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Valorisation de la séquestration du carbone et gestion forestière
L’effet de serre est un phénomène d’origine naturelle. Le rayonnement solaire est absorbé par la
Terre, puis renvoyé vers l’espace sous forme de rayonnement. Une partie de ce rayonnement est absorbée
et réfléchie par les gaz à effet de serre (GES)1
De nombreuses activités humaines nécessitent l’utilisation de combustibles fossiles (charbon,
pétrole, gaz) fortement émetteurs de GES. Ces émissions de GES génèrent un piégeage accru de l’énergie
et cela se traduit par une augmentation de la température à la surface de la terre.
Ces craintes quant à un réchauffement climatique préjudiciable à l’humanité ont suscité de
nombreuses recherches au cours des dernières années2. Bien que la nature du changement climatique
(horizon temporel éloigné, dommages environnementaux etc.) rende difficile toute tentative d’estimation,
les coûts du changement climatique peuvent être appréhendés à l’aide de deux méthodes :
- le changement climatique devrait occasionner pour de nombreux secteurs et à l’échelle mondiale des
coûts. Ces dommages constituent une première approche de l’estimation des coûts du changement
climatique (coûts des dommages) ;
- une autre façon d’aborder le problème consiste à prendre en compte la nécessité de réduire les
émissions de gaz à effet de serre. Des changements technologiques et des systèmes d’incitations
économiques devraient être mis en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces
changements devraient générer un certain nombre de coûts d’adaptation pour la société ; ces coûts
constituent une seconde approche des coûts du réchauffement climatique (coûts d’évitement).
Une revue de littérature non exhaustive portant sur l’estimation de ces coûts indique une grande disparité
dans les valeurs obtenues, et ce quelque soit la méthode retenue. Avec la première méthode, les
estimations varient selon les auteurs entre 5 et 30$ par tonne de carbone3. L’autre méthode fournit des
valeurs plus importantes, l’idée d’éviter les émissions de carbone par une taxe étant opérationnelle dans
plusieurs pays comme la Suède ou la Norvège. Son montant s’élève dans ces deux pays à près de 150$
par tonne de carbone (Hoën et Solberg, 1997). En Australie, le AGO (Australian Greenhouse Office)
fournit trois estimations pour le prix des futurs permis d’émissions. Celles-ci s’établissent à 30, 100 et
180 euros par tonne de carbone (Enzinger et Jeffs, 2000). La plupart des études internationales s’accorde
sur un échelonnement de valeurs comprises entre 40 et 180 dollars par tonne de carbone (Van Kooten,
2004). L’an dernier, sur le marché européen anticipant la création cette année d’un marché obligatoire, les
permis s’échangeaient en moyenne à des valeurs allant de 30 à 40 euros la tonne4 et c’est autour de ces
valeurs que semblent s’effectuer les premiers échanges sur le marché fonctionnant depuis le premier
janvier de cette année. Les experts estiment que le prix du carbone pourrait s’élever jusqu’à 75 euros la
tonne en 2008 (voir www.pointcarbon.com).
Si on prend en compte le fait que la déforestation est, après la combustion des énergies fossiles,
la seconde source des émissions de Co2 (principal responsable de l’amplification de l’effet de serre), on
peut utiliser le potentiel des forêts en tant que puits de carbone, solution qui pourrait s’avérer moins
coûteuse que la réduction des émissions de GES. Les forêts jouent en effet un rôle important dans le cycle
du carbone et contribuent de façon non négligeable à l’atténuation du changement climatique. On parlera
de puits de carbone lorsque la forêt capte plus de carbone qu’elle n’en émet ; d’une source lorsque la forêt
émet plus de carbone qu’elle n’en capte. Généralement, une forêt jeune en croissance va être un puits de
carbone, tandis qu’une forêt mature, plus ou moins en équilibre aura une contribution neutre au cycle du
carbone. Au prélèvement de la ressource ou en cas de catastrophe naturelle la forêt peut constituer une
source de carbone à un horizon plus ou moins éloigné dans le temps5.
Ce service (parmi de nombreux autres) assuré par les forêts est une externalité. C’est un service
dont la société tire une utilité, mais il n’est pas rémunéré. Puisque le prix de ce service est nul, il n’est pas
pris en considération dans les décisions de gestion des propriétaires forestiers et ne peut pas interférer
avec les objectifs de gestion sylvicoles. Il en est de même pour les industriels de la première
transformation. La nullité du prix n’implique pas cependant pas la nullité de la valeur6, et il serait
intéressant de se demander ce qui se passerait si le carbone constituait comme le bois un produit des
activités forestières. C’est ce que l’on propose ici, à travers l’introduction d’un système d’incitation
économique, destiné à la prise en considération de la « production » de séquestration de carbone.
On peut dire que la société tire son utilité d’une part de la production de bois, d’autre part de la
fonction de séquestration de carbone. On supposera également que la valeur économique du carbone est
approximée par le coût des dommages associé au réchauffement climatique. Le bénéfice pour la société
d’un investissement forestier peut être décomposé en trois éléments :
- le bois qui est une production marchande contribue à l’utilité de la société ;