actualités propos recueillis par Neijma Lechevallier « Organiser le parcours de santé du patient » Un an après la tenue des États généraux sur la prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH en Ile-de-France, les 26 et 27 novembre dernier, Claude Évin, directeur de l’Agence régionale de santé pour l’Ile-de-France, dresse un état des lieux dans un contexte marqué par les incertitudes. Depuis les états généraux, où en est-on des restructurations au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ? La concertation promise a-t-elle eu lieu ? Les restructurations sont inscrites dans l’histoire des hôpitaux. Dans le cas du VIH, le nombre d’hospitalisations en maladies infectieuses diminue tandis qu’il augmente dans d’autres services du fait des complications liées à la maladie. On assiste aussi à une augmentation de la prise en charge ambulatoire à l’hôpital avec des consultations longues, complexes, pluridisciplinaires, éventuellement aggravées par des difficultés sociales. Cela entraîne des difficultés de prise en charge. Les restructurations hospitalières, qui sont du ressort de l’AP-HP, résultent des contraintes diverses que connaissent les établissements. Nous souhaitons que ces mouvements se fassent en concertation et en transparence. Si les États généraux (EG) avaient permis de poser le principe d’une telle concertation, notamment avec les Corevih, c’est insuffisamment le cas selon les remontées qui nous parviennent du terrain. J’interviendrai à nouveau auprès de la directrice générale de l’AP-HP, Mireille Faugère. Reste qu’il est nécessaire d’opérer une répartition entre l’hôpital et la médecine de ville. Une des priorités d’action retenues suite aux EG est de préparer avec les Corevih un cahier des charges sur les critères de qualité pour une prise en charge en ville (médecins libéraux, centres de santé) en coopération avec l’hôpital. Quels sont les axes prioritaires d’action retenus par l’ARS, notamment traduits dans le projet régional de santé (PRS) présenté récemment ? Le projet régional de santé vise essentiellement à organiser l’offre de santé dans la région au regard de l’évolution des maladies chroniques et du vieillissement de la population. Les personnes vivant avec une maladie chronique sont particulièrement concernées par le nécessaire continuum de prise en charge à bâtir autour de chaque patient. C’est le fil rouge de notre démarche. Pour les personnes 14 Transversal n° 61 novembre/décembre 2011 vivant avec le VIH, un des axes retenus est de renforcer l’action des Corevih qui doivent se déployer comme instances de coordination de l’ensemble des acteurs de lutte contre le sida. Nous veillerons à élargir leurs missions autour du parcours du patient. En vue de ce déploiement, l’ARS réalisera notamment une synthèse régionale des rapports d’activité des Corevih. Nous souhaitons les valoriser et les accompagner dans leurs actions, ce qui se fera notamment au travers de groupes de travail ARSCorevih. Le lien avec les usagers représentés est aussi fondamental. Un des chantiers prioritaires est le recensement de l’ensemble des structures et des professionnels de santé susceptibles de prendre en charge les patients franciliens séropositifs. Est-ce difficile de faire entrer une parole collective dans un cadre administratif ? Quels sont les retours des associations suite aux États généraux ? C’est ce qu’il faut faire, que ce soit difficile n’est pas la question. Les réponses sont à la fois organisationnelles et liées aux financements. Dans le domaine de la santé, les financements proviennent de la solidarité nationale. La mission de l’ARS est de travailler avec tous les acteurs afin d’essayer d’apporter les réponses les plus adaptées, avec des ressources qui ne sont pas illimitées, et des besoins croissants. Notre rôle est de définir une feuille de route avec l’ensemble des acteurs. Par exemple, développer et soutenir la visibilité des permanences d’accès aux soins de santé (Pass) est une des nombreuses actions d’optimisation possibles. Concernant les acteurs associatifs, je suis tout à fait conscient que certaines situations ne sont pas satisfaisantes… Nous vivons tous avec des contraintes, celles des associations sont celles des personnes auprès desquelles elles interviennent quotidiennement. Il est normal qu’elles nous transmettent leur insatisfaction ou leurs interrogations. Ensuite, il nous appartient de chercher des réponses avec les différents partenaires. Les EG ont posé des bases, le dialogue se © ARS-Ile-de-France poursuit bien au-delà, au travers de groupes de travail et d’observatoires. La création des ARS conduit à une distinction des flux des financements entre santé et social. Comment penser ce cloisonnement pour un acteur de santé ? C’est très difficile, bien entendu. En fait, nous héritons d’une situation historique dans laquelle, en l’absence de réponse satisfaisante sur l’hébergement, des crédits de prévention ont été alloués à des actions d’hébergement qui parfois intégraient une approche préventive. Mais avec la création des ARS en avril 2010, la ligne de partage est claire entre crédits de prévention et crédits d’hébergement… Or, si nous sommes tous conscients qu’il est parfois impossible de séparer les deux sur le terrain, notamment pour les publics les plus précaires, nous ne disposons pas de crédits pour l’hébergement. Je veille à ce que nos crédits soient prioritairement dédiés aux actions de prévention et je travaille activement avec la Direction régionale de la jeunesse et des sports et de la cohésion sociale, et la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement afin que nous trouvions des solutions de cofinancement. Mais elles aussi sont confrontées à des difficultés financières… Nous devons avancer progressivement en veillant à ce que les structures répondant à un vrai besoin, qui devraient à terme bénéficier de cofinancements publics, continuent en attendant de vivre et d’assurer leur mission. Si les négociations en cours n’aboutissent pas rapidement, que deviendront les structures concernées en 2012 ? On verra. Je ne peux pas vous répondre précisément. Je ne connais pas encore le montant des crédits dont je disposerai l’année prochaine. Nous faisons tout pour que les relais de financement se mettent en place rapidement. Cette année, nos crédits prévention nous ont été alloués en deux fois. Après un gel d’une partie des ressources en début d’année, qui nous a conduits à mettre des demandes en attente, nous venons de recevoir le complément que nous allons redistribuer avant la fin de l’année. Bien sûr, cette temporisation n’est pas une réponse de long terme. Mais nous sommes fondamentalement convaincus de la nécessité de mieux répartir les crédits votés par le Parlement. Notre rôle est d’identifier les problèmes pour une meilleure allocation régionale des ressources. Par exemple, les dotations Migac allouées aux hôpitaux pour les Pass, qui doivent être dédiées à l’accueil des plus précaires, sont souvent noyées dans les moyens généraux des établissements. C’est à nous d’interpeller les directions hospitalières sur leur gestion. Mais certains problèmes, comme l’équilibre financier des centres de santé accueillant des publics très précaires, sont pour l’heure sans réponse. Seule une modification législative des conventions qui les lient à l’ARS permettrait des solutions. Quelle est la capacité d’alerte et d’orientation des pouvoirs publics centraux dont dispose réellement l’ARS ? Quel est le rôle de cet acteur de première ligne ? C’est de porter les préoccupations locales et d’essayer de faire bouger les choses nationalement. Nous sommes écoutés, mais pas toujours entendus… Et cela ne va pas toujours aussi vite que l’on voudrait ! Mais ce n’est pas propre au VIH. Les problématiques de financements insuffisants de prises en charge cliniques complexes et l’absence de financements de certains professionnels (psychologues, assistants de service social, diététiciens) sont proches d’autres maladies chroniques et se posent de façon cruciale à l’hôpital. Mais nous ne définissons pas le prix de la consultation ni le mode de tarification. Nous pouvons seulement, avec une responsabilité particulière en Ile-de-France, démontrer, expertise technique à l’appui, la nécessité d’évoluer et de trouver des solutions innovantes de financement. Nous souhaitons expérimenter dans la région, dans le cadre d’une réflexion nationale avec la Direction générale de la santé, de nouveaux modes de financement sur le principe d’un forfait annuel par patient visant à couvrir une partie de la prise en charge psychosociale et médicale complexe. Le schéma régional d’organisation des soins pour le cancer en Ile-de-France a permis une modification nationale de la prise en charge. Nous travaillerons en ce sens avec le ministère de la Santé en vue de la refonte de la grille tarifaire en février 2012. novembre/décembre 2011 n° 61 Transversal 15