Le radicalisme religieux débattu à Fès

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Le radicalisme religieux débattu à Fès
Elaborer des stratégies de prévention de la radicalisation religieuse, tel était le but de la
rencontre organisée ce dernier week-end à Fès par le Centre international de dialogue et de
recherches sur les identités subjectives et sociales. Théologiens, psychologues et politologues
marocains et étrangers ont débattu de thématiques telles que le radicalisme et la fracture
sociale, la théologie et spiritualité face au radicalisme, la religion et la politique, les voies d’issue
de la « Clinique de la radicalisation ». Dans ce dernier intitulé, presque tout est dit à travers le
recours au terme
« clinique ». Celui-ci signale bien que la
radicalisation est une pathologie à laquelle il faut trouver des thérapies. En effet, l’islamisme,
dans sa tendance extrémiste surtout, est une déviation de l’Islam. L’islamisme n’est
aucunement une étape d’un processus évolutionnel de l’Islam, ni un courant déterminé de cette
religion, ni même une interprétation de celle-ci. Il s’agit bel et bien d’une déviation, liée à une
idéologie politique et qui, souvent, se situe aux antipodes de l’Islam.
Précision des termes et concepts
Pour une juste compréhension de la question, il importe de maîtriser les termes et concepts,
leurs contenus et leurs précisions. Ce qui en accentue, pour une large part, la complexité. La
confusion règne autour de ces termes et concepts. Involontaires ou entretenus sciemment dans
certains cas, les amalgames ont pour conséquence fâcheuse de dénaturer l’image de l’Islam.
Comme les autres religions monothéistes, l’Islam est d’abord et avant tout une Révélation. Un
message universel (c’est-à-dire adressé à toute l’Humanité, tout comme les autres religions
monothéistes se sont adressées à l’être humain sans aucune différenciation communautaire ou
raciale, car tout message monothéiste est universel). Cette religion est transmise par le
prophète de l’Islam, le messager (comme tous les autres prophètes reconnus par l’Islam ont été
les messagers de Dieu pour les autres religions, en réalité la même religion, le même message,
nuancé et réactualisé selon les époques). L’Islam fait appel à la foi, qui est adhésion, croyance,
et réception de ce message comme étant la Vérité, celle de la création toute entière.
L’islamisme quant à lui est un courant de pensée, mouvement politico-religieux né dans un
contexte particulier du monde arabo-musulman à la fin du XIX ème siècle. Il instrumentalise une
lecture littéraliste des textes de l’Islam à des fins politiques et donne une image extrêmement
réductrice et dénaturée de cette religion.
Autre confusion
Une autre confusion dominante associe l’Islam à l’histoire du monde musulman. Erreur
dangereuse car on attribue des comportements d’adeptes de cette religion en terre d’Islam et le
cours de leur histoire, à la parole divine. Ce serait dire ainsi que la Révélation est ce que
l’homme fait d’elle ! Par exemple, le radicalisme est ce que les radicalistes font de l’Islam. Voir
ainsi les choses, c’est affirmer que l’homme est l’associé de Dieu dans la manifestation de la
Révélation, ce qui est antinomique. La signification même du monothéisme est que Dieu est
unique et n’a pas d’associé dans sa création. La Révélation est, par définition, d’essence
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exclusivement divine, transmise par un messager. Comme il en est, encore une fois, pour toute
Révélation monothéiste.
Autre confusion qui fait fi des subtilités de l’esprit et de l’intelligence : c’est d’assimiler
« transformation » (tendancieuse) et « interprétations islamiques », celles évidemment
autorisées par l’Islam et la compréhension intelligente de ses sources. Par exemple, l’Islam
autorise parfaitement, dans son courant majoritaire qui est le sunnisme (85% es Musulmans),
des interprétations de sa jurisprudence, le « fiqh », regroupées en quatre écoles distinctes, « m
adhahib
» (pluriel de madhab), le hanafisme (de Abu Hanifa), le malékisme (de Malek Ibn Anas), le
shafeisme (d’Al-Shafe’i) et le hanbalisme (de Ahmad Ibn Hanbal). Certains
madhahib
sont plus souples que d’autres mais ils n’ont absolument rien à voir avec l’islamisme ou le
radicalisme.
Les identités « subjectives »
Enfin, la confusion entourant l’identité est aussi pathologique puisqu’elle engendre la haine de
la différence. L’identité n’est pas le cramponnement à des signes ostentatoires et futiles de son
appartenance mais une assise sereine dans ses valeurs universelles qui inclinent au respect et
à l’amour de l’autre. C’est donc la méconnaissance de son identité, le trouble d’identité, qui
conduisent à la haine, la violence, le meurtre.
L’organisateur de ce colloque sur la prévention du radicalisme est le Centre international de
dialogue et de recherches sur les identités subjectives et sociales. Ces « identités subjectives »
indiquent bien qu’elles sont liées à certaines perceptions de l’identité qui peuvent être
pathologiques et dangereuses.
Ces organisateurs, avec les intervenants au colloque, ont préconisé la mise en place de
conseils théologiques et l’enseignement des religions.
Ils ont insisté sur la nécessité d’harmoniser les cursus de formation, d’engager le dialogue avec
les jeunes détenus dans les établissements pénitentiaires pour les inciter à revoir leurs
concepts au sujet de la cohabitation entre les religions et d'inculquer aux écoliers dès leur bas
âge le respect de la diversité et de l’altérité religieuse.
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La connaissance de la religion (de toute religion), inculque en effet le respect de la différence,
incite au dialogue avec les autres cultures, et à la recherche de la paix. Aucune religion ne
pousse au rejet de l’autre, à la haine et à l’assassinat. Même une connaissance superficielle de
l’Islam par exemple, enseigne que le crime et la violence sont sanctionnés par les pires
châtiments et que le meurtre d’un seul homme équivaut à celui de toute l’Humanité ; enseigne
aussi que le prosélytisme est proscrit au profit du partage de la connaissance et de la science
(sans incitation à la conversion).
Il est certain que le radicalisme n’a pas pour seule cause la méconnaissance de la religion. La
misère, la marginalisation, des problèmes familiaux, mentaux, en sont également autant de
facteurs sans compter les incidences géopolitiques. Toutes ces questions ont été abordées par
le colloque et diverses solutions ont été proposées, comme la déconstruction des discours et
idéologies basés sur la haine, la violence et l’extrémisme, la mise en valeur du rôle de la famille
en termes d’éducation et de transmission des valeurs de respect, de cohabitation et de
cohésion, et celui de l’école à travers la promotion des valeurs civiques.
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