From the SelectedWorks of Hichem Karoui
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Received Books
LES MUSULMANS : UN CAUCHEMAR OU UNE FORCE
POUR L’EUROPE ?
Auteurs: Hichem Karoui, Arno Tausch
Editeur: l’Harmattan. Paris.
Collection: Histoire et perspectives méditerranéennes
ISBN : 978-2-296-13980-0 • avril 2011 • 262 pages
Mots-clés:
ACTUALITÉ SOCIALE ET POLITIQUE ANTHROPOLOGIE,
ETHNOLOGIE, CIVILISATION IMMIGRATION, INTERCULTUREL
RELIGION MAGHREB, MONDE ARABE, MOYEN ORIENT EUROPE
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Avant-propos
i après avoir lu ce livre, le lecteur ne verra plus l’islam d’Europe de
la même façon, nous aurons ainsi réalisé un des objectifs de cette
publication. Ce livre se veut juste une contribution au débat. Une
contribution à titre scientifique.
En effet, grâce aux outils les plus récents de la recherche en sciences
sociales, nous pouvons sormais prétendre mieux connaître les
musulmans qui vivent sur le continent européen. Cela nous permet à la
fois de les distinguer de l’islam global, et de commencer à établir un
cartogramme humain évolutif de l’islam européen. Bientôt, nous serons à
même de tracer des lignes de « frontières » distinctes entre l’islam
européen et l’islam global.
L’islam est d’abord présent en Europe du Sud, au terme de sa première
expansion, entre le VIIIème et le XVème siècle : c’est l’histoire,
notamment, de l’Espagne musulmane. Avec l’empire Ottoman, à partir
du XVIème siècle, c’est l’Europe du Sud-Est (Grèce, Balkans, etc…) qui
passe sous influence musulmane. Le déclin, ensuite, de cet empire fin
XIXème, début XXème siècles correspond aux premières migrations
musulmanes de travail en direction de l’Europe de l’Ouest. Nord-
africaines, africaines, turques et asiatiques, ces dernières se réclament de
plus en plus de l’islam, à partir des années 1970 et séjournent en Europe
de façon de plus en plus prolongée.
Combler un vide
Nous prétendons que notre travail vient combler un vide. C’est pour la
première fois, en effet, qu’on entreprend une étude comparative relative
à l’islam européen et l’islam global, basée à la fois, sur l’analyse
documentaire, sociologique, anthropologique, et sur les données
quantitatives de l’enquête sociale européenne et la World Values Survey.
Dans notre approche de l’islam européen, nous amorçons un début de
réponse générale et des réponses spécifiques à un nombre de questions
que les européens, non musulmans et musulmans, se posent depuis un
certain temps. En effet, l’analyse empirique des données concernant les
conditions de vie aussi bien que les opinions des musulmans en Europe,
nous conduit à des conclusions, sinon surprenantes pour les
observateurs de l’islam européen, pour le moins différentes.
Jusqu’à récemment, on a plus ou moins maintenu que si les musulmans
d’Europe vivent encore dans des espaces « d’exclusion sociale », c’est à
cause de la culture qu’ils portent, c’est-à-dire à cause de l’islam (même si
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on ne le dit pas toujours ouvertement). C’est vrai. Mais pour nous, ce
n’est pas l’islam qui est fautif, mais ceux qui n’arrivent pas à l’accepter.
Nous démontrons ici, que si cette culture différente de la culture
occidentale dominante en Europe a causé l’exclusion sociale, c’est bien
parce que certaines politiques européennes, sont basées sur de fausses
données, des stéréotypes et des préjugés.
Notre connaissance directe des deux cultures (occidentale et islamique)
nous permet de pousser un peu plus loin l’analyse. Peut-on vraiment dire
que l’islam n’est pas fautif, quant à l’exclusion des musulmans d’Europe ?
S’agit-il vraiment seulement de politiques européennes biaisées envers les
musulmans ? Comment expliquer alors la radicalisation de certains
musulmans d’Europe qui va jusqu’à faire de certains d’entre-eux un
véritable soutien à Al-Qaeda, s’ils ne sont pas directement impliqués
dans des activités terroristes ? Après tout, depuis le 11 septembre 2001,
on a découvert que ce sont des musulmans d’Europe qui ont agi à tous
les niveaux du réseau terroriste.
Il est surprenant en effet, pour quelqu’un qui a passé une grande partie
de sa vie dans des pays musulmans, de constater jusqu’à quel point les
musulmans de France, par exemple, sont conservateurs par rapport à des
pays comme la Tunisie, le Maroc, l’Égypte, etc… et jusqu’à quel point
leur conservatisme semble réactif à l’égard de leur environnement direct.
Pourtant, ce qu’il est désormais convenu d’appeler « calvinisme islamique
» a des bases réelles dans le comportement des musulmans. Quand nous
parlons de « bases », cela veut dire qu’on peut chercher loin les racines de
ce comportement, essentiellement dans le Coran lui-même, aussi bien
que dans la Tradition ou Sunna du prophète Muhammad. En effet,
plusieurs versets et Hadith tendent à confirmer le plus simplement du
monde les conclusions de l’analyse empirique, qui sans se référer aux
textes-sources de l’islam, a pourtant bien vu que lorsque les musulmans
cherchent la prospérité et l’intégration dans une société développée,
même si elle est culturellement différente, ils ne se sentent pas du tout en
conflit avec leur religion. Bien au contraire. Mais avant d’aller plus loin, il
faut aussi relativiser. Pour nous aussi, le problème ne se pose pas au
niveau de la religion elle-même. Quelle que soit la société dans laquelle
un musulman (pratiquant ou non) essaie de s’intégrer, il peut trouver
dans sa religion (s’il le veut) tout ce qui l’aide à développer non
seulement une interaction active avec la société d’accueil, mais aussi un
esprit d’entreprise. Mais s’il est vrai que certaines politiques européennes
n’arrivent pas à intégrer les musulmans, il y a aussi un autre facteur
entravant, qui provient d’une double interaction négative : avec la société
d’origine, et avec la société d’accueil.
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Nous nous proposons ainsi de faire le point sur deux aspects essentiels
du problème :
1 : L’islam représente-t- il une entrave à l’intégration du musulman
dans une société occidentale ?
La réponse peut être un oui ou un non. Cela présuppose le respect de
certaines conditions, sans lesquelles décidément, l’homme (ou la femme)
qui se définit comme musulman ne peut pas survivre en Occident. Par
exemple, un islam fermé et obscurantiste n’a aucune chance de gagner la
sympathie de la population occidentale. Il n’a d’ailleurs aucune chance de
plaire aux jeunes générations de musulmans nés en Occident. Mais nous
pouvons trouver des exemples démontrant la capacité d’adaptation de
l’islam, pris dans le Coran, la Sunna et l’histoire. Nous pouvons
démontrer ainsi que l’Islam : a) encourage le commerce, la libre
entreprise, et l’enrichissement honnête ; et qu’il b) encourage le dialogue
et l’échange avec les autres cultures. Cependant, tout cela reste tributaire
de la réponse apportée à la question : quel islam adopter ? Il est bien
évident que l’islam des mollahs extrémistes ou celui des
ultraconservateurs puritains, sunnites ou chiites, représente la mauvaise
réponse en Occident. La raison est simple : l’Occident ne s’adaptera pas
à la minorité musulmane qui vit chez lui. Par conséquent, on s’attend à
ce que cette minorité s’adapte au système occidental. Ce qui est presque
normal. « Presque » parce que ce principe de réalité semble impossible à
« digérer » pour deux types de musulmans : les salafistes et autres
fondamentalistes tournés vers le passé idéalisé, et tous ceux qui agissent
sous l’impulsion d’une réaction épidermique contre la stigmatisation.
Mais tant qu’ils ne changeront pas, ils vivront toujours en « décalage
horaire ». Bien entendu, cela ne les empêchera pas de s’insérer dans le
système économique, de faire des affaires et même de prospérer. Mais du
point de vue d’un nombre important d’occidentaux, cela n’est pas
suffisant pour faire partie de la société.
2 : Si l’islam n’est pas une entrave à l’intégration et la bonne entente,
alors qu’est-ce qui l’est dans le comportement musulman ?
La réponse est dans l’idée qu’on se fait de l’islam. En effet, beaucoup de
gens disent : tout est positif et encourageant en islam ; les musulmans
peuvent parfaitement mener leur barque à bon port dans la modernité.
Maintenant, peut être. Mais si tel est le cas, qu’est-ce qui a donc empêché
les musulmans de progresser durant des siècles ? On ne peut pas tout
mettre sur le dos du colonialisme et de l’impérialisme occidental. Lorsque
nous examinons l’histoire islamique, nous nous apercevons que la
décadence n’a pas commencé au XIXème siècle, lorsque les Européens
ont décidé d’envahir les pays musulmans. Il y a déjà longtemps que ces
pays ont raté le sens de l’histoire et se sont perdus dans un long tunnel
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