (BOUCHER S. et al. 2002). d) Protostrongylose pulmonaire Les espèces responsables de cette affection, appelée aussi bronchite vermineuse, sont en Europe Protostrongylus rufescens et Protostrongylus pulmonis. Ils ont pour hôtes intermédiaires des petits mollusques que le lapin ingère avec des végétaux contaminés. Une infestation légère est bien supportée par le lapin et reste asymptomatique, mais une infestation massive conduit à un amaigrissement et un essoufflement au moindre effort, avec toux. Un jetage muco-purulent est fréquemment observé dans ce cas. 63 B.Maladies dues aux arthropodes 1. Maladies dues aux acariens a) Les tiques En France plusieurs espèces d’Ixodidés peuvent parasiter le lapin, sans en être spécifiques : Amblyomma sp., Boophilus sp., Ixodes sp., Rhipicephalus sp. et Dermacentor sp. Il est également possible de rencontrer Otobius lagophilus, Ornithodoros parkeri et Orthithodoros turicata. Les infestations sévères, lorsqu’elles atteignent des animaux fragilisés, peuvent provoquer une anémie, une faiblesse, une émaciation voire la mort de l’animal. La tique est également un vecteur de certaines maladies, notamment la myxomatose et la tularémie. b) La thrombiculose Thrombicula automnalis est également appelé aoûtat. Il sévit de manière saisonnière, en été et au début de l’automne. Le principal signe est un prurit intense, provoqué par la fixation sur la peau des larves. Les lésions se trouvent préférentiellement dans les zones où la peau est fine, c’est-à-dire l’intérieur et l’extérieur des oreilles, le pourtour des yeux, les espaces inter-digités et la zone péri-anale. c) La gale des oreilles L’otocariose, ou gale des oreilles, est la dermatose parasitaire la plus fréquente chez le lapin domestique. Psorpotes cuniculi est typiquement responsable d’une otite externe érythématosquameuse. Le signe le plus caractéristique est le prurit auriculaire intense qui fait que l’animal se secoue la tête. Les conduits auditifs sont largement, parfois totalement, comblés par un cérumen extrêmement abondant, sec et fortement malodorant. Cet aspect « feuilleté » du cérumen est très caractéristique voire pathognomonique (DELOBRE F. 2004). L’otocariose s’aggrave parfois en otite moyenne ou interne, et se traduit alors par un torticolis associé à syndrome vestibulaire. Parfois, des complications d’encéphalites surviennent et peuvent s’avérer mortelles. d) La cheyletiellose Beaucoup de lapins sont porteurs de Cheyletiella parasitivorax sans manifester le moindre signe clinique. Les jeunes et les individus immunodéprimés peuvent exprimer la maladie, qui se traduit alors par un prurit d’intensité variable, une légère alopécie, un érythème, des croûtes et un grand nombre de squames au niveau du cou et du dos. 64 e) La dermatose due à Listrophorus gibbus Le portage asymptomatique étant très fréquent, on ignore si Listrophorus gibbus est commensal ou pathogène. En cas de dermatose déclarée, on observe un prurit d’intensité variable, un squamosis, un érythème, des croûtes et une alopécie principalement au niveau de l’abdomen. De plus, on note une apparence « poivre et sel » de la fourrure du lapin (DELOBRE F. 2004). 2. Maladies dues aux insectes hexapodes a) La phtiriose La phtiriose est due à la présence d’un pou piqueur, Heamodipsus ventricosus le plus souvent. Ce pou est vecteur de tularémie. Les adultes provoquent un prurit intense accompagné de squamosis, dépilations et excoriations. Les lésions siègent sur l’ensemble du corps. b) Les myiases Les myiases correspondent au développement, à la surface de la peau ou dans la peau, de larves de diptères non spécifiques (Lucilia sp. et Calliphora sp. essentiellement). Elles ont lieu pendant les mois les plus chauds de l’année et sont favorisées par les plaies cutanées et les divers écoulements susceptibles de souiller le pelage comme la diarrhée. c) La pulicose Il existe une puce spécifique du lapin : Spilopsyllus cuniculi. Elle mesure de 1,5 à 2 mm pour la femelle, et présente deux peignes parallèles qui permettent de bien la différencier de Ctenocephalides. Cependant, le lapin peut également être parasité par des autres espèces de puces, notamment Ctenocephalides spp et Xenopsylla spp. Le signe apparaissant systématiquement lors de pulicose est un prurit très marqué, associé à une dépilation et des excoriations. Spilopsyllus cuniculi a une prédilection pour la nuque, la face et le pourtour des oreilles, alors que les puces des carnivores sont plutôt trouvées sur le dos et à la base de la queue du lapin. Les individus les plus touchés sont les femelles et les jeunes lapereaux. Les infections bactériennes secondaires sont possibles, aboutissant alors à une pyodermite bactérienne (DELOBRE F. 2004). Par ailleurs, les puces jouent un rôle important dans la transmission de la myxomatose (voir « La transmission vectorielle » page 39) et de la peste. En effet, les rongeurs et lagomorphes constituent le réservoir sauvage de Yersinia pestis. La morsure de puce permet l’entretien de la bactérie au sein du réservoir, et est la principale voie de contamination des hommes à partir des animaux (SERVICE M.W. 2001). Cependant, aucun cas n’a été récemment signalé en Europe. En France, les derniers cas survenus datent de 1945 en Corse (Institut Pasteur page consultée le 18 février 2010). 65 C. Maladies dues aux protozoaires 1. La giardiose Giardia duodenalis est un protozoaire flagellé encore appelé Lamblia intestinalis. Dans la plupart des cas, l’infestation est sub-clinique ; on observe des signes de diarrhée avec météorisation et perte de poids uniquement sur des animaux jeunes ou stressés (BOUCHER S. et al. 2002). 2. Les coccidioses Les coccidioses sont les parasitoses les plus fréquentes chez le lapin de garenne. En 1997-1998 dans l’Ouest de la France, environ 70% des lapins prélevés étaient porteurs de coccidies, et 30% étaient fortement infestés (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). Les coccidies du lapin appartiennent au genre Eimeria, elles sont monoxènes et ont une spécificité d’hôte très stricte. La gravité de cette maladie dépend à la fois du degré d’infestation et de l’espèce de coccidie qui parasite l’animal. Une immunité contre le protozoaire se crée, ce qui explique par ailleurs la plus grande sensibilité des jeunes lapins (BOUCHER S. 2004). a) Le cycle Figure 10 : Cycle des Eimeria (LICOIS D. 1995) 66 La phase interne commence par l’ingestion d’un ookyste sporulé qui va libérer des sporozoïtes dans l’intestin. Plusieurs schizogonies ont lieu successivement, permettant une multiplication intense du parasite. Elles aboutissent à la formation de gamètes. Puis la gamogonie a lieu et conduit à la formation des ookystes qui seront excrétés avec les fèces dans le milieu extérieur. Ainsi pour un ookyste d’Eimeria intestinalis ingéré, 1 à 3 millions d’ookystes sont produits. Au cours de la phase externe se produit la sporulation de l’ookyste qui le rend infestant. b) Les différentes espèces Une dizaine d’espèces d’Eimeria sont rencontrées chez le lapin. Parmi celles-ci une seule parasite le foie, les autres se localisent dans l’intestin. La distinction entre les différentes espèces porte essentiellement sur des critères morphologiques, mais cette diagnose n’est possible que sur des ookystes sporulés. C’est pourquoi d’autres critères peuvent être utilisés, comme la période prépatente, la durée de sporulation, la localisation de la phase interne du cycle, le nombre de schizogonies qui ont lieu, le nombre et la forme de mérozoïtes présents dans les schizontes… Tableau V : Critères de reconnaissance des différentes Eimeria du lapin (BOUCHER S. 1998; GRES V. et al. 2002) Eimeria Forme Longueur (µm) Largeur (µm) Corps résiduel Micropyle Virulence perforans subsphérique ellipsoïde rectangulaire 22,2+/-2,8 13,9+/-0,9 + +/- +/- media ellipsoïde 31,1+/-2,1 17+/-0,9 ++ ++ +/- coecicola ellipsoïde 34,5+/-2,4 19,7+/-0,8 ++ ++ +/- magna ellipsoïde large 36,3+/-1,7 24+/-0,9 +++ +++ +++ irresidua subrectangulaire 35,2+/-1,8 21,9+/-1,1 - ++++ +++ piriformis piriforme 29,5+/-2,3 18+/-1,2 - + +++ 26,8+/-1,7 18,9+/-0,9 ++ ++ ++++ 31,5 19,1 ++ + + 20 20 - - + intestinalis vejdovskyi exigua piriforme losangique allongée à ovoïde ronde 30+/-2,2 21+/-1 - ++++ ++++ stiedai ovoïde ellipsoïde ellipsoïde 35,7+/-0,4 19,9+/-0,5 - +/- ++ roobroucki ellipsoïde 55+/-2,7 33,7+/-1,3 flavescens 67 c) Epidémiologie Une étude menée en 1998-1999 chez le lapin de garenne en France nous apprend que (GRES et al. 2003) : - l’intensité de l’infection apparaît plus élevée chez les jeunes lapins que chez les adultes, - c’est en hiver que l’intensité de l’infection des adultes est la plus élevée, - chez les juvéniles, qui n’apparaissent qu’au printemps, l’infection est plus importante au printemps et à l’automne qu’en été, - la charge parasitaire est généralement plus importante dans les régions humides et relativement froides (Ile de France et Alsace) que le long du littoral atlantique (Loire et Landes) et encore plus que dans les régions sèches et chaudes (vallée du Rhône). Printemps Eté Automne Figure 11 : Prévalence saisonnière des différentes espèces de coccidies chez les lapins juvéniles (GRES et al. 2003). Par ailleurs, l’ordre des prévalences des différentes espèces apparaît remarquablement stable, comparé à la variabilité de la charge parasitaire. L’équilibre entre les espèces de coccidies pourrait être la conséquence du comportement alimentaire opportuniste du lapin de garenne (GRES et al. 2003). 68 Tableau VI : Prévalence des différentes espèces d’Eimeria chez les lapins domestiques adultes (GRES et al. 2003). Espèce E. perforans E. flavescens Taux de prévalence 90-100% E. piriformis E. exigua E. media E. magna E. coecicola E. stiedai E. roobroucki E. intestinalis 70-95% 32-72% 29-69% 17-42% 5-32% 4-21% 0-21% 0-16% d) Les formes cliniques La coccidiose n’apparaît en général que sur des animaux stressés, immunodéprimés, ou présentant des dérèglements digestifs liés à d’autres agents pathogènes. (1) La coccidiose hépatique La forme hépatique est due à Eimeria stiedai. Dans les conditions naturelles d’infestation, cette coccidiose n’est pas mortelle. Cependant, une atteinte hépatique chronique se ressent sur l’état de santé général de l’animal et le rend plus fragile. Chez un jeune animal fortement infesté, la coccidiose hépatique peut entraîner une anorexie, un retard de croissance, une perte de poids, un ictère, un affaiblissement, une ascite, une diarrhée ou une constipation. L’évolution peut être mortelle. Le foie est ponctué de taches blanc-jaunâtres plus ou moins régulières. Elles sont dues à une accumulation d’ookystes dans les canaux biliaires, ce qui provoque leur épaississement puis leur fibrose, et enfin leur colonisation secondaire par des leucocytes. (2) Les coccidioses intestinales Les formes intestinales de coccidiose peuvent être classées en quatre catégories selon leur pathogénicité (BOUCHER S. et al. 2002) : - les coccidies non pathogènes : Eimeria coecicola - les coccidies peu pathogènes : Eimeria perforans - les coccidies pathogènes : Eimeria media, E. magna, E. piriformis, E. irresidua - les coccidies très pathogènes : Eimeria intestinalis, E. flavescens 69 Les signes cliniques rencontrés lors de coccidiose intestinale sont les suivants : diarrhée aqueuse voire hémorragique, météorisation (c’est la « maladie du gros ventre »), anorexie et adipsie, amaigrissement et déshydratation intense. La contagion est importante ainsi que la mortalité. Les lésions dépendent de l’espèce d’Eimeria, et sont parfois discrètes ou absentes. On observe généralement une inflammation catarrhale de l’intestin dont la paroi est oedématiée et décolorée, et présente des ulcérations et foyers de nécrose. 3. La cryptosporidiose Cryptosporidium parvum, seul ou en association avec des agents bactériens ou viraux, engendre des diarrhées très liquides et un retard de croissance, surtout chez les lapereaux en élevage. Après le sevrage, on observera plutôt des troubles diarrhéiques subcliniques. Le cycle de Cryptosporidium parvum est proche de celui des coccidies mais la sporulation a lieu chez l’hôte alors qu’elle se fait dans le milieu extérieur pour les coccidies. De plus, un recyclage des mérozoïtes de la première schizogonie à lieu (BOUCHER S. et al. 2002). En juillet 2008 en Angleterre, le parasite du lapin a été identifié comme agent étiologique d’une épidémie de cryptosporidiose humaine. En effet, un lapin de garenne s’était introduit dans un réservoir d’eau potable qu’il avait contaminé. Cet épisode souligne que le lapin de garenne peut être porteur du parasite, et que le risque de zoonose, notamment liée à l’eau, ne doit pas être négligé (ROBINSON G. et al. 2009). 4. La toxoplasmose La toxoplasmose est une zoonose cosmopolite due à Toxoplasma gondii, qui peut être très grave pour un fœtus si sa mère est infestée pendant sa grossesse, ou pour un individu immunodéprimé (LONG P.L. 1990). C’est le chat qui est l’hôte définitif de Toxoplasma gondii. Il héberge ce dernier dans son tube digestif, de manière asymptomatique le plus souvent, et excrète des ookystes dans ses fèces. De nombreux Mammifères et Oiseaux peuvent se contaminer en ingérant ces ookystes présents dans l’environnement, ce qui conduit à la formation de kystes parasitaires. La contamination humaine se fait essentiellement par l’ingestion de viande parasitée (contenant des kystes), et plus rarement par l’absorption d’ookystes (fruits, légumes, terre souillés par des déjections de chat) ou par voie transplacentaire (RIPERT C. et al. 1996). Chez le lapin, la maladie peut avoir une évolution aiguë, conduisant à la mort de l’animal en quelques jours, mais le plus souvent c’est une forme chronique avec enkystement du parasite que l’on observe (RIPERT C. et al. 1996). Dans ce cas, les signes cliniques sont fonction de la localisation du kyste : myosites, encéphalomyélites, adénites… 70 5. L’encéphalitozoonose Alors qu’au moins la moitié des lapins domestiques sont porteurs sains d’Encephalitozoon cuniculi (BEAURIN D. 2006), le parasite est plus rarement signalé chez le lapin sauvage. La seule donnée obtenue en France rapporte une séroprévalence proche de 4% (CHALUPSKY J. et al. 1990). Une autre étude, réalisée en Australie en 1997 par Thomas, met en évidence une séropositivité chez 20 des 81 lapins sauvages testés (THOMAS C. et al. 1997). Habituellement asymptomatique, la maladie peut aussi se développer sous deux formes : rénale ou nerveuse. La forme rénale est en général une découverte d’autopsie, mais on rencontre parfois des signes d’insuffisance rénale avec une polyuro-polydipsie. Dans la forme nerveuse, on note les signes d’une encéphalite, avec fréquemment un syndrome vestibulaire (HARCOURT-BROWN F.M. et al. 2003; BEAURIN D. 2006; KUNZEL F. et al. 2008). D. Mycoses 1. Les teignes Les teignes sont dans la grande majorité des cas dues aux genres Microsporum et Trichophyton. Les lapins sont souvent porteurs asymptomatiques de ces parasites. D’une manière générale, les lésions sont en plaques circonscrites, croûteuses et érythémateuses, avec des zones d’alopécie de sévérité variable. On les retrouve communément autour des yeux et du museau. Secondairement, elles s’étendent aux pattes et peuvent toucher les griffes. Ces lésions sont parfois prurigineuses, surtout dans les formes suppuratives (DELOBRE F. 2004). 2. La pneumocystose L’infestation par Pneumocystis carinii n’est pas considérée comme dangereuse pour le lapin. En revanche, le parasite peut être transmis à l’homme immunodéprimé. Une légère gêne respiratoire peut être observée en cas d’infestation massive, notamment sur des lapereaux au moment du sevrage. Une pasteurellose est souvent isolée conjointement au champignon. 3. La candidose Candida albicans est très rarement rencontré chez le lapin. Les lésions, recouvertes d’un enduit blanchâtre, siègent autour de zones humides comme la commissure des lèvres, les paupières, la zone péri-anale et les pattes. Parfois une forme digestive de la candidose, se traduisant par une diarrhée, est observée (BOUCHER S. et al. 2002). 71 4. L’aspergillose L’aspergillose est provoquée par Aspergillus niger ou Aspergillus fumigatus et est rencontrée essentiellement en élevage. Des difficultés respiratoires et un abattement sont les principaux signes. L’évolution est chronique, un amaigrissement peut être noté (POZET C. 2009). La mortalité est variable. Une forme cutanée est possible, en association avec la forme pulmonaire : présence de petites papules sur l’abdomen. 72 73 74 DISCUSSION Cette synthèse bibliographique présente la liste des dangers biologiques qui menacent le lapin de garenne en France. Quelques maladies mono-factorielles se distinguent par l’importance de leur impact dans les populations : c’est le cas de la myxomatose, de la calicivirose hémorragique, et de la coccidiose. Toutefois, les conditions au cours des opérations de repeuplement vont favoriser l’apparition de troubles digestifs dont l’impact est habituellement moindre : il s’agit des entérites d’adaptation. Impact des différentes maladies dans les populations de lapin de garenne La maladie la plus fréquente est la coccidiose, détectée chez environ 70% des cadavres autopsiés, avec dans environ 30% des cas des atteintes fortes, c’est-à-dire susceptibles d’être à l’origine de la mort de l’animal (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). La myxomatose a été mise en évidence chez presque 50% des cadavres, mais de manière très variable d’un département à l’autre. En revanche, la VHD semble moins fréquente (17% des cas), mais localement elle peut provoquer une forte mortalité. La myxomatose est souvent associée à d’autres maladies, notamment parasitaires, qui bénéficieraient du caractère immunodépresseur du virus myxomateux. De la même manière, ce virus pourrait favoriser l’infection du lapin par le RHDV (MARCHANDEAU et al. 2004). Ainsi, l’association fréquente de la myxomatose avec une autre maladie, mais aussi avec des traumatismes divers, suggère que la myxomatose peut, dans la plupart des cas, être indirectement responsable de la mortalité en renforçant la sensibilité des animaux à d’autres causes de mortalité (MARCHANDEAU S. et al. 1999a). En conclusion, bien que la coccidiose soit la maladie la plus fréquemment observée, c’est bien la myxomatose qui a le plus d’impact sur les populations de lapin de garenne. Les entérites d’adaptation Les affections de l’appareil digestif du lapin en élevage sont fréquentes et souvent graves (LICOIS D. 1992; PERCY D.H. et al. 1993). En particulier, face à toutes sortes de stress, le lapin développe des entérites d’adaptation, qui peuvent se révéler rapidement mortelles. Les germes pathogènes à l’origine de ces diarrhées sont souvent associés, ainsi que les causes initiales du dérèglement intestinal. Toute modification de l’alimentation ou de l’environnement, tout stress, tout agent pathogène... peuvent entraîner un dysfonctionnement digestif (BOUCHER S. 1999; GRANGE K. 2003). Il en résulte un déséquilibre de la flore caecale, des modifications biochimiques du caecum (augmentation du taux d’ammoniac et du pH) et un arrêt des habitudes telles que la caecotrophie. Ceci crée un terrain favorable au développement de certaines populations bactériennes, auparavant mineures, qui vont déclencher, par leur nombre ou leur pouvoir pathogène, de nouveaux désordres digestifs et provoquer une diarrhée (LICOIS D. 1992; LE GAL S. 2002; GRANGE K. 2003). 75 En élevage, on rencontre une « entérite colibacillaire de sevrage ». En effet, le sevrage est un moment où le lapin est particulièrement fragile, en raison de l’association de plusieurs facteurs : changement d’alimentation et d’environnement, stress des manipulations… L’augmentation du pH caecal permet l’élévation de la flore colibacillaire. On retrouve ce problème chez les adultes à l’occasion d’une transition alimentaire mal réalisée (BOUCHER S. et al. 2002). On voit alors apparaître une diarrhée très liquide. L’animal reste prostré, perd du poids, se déshydrate. Les causes de dérèglement digestifs sont également nombreuses lors de la capture de lapins sauvages, de leur transport et de leur relâcher dans un nouvel environnement. Il serait donc logique de voir apparaître des troubles diarrhéiques dans les premiers jours suivants la translocation. Figure 12 : Facteurs hypothétiques de dérèglement digestif lors d’un repeuplement Cette entérite d’adaptation peut causer à elle seule la mort de l’animal en quelques jours, voire parfois en quelques heures ; mais elle permet également la « sortie » de phénomènes infectieux jusque là subcliniques, en particulier la coccidiose intestinale. De plus, le lapin, fragilisé par la diarrhée, va être plus sensible aux agents pathogènes de son nouvel environnement, contre lesquels il n’est pas immunisé. On en revient donc au choix de la zone de lâcher des lapins, qui est déterminant à plus d’un titre dans le succès du repeuplement. 76 Impact des différentes maladies lors d’un repeuplement Considérant les données bibliographiques exposées dans cette thèse, l’auteur propose un tableau synthétique classant les différents agents pathogènes selon leur impact probable au cours d’un lâcher de repeuplement. Le premier paramètre pris en compte est la fréquence de chaque maladie, ou sa morbidité dans une population. L’action pathogène est ensuite détaillée selon plusieurs critères : le taux de mortalité, l’impact sur la reproduction (infertilité, avortements…), le caractère immunosuppresseur de l’infection, ou la fragilité du lapin consécutive à la maladie (amaigrissement, modifications de la flore caecale…), et enfin une éventuelle baisse de la vigilance liée à une atteinte des réflexes ou de l’instinct de survie. L’impact probable de chaque maladie a été évalué en fonction de sa fréquence et de son action pathogène, tout en considérant les spécificités d’une opération de repeuplement. Les agents pathogènes sont ainsi classés en quatre catégories : négligeable, faible, modéré et important. L’incertitude liée au manque de données précises concernant certaines maladies, ainsi qu’à la subjectivité de cette évaluation est exprimée dans la dernière colonne du tableau. Degré d’incertitude (de + à +++) Impact lors d’un repeuplement Baisse de la vigilance Immunodépression / fragilité dans le milieu Impact sur la reproduction Mortalité Prévalence / Morbidité Tableau VII : Les virus du lapin : action pathogène et impact probable lors d’un repeuplement Herpesvirus Rabies virus Très rare Pas en France + +++ +/- - +/+++ Négligeable Négligeable ++ + Coronavirus Rare Très fréquent ++ - + - Faible +++ +++ + + +/- Modéré + Pas en France + - - - Négligeable ++ Très rare - - - - Négligeable ++ Rare Très fréquent + - + - Faible +++ + +/- ++ +/- Modéré + - - - - ++ ++ - - Selon vaccination Négligeable + - + - Modéré RHD virus Rabbit Cottontail papillomavirus Rabbit oral papillomavirus Lapine parvovirus Myxoma virus Variola virus Consécutif à la vaccination Pas en France Rotavirus Fréquent Shope fibroma virus 77 + + +++ Degré d’incertitude (de + à +++) Impact lors d’un repeuplement Baisse de la vigilance Immunodépression / fragilité dans le milieu Impact sur la reproduction Mortalité Prévalence / Morbidité Tableau VIII : Les bactéries du lapin : action pathogène et impact probable lors d’un repeuplement Très rare + + ++ + Négligeable + Très rare +/- - + - Négligeable + Très rare +/- ++ - - Négligeable + Très rare ++ ++ + - Négligeable + Fréquent +/- ++ - - Faible ++ +++ - + + Modéré ++ +++ - + + Modéré ++ Rare + - - - Négligeable + Très rare + ++ + - Négligeable + Bordetella bronchiseptica Rare + - + +/- Faible ++ Escherichia coli Selon circonstances +++ - ++ + Important + Klebsiella pneumoniae Rare +++ + + - Négligeable ++ Fréquent +++ - + + Modéré ++ Fréquent +++ - + - Modéré ++ Coxiella burnetii Très rare +/- ++ - - Négligeable + Pasteurella multocida Fréquent + + + + Modéré + Très rare + - + - Négligeable + Rare Très rare Rare ++ +/- ++ - + ++ ++ - Négligeable Négligeable Négligeable + + + Selon circonstances +++ - ++ + Important + Mycobacterium spp. Dermatophilus congolensis Chlamydophila abortus Listeria monocytogenes Staphylococcus aureus Clostridium piliforme Clostridium spiroforme Fusobacterium necrophorum Brucella suis Salmonella enterica subsp. enterica Yersinia spp. Pseudomonas aeruginosa Francisella tularensis Treponema cuniculi Mycoplasma spp. Entérites d’adaptation Selon circonstances Selon circonstances 78 Trématodes Anoplocephalidés Larves d’échinocoques Coenurus serialis Cysticercus pisiformis Trichuris leporis Rare Très fréquent Rare Rare Rare Fréquent Passalarus ambiguus Très fréquent Très fréquent Strongyloses Degré d’incertitude (de + à +++) Impact lors d’un repeuplement Baisse de la vigilance Immunodépression / fragilité dans le milieu Impact sur la reproduction Mortalité Prévalence / Morbidité Tableau IX : Parasites du lapin : action pathogène et impact probable lors d’un repeuplement + + + + +/- - ++ + + + - + + - Négligeable Négligeable Négligeable Négligeable Négligeable Négligeable + ++ + + + + +/- - + - Faible ++ +/- - + - Faible ++ Protostrongylus spp. Rare +/- - + + Négligeable + Ixodidés Très fréquent +/- - +/- - Faible ++ Psoroptes cuniculi Autres acariens Pulicidés Autres insectes Giardia duodenalis Très fréquent Très fréquent Très fréquent Très fréquent Rare +/? - + +/+/+/+ + - Négligeable Négligeable Négligeable Négligeable Négligeable + ++ ++ ++ + Eimeria spp. Très fréquent + - ++ - Important + Rare + - + - Négligeable ++ Rare + - + + Négligeable + Rare +/- - + + Négligeable + Fréquent Rare Très rare Fréquent +/? +/+ - +/+ - Négligeable Négligeable Négligeable Négligeable + + + + Cryptosporidium parvum Toxoplasma gondii Encephalitozoon cuniculi Dermatophytes Pneumocystis carinii Candida Aspergillus 79 80 CONCLUSION Le lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus), est un gibier très apprécié des chasseurs français ; selon ceux-ci, il voit sa population régresser de manière dramatique depuis la fin du 20ème siècle. Le repeuplement, réalisé par capture d’individus sauvages, puis relâcher dans un autre habitat, constitue un fréquent recours pour le renforcement de populations jugées trop faibles. Mais la forte mortalité initiale lors de ces opérations reste problématique. Cette étude bibliographique présente les différentes maladies transmissibles du lapin de garenne, et propose une synthèse des dangers sanitaires pouvant nuire au succès de ces repeuplements. D’après notre revue de la littérature, c’est la myxomatose qui aurait le plus d’impact sur les populations sauvages de lapin de garenne en France. La situation épidémiologique reste enzootique. Grâce à l’entretien permanent de l’immunité dans les fortes populations, les formes aiguës sont rares ; toutefois, le caractère immunosuppresseur du virus favorise l’expression d’autres maladies, en particulier les bactérioses respiratoires. La calicivirose hémorragique (VHD) est moins fréquente, mais elle peut provoquer localement une très forte mortalité en cas d’épizootie. Enfin, les coccidies sont les agents pathogènes les plus fréquemment rencontrés, mais ils sont en général bien tolérés. En effet, ils ne provoquent de troubles diarrhéiques que lors de parasitisme massif, ou sur des animaux qui sont jeunes, immunodéprimés ou stressés. Dans le cadre d’opérations de repeuplement, le stress provoqué par les modifications environnementales et alimentaires perturbe l’équilibre de la microflore digestive, et provoque des entérites d’adaptation. Ces diarrhées, souvent multi-étiologiques, vont fragiliser le lapin ; elles représentent la principale cause de mortalité à court terme à envisager dans une analyse de risque sanitaire, lors d’un lâcher. 81 82 BIBLIOGRAPHIE ANONYME (2009). "Dictionnaire des Médicaments Vétérinaires et des produits de Santé Animale commercialisés en France". 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Ces diarrhées, souvent multi-étiologiques, vont fragiliser le lapin ; elles représentent la principale cause de mortalité à court terme à envisager dans une analyse de risque sanitaire, lors d’un lâcher. MOTS CLES : - lapin de garenne - Oryctolagus cuniculus - faune sauvage - myxomatose - maladie virale hémorragique - coccidiose JURY : Président : Monsieur le Professeur Michel BERLAND 1er Assesseur : Monsieur le Professeur Marc ARTOIS 2ème Assesseur : Madame le Docteur Marie-Anne ARCANGIOLI DATE DE SOUTENANCE : 19 mars 2010 ADRESSE DE L’AUTEUR : 2 ter, rue du stade 90100 DELLE