La Société géologique de France prend position contre le créationnisme dit « scientifique » et le « dessein intelligent » Dans l'état actuel des connaissances, et compte tenu des progrès rapides dans tous les domaines de la géologie et de la biologie, on peut à l'heure actuelle tenir pour raisonnablement établies l'ensemble des considérations générales suivantes, fondées sur un immense ensemble d'observations, d'hypothèses testées et d'inférences convergentes, de telle sorte que ces considérations ont peu de chance d'être remises en cause par les progrès scientifiques à venir. En ces temps où l’on assiste à une augmentation inquiétante de la place et du crédit accordés dans le monde aux courants de pensée relevant du créationnisme, la SGF tient à réaffirmer la contribution des scientifiques en ce qui concerne les données acquises sur l’origine et l’âge de la Terre d’une part et l’évolution des espèces vivantes d’autre part. La Géologie est la Science qui aborde ces questions primordiales. Elle y répond depuis des décennies et propose un calendrier de l’Histoire de la Terre démontrant que notre planète résulte d’une très longue histoire qui se compte en milliards d’années. Par ce manifeste, la SGF s’adresse à nos concitoyens et leur confirme l’enjeu fondamental des apports et des démonstrations scientifiques accumulés depuis de longues périodes sur la base de découvertes majeures relevant en partie de la physique et de la chimie. Ces avancées scientifiques acquises souvent de façon totalement indépendante par différentes équipes de chercheurs montrent que la validation des savoirs scientifiques est une entreprise collective au cours de laquelle chaque scientifique met de côté ses options métaphysiques personnelles. Or, les créationnismes dits « scientifiques » reposent sur une confusion entre une option métaphysique imposant de l’extérieur une création à la science, et la dimension collective des savoirs scientifiques qui doivent être élaborés indépendamment des options métaphysiques de chacun. En cela, le créationnisme ne peut être scientifique. Qui plus est, il n’est pas sceptique sur les faits : il se propose de démontrer scientifiquement le contenu littéral d’un texte sacré : si ce qu’il y a à découvrir est déjà écrit, il ne peut y avoir de science. 1. Age de la Terre et durée des processus géologiques La stratigraphie permet de reconstituer l’histoire de la Terre et son évolution dans le temps. La datation de façon absolue des roches qui composent notre planète est réalisée grâce aux méthodes géochronologiques et radiochronologiques qui sont fondées sur la décroissance de la radioactivité naturelle de certains éléments chimiques. Ces méthodes, basées sur le principe de la désintégration d’éléments radioactifs contenus dans les minéraux balaient l’ensemble de l’histoire de la Terre ; elles sont cohérentes avec l’ensemble des méthodes de la stratigraphie (biostratigraphie, magnétostratigraphie, chimiostratigraphie…). L’âge de la Terre est ainsi de l’ordre de 4,5 milliards d’années. La Terre est une planète du système solaire. Elle est née, comme les autres planètes par rassemblement (accrétion) de poussières au sein d’un nuage de matière constituant la nébuleuse proto-solaire. Si certains processus géologiques (éruptions volcaniques, séismes, crues…) sont qualifiés d’instantanés par rapport à la durée des temps géologiques, la plupart des phénomènes naturels sont longs et peu ou pas visibles à l’échelle humaine. Les mouvements des plaques tectoniques et du manteau de l’asthénosphère sous-jacente, par exemple, sont lents, de l’ordre du cm par an. De la sorte, les conséquences fondamentales de ces mouvements pour notre environnement comme l’ouverture des océans et la surrection des chaînes de montagne se produisent sur des durées que l’on mesure en dizaines de millions d’années. 2. Origine de la Vie et l’Evolution des espèces La Paléontologie est la Science qui étudie les espèces animales et végétales fossiles et, leur place et rapports avec les environnements du passé. Elle étudie les écosystèmes anciens et retrace les changements de forme et de fonctionnement des organismes dans le cadre de l’évolution des conditions physiques et chimiques à la surface de notre Planète depuis son plus jeune âge. Le terme évolution désigne la transformation des espèces vivantes au cours des générations. L'évolution est caractérisée par la formation de nouvelles espèces, mais elle s'accompagne aussi d'extinctions d'espèces et de groupes entiers. Diverses théories se sont succédées pour conduire à un consensus sur la Théorie Synthétique de l’Evolution, elle-même complétée et enrichie depuis une vingtaine d’années. Il s’agit d’une théorie, admise par tous les scientifiques, selon laquelle l'évolution des espèces est conduite par la sélection naturelle et la dérive agissant sur les mutations affectant les gènes. Mais ce n’est pas seulement une théorie : des faits d’évolution expérimentables en laboratoire et reproductibles contribuent à la théorie générale. Il n’y aurait pas d’innovations nécessaires dans l’industrie des antibiotiques et, les industries agronomiques et phytosanitaires s’il n’y avait pas d’évolution aujourd’hui. Le cadre temporel maintenant remarquablement précis, défini par les études stratigraphiques pour l’histoire de notre planète, nous permet de décrire précisément l'évolution de la vie dans son déroulement, depuis les premières proto-bactéries il y a plus de trois milliards d'années jusqu'à la biodiversité actuelle, homme compris. La Société Géologique de France rappelle que la plupart des processus expliquant l'évolution sont connus, expérimentables et expérimentés, et fait de la "théorie moderne de l'évolution" un noyau très solide au sens qu'il a résisté à toutes les réfutations scientifiques possibles depuis 150 ans.