Quelques regards critiques sur la voix du verbe en français

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Santrauka
Quelques regards critiques sur la
voix du verbe en français
contemporain Kelios pastabos apie rûðies
kategorijà dabartinëje prancûzø
kalboje
Rasa MATONIENË
Vilniaus pedagoginis universitetas, Uþsienio kalbø fakultetas,
Prancûzø filologijos ir didaktikos katedra
Studentø 39, Vilnius, LT-08106
Rûðies kategorija ðiuolaikinëje prancûzø kalbo-
je viena paèiø sudëtingiausiø problemø. Ðio
straipsnio tikslas atskleisti ávairius lingvistø po-
þiûrius á ðià kategorijà. Galima bûtø juos suskirstyti
á dvi grupes: pirmieji teigia, jog rûðies kategorija
egzistuoja ðiuolaikinëje prancûzø kalboje, kiti jos
nepripaþásta. Pirmajai grupei priklausantys lingvis-
tai (G. Guillaume, A. Hamon, M. Grevisse, L. Pit-
skova, M. Riegel ir kiti) siûlo tokias rûðies formas:
veikiamoji, neveikiamoji, sangràþinë, savitarpio ir
prieþastinë. Ðios problemos sprendimui rasti, pir-
miausia reikia iðsiaiðkinti, koks ðios kategorijos tu-
rinys ir kokià opozicijà galima bûtø laikyti rûðies
kategorija. Visø pirma eina kalba apie konstrukcijà
être + participe passé, nes kai kurie autoriai laiko
ðià konstrukcijà neveikiamàja rûðimi. Taèiau ðios
konstrukcijos negalima laikyti rûðimi, nes 1) tik vie-
nas veiksmaþodis être iðreiðkia laikà, o kita kon-
strukcijos dalis lieka nekaitoma, 2) net ne visus ga-
lininkinius tiesioginius veiksmaþodþius galima pa-
raðyti neveikiamàja rûðimi. Kai kurie autoriai
(E. A. Référovskaïa, A. K. Vassiliéva) kalba apie san-
gràþinæ rûðá. Taèiau sangràþiniø veiksmaþodþiø ne-
galima traktuoti rûðies kategorija, o tiktai sangràþi-
ne forma, nes yra tokiø veiksmaþodþiø, kurie varto-
jami tik sangràþine forma (pvz. sévader, se repentir,
senfuir). Kas dël prieþastinës rûðies konstrukcijoje
faire + infinitif, tai ði konstrukcija taip pat negali
reikðti rûðies kategorijos, nes morfologiná krûvá kon-
strukcijoje faire + infinitif gauna veiksmaþodis fai-
re, kuris gali bûti asmenuojamas visais tiesioginës ir
tariamosios nuosakos laikais, jis taip pat gali turëti
visas liepiamosios nuosakos formas. Veiksmaþodis
faire taip pat vartojamas visomis neasmeninëmis for-
momis, taèiau neturi neveikiamosios rûðies. Kon-
strukcija faire + infinitif neturi svarbiausio rûðies
kategorijai priklausanèio dvinario charakterio kri-
terijaus. Gramatiniai niuansai, iðreikðti ðia kon-
strukcija, yra labai ávairûs, turint galvoje, kad veiks-
maþodis faire nëra visiðkai praradæs leksinës reikð-
mës. Be to, pastaruoju metu dël rûðies kategorijos
egzistavimo prancûzø kalboje imama rimtai abejo-
ti, o A. Sauvageot visiðkai jà paneigia.
Esminiai þodþiai: rûðies kategorija, gramatinë
konstrukcija, semantinë reikðmë, gramatinë opozi-
cija.
Summary
Some Observations on the Category of Voice in Modern French
The category of voice in Modern French is one
of the most controversial issues. The aim of this
article is to reveal the diversity of approaches to the
category of voice. These approaches could be roughly
divided into two groups the first group is that of
linguists claiming that the category of voice exists
in Modern French whereas the second group is that
of linguists tending to deny its existence. The
linguists belonging to the first group (G. Guillaume,
A. Hamon, M. Grevisse, L. Pitskova, M. Riegel and
others) propose the following forms of the category
of voice: active, passive, reflexive, reciprocal and
causative. To solve the problem, we need to find out
the content of the category and an opposition which
can be considered the category of voice. Firstly, let
us consider the construction être + participe passé
so that some linguists treat this construction as the
category of voice. However, this construction cannot
be treated as voice for the following reasons: firstly,
only the verb être has an expression of tense whereas
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the rest of the construction has not; secondly, not
even all transitive verbs can be used in the passive
voice. Some linguists (E. A. Référovskaïa, A. K.
Vassiliéva) introduce the concept of the reflexive
voice. However, reflexive verbs cannot be treated as
the category of voice they simply are reflexive
verbs for the reason that some of such verbs can
only be used as reflexives e.g. sévader, se repentir,
senfuir. As far as the causative voice in the
construction faire + infinitif is concerned, it could
be noted that this construction cannot have an
expression of the category of voice for the reason
that the morphological load is carried only by the
verb faire which can be conjugated in all tenses of
indicative and subjunctive moods as well as it can
have all forms of the imperative mood. The verb
faire can be used in all verbal forms but cannot be
used in the form of the passive voice. The
construction faire + infinitif does not possess the
criterion of the dual nature which is the most
important for the category of voice. The
grammatical nuances expressed by this construction
can differ greatly having in mind the fact that the
verb faire has not lost the lexical meaning entirely.
Moreover, the existence of the category of voice in
the French language is seriously doubted recently
and A. Sauvageot denies its existence flatly.
Key words: the category of voice, a grammatical
construction, a lexical meaning, a grammatical
opposition.
Le but de l’article consiste à présenter différents
points de vue sur la voix en français contemporain.
Le problème de la voix grammaticale reste toujours
un des plus complexes dans la grammaire française. Il
existe différentes opinions opposées sur la nature de
Introduction
la voix en français. On peut classer ces points de vue
en deux groupes principaux: 1) La voix est reconnue
en tant que catégorie grammaticale, 2) La voix comme
catégorie grammaticale n’existe pas en français.
Analyse
Les partisans du premier groupe (Guillaume 1964,
Hamon 1966, Grevisse 1975, Pitskova 1991, Riegel et
autres, 2001) reconnaissent l’existence de la catégorie
grammaticale de la voix en français contemporain et
la définissent comme le rapport entre le verbe et son
sujet, le rapport de l’action au sujet. Ils indiquent que
la voix c’est «un nom donné aux différentes formes
d’un verbe qui indiquent si l’agent du procès en est
la cause ou s’il en est le terme» (J.-F. Phelizon 1976:
239). Ces linguistes proposent les formes suivantes
de la voix: 1) forme active; 2) forme passive; 3) forme
réfléchie; 4) forme réciproque; 5) forme causative
(factitive); et indiquent que chaque forme est
caractérisée par la valeur qui lui est propre:
à la forme active, le sujet accomplit l’action lui-
même, le sujet représente l’agent accomplissant
l’action et l’objet, s’il y en un, représente le patient
subissant l’action:
«Il ouvrit la porte et il disparut en déhanchant
outrageusement dans un grand envol de cashmere,
et le silence s’abattit sut l’assemblée stupéfaite»
(Labro 1986: 60).
à la forme passive, le sujet subit l’action de la part
de l’agent exprimé ou sous-entendu, le sujet
représente le patient et l’objet représente l’agent:
«À droite, l’évier – où l’on avait gardé l’habitude
de rincer les verres et les tasses – étaient éclairé par
une haute fenêtre rectangulaire à petits carreaux
contre lesquels venaient s’appuyer les jeunes pousses
de la treille qui courait tout le long de la façade
ocre» (Lagorce 1978: 12)
à la forme réfléchie, le sujet accomplit l’action et la
subit simultanément, le sujet représente l’agent et le
patient de son action:
«Il s’est alors levé après avoir bu un verre de
vin» (Camus 1994: 54).
à la forme réciproque, le sujet représente au moins
deux agents qui adressent l’un à l’autre la même action
et se rendent ainsi patients:
«Nous nous regardons alors sans parler, avec
une complicité de bandits qui ont traversé la
frontière et respirent, soulagés» (Labro 1986: 25).
à la forme causative (factitive), le sujet représente
l’agent qui adresse son activité à l’objet, patient, en
le transformant en agent:
«Le professeur nous faisait réviser un texte
lorsque la porte s’ouvrit» (Labro 1986: 13).
La recherche d’une solution du problème de la
voix grammaticale comprend deux questions
fondamentales: 1) quel est le contenu de cette
catégorie (exprime-t-elle le rapport entre le verbe et
son sujet ou indique-t-elle la relation entre le verbe,
le sujet et l’objet?), 2) laquelle des oppositions des
formes peut être reconnue comme la catégorie de la
voix et quelle est la valeur des formes catégorielles
de la voix?
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Pour répondre à ces questions, il faut voir s’il est
possible de discerner la catégorie de la voix à partir
des formes aptes à exprimer les rapports de voix
(Vassiliéva, Pitskova 1991: 96).
Il s’agit avant tout de la combinaison être +
participe passé, car certains auteurs (Référovskaïa
1973, Gak 1986, Wagner 1962 et autres) considèrent
cette formation comme la voix passive verbale. Ils
affirment que c’est le verbe être qui porte les marques
de mode, de temps, de personne et de nombre et que
dans les cas où cette forme se trouve en corrélation
de transformation avec un verbe actif, elle représente
une voix passive.
Mais plusieurs linguistes (Tesnière 1966,
Sauvageot 1962, Vassiliéva et Pitskova 1991)
n’identifient pas la tournure être + participe passé
comme une forme catégorielle représentant une unité
formelle et sémantique. Les raisons qui ne permettent
pas de la traiter ainsi sont d’ordre grammatical,
sémantique et stylistique.
Premièrement, il y a des restrictions dans la
formation de la tournure passive. On peut mettre au
passif tout verbe transitif direct: l’objet direct du verbe
actif devient le sujet du verbe passif, et le sujet du
verbe actif devient le complément du verbe passif:
«Ils avaient commencé «petit»» (Lagorce 1978: 22).
«Les spectacles étaient partout commencés, je
crois» (Camus 1994: 38).
Mais dans certains cas, le verbe transitif direct ne
peut être mis au passif, par exemple:
«Je sentais le sommeil me gagner» (Camus 1994: 15).
Il n’est pas possible non plus de mettre au passif
de verbes transitifs indirects:
«Marie ne comprenait pas très bien et a demandé
à Raymond ce qu’il y avait» ( Camus 1994: 79).
de verbes intransitifs:
«J’ai dormi pendant presque tout le trajet»
(Camus 1994: 10).
Deuxièmement, le passif est défini comme une
forme conjuguée périphrastique où le verbe être est
combiné avec le participe passé d’un verbe transitif
de nature (Il a été assassiné. Il sera jugé demain?).
Mais en réalité, le sens «passif» de ces locutions
n’apparaît que par recoupement. La construction dite
«passive» n’est qu’un cas particulier d’une
construction plus générale: celle du verbe être avec
un adjectif attribut accordé en genre ou en nombre
avec le sujet. La voix passive du verbe est constituée
uniquement par la conjugaison du verbe être combiné
au participe passé faisant fonction d’attribut du sujet
(Sauvageot 1962: 130-132).
Un des traits caractérisant une forme analytique
est l’englobement de tout le système lexical d’une
partie du discours. Par exemple, n’importe quel verbe
peut être employé au passé composé, au futur
antérieur, à l’imparfait etc. Seulement une partie des
verbes transitifs se soumet à la tournure passive (être
+ participe passé). Cela signifie que la tournure en
question ne peut être considérée comme une forme
morphologique analytique.
Troisièmement, dans la tournure passive la notion
du temps est marquée par le verbe être tout seul et
non pas par la combinaison être + participe passé
(Vassiliéva, Pitskova 1991: 97-99). «Il y a autre chose
que j’ai bien vu, quelque chose de concret, de cruel,
d’inévitable: si vous n’avez pas de voiture, vous êtes
cuit» (Labro 1986: 32). – le présent de l’indicatif.
«Le concierge a tourné le commutateur et j’ai été
aveuglé par l’éclaboussement soudain de la
lumière» (Camus 1994: 17). – le passé composé de
l’indicatif.
«Et quand je me suis réveillé, j’étais tassé contre
un militaire qui m’a souri et qui m’a demandé si je
venais de loin» (Camus, 1994: 10). – l’imparfait de
l’indicatif.
«J’avais déjà été frappé par la façon qu’il avait
de dire: «ils», et plus rarement «les vieux», en
parlant des pensionnaires dont certains n’étaient
pas plus âgés que lui» ( Camus 1994: 16). – le plus-
que-parfait de l’indicatif.
«Un dernier mot: votre mère a, paraît-il, exprimé
souvent à ses compagnons le désir d’être enterrée
religieusement» (Camus 1994 : 13). – l’infinitif.
Ainsi, la tournure être + participe passé ne peut
être considérée comme une forme catégorielle de la
voix. C’est une construction à plusieurs valeurs.
Certains auteurs – grammairiens (Référovskaïa
1973, Vassiliéva, 1991) parlent de la «voix
pronominale» ou «réfléchie». Ils définissent la voix
réfléchie de la manière suivante: «Les verbes qui
désignent une action consciemment dirigée par le
sujet et revenant sur lui-même se rangent dans la
catégorie de la voix réfléchie. La voix réfléchie utilise
la forme pronominale». Y a-t-il lieu de constater que
les formes pronominales constituent par elles-mêmes
une voix? Cette question ne viendrait pas à l’esprit
s’il n’existait que des verbes pronominaux réfléchis
ou réciproques dans lesquels le pronom se est
complément d’objet puisque les uns et les autres
admettent d’être tournés à la voix passive. Dans la
pratique on peut très bien opposer à Je me sers moi-
même un temps passif Je ne suis bien servi que par
moi. Quant aux verbes intransitifs essentiellement
pronominaux, il est difficile de leur reconnaître en
français moderne une valeur de sens particulier. Par
exemple, les verbes «s’ennuyer, se plaire». Même en
Quelques regards critiques sur la voix du verbe
en français contemporain
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français classique ces verbes pronominaux équivalent
à des verbes intransitifs simples. Ils ne diffèrent de
ceux-ci que par la forme. Donc, il ne faut pas parler de
voix pronominale (ou réfléchie), mais de forme
pronominale. Un verbe est à la forme pronominale
lorsqu’il se conjugue à tous les temps avec un
pronom complément désignant le même être que le
sujet. Enfin il y a un groupe de verbes qui n’existent
qu’à la forme pronominale: s’évader, se repentir,
s’enfuir, dont l’existence servirait de preuve de ce
que la forme pronominale n’est pas une forme
catégorielle de voix. «Au début elle s’était rebellée,
elle avait combattu ses prémonitions et ses visions
de toutes ses forces vives» (Lagorce 1978: 14).
En ce qui concerne la voix causative (ou factitive)
(le verbe faire + infinitif), c’est l’innovation de N.
Steinberg (1961) et d’E. A. Référovskaïa (1973). Les
faits linguistiques et les faits de langue prouvent que
cette construction occupe en effet une position
particulière parmi les formes différentes tenant à
exprimer la voix. Ces constructions possèdent une
caractéristique stable et bien déterminée. Elle consiste
en ce que le sujet de la construction est représenté
comme l’initiateur d’une action qu’il n’accomplit pas
lui-même, mais qu’il fait accomplir à quelqu’un d’autre.
Ce «quelqu’un» est désigné dans la phrase par un
complément direct:
«J’ai pris l’ascenseur hydraulique à toute vapeur,
et j’ai fait disparaître ma grand-mère du balcon»
(Signoret 1976: 32).
Le groupe faire + infinitif de n’importe quel verbe
exprime le rapport entre l’action (ou l’état) et le sujet
de la proposition, pourtant il appartient au domaine
de la voix. D’après ce rapport, il y a lieu de classer le
groupe envisagé comme la forme d’une voix qui
pourrait être nommée «factitive». Le sens grammatical
d’une phrase avec un verbe à la forme «factitive» est
à résumer comme suit: l’action instiguée par le sujet
est accomplie par une autre personne. Si l’on procède
à un examen objectif, on constate que cette affirmation
des auteurs n’est pas justifiée. Tout d’abord, les sujets
de l’action peuvent être présentés non seulement
par les personnes (êtres animés), mais aussi par les
noms inanimés:
«Après tout, où étaient-elles, de par le monde,
les usines sidérurgiques où l’on amène sur place
aux ouvriers les attractions qui font courir les beaux
quartiers?» (Signoret 1976: 162).
Deuxièmement, le verbe faire s’associe aussi bien
des infinitifs transitifs que des infinitifs intransitifs:
«Je crois que cet ensemble architectural, voué à
la grandeur de la monarchie et, du même coup, à
celle de la France, contribua beaucoup à faire
naître en moi une «certaine idée» de mon pays. S’il
m’avait déjà été donné de lire Blanche Neige et les
sept nains, sans doute ma nouvelle directrice
d’études m’eût-elle vite fait penser à la sorcière du
conte» ( Droit 1988: 28).
Les exemples du type faire bouillir, faire cuire,
faire chauffer, faire fondre démontrent bien qu’il
n’est pas question de la stimulation. Analysons
quelques exemples:
«Il faisait bouillir l’eau et pleurait
silencieusement» (Gary 1956: 148).
«Elle préparait le feu pour faire cuire le poisson.
Elle fait cuire aussi dans la braise des galettes de
pain qu’elle a apportées ce matin» (Clézio 1985: 231).
Une poignée de charbons brûlait dans un
réchaud sur l’appui de la fenêtre. On s’en servait
pour faire fondre la gomme des collyres» (Yourcenar
1968: 289).
L’emploi des combinaisons de ce type sert à
exprimer le sens transitif.
Dans le français moderne la combinaison «faire
bouillir» a évincé le verbe «bouillir» dans son sens
transitif. L’emploi de la construction faire + infinitif
pour exprimer le sens transitif (faire bouillir, faire
cuire, faire chauffer, faire fondre) est possible quand
la forme intérieure de la causativité n’est pas contraire
au contenu.
Cependant le sens figuré de ce groupe de verbes
ne permet pas leur transformation en construction
faire + infinitif. On ne peut pas changer le verbe
«cuire» par la construction «faire cuire» dans la
phrase suivante: «Le soleil cuit la chair des
épaules».
Les cas ne sont pas rares où la combinaison du
verbe faire + infinitif des verbes intransitifs témoigne
de la lexicalisation d’une forme stimulée (faire tomber,
faire marcher, faire venir et d’autres). Par exemple:
«La terre est lourde, elle pèse sur nos jambes,
elle s’attache à nos semelles et nous fait tomber,
face contre le sol» (Clézio 1985: 281). «Faire tomber
- renverser».
«Utilise-nous, fais marcher tes doigts et la tête
un peu!» (Sabatier 1978: 93). «Faire marcher - faire
bouger, remuer».
«Ne l’avait-elle pas fait venir en cette
circonstance si grave?» (Maupassant 1981: 130).
«Faire venir - inviter».
«Les larmes ne font pas fuir les fantômes, elles
les appellent» (Gary 1956: 242). «Faire fuir -
chasser».
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Conclusion
L’analyse que nous venons de faire concernant la
construction faire + infinitif permet de constater que
la construction en question ne dispose pas de
marques nécessaires et suffisantes pour la considérer
en tant que catégorie de voix, caractéristique principale
accordée à cette construction par certains linguistes.
Tout d’abord, le critère primordial de catégorie
grammaticale, à voir le caractère binaire, lui manque.
Si la catégorie de temps et de mode du verbe s’appuie
sur la binarité indéniable (présent - passé, réalité -
irréalité) on ne peut pas trouver l’opposition analogue
dans la construction faire + infinitif. Les nuances
grammaticales rendues par cette construction sont
très diversifiées étant donné que le verbe faire n’est
pas complètement grammaticalisé. Par ailleurs, V. Gak
(1983: 150-165), R. Matonienë (1999: 37-40) met aussi
en doute l’existence de la catégorie factitive en
français contemporain.
De plus, ces derniers temps, la catégorie de la voix
comme telle est soumise à la critique. Aurélien
Sauvageot (1962: 130-137), par exemple, écrit que «la
construction dite «passive» n’est qu’un cas
particulier d’une construction plus générale: celle du
verbe être avec un adjectif attribut accordé en genre
(et théoriquement en nombre) avec le sujet». Cela
veut dire que la catégorie de la voix n’existe pas en
français contemporain.
Bibliographie
Gak, V. 1986. Grammaire théorique du français.
Morphologie. – Moscou: Prosveðèenije.
Grevisse, M. 1975. Le bon usage. – Gembloux: Éditions J.
Duculot.
Guillaume, G. 1969. Langage et science du langage. –
Gembloux: Éditions J. Duculot.
Hamon, A. 1966. Grammaire française. Classe de
quatrième et classes suivantes. – Paris: Hachette.
Matonienë, R. 1999. Analyse sémantico-structurale de la
construction faire+infinitif en français contemporain
// Kalbotyra, 48 (3). – Vilnius: Vilniaus universitetas.
Référovskaïa, E. A., Vassiliéva A. 1973. Grammaire
théorique du français. Cours théorique. – Moscou-
Léningrad: Prosveðèenije.
Riegel, M., Pellat, J.CH., Rioul, R. 2001. Grammaire
méthodique du français. – Paris: Presses
Universitaires de France.
Sauvageot, A. 1962. Français écrit français parlé. – Paris:
Larousse.
Steinberg, N. 1961. Grammaire française. – Léningrad:
Prosveðèenije.
Tesnière, L. 1966. Éléments de syntaxe structurale. Paris:
Klincksieck.
Vassiliéva, A., Pitskova, L. 1991. Grammaire théorique. –
Moscou: Éditions École supérieure.
Wagner, R.L., Pinchon, J. 1962. Grammaire du français
classique et moderne. – Paris: Hachette.
Sources
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Camus, A. 1994. L’étranger. – Paris: Gallimard.
Gary, R. 1956. Education européenne. – Paris: Gallimard.
Labro, Ph. 1986. L’étudiant étranger. – Paris: Gallimard.
Lagorce, G. 1978. Marie en plein soleil. – Paris: Gallimard.
Le Clézio, J.M.G. 1985. Le chercheur d’or. – Paris:
Gallimard.
Maupassant, G. 1981. Bel ami. – Moscou: Éditions École
supérieure.
Sabatier, R. 1978. Les enfants de l’été. – Paris: Gallimard.
Yourcenar, M. 1968. L’oeuvre au noir. – Paris: Gallimard.
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