Le monde byzantin du milieu du VIII
e
siècle à 1204
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valeurs qui définit l’Empire roméique à la fois comme continuation et
comme accomplissement de Rome. Ces trois éléments constitutifs sont
organiquement associés dans la longue durée byzantine.
C’est bien la raison pour laquelle l’Empire des Romées (nom que les
Byzantins donnaient à leur Empire), n’est d’Orient que pour les Occi-
dentaux et d’Occident que pour l’Orient, il n’est en réalité que l’Empire
du milieu, méditerranéen au sens le plus large, tri (mais essentielle-
ment bi)-continental, à la fois synthèse des pôles géo-conceptuels et
qualité ultime d’un consensus universel qui disparaîtra avec lui de
l’horizon temporel. Il tient compte des impératifs démographiques et
économiques, les provinces balkano-asiatiques étant alors parmi les
plus prospères de l’Empire. De nombreux empereurs, notamment ceux
que l’on appelle « militaires », ainsi que parmi les plus illustres, Dioclé-
tien et Constantin lui-même, en étaient originaires. La Translatio
Imperii (« transfert de l’Empire ») se fit ainsi au sens propre et au
figuré, tant et si bien que les plus grandes familles patriciennes et
sénatoriales s’y établirent en quittant Rome. Opulente, majestueuse,
sans pareil dans son immensité pour l’époque, la cité impériale ainsi
fondée par Constantin exerça une fascination majeure, une puissance
gravitationnelle telle que le reste de l’Empire demeurait dans son
ombre aulique, et ceci bien avant (sinon depuis toujours) qu’elle ne
devînt sa portion congrue.
Le cadre chronologique choisi pour cet ouvrage est ciblé sur une pé-
riode qu’on pourrait qualifier de byzantine dans un sens plénier. Car,
avant le VII
e
siècle, époque de la dynastie justinienne par exemple,
Byzance est encore à bien des égards romaine, notamment dans sa
latinité linguistique, en tant que langue officielle du moins. Celle
d’après la première chute de Constantinople, en 1204, est une Byzance
déclinante, de plus en plus circonscrite dans sa dimension ethnolin-
guistique, méprisée par la passion anti-impériale des Occidentaux,
enfermée dans sa passion antilatine, réduite à une survivance obses-
sionnelle, confinée dans sa défensive finale, même si ce déclin a duré
plus de deux siècles. Ainsi qu’il en fut des plus grandes civilisations,
tout fut majestueusement espacé de même que l’ultime issue de plus
de onze siècles de son histoire.
Cette période que nous avons pu qualifier de plénière se situe aussi
dans un contexte de durée fait de stabilité sociostructurelle d’un carac-
tère plus proprement médiéval. Si, en effet, l’Empire des premiers
siècles dut lutter contre des invasions barbares du fait des peuples
plus ou moins nomades, celui d’après les VI
e
et VII
e
siècles est celui