La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 2 - février 2005
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QUESTION-RÉPONSE
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Question..........................................
Quelles sont les indications de la fenestration
du nerf optique dans les HIC dites “bénignes ?
Réponse...........................................
L’HIC idiopathique (également appelée HIC bénigne en Europe)
est définie par une élévation anormale de la pression intracrâ-
nienne non associée à un processus expansif intracrânien ou à une
hydrocéphalie, avec un liquide céphalorachidien de composition
normale. Les patients se plaignent de céphalées chroniques, souvent
associées à des acouphènes, et parfois à une diplopie (paralysie du
nerf oculomoteur externe). L’œdème papillaire de stase entraîne
une constriction progressive du champ visuel. La baisse d’acuité
visuelle secondaire à l’atrophie optique est tardive et le plus sou-
vent irréversible. La sévérité des céphalées et la présence de
signes oculaires conditionnent le pronostic de cette affection et
dictent la conduite thérapeutique (1).
En l’absence d’une bonne connaissance de la physiopathologie
de cette affection, le traitement reste empirique et a pour but prin-
cipal de diminuer la pression intracrânienne et de corriger les
éventuels facteurs favorisants (tels que la prise médicamenteuse
ou l’obésité). Bien que de nombreux traitements aient été essayés
dans cette affection, aucun n’a fait l’objet d’essais prospectifs
randomisés. La majorité des patients voient leur état s’améliorer
après une ponction lombaire (effectuée pour le diagnostic d’HIC
idiopathique) et un traitement par acétazolamide durant quelques
mois. La récidive des céphalées ou l’aggravation des signes visuels
nécessitent le plus souvent la répétition de la ponction lombaire.
Le traitement chirurgical est utile lorsque la fonction visuelle
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(évaluée par des champs visuels répétés) se dégrade malgré le
traitement médical, ou que les céphalées sont intolérables. Les
deux techniques utilisées dans l’HIC idiopathique sont la fenes-
tration de la gaine du nerf optique et la mise en place d’une déri-
vation du liquide céphalorachidien (dérivation lombopéritonéale
plus souvent que ventriculopéritonéale) (1, 2). Le choix du geste
chirurgical dépend beaucoup des habitudes et des possibilités
“locales”. En effet, la plupart des neuro-ophtalmologistes, ophtal-
mologistes nord-américains par exemple, réalisent les fenestra-
tions de la gaine du nerf optique eux-mêmes et envisagent ce trai-
tement chez tout patient ayant une HIC idiopathique avec champ
visuel anormal et œdème papillaire. Les neuro-ophtalmologistes
neurologues préfèrent, quant à eux, adresser leurs patients à un
neurochirurgien, qui réalisera une dérivation du liquide céphalo-
rachidien (lombopéritonéale ou ventriculopéritonéale en fonction
de ses propres préférences) (2). En Europe, relativement peu
d’ophtalmologistes sont capables de réaliser une fenestration de
la gaine du nerf optique, et la plupart des patients sont vus par les
neurochirurgiens.
Il semble raisonnable de ne proposer un traitement chirurgical
que dans les cas où il existe une altération de la fonction visuelle
sévère et évolutive (détérioration du champ visuel et/ou baisse
d’acuité visuelle) et/ou des céphalées résistantes au traitement
médical et à au moins deux ponctions lombaires. On s’orientera
préférentiellement vers une fenestration de la gaine du nerf optique
sur l’œil le plus atteint en cas de troubles visuels prédominants,
et plutôt vers une dérivation du liquide céphalorachidien en cas
de céphalées prédominantes (1).
La fenestration de la gaine du nerf optique est le plus souvent réa-
lisée sous anesthésie générale et sur l’œil le plus atteint (figure).
En plus de la décompression immédiate du nerf optique, cette
fenestration permet souvent un écoulement prolongé du liquide
céphalorachidien. En effet, plus de 50% des patients signalent une
amélioration des céphalées et de la fonction visuelle dans l’œil
controlatéral après une fenestration de la gaine du nerf optique uni-
latérale (3). Néanmoins, une fenestration sur l’œil controlatéral est
le plus souvent nécessaire une ou quelques semaines plus tard. De
plus, ce résultat est souvent transitoire, car environ 35% seulement
des fenestrations semblent fonctionner 5 ans après la chirurgie
(3). Enfin, cette procédure n’est pas sans risque. Les complications
mineures, et souvent transitoires, incluent la diplopie et la pupille
tonique d’Adie. Les complications plus graves incluent l’hémor-
ragie orbitaire et les occlusions vasculaires (artère centrale de la
rétine et artères ciliaires postérieures courtes), qui surviennent
jusque dans 11 % des cas (4). Néanmoins, dans la plupart des cas,
c’est une procédure bénigne qui peut être réalisée rapidement, et
également répétée en cas de récidive.
V. Biousse,
Neuro-Ophthalmology Unit, Emory University,
Atlanta, États-Unis.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.
Biousse V, Bousser MG. L’hypertension intracrânienne bénigne. Rev Neurol
2001;157:21-34.
2.
Garton HJ. Cerebrospinal fluid diversion procedures. J Neuroophthalmol 2004;
24:146-55.
3.
Spoor TC, McHenry JG. Long term effectiveness of optic nerve sheath decom-
pression for pseudotumor cerebri. Arch Ophthalmol 1993;111:632-5.
4.
Plotnik JL, Komorsky GS. Operative complications of optic nerve sheath decom-
pression. Ophthalmology 1993;100:683-90.
Figure. La fenestration de la gaine du nerf optique est la réalisation d’une
fenêtre ou de plusieurs incisions dans la gaine du nerf optique par voie trans-
conjonctivale interne. Une péritomie conjonctivale médiane est réalisée, le
muscle droit interne est sectionné, et le globe oculaire est rétracté latéra-
lement pour exposer le nerf optique. La graisse orbitaire est repoussée, et
une fenêtre est réalisée dans la gaine du nerf optique avec un bistouri. La
présence de liquide céphalorachidien confirme l’efficacité de la fenestra-
tion. La fenêtre est laissée ouverte et le globe oculaire relâché. Le muscle droit
interne est réattaché et la conjonctive fermée. Les patients se plaignent
de douleurs et de sécrétions modérées pendant environ une semaine. Une
diplopie postopératoire transitoire est fréquente.
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