UNIVERSITE TOULOUSE III PAUL SABATIER FACULTE DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ANNEE : 2015 THESE / 2015 / TOU3 / 2048 THESE POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE Présentée et soutenue publiquement par M lle RECURT-CARRERE Alexandra LA GRANDE CONSOUDE Le 26 juin 2015 Directeur de Thèse : Dr PUJOL, Robert JURY Président : Pr FABRE, Nicolas 1 assesseur : Dr PUJOL, Robert 2ème assesseur : Dr VEYSSI, Pascal 3ème assesseur : Dr THEUX, Leslie er 1 TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS 8 ABREVIATIONS 11 TABLE DES FIGURES 12 INTRODUCTION 15 I. ETUDE BOTANIQUE 16 A. Classification 16 B. Habitat – Répartition 17 C. Caractéristiques botaniques 18 1. Aspect général 18 2. Appareil végétatif 20 a) Racine 20 b) Tige 23 c) Feuilles 24 3. Appareil reproducteur 26 a) Inflorescence 26 b) Fleur 27 c) Fruit 30 II. ETUDE CHIMIQUE 31 A. Composés du métabolisme primaire 31 1. Glucides 32 2. Protéines 32 B. Composés du métabolisme secondaire 1. Alcaloïdes pyrrolizidiniques 33 33 a) Structure générale 34 b) Extraction et dosage 35 c) Localisation 36 2. Composés phénoliques 36 a) Les acides phénols 37 b) Les flavonoïdes 38 c) Les anthocyanes 40 d) Les tanins 42 3. Triterpènes et stérols C. Autres composés 45 47 3 III. ETUDE TOXICOLOGIQUE 48 1. Toxicité accidentelle 48 2. Toxicité chronique due aux alcaloïdes pyrrolizidiniques 50 a) Toxicité chez l’animal 50 (1) Sources de contamination animale 50 (2) Hépatocarcinogénicité 51 (3) Mutagénicité 56 b) Toxicité chez l’Homme 58 (1) Sources de contamination humaine 58 (2) Hépatocarcinogénicité 59 c) Mécanismes de toxicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques 63 d) Conclusions et remarques 66 IV. ETUDE PHARMACOLOGIQUE 68 1. Activité anti-­‐inflammatoire 68 2. Activité cicatrisante, épithéliogène 70 3. Autres activités 72 a) Activité antimicrobienne 72 b) Activité anti-­‐tumorale 73 c) Activité hypotensive 73 d) Activité antigonadotrope 74 V. UTILISATIONS TRADITIONNELLES ET MODERNES 75 1. Histoire et étymologie 75 2. Evaluations cliniques 78 a) Douleurs arthrosiques et articulaires 78 b) Douleurs lombaires et dorsales 84 c) Cicatrisation des plaies 85 d) Myalgies 86 e) Conclusion générale sur les essais cliniques 88 3. Produits disponibles – Indications – Posologie 88 a) France 88 b) Autres pays membres de l’Union Européenne 89 4. Utilisations a) Médecine d’hier et d’aujourd’hui 93 93 (1) Médecine ancestrale 93 (2) Médecine contemporaine 95 (3) Médecine homéopathique 96 b) Agriculture et élevage (1) Agriculture 97 97 4 (2) Elevage c) Alimentation et gastronomie 98 99 CONCLUSION 100 BIBLIOGRAPHIE 102 GLOSSAIRE 110 ANNEXE 1 : Inhibiteurs et inducteurs du CYP 3A 114 ANNEXE 2 : Activation et régulation du système du complément 115 ANNEXE 3 : Métabolisme de l’acide arachidonique 116 5 PERSONNEL ENSEIGNANT de la Faculté des Sciences Pharmaceutiques de l’Université Paul Sabatier au 1er octobre 2014 Professeurs Émérites M. BASTIDE R M. BERNADOU J M. CAMPISTRON G M. CHAVANT L Mme FOURASTÉ I M. MOULIS C M. ROUGE P Pharmacie Clinique Chimie Thérapeutique Physiologie Mycologie Pharmacognosie Pharmacognosie Biologie Cellulaire Professeurs des Universités Hospitalo-Universitaires M. CHATELUT E M. FAVRE G M. HOUIN G M. PARINI A M. PASQUIER C (Doyen) Mme ROQUES C Mme ROUSSIN A Mme SALLERIN B M. SIÉ P M. VALENTIN A Pharmacologie Biochimie Pharmacologie Physiologie Bactériologie - Virologie Bactériologie - Virologie Pharmacologie Pharmacie Clinique Hématologie Parasitologie Universitaires Mme BARRE A Mme BAZIARD G Mme BENDERBOUS S M. BENOIST H Mme BERNARDES-GÉNISSON V Mme COUDERC B M. CUSSAC D (Vice-Doyen) Mme DOISNEAU-SIXOU S M. FABRE N M. GAIRIN J-E Mme MULLER-STAUMONT C Mme NEPVEU F M. SALLES B Mme SAUTEREAU A-M M. SÉGUI B M. SOUCHARD J-P Mme TABOULET F M. VERHAEGHE P Biologie Chimie pharmaceutique Mathématiques – Biostat. Immunologie Chimie thérapeutique Biochimie Physiologie Biochimie Pharmacognosie Pharmacologie Toxicologie - Sémiologie Chimie analytique Toxicologie Pharmacie galénique Biologie Cellulaire Chimie analytique Droit Pharmaceutique Chimie Thérapeutique 6 Maîtres de Conférences des Universités Hospitalo-Universitaires M. CESTAC P Mme GANDIA-MAILLY P (*) Mme JUILLARD-CONDAT B M. PUISSET F Mme SÉRONIE-VIVIEN S Mme THOMAS F Universitaires Pharmacie Clinique Pharmacologie Droit Pharmaceutique Pharmacie Clinique Biochimie Pharmacologie Mme ARÉLLANO C. (*) Mme AUTHIER H M. BERGÉ M. (*) Mme BON C M. BOUAJILA J (*) Mme BOUTET E M. BROUILLET F Mme CABOU C Mme CAZALBOU S (*) Mme CHAPUY-REGAUD S Mme COSTE A (*) M. DELCOURT N Mme DERAEVE C Mme ÉCHINARD-DOUIN V Mme EL GARAH F Mme EL HAGE S Mme FALLONE F Mme GIROD-FULLANA S (*) Mme HALOVA-LAJOIE B Mme JOUANJUS E Mme LAJOIE-MAZENC I Mme LEFEVRE L Mme LE LAMER A-C M. LEMARIE A M. MARTI G Mme MIREY G (*) Mme MONTFERRAN S M. OLICHON A M. PERE D Mme PHILIBERT C Mme PORTHE G Mme REYBIER-VUATTOUX K (*) M. SAINTE-MARIE Y M. STIGLIANI J-L M. SUDOR J Mme TERRISSE A-D Mme TOURRETTE A Mme VANSTEELANDT M Mme WHITE-KONING M Chimie Thérapeutique Parasitologie Bactériologie - Virologie Biophysique Chimie analytique Toxicologie - Sémiologie Pharmacie Galénique Physiologie Pharmacie Galénique Bactériologie - Virologie Parasitologie Biochimie Chimie Thérapeutique Physiologie Chimie Pharmaceutique Chimie Pharmaceutique Toxicologie Pharmacie Galénique Chimie Pharmaceutique Pharmacologie Biochimie Physiologie Pharmacognosie Biochimie Pharmacognosie Toxicologie Biochimie Biochimie Pharmacognosie Toxicologie Immunologie Chimie Analytique Physiologie Chimie Pharmaceutique Chimie Analytique Hématologie Pharmacie Galénique Pharmacognosie Mathématiques (*) titulaire de l’habilitation à diriger des recherches (HDR) Enseignants non titulaires Assistants Hospitalo-Universitaires Mme COOL C (**) Mme FONTAN C Mme KELLER L M. PÉRES M. (**) Mme ROUCH L Mme ROUZAUD-LABORDE C Physiologie Biophysique Biochimie Immunologie Pharmacie Clinique Pharmacie Clinique Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche Mme PALOQUE L Mme GIRARDI C M IBRAHIM H Parasitologie Pharmacognosie Chimie anal. - galénique (**) Nomination au 1er novembre 2014 7 REMERCIEMENTS A Mr Fabre, Pour sa présence aujourd’hui en tant que président de cette thèse, et grâce à qui cette soutenance n’aurait su avoir lieu sur ce travail qui nous tenez à cœur Mr Pujol et moi-même. A Mr Pujol, Avant tout pour la confiance qu’il m’a accordée dès l’instant où je lui ai présenté ce projet, mais aussi apportée durant toute la durée de son élaboration. En tant que botaniste de formation mais avant tout de cœur, c’est cette passion commune pour les plantes et leur place dans la genèse de la pharmacie d’aujourd’hui qui a su nous rapprocher et nous entraîner avec un si grand plaisir dans la rédaction cette thèse. Merci pour vos conseils, vos immenses connaissances botaniques, votre écoute et disponibilité. Au Dr Veyssi, De me faire l’honneur d’avoir accepté mon invitation en tant qu’assesseur de cette thèse. Nous nous sommes connues alors que je n’étais qu’une enfant lors de consultations, les années ont passées et c’est avec joie que je soutiens aujourd’hui ce projet devant vous. A Leslie, Que j’ai l’honneur de compter parmi mon jury aujourd’hui, et celle qui est devenue rapidement ma meilleure amie. Dans les bons mais surtout les moments difficiles comme les examens et les obstacles de la vie, tu es celle qui sait en quelques mots me remettre sur la bonne voie. Merci pour ces bons moments de franchises, de 8 rigolades, de shoppings en tout genre et de gourmandises en terrasse. Ta bonne humeur et ton caractère légendaire feront de nous pour longtemps encore je l’espère une belle équipe. A ma mère, A qui je dédie cette thèse... Merci pour ta patience, durant toutes ces années mais surtout ces dix dernières, de m’épauler dans toutes les situations tant personnelles que professionnelles. La tâche n’a pas été facile et je ne te remercie jamais assez de tout cet amour que tu as su me donner et me donnes encore… A mon père, Pour le modèle que tu es, tu as toujours souhaité que je donne le meilleur de moimême, que je n’abandonne pas dans mes moments de doutes. En espérant être ta fierté, te le montrer encore aujourd’hui devant ce jury de mon doctorat. Merci pour la force que tu as su m’insuffler. A Cyril, Mon ami, mon confident, ce roc qui me connaît mieux que personne et ne cesse de me soutenir et croire en moi depuis maintenant 7 ans. Après les licences de pilotage, le concours de l’internat, mon passage en tant qu’interne et enfin malgré les kilomètres qui nous séparent, je sais que tu es toujours et seras toujours là pour moi. A Hugo, Pour qui j’ai été une grande sœur parfois trop dure mais tellement fière de voir le bel homme que tu es devenu. Une écoute en or, une pincée de « patience » associées 9 à un sacré caractère, mon petit frère malgré les années qui nous séparent, tu sais me conseiller et me rassurer dans les moments de tempêtes. A ma famille, Pour tous ces bons moments, et malgré l’éloignement, nos merveilleux repas de famille qui ont toujours su nous réunir l’espace d’un instant. Qu’il y en est encore beaucoup ! On se rend compte trop tard que la vie passe vite, et profiter des gens que l’on aime est essentiel dans la vie. A Manou et Mamie Gaie qui ne sont plus avec nous aujourd’hui mais toujours au plus près de moi. A mes amis, A Julie, une belle rencontre qui n’avait pas réussi à réellement se faire durant notre cursus mais qui a été si facile dès mon arrivée en Haute-Savoie et avec qui j’ai pu découvrir et apprécier les plaisirs de cette région. 11 ans que nous nous connaissons de vue mais nous avons si bien rattrapé le temps durant ces 2 années passées làhaut ! A Mathilde, ma cousine pharmacien, pour son aide au cours de mes études grâce à ses fiches et ses comptes rendus de stage qui m’ont bien souvent sauvé la mise ! A Bénédicte pour cette 6e année inoubliable et nos repas filles et votre joie de vivre à Pierre et toi. Merci mes toutounes ! A Amandine, mon ancienne co-interne, maman maintenant mais je n’oublierai jamais ta première garde que nous avions doublée avec toi. A Olympe et Jessica, à cette équipe au top que nous avons formée malgré les difficultés quotidiennes, dans la pharmacie où j’ai tant appris pour ce métier qui s’apprête aujourd’hui à devenir officiellement le mien. Merci pour ces bons moments et à la répétition de cet oral ! A Lionel, un ami fidèle, un mégevan pure souche avec un cœur gros comme ça. A tous ceux que j’ai oublié mais qui sont dans mon cœur aujourd’hui… 10 ABREVIATIONS ADN Acide désoxyribonucléique AINS Anti-inflammatoire non stéroïdien APG Angiosperms Phylogeny Group ARN Acide ribonucléique ASAT Aspartate aminotransférase AUC Area under the curve (pharmacocinétique) CCM Chromatographie sur couche mince CL Chromatographie liquide CL-SM Chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse CMV Cytomégalovirus CPG Chromatographie en phase gazeuse CPG-SM Chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse DE50 Dose efficace médiane DL50 Dose létale 50 EAV Echelle analogue visuelle EBV Virus d’Epstein-Barr FDA U.S. Food and Drug Administration MCA Medicine Control Agency RMN Résonance magnétique nucléaire SM Spectrométrie de masse UV Ultraviolet 11 TABLE DES FIGURES FIG. 1 : CLASSIFICATION DE SYMPHYTUM OFFICINALE SELON CRONQUIST (CRONQUIST 1988) 16 FIG. 2 : CLASSIFICATION DE SYMPHYTUM OFFICINALE SELON L’APG III 17 FIG. 3 : ASPECT GENERAL DE LA GRANDE CONSOUDE (GOUJON 2007) 18 FIG. 4 : SYMPHYTUM OFFICINALE (BEZANGER-BEAUQUESNE, ET AL. 1980) 19 FIG. 5 : RACINE DE GRANDE CONSOUDE (BERTRAND 2007) 20 FIG. 6 : REPOUSSES DE RACINES DE GRANDE CONSOUDE APRES ELIMINATION DES SOUCHES MERES (BERTRAND 2007) 21 FIG. 7 : FRAGMENTS DE RACINES DE GRANDE CONSOUDE (WICHTL ET ANTON 2003) 22 FIG. 8 : PORT DE GRANDE CONSOUDE ET DETAIL D’UNE TIGE (GOUJON 2007) 23 FIG. 9 : DETAIL D’UNE FEUILLE DE CONSOUDE (GOUJON 2007) 24 FIG. 10 : ROSETTE DE GRANDE CONSOUDE (BERTRAND 2007) 25 FIG. 11 : ASPECT FEUILLES ET FLEURS DE SYMPHYTUM OFFICINALE (BERTRAND 2007) 26 FIG. 12 : CYME SCORPIOÏDE UNIPARE DE CONSOUDE (BERTRAND 2007) 27 FIG. 13 : DIAGRAMME FLORAL DE LA CONSOUDE (WIKIPEDIA 2008) 27 FIG. 14 : DETAIL D’UNE FLEUR DE CONSOUDE COUPE (GARNIER, BEZANGER-BEAUQUESNE ET DEBRAUX 1961) 28 FIG. 15 : FLEURS ENCORE IMMATURES BLANCHES ET FLEURS PLUS ANCIENNES ROSEES (GOUJON 2007) 29 FIG. 16 : DETAIL D’UN TETRAKENE DE CONSOUDE (GARNIER, BEZANGER-BEAUQUESNE ET DEBRAUX 1961) 30 FIG. 17 : NUCULES DE GRANDE CONSOUDE (BERTRAND 2007) 30 FIG. 18 : LA PYRROLIZIDINE (BRUNETON 2009) 34 FIG. 19 : LA RETRONECINE (BRUNETON 2009) 34 FIG. 20 : STRUCTURE MOLECULAIRE DES ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES CONTENUS DANS LA CONSOUDE (STICKEL ET SEITZ 2000) 35 FIG. 21 : LA LYCOPSAMINE, L’INTERMEDINE ET LA SYMPHYTINE (BRUNETON 2009) 35 FIG. 22 : L’ACIDE CINNAMIQUE 37 FIG. 23 : L’ACIDE CAFEIQUE & L’ACIDE CHLOROGENIQUE 37 FIG. 24 : L’ACIDE ROSMARINIQUE ET L’ACIDE LITHOSPERMIQUE 38 FIG. 25 : SQUELETTE DE BASE DES FLAVONOÏDES (SARNI-MANCHADO ET CHEYNIER 2006) 39 FIG. 26 : LE CATION FLAVYLIUM (BRUNETON 2009) 40 FIG. 27 : STRUCTURE DE BASES DES PRINCIPAUX ANTHOCYANIDOLS (BRUNETON 2009) 41 FIG. 28 : STRUCTURE D’UN PENTAGALLOYLGLUCOSE, STRUCTURE DE BASE DES TANINS HYDROLYSABLES (SARNI-MANCHADO ET CHEYNIER 2006) 43 FIG. 29 : EXEMPLE DE STRUCTURE D’UN TANIN CONDENSE (SARNI-MANCHADO ET CHEYNIER 2006) 43 12 FIG. 30 : L’ISOPRENE (BOITEAU 1964) 45 FIG. 31 : LE SQUALENE, COMPOSE A SIX ATOMES D’ISOPRENE TOUTES EN CONFIGURATION TRANS (BOITEAU 1964) FIG. 32 : STRUCTURE DU NOYAU STERANE (BOITEAU 1964) 45 46 FIG. 33 : FEUILLES DE CONSOUDE, BELLADONE ET DIGITALE POURPRE (DESSUS & DESSOUS) DE GAUCHE A DROITE (MOUTSIE ET DUCERF 2013) 49 FIG. 34 : REPARTITION DES RATS DANS CHAQUE LOT, NATURE ET POURCENTAGE DE CONSOUDE CONTENU DANS L’ALIMENTATION (HIRONO, MORI ET HAGA 1978) 52 FIG. 35 : SITES DES TUMEURS ET DIFFERENTS TYPES HISTOLOGIQUES, REPARTITION DES TUMEURS AU SEIN DES DIFFERENTS GROUPES (HIRONO, MORI ET HAGA 1978) 53 FIG. 36 : EFFETS DE LA CONSOUDE SUR LE FOIE DE RATS (CULVENOR, ET AL. 1980) 54 FIG. 37 : ABSORPTION CUTANEE ET GASTRO-INTESTINALE DES ALCALOÏDES N-OXYDES : EXCRETION DE CES ALCALOÏDES ET DE LEURS METABOLITES DANS LES URINES (BRAUCHLI, ET AL. 1982) 56 FIG. 38 : FREQUENCE DE MUTANTS CII DE LIGNEES DE RATS BIG BLUE TRAITEES PAR CONSOUDE ET DE CONTROLE (MEI, ET AL. 2005) 58 FIG. 39 : BIOPSIE DU FOIE : CONGESTION ET INFILTRATION DU TISSU HEPATIQUE (ROITMAN 1981) 60 FIG. 40 : BIOPSIE DU FOIE AVEC THROMBOSE DE DEUX VEINES CENTROLOBULAIRES, DISTENSION SINUSOÏDALE ET PERTE D’HEPATOCYTES CENTROLOBULAIRES (WESTON 1987) 62 FIG. 41 : ACTIVATION ET DETOXIFICATION DES ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES (RODE 2002) 64 FIG. 42 : REPRESENTATION DE QUELQUES ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES ET RELATION AVEC L’INTENSITE DE LEUR TOXICITE (RODE 2002) 65 13 S’il l’on a un membre cassé ou blessé, ou couvert d’ulcères, manger de la consoude. Mais la consoude prise sans raison renvoie la pourriture à l’intérieur : c’est comme si on jette des pierres dans un grand fossé pour empêcher l’eau de s’en aller, et alors la vase s’installe au fond. Hildegarde de Bingen (1098 – 1179) 14 INTRODUCTION Depuis quelques années, les professionnels de santé se tournent de plus en plus vers les thérapeutiques dites naturelles, reflet de l’intérêt grandissant des patients au regard de la médication à base de plantes. C’est dans ce contexte particulier qu’une directive européenne adoptée en 2004 (directive n°2002/24/CE) a pour fonction d’harmoniser les pratiques au sein de l’Union européenne et de garantir la sécurité sanitaire, dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché de médicaments à base de plantes en ayant recours à une procédure simplifiée dite d’enregistrement de l’usage traditionnel. Il devient donc indispensable de mettre à jour des bases de données factuelles afin d’évaluer le rapport bénéfice/risque pour chacun des patients auxquels nous, professionnels de santé, serions amenés à conseiller ou prescrire de tels produits. Cette thèse a pour but de revisiter la monographie de la grande consoude, plante autrefois largement utilisée par nos ancêtres et peu à peu oubliée, et s’articulera selon 5 axes principaux. Nous ferons dans une première partie la description botanique de la plante dans son ensemble avant de nous intéresser à chacune de ses parties. Puis nous étudierons sa composition chimique, expliquant sa multiplicité d’intérêt en thérapeutique de par la présence par rapport à d’autres plantes de nombreux composés mais aussi d’alcaloïdes pyrrolizidiniques qui lui confèrent une toxicité certaine et non négligeable dans certaines utilisations. Le troisième partie sera consacrée à sa toxicité et dans quel cadre d’utilisation celle-ci est susceptible de se produire. La pharmacologie intimement liée à la composition chimique sera abordée dans la quatrième partie. Enfin nous terminerons cette étude par les évaluations cliniques et emplois relatifs à cette plante. Nous aurons toujours pour objectif principal d’évaluer la toxicité potentielle de la grande consoude, de savoir si celle-ci peut être utilisée en phytothérapie et si oui, dans quelles indications. 15 I. ETUDE BOTANIQUE A. Classification La Consoude est le nom commun d’une plante du genre Symphytum, faisant partie de la famille des Boraginaceae. On distingue près de 25 espèces eurasiennes dans ce genre, parmi lesquelles l’espèce officinale, qui fait l’objet de notre étude (Blamey et Grey-Wilson 2003). A ce jour, deux classifications restent encore utilisées et cohabitent (Adberrazak et Reynaud 2007). D’un côté, la classification de Cronquist, établie pour la 1ère fois par Arthur Cronquist en 1988, dite « classique » des plantes à fleurs est basée sur la morphologie des organes végétatifs et reproducteurs (Cronquist 1988). Règne : Plantae Embranchement : Spermatophyta Classe : Magnolopsida (Dicotylédones) Ordre : Lamiales Famille : Boraginaceae Genre : Symphytum Espèce : Symphytum officinale Fig. 1 : Classification de Symphytum officinale selon Cronquist (Cronquist 1988) D’autre part, la classification APG, encore dénommée classification phylogénétique, est établie selon les travaux de l’Angiosperms Phylogeny Group en 1998, en se basant en grande partie sur l’analyse de séquences d’ADN. Ils révisent et mettent à jour celle-ci en 2003 par l’APG II puis par l’APG III en 2009. Ce nouveau modèle de classification prend en compte à présent les critères anatomiques, physiologiques mais aussi cytologiques et génétiques des angiospermes. 16 En ce qui concerne Symphytum officinale, la classification APG III nous conduit au diagramme ci-dessous : Clade : Angiospermes Clade : Eudicotylédones (ou Dicotylédones vraies) Clade : Astéridées Clade : Lamiidées (ou Euastéridées I) Famille : Boraginaceae Genre : Symphytum Espèce : Symphytum officinale Fig. 2 : Classification de Symphytum officinale selon l’APG III Bien que l’ancienne classification selon Cronquist soit purement morphologique, basée sur des critères de soudure ou non soudure des pétales, position de l’ovaire, etc. elle reste très utile, notamment pour les botanistes, car elle reste un moyen d’identification rapide des plantes à l’aide des flores. B. Habitat – Répartition Plante herbacée vivace originaire d’Asie et d’Europe septentrionale, puis naturalisée en Amérique du Nord, la Grande Consoude est présente dans la majeure partie de l’Europe, occupant presque toutes les régions de France à l’exception du Midi où elle est moins fréquente (Fleurentin 2008) (Bonnier et De Layens 2004). La Consoude affectionne particulièrement les lieux humides tels que les lisières et clairières forestières, les berges des ruisseaux et fossés, les prés humides et marécageux. Elle est typique des sols frais et profonds et peut aussi s’implanter dans des lieux de fortes sécheresses saisonnières à condition que ces critères soient remplis. On ne les retrouve en lieux secs que si le sol est profond (Bertrand 2007). 17 Elle reste aussi un bon indicateur de la nature des sols où elle se développe, caractérisant un engorgement en eau et en matières organiques archaïques ainsi qu’un terrain riche en bases (Ducerf 2007). Ne s’élevant pas à de grandes altitudes, on la retrouvera depuis l’étage inférieur jusqu’à l’étage montagnard, sans dépasser 1600m d’altitude, au niveau de la zone des sapins (G. Bonnier 1993). C. Caractéristiques botaniques 1. Aspect général La Grande Consoude est une plante vivace herbacée de taille moyenne à assez grande, généralement de 60cm pouvant aller jusqu’à 1,20m (Saule 2005). Elle est robuste, puissante et envahissante. La plante entière est couverte de poils hérissés riches en calcium, lui conférant un toucher rude, caractéristique commune aux plantes de la famille des Boraginaceae qui leur valut autrefois l’appellation d’« Aspérifoliées ». Les feuilles apparaissent au printemps sous forme d’une rosette à la base d’où émergent des tiges portant des feuilles longues plus étroites et se terminant par une ou plusieurs hampes florales ramifiées. La floraison s’observe de mai à juillet, mais peut parfois se prolonger jusqu’en août voire septembre (G. Bonnier 1993) (Wichtl et Anton 2003). Fig. 3 : Aspect général de la Grande Consoude (Goujon 2007) 18 Fig. 4 : Symphytum officinale (Bezanger-Beauquesne, et al. 1980) 19 2. Appareil végétatif a) Racine Les parties souterraines sont constituées d’un rhizome épais, non dilaté, en tubercule. Particulièrement caractéristique, cette grosse et longue racine charnue possède un épiderme noir alors qu’à la coupe sa chair est blanche (Bertrand 2007). Fig. 5 : Racine de Grande Consoude (Bertrand 2007) Ce volumineux rhizome porte des racines adventives qui peuvent atteindre 30cm de longueur sur 2,5cm d’épaisseur (P. Fournier 1947). De type pivotant, elle prend l’allure au fil des ans, d’une grosse souche divisée par des ramifications qui sont émises à chaque saison sous forme de racines et de radicelles. Ainsi constitué, ce réseau lui permet de s’enfoncer profondément dans le sol, mais aussi de profiter d’abondantes réserves afin de préparer une nouvelle saison riche en repousses (Bertrand 2007). C’est grâce à ces ramifications que la plante se multiplie et se perpétue (Garnier, Bezanger-Beauquesne et Debraux 1961). 20 Fig. 6 : Repousses de racines de Grande Consoude après élimination des souches mères (Bertrand 2007) Véritable système de pompe biologique, la racine de consoude peut s’enfoncer à près de 2m à condition que le terrain soit meuble. Ceci lui permet de tirer le meilleur parti des éléments minéraux souvent inaccessibles à cette profondeur par la plupart des végétaux herbacés. Transportés par la sève, ces précieux nutriments vont ensuite être stockés dans l’importante touffe de feuilles qui surplombe cette racine charnue, permettant à la Consoude de préparer la nouvelle saison mais aussi, après décomposition, d’apporter aux plantes du jardin possédant un système racinaire beaucoup moins performant, un riche potentiel nutritif (Bertrand 2007). L’étude de fragments de ces racines noirs à brun-noir laissent apparaître sur la face extérieure des stries longitudinales profondes et possèdent une cassure franche et cireuse. Une coupe transversale permet d’observer une fine zone corticale puis un xylème blanchâtre à légèrement brunâtre, à larges rayons médullaires (Wichtl et Anton 2003). 21 Fig. 7 : Fragments de racines de Grande Consoude (Wichtl et Anton 2003) La taille imposante de ses racines lui a valu plusieurs appellations au cours des siècles, telles que « grosse racine » ou « grasse racine » chez les Lorrains, alors que dans certaines régions de Normandie on la dénomme « gras boudin » (Bertrand 2007). 22 b) Tige La souche noirâtre donne naissance à une tige robuste herbacée pouvant atteindre 1m de hauteur. Elle est porteuse de minces côtes saillantes d’où son aspect anguleux et ailé (Bezanger-Beauquesne, et al. 1980). Cette tige est rameuse dans sa partie supérieure et arbore en son sommet des fleurs en grappes courtes (Saule 2005). Très velue, elle est hérissée sur toute sa hauteur de longues soies raides et cylindriques, ce qui explique la sensation rugueuse au toucher (Fournier, Les 4 flores de France 1977). Fig. 8 : Port de Grande Consoude et détail d’une tige (Goujon 2007) 23 c) Feuilles Velues et d’aspect rêche comme des langues de chat, les feuilles sont largement lancéolées, acuminées et ondulées sur les bords (G. Bonnier 1993). Elles présentent toutes une nervation pennée. Fig. 9 : Détail d’une feuille de consoude (Goujon 2007) A la base elles sont disposées en rosette. De grande taille, elles peuvent mesurer jusqu’à 1m (P. Fournier 1947). 24 Fig. 10 : Rosette de grande consoude (Bertrand 2007) De celle-ci partent une ou plusieurs tiges portant des feuilles simples et alternes. Les feuilles des parties inférieures sont pétiolées et peuvent atteindre de 20 cm à 1 m ; celles de la partie supérieure qui sont décurrentes le long de la tige et mesurent de 10 à 20 cm de long sur 2 à 6 cm de large cyme (Fournier, Les 4 flores de France 1977). 25 Fig. 11 : Aspect feuilles et fleurs de Symphytum officinale (Bertrand 2007) En référence à son toucher rêche et velu, il n’est pas rare qu’on leur attribue d’autres dénominations telles que « Oreille d’âne » ou « de vache » mais aussi « Langue de vache » ou « de bœuf » (Bertrand 2007). 3. Appareil reproducteur a) Inflorescence Les fleurs sont regroupées en inflorescence de type cymeux unipare scorpioïde. Fortement enroulée sur elle même au début, cette cyme se redresse au fur et à mesure de la croissance de la plante et l’on voit la coloration des fleurs évoluer selon leur stade de maturation, passant successivement du rouge au bleu (Botineau 2010). 26 Fig. 12 : Cyme scorpioïde unipare de consoude (Bertrand 2007) b) Fleur La tige florifère est garnie de clochettes plus ou moins évasées, de couleurs variables. Elles peuvent être blanches, jaunes, mais le plus souvent teintées de rose à violet. La fleur est hermaphrodite, actinomorphe et pentamère. Elle s’organise donc autour du chiffre 5 et la formule florale simplifiée est la suivante : 5S + 5P + 5E + 2C Fig. 13 : Diagramme floral de la Consoude (Wikipédia 2008) 27 La fleur se présente sous forme d’un tube presque droit jusqu’à la moitié de sa longueur environ avant de s’ouvrir légèrement en cloche dans sa partie supérieure. Le périanthe est composé d’un calice de 5 sépales persistants soudés à leur base, et d’une corolle de 5 pétales soudés en tube ne dépassant pas 17mm en général, mesurant environ 2 à 3 fois la hauteur du calice et terminé par des dents courtes renversées vers l’extérieur (G. Bonnier 1993). A l‘intérieur de la corolle, on observe des invaginations en forme d’écailles ainsi que des poils pour protéger le nectar (Bertrand 2007). L’androcée est isostémone, avec 5 étamines soudées au tube de la corolle. Les anthères s’ouvrent par des fentes longitudinales (Botineau 2010). Le gynécée se divise en 2 carpelles avec quatre loges du fait de la présence d’une fausse cloison, eux-mêmes soudés en un ovaire supère. Naissant à la base de ces carpelles, le style est dit gynobasique. Dans chaque loge on retrouve un ovule en placentation axile, unitégumenté et ténuinucellé (Botineau 2010). Fig. 14 : Détail d’une fleur de Consoude coupé (Garnier, BezangerBeauquesne et Debraux 1961) La pollinisation de la Consoude étant entomogame, le transport du pollen se fait nécessairement par les insectes. Elle est favorisée par un disque nectarifère 28 entourant la base de l’ovaire. Bien que notre système olfactif y soit insensible, la plante sécrète un nectar abondant au parfum perceptible par les insectes qui sont attirés par ce doux suc. Les étamines sont doublement protégées de par la cloche formée par la corolle et les longues écailles retournées couvertes de poils présentes à l’intérieur de celle-ci, créant ainsi une véritable barrière physique. Cela explique la difficulté des insectes pollinisateurs à atteindre les organes reproducteurs. De manière générale, ce seront les insectes possédant de fortes mandibules, tels que les bourdons, qui perceront la base de la corolle afin de récupérer le nectar et qui rendront alors possible la pollinisation par d’autres insectes de plus petites tailles, comme c’est le cas pour les abeilles. Néanmoins, certains insectes dotés d’une trompe développée sont capables de butiner la fleur de Consoude normalement (Bertrand 2007). S’épanouissant en mai - juillet, ces fleurs anthocyanes changent de couleur en fonction du pH du lieu où elles croissent, mais aussi en fonction de leur degré de maturité. Ainsi il n’est pas rare d’observer sur une cyme en développement, des jeunes boutons à son extrémité ayant une coloration rouge variant vers des teintes bleutées à sa base où se trouvent des fleurs plus développées. On observe une corrélation entre ces changements de couleur et l’évolution de la maturité sexuelle. Les jeunes fleurs encore immatures de teinte rouge violacée sont alors protégées d’une possible agression précoce mais aussi d’une castration puisque les insectes, tels qu’abeilles et bourdons, ne distinguent pas le rouge. Néanmoins, une fois la maturation des organes sexuels atteinte, la couleur vire brutalement au bleu, attirant vers eux les acteurs de cette pollinisation. On peut aussi retrouver des fleurs blanches, moins visibles par les insectes mais de ce fait généralement plus parfumées (Bertrand 2007). Fig. 15 : Fleurs encore immatures blanches et fleurs plus anciennes rosées (Goujon 2007) 29 c) Fruit Chacune des fleurs de Symphytum officinale peut donner naissance à un tétrakène, soit 4 fruits secs, encore appelés nucules, lisses et brillants (Bonnier et De Layens 2004). Néanmoins, en raison d’une pollinisation mauvaise ou insuffisante, il n’est pas rare de n’apercevoir que 2 à 3 akènes (Bertrand 2007). Fig. 16 : Détail d’un tétrakène de consoude (Garnier, BezangerBeauquesne et Debraux 1961) Fig. 17 : Nucules de Grande Consoude (Bertrand 2007) 30 II. ETUDE CHIMIQUE Au cours de son développement, tout être vivant et à fortiori en ce qui concerne les végétaux, présente un métabolisme propre, synthétisant ainsi des composés chimiques nécessaires à sa formation. Néanmoins, nous pouvons distinguer deux types de métabolisme. D’une part, le métabolisme primaire, au cours duquel sont produites des molécules qui semblent indispensables à la survie de l’organisme, qui sont les glucides, les protéines et les lipides. D’autre part, le métabolisme secondaire, où sont synthétisées des substances dont le rôle ne paraît pas essentiel à la vie, généralement en réaction aux contraintes de l’environnement (Botineau 2010). Celles-ci ont en outre la propriété de permettre à la plante de se défendre et de se protéger vis à vis des prédateurs et autres pathogènes (Morot-Gaudry et Prat 2012). Souvent difficiles à classer dans une de ces catégories, ces dernières substances dérivent pourtant largement de composés issus du métabolisme primaire (Botineau 2010). Au cours de cette étude chimique, nous établirons une liste la plus complète possible des différentes substances chimiques de Symphytum officinale, afin de comprendre par la suite ses propriétés pharmacologiques ainsi que sa toxicité. A. Composés du métabolisme primaire Les composés du métabolisme primaire sont généralement produits en grande quantité par la plante mais représentés par seulement un petit groupe de molécules. On distingue classiquement les sucres simples, les acides aminés, organiques et nucléiques et les acides gras. C’est à partir de ces molécules que seront ensuite synthétisés les sucres complexes, les protéines et les lipides (Morot-Gaudry et Prat 2012). 31 1. Glucides Les glucides sont très présents dans cette plante et retrouvés principalement dans ses parties souterraines. On leur attribue les propriétés cicatrisantes caractéristiques du genre Symphytum (Botineau 2010). Rencontrés sous forme de sucres simples tels que l’arabinose, le glucose ou encore le galactose, ils peuvent aussi être polymérisés comme l’inuline, l’amidon, la cellulose et les mucilages (Barnes, Anderson et Phillipson 2007). Occupant une place importante dans la composition de la Consoude (près de 29%) (Van Hellemont 1986), les mucilages sont des substances végétales possédant une composition intéressante au regard de ses propriétés pharmaceutiques. Ils sont composés pour 68% de leur poids sec de fructosane, polymère de fructose, et 5,1% d’acides uroniques (Pinkas, Bezanger-Beauquesne et Trotin 1965). Sécrétés par les racines principales, ces polysaccharides ont la capacité de gonfler au contact de l’eau, tel une gélatine. En présence des micro-organismes de la rhizosphère, les mucilages vont donc être métabolisés et on observera la formation de mucigel, gaine mucilagineuse d’origine végétale et microbienne, qui enveloppera les jeunes racines (Gobat, Aragno et Matthey 2010). L’inuline, polymère de polysaccharides composé de chaînes de fructose, tout comme l’amidon, polysaccharide à base de D-glucose, sont présents en quantité moindre mais jouent un rôle essentiel comme moyen de stockage de l’énergie, notamment dans les racines de la plante (Apolinario, et al. 2014) (ESCOP 2009). 2. Protéines Les protéines jouent un rôle structural majeur dont l’unité de base est l’acide aminé. Contrairement aux protéines animales, elles peuvent présenter, dans le règne végétal, une quantité limitée en certains acides aminés dits essentiels, d’où l’importance d’associer entre eux différents types de végétaux (légumineuses, 32 céréales, graines oléagineuses). C’est la composition en acides aminés qui permet d’évaluer la qualité protéique d’un aliment, dans notre cas de la plante (Anses 2013). Les parties les plus riches en protéines dans la consoude sont les feuilles, ce qui explique par ailleurs leurs utilisations non négligeables en agriculture et élevage. La composition en acides aminés est plutôt bien équilibrée donc de valeur équivalente aux protéines animales, avec une présence un peu plus importante de méthionine et tryptophane (Couplan 2007). Les protéines représentent 6% du poids total de la plante fraîche, soit près de 30% de la plante sèche (Bertrand 2007). B. Composés du métabolisme secondaire Les métabolites secondaires sont souvent produits en très faible quantité mais il en existe un grand nombre et sont très variés. On distingue principalement trois familles de composés : les alcaloïdes, les composés phénoliques et les terpènes (Bruneton 2009). 1. Alcaloïdes pyrrolizidiniques Bien que pouvant être isolés dans une dizaine de familles, les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont essentiellement retrouvés chez les Boraginaceae, et particulièrement dans le genre Symphytum. Leur toxicité reste le point essentiel de l’étude de ces alcaloïdes qui ne présentent pas de réelles propriétés thérapeutiques (Bruneton 2009). 33 a) Structure générale Les alcaloïdes pyrrolizidiniques tirent leur nom du noyau commun dont ils dérivent, la pyrrolizidine ou azabicyclo [3,3,0] octane. Il s’agit d’un hétérocycle bicyclique composé de deux cycles pyrroles. Fig. 18 : La Pyrrolizidine (Bruneton 2009) Les amino-alcools dont ils dérivent sont appelés nécines. Pouvant être insaturé ou non, ce cycle en C-8 présente toujours une substitution par un groupe hydroxyméthyle en C-1. On différenciera plusieurs types de nécines en fonction du degré d’hydroxylation de la molécule. Ces alcaloïdes résultent de la combinaison d’esters de la rétronécine, un amino-alcool (ayant une fonction alcool secondaire en C-7), et d’acides mono- ou dicarboxyliques. Fig. 19 : La Rétronécine (Bruneton 2009) Dans la Grande Consoude, on retrouve essentiellement des mono- ou diesters d’acides monocarboxyliques. Les alcaloïdes pouvant être isolés sont représentées dans le tableau suivant, les principaux étant : - deux monoesters, la lycopsamine et l’intermédine : hydroxyle en C-9 estérifié par un acide hydroxyisopropylbutanoïque, 34 - et un diester, la symphytine : présentant en plus de l’estérification en C-9, une estérification de l’hydroxyle en C-7 par un acide tiglique (Bruneton 2009). Fig. 20 : Structure moléculaire des alcaloïdes pyrrolizidiniques contenus dans la Consoude (Stickel et Seitz 2000) Fig. 21 : La lycopsamine, l’intermédine et la symphytine (Bruneton 2009) b) Extraction et dosage L’extraction de ces substances se fera après oxydation par du chloranile ou peroxyde d’hydrogène, puis traitement du dérivé pyrrolique formé par du pdiméthylaminobenzaldéhyde. Depuis les années 1960, le dosage des alcaloïdes pouvait être réalisé grâce à la spectrométrie et à la chromatographie sur couche mince (CCM) (Couet, Crews et Hanley 1996). Ce n’est que récemment que Lin et ses 35 collaborateurs développent la première méthode analytique utilisant la chromatographie liquide haute performance (HPLC) qui deviendra l’outil de référence dans le dosage des alcaloïdes pyrrolizidiniques dans les échantillons sanguins, afin de conclure à une intoxication à ces alcaloïdes (Roulet, et al. 1988). c) Localisation Dans la Consoude, les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont surtout présents au niveau des parties souterraines (Couet, Crews et Hanley 1996). Elles en contiennent de 0,2% à 0,4%. Ils peuvent aussi être rencontrés dans les feuilles, mais à des concentrations pouvant être plus de dix fois moindres que celles des racines, de 0,003 à 0,02% (Bruneton 2009). La concentration en alcaloïdes dans les feuilles varie en fonction de l’époque et de leur stade de développement. Les jeunes feuilles seront plus chargées en alcaloïdes que de vieilles feuilles, qui peuvent ne contenir que 1/16e de leur quantité initiale. Ainsi tout au long du développement de la feuille, la teneur en alcaloïdes pyrrolizidiniques diminue alors que celle en alcaloïdes tertiaires issus de la transformation des dérivés N-oxydés, augmente progressivement (A. Mattocks 1980). 2. Composés phénoliques Formant une large famille, les composés phénoliques sont caractérisés par la présence d’un noyau de base phénolique auquel sera rattaché au moins un groupe hydroxyle, lui-même libre ou engagé dans une autre fonction éther, ester ou hétéroside. Afin de les distinguer d’autres substances présentant ces analogies structurales telles que certains alcaloïdes et terpènes, on ajoutera un critère concernant son mode de synthèse (Bruneton 2009). Les composés phénoliques doivent donc avoir une double origine biosynthétique d’aromagenèse, celle du métabolisme de l’acide shikimique d’une part et celle du métabolisme de l’acétate d’autre part (Bruneton 2009). 36 Tous ces composés phénoliques absorbent les rayonnements, leur présence confère à la plante une protection vis-à-vis du rayonnement solaire, en plus de leur rôle majeur dans la coloration des organes végétaux, indispensable à l’interaction de celle-ci avec son environnement (Sarni-Manchado et Cheynier 2006). a) Les acides phénols Toute molécule possédant une fonction carboxylique ainsi qu’un hydroxyle phénolique est un acide-phénol. Dans la Consoude, les acides phénoliques extraits sont hydroxylés en C6-C3 et dérivent de l’acide cinnamique (Bruneton 2009). Fig. 22 : L’acide cinnamique On pourra isoler surtout de l’acide caféique, issu d’une double hydroxylation du phényle, de l’acide chlorogénique, ester de l’acide quinique (5-caféoyl-quinique), ainsi que des depsides, acide rosmarinique et lithospermique, spécifiques des Boraginaceae (Bruneton 2009) (Van Hellemont 1986). Fig. 23 : L’acide caféique & l’acide chlorogénique 37 Fig. 24 : L’acide rosmarinique et l’acide lithospermique L’analyse de ces substances se fait essentiellement en chromatographie sur couche mince (CCM), en chromatographie en phase gazeuse couplée ou non à la spectrométrie de masse (CPG ou CPG-SM) ou enfin chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (CL-SM) qui reste la méthode analytique de préférence et la détection se fera le plus souvent dans l’UV-visible. Les acides-phénols sont extraits dans des solvants organiques (méthanol ou acétate d’éthyle) en milieu acide, du fait de leur ionisation en milieu alcalin. Molécules instables, cette manipulation se fera sous atmosphère inerte, sans grande variation de pH et à basse température (30°C). Leur mécanisme physiologique est mal connu. Leur intérêt thérapeutique est limité mais on leur reconnaît un pouvoir antioxydant, piégeurs de radicaux libres. De ce fait, ils jouent un rôle dans le maintien d’un bon état général tout en participant à la prévention des maladies dues à un excès de radicaux libres et au stress oxydatif (maladies cardiovasculaires, maladies dégénératives, etc.). L’acide chlorogénique et l’acide caféique quant à eux semblent inhiber in vitro certains mécanismes d’altération de l’ADN et de l’ARN, ainsi que des réactions de nitrosation (Bruneton 2009). b) Les flavonoïdes Les flavonoïdes sont des pigments très largement retrouvés dans le règne végétal. Qu’ils soient colorés, procurant ainsi aux fleurs leur teinte et donc leur pouvoir attractif vis-à-vis des insectes, ou incolores, jouant alors un rôle de copigment, ils occupent une place majeure dans la pollinisation entomophile et de ce fait dans la survie de l’espèce. 38 La structure de base, commune à tous les flavonoïdes, est le 2phénylchromane, molécule à 15 atomes de carbone, composée de deux cycles benzéniques reliés par une chaîne à 3 carbones, formée le plus souvent en un hétérocycle oxygéné penta- ou hexagonal (Bruneton 2009). Fig. 25 : Squelette de base des flavonoïdes (Sarni-Manchado et Cheynier 2006) Selon la conformation de l’hétérocycle central et son degré d’oxydation, on peut distinguer jusqu’à 12 classes de flavonoïdes, qui auront chacune des propriétés particulières. Le spectre d’absorption de ces molécules s’étend du visible au proche ultraviolet. Dans ce dernier cas, bien que non visible pour l’œil humain, la teinte donnée sera néanmoins perçue par les insectes, et ils joueront alors un rôle protecteur vis-à-vis des effets nocifs des rayonnements ultraviolets B en se concentrant au niveau des vacuoles épidermiques des feuilles et des cellules épidermiques des fleurs. L’extraction sera réalisée grâce à du méthanol, ou mélange méthanol-eau, les flavonoïdes étant généralement solubles dans l’eau et les alcools. L’identification se fera le plus souvent par chromatographie liquide, couplée ou non à la spectrométrie de masse. On notera que celle-ci laisse petit à petit la place à la résonance magnétique nucléaire (RMN). Le dosage est réalisé par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie dans l’UV (240-285 nm pour le cycle A et 300-550 nm pour le cycle B). 39 Reconnus principalement pour leurs propriétés antioxydantes et protecteurs vasculaires, ils ne sont pas présents en quantité suffisante dans la Consoude pour être utilisés en tant que tels et jouent seulement leur rôle, bien que non négligeable, dans la pollinisation entomophile (Bruneton 2009). c) Les anthocyanes Désignant à l’origine la capacité à colorer les fleurs du bleuet (du grec anthos, fleur et kuanos, bleu sombre), la définition d’anthocyane englobe tous pigments naturels hydrosolubles donnant sa coloration à un végétal, le plus souvent les fleurs et fruits, d’un spectre de couleur allant du rouge au bleu et en passant par le rose, le violet ou le pourpre dans le spectre du visible (Bruneton 2009). Les anthocyanes (ou anthocyanines) sont des hétérosides qui résultent du couplage entre une molécule non glucidique (aglycone) et des oses. Ils proviennent du métabolisme des flavonoïdes dont ils forment une sous-classe. Leurs aglycones, les anthocyanidols, encore nommées anthocyanidines, ont pour structure de base l’ion flavylium (= 2-phénylbenzopyrylium) et déterminent la famille de l’hétéroside ainsi formé. Du fait de la forte réactivité de ce noyau, les anthocyanidines sont instables, ce qui explique qu’elles soient le plus souvent retrouvées sous la forme d’hétérosides, les anthocyanines (Sarni-Manchado et Cheynier 2006). Fig. 26 : Le cation flavylium (Bruneton 2009) 40 Fig. 27 : Structure de bases des principaux anthocyanidols (Bruneton 2009) La propriété première des anthocyanidols, la pigmentation des différentes parties du végétal, provient des doubles liaisons conjuguées du cation flavylium (chromophore rouge) qui absorbera la lumière à son maximum à 520nm (vert) et restituera donc à l’œil humain une coloration dans les rouges. Suivant le degré d’hydroxylation mais aussi de méthylation, la coloration rendue par les anthocyanidines pourra varier de l’orange au violet. Plus le cycle B sera porteur d’hydroxyles, plus on tendra vers le violet, l’absorbance sera alors déplacée vers les grandes longueurs d’ondes et le chromophore sera instable. Inversement, par une substitution de ces mêmes groupements par des méthoxyles, alors on observera une teinte rouge et la molécule sera stable (Sarni-Manchado et Cheynier 2006). En fonction du pH en milieu aqueux, la coloration des anthocyanes résulte de la configuration de l’ion flavylium, celui-ci étant un diacide. De ce fait, en milieu acide fort (pH<3), la forme cationique est prédominante, et on notera une teinte dans les rouges. Les tons de bleus s’observeront pour des pH intermédiaires (4<pH<6). De manière générale, plus le pH augmente, plus la coloration diminue jusqu’à la perte de celle-ci en milieu neutre (pH = 7) (Sarni-Manchado et Cheynier 2006) (Bruneton 2009). Outre le pH qui joue un rôle important dans le pouvoir colorant de ces molécules, les variations de teintes sont aussi liées à de nombreux autres facteurs tels que la lumière, la température, le degré de maturité de la plante, etc. L’identification des anthocyanes se fera préférentiellement par chromatographie liquide et leur dosage par spectrophotométrie (500-550 nm). 41 Solubles dans l’eau et les alcools, on utilisera pour ce faire un alcool (méthanol, éthanol) auquel on ajoutera une faible quantité d’acide chlorhydrique, du fait de leur instabilité en milieu alcalin, à basse température (<30°C). Dans la Consoude, on pourra les isoler surtout au niveau des fleurs mais à de faibles concentrations, ne lui procurant pas de propriétés thérapeutiques particulières. Ils possèdent cependant un rôle majeur dans la pollinisation entomophile, permettant ainsi l’attraction des insectes nécessaire au maintien de l’espèce (Bruneton 2009). d) Les tanins Les tanins des plantes étaient historiquement utilisés pour leurs propriétés tannantes afin de traiter les peaux d’animaux. Ils procurent aux fruits et légumes leur propriété astringente (Sarni-Manchado et Cheynier 2006). Ce sont des composés phénoliques ayant la capacité de faire précipiter les protéines à partir de leurs solutions aqueuses (Mole et Waterman, 1987). Cette propriété est la résultante de la création d’interactions hydrophobes et de liaisons hydrogène covalentes entre les groupes phénoliques des tanins et les protéines de macromolécules telles que le collagène, la cellulose, les pectines ou encore les protéines. Afin de s’intercaler entre les fibres de ces macromolécules et de stabiliser le complexe obtenu, la masse moléculaire du tanin ne doit pas être ni trop élevée (pas d’intercalation possible), ni trop faible (pas d’accroche suffisante pour stabiliser la structure) (Bruneton 2009) ; elle doit être comprise entre 500 et 3000 Da (Bate-Smith et Swain 1962) Grâce à la chimie analytique, on peut aujourd’hui distinguer deux grandes catégories de tanins, que l’on différenciera sur leur composition et réactivité chimique : - Tanins hydrolysables : pouvant être dégradés par hydrolyse, donnant naissance à un composé phénolique qui peut alors être de l’acide gallique 42 (gallotanins), ou de l’acide ellagique (ellagitanins) ou une partie non phénolique (le plus souvent du glucose ou de l’acide uronique), - Tanins condensés : polymères ou oligomères de flavanes 3-ols, résistants à l’hydrolyse, ne se dégradant que grâce à des traitements chimiques forts (Sarni-Manchado et Cheynier 2006). Fig. 28 : Structure d’un pentagalloylglucose, structure de base des tanins hydrolysables (Sarni-Manchado et Cheynier 2006) Fig. 29 : Exemple de structure d’un tanin condensé (SarniManchado et Cheynier 2006) 43 De manière générale, l’extraction des tanins fait appel à un mélange eauacétone. La solution aqueuse obtenue après élimination de l’acétone par distillation est extraite par de l’acétate d’éthyle, permettant de séparer la majeure partie des tanins galliques et les proanthocyanidols dimères. Les proanthocyanidols polymères et tanins galliques de masse moléculaire élevée resteront dans la phase aqueuse. Afin d’isoler individuellement chacune de ces molécules, on utilisera des méthodes chromatographiques en milieu hydro-alcoolique (le plus souvent, chromatographie d’exclusion sur gel puis chromatographie en phase inverse). L’identification peut mettre en jeu des réactions de précipitation avec des sels ferriques, de l’iodate de potassium ou de l’acide nitreux en milieu acétique, ou encore par des méthodes plus habituelles comme la CCM ou la chromatographie liquide. De part la difficulté d’obtenir une extraction complète, le dosage des tanins est délicat. Les techniques utilisées seront basées sur le caractère phénolique que présentent ces composés mais ne seront donc pas spécifiques. La meilleure méthode afin de les détecter et de les doser reste, pour la plupart des chimistes, l’évaluation de leur capacité, spécifique, à précipiter les protéines (Bruneton 2009). Cette affinité pour les parties protéiques et leur astringence expliquent en grande partie l’utilisation des tanins en thérapeutique. En usage externe, ils permettent de protéger la peau et les muqueuses en se comportant comme un imperméabilisant des couches les plus externes. Grâce à un effet vasoconstricteur, notamment sur le réseau des petits vaisseaux superficiels, ils limitent la perte de fluide, protègent des agressions extérieures et renforcent le processus de régénération des tissus au décours de brûlures ou blessures superficielles. L’administration orale démontre un effet anti-diarrhéique notable. L’effet antiseptique par voie locale ou orale, à la fois antibactérien et antifongique, est même remarquable dans les diarrhées infectieuses ou dermites. Enfin, on leurs accorde une activité antioxydante suite à des études in vivo et in vitro (Bruneton 2009). Les parties souterraines de Symphytum officinale renferment des tanins mais ce sont surtout ses feuilles qui en contiennent, de 4 à 6,5% (Van Hellemont 1986). 44 3. Triterpènes et stérols Très répandus dans la nature, les triterpènes sont des composés en C30 appartenant à la famille des terpènes et principalement présents sous la forme de résine. Ce sont des hydrocarbures insaturés qui proviennent de la condensation de six molécules d’isoprène, hydrocarbure non saturé ramifié, d’où leur formule de base C5H8 x 6 = C30H48. Fig. 30 : L’isoprène (Boiteau 1964) Le précurseur commun à leur biosynthèse est le squalène et ses différents modes de cyclisation permettront d’aboutir à la formation de plusieurs squelettes carbonés et d’établir une classification de base des triterpènes (Boiteau 1964). Fig. 31 : Le squalène, composé à six atomes d’isoprène toutes en configuration trans (Boiteau 1964) Les stéroïdes constituent un groupe de lipides ne présentant pas de grande différence avec les terpènes, que l’on peut considérer comme des terpènes tétracycliques à squelette en C27, soit la résultante de deux déméthylations progressives (en C-4 puis en C-14) puis d’une décarboxylation. Ils se caractérisent par un noyau cyclopentanophénanthrénique, encore appelé noyau stérane (Bruneton 2009). 45 Fig. 32 : Structure du noyau stérane (Boiteau 1964) Les phytostérols sont des stéroïdes particuliers ayant un squelette en C28 ou C29 et dans lesquels on retrouvera donc fixé en C-24 un ou deux carbones supplémentaires (groupe méthyle ou éthyle). Des études démontrent un effet antioxydant et ils sont souvent mis à profit dans des produits alimentaires afin de participer à la baisse de la cholestérolémie et ainsi réduire les risques de maladies cardio-vasculaires (Bruneton 2009) (Yoshida et Niki 2003). On pourra trouver dans la consoude des saponines à génines triterpéniques, hétérosides fréquentes chez les végétaux et eux aussi issues de la cyclisation du squalène. On reconnaît entre autre à ces molécules des propriétés antiinflammatoires, hypotensives et protectrices vis-à-vis des radiations en réduisant la synthèse de cytokines pro inflammatoires et de médiateurs de l’inflammation (Bruneton 2009) (Ahmad, et al. 1993) (Xiao, et al. 2005). Dans les racines de Consoude, on pourra isoler des phytostérols comme le βsitostérol et en plus faible quantité le stigmastérol (Huizing et Malingre 1983). On retrouve aussi un triterpène typique, l’isobauerénol, ainsi que des saponosides stéroïdiens et des saponosides triterpéniques (symphytoxide A, cauloside D, esculentoside A, esculentoside B et esculentoside D) de découverte plus récente (Barnes, Anderson et Phillipson 2007) (Ahmad, et al. 1993) (Mohammad, et al. 1995). 46 C. Autres composés Outre les composés précédemment cités, soit du fait de leurs proportions relatives, soit de leurs propriétés pharmacologiques, on peut retrouver dans la consoude d’autres composés qu’il reste intéressant de mentionner. Il sera alors possible d’isoler les constituants suivants : - de l’allantoïne, de 0,7 à 2,55% en fonction de la saisonnalité ; il s’agit d’un dérivé azoté, auquel on peut entre autre attribuer les propriétés cicatrisantes de cette plante (Barnes, Anderson et Phillipson 2007) (Van Hellemont 1986), - des acides aminés tels que l’asparagine (1 à 3%) et la choline (Van Hellemont 1986), - de la vitamine A et B12 (Longe 2005), - des minéraux en forte quantité comme le calcium, le potassium ou encore le phosphore (Longe 2005), - une résine ainsi qu’une huile essentielle (Van Hellemont 1986). 47 III. ETUDE TOXICOLOGIQUE La toxicité des Boraginacées, et en ce qui nous concerne celle de la Consoude, ne pourra pas passer inaperçue. Il nous est impossible d’oublier la présence des alcaloïdes pyrrolizidiniques, réputés toxiques. Nous verrons dans un premier temps la toxicité accidentelle et dans un second temps la toxicité propre à cette plante, conséquence de la présence de ces alcaloïdes. 1. Toxicité accidentelle L’intoxication aiguë, que l’on pourra qualifier « d’accidentelle », s’est produite à quelques reprises suite à la confusion de feuilles de consoude avec celles de digitale pourpre ou de la belladone, consommées le plus souvent en infusion. Le risque de confusion n’est pas à négliger lors de la cueillette, celles-ci présentent certaines similitudes au niveau de leurs feuilles, d’autant plus lorsque la plante n’est pas encore en fleurs. Les feuilles de consoude commencent à apparaître au printemps, d’abord en touffe puis en rosette. Elles sont épaisses, très rugueuses au toucher. Le pétiole en gouttière est très long et poilu. Le limbe vert foncé, pâle sur sa face interne, mesure de 10 à 25 cm et est entier. Il se termine en pointe aiguë et les nervures bien visibles sont saillantes dessous et creusées dessus. L’odeur et le goût iodés sont souvent plus prononcés en période de floraison. Elles se ramassent au printemps ou à l’automne si la plante a été coupée en été. Tout comme la consoude, la belladone laisse paraître ses premières feuilles à la sortie de l’hiver, dès le mois de mars. Elle est aussi une plante robuste d’odeur forte à désagréable. Le pétiole est large et blanchâtre, ainsi que les nervures qui sont blanches et poilues. La principale distinction entre ces deux plantes est le toucher doux des feuilles de belladone. 48 A l’inverse, les feuilles de digitale peuvent être visibles en hiver. Le pétiole long et large peut être rougeâtre. Le limbe d’un vert moins prononcé que la consoude est crénelé et pointu. Les nervures principales peu visibles sur le dessus le sont beaucoup sur le dessous et les nervures secondaires blanchâtres à rosées sont nombreuses. D’aspect velouté, ses feuilles sont très douces au toucher (Moutsie et Ducerf 2013). Fig. 33 : Feuilles de consoude, belladone et digitale pourpre (dessus & dessous) de gauche à droite (Moutsie et Ducerf 2013) Il a pu être rapporté quelques cas d’intoxications chez des patients présentant des symptômes d’empoisonnement à l’atropine, dans le contexte d’un usage de consoude en infusion. L’étude analytique par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse a permis de confirmer que la plupart des sachets étiquetés comme être de la consoude étaient presque entièrement des feuilles de belladone séchées (Atropa belladona) (Awang et Kindack 1989). Enfin, un homme de 76 ans faisant usage depuis plusieurs années d’infusions à base de feuilles de consoude, est hospitalisé devant un tableau clinique proche de celui d’une intoxication à la digitale : déshydratation avec vomissements et diarrhées, confusion et scotomes scintillants. L’intoxication digitalique est confirmée par l’électrocardiogramme montrant une bradycardie, un allongement de la période réfractaire et inversion du segment ST (« cupule digitalique ») et l’hyperkaliémie observée sur le bilan biologique signe la gravité de l’intoxication. La diagnose des 49 parties de plantes utilisées affirme l’examen clinique et biologique, les feuilles retrouvées étaient de la digitale pourpre (Digitalis purpurea) (Bain 1985). 2. Toxicité chronique due aux alcaloïdes pyrrolizidiniques Avec l’émergence des médecines dites « naturelles », les patients s’orientent de plus en plus vers la consommation de plantes, que ce soit en usage interne comme externe. Au cours des dernières décennies, des rapports ont permis de souligner la forte augmentation de cas d’intoxications suite à l’utilisation de celles-ci. Les alcaloïdes de la pyrrolizidine, largement retrouvés dans la Consoude, sont les principales substances toxiques incriminées dans l’apparition de maladie tant chez l’humain que les animaux, suite à la consommation soit de la plante en elle-même dans un but thérapeutique, soit suite à la contamination des produits d’alimentation. Ces alcaloïdes présentent donc un risque pour la santé des populations exposées. Leur principale toxicité est caractérisée par leur incidence au niveau hépatique, mais ils sont aussi connus pour être tératogènes et abortifs. Des études animales expérimentales ont montré qu’ils sont aussi carcinogènes et que certains de leurs métabolites sont mutagènes (Prakash, et al. 1999). Les principales familles renfermant ces alcaloïdes sont les Boraginacées (tous genres confondus), les Astéracées (genre Senecio et Eupatorium) et les Fabacées (genre Crotalaria) (Furuya, Asada et Mori 1987). a) Toxicité chez l’animal (1) Sources de contamination animale En règle générale, les animaux ne consomment pas de plantes renfermant des alcaloïdes pyrrolizidiniques. La consommation est donc rare, soit en cas de sécheresse et que la nourriture vient à manquer, soit de façon accidentelle, suite à la contamination des fourrages et ensilages (Prakash, et al. 1999). 50 Il a été remarqué que la tolérance clinique diffère d’une espèce à une autre suite à la consommation chronique d’alcaloïdes pyrrolizidiniques. Alors que les animaux les plus sensibles semblent être les porcs, la volaille et les rats, certaines espèces comme les moutons, les chèvres ou encore les petits herbivores tels que lapins, hamsters ou souris, paraissent peu sensibles voir résistants à ce genre d’intoxication (Cheeke 1998). Néanmoins des études ont démontrés que bien que sensibles aux alcaloïdes de la pyrrolizidine, certains animaux comme les porcs n’étaient pas autant touchés par ceux de la consoude, et que certains comme les rats développent, à l’inverse, une sensibilité accrue (Hills 1976). Cette différence s’explique dans la capacité de l’arsenal enzymatique que possède l’animal à détoxifier les alcaloïdes de la pyrrolizidine, en l’occurrence ceux présents dans la consoude (Lanigan 1971). Les populations les plus fréquemment touchées restent les chevaux et le bétail, avec une tolérance intermédiaire vis-à-vis de ce type d’intoxication. Les premiers signes apparaissent 2 à 8 mois après le début de la consommation de ces plantes. Il n’est pas rare d’observer des signes neurologiques chez les équins et des cas de photosensibilisation chez les bovins (Puschner et Woods 2003). (2) Hépatocarcinogénicité (a) Toxicité induite par voie orale C’est en 1978 qu’Hirono et ses collaborateurs décrivent pour la première fois le tropisme hépatique des alcaloïdes pyrrolizidiniques de la consoude et leur capacité à induire la formation d’adénomes hépatocellulaires et d’hémangiosarcomes. Depuis les années 1980, bien des études expérimentales ont été menées afin de confirmer l’hépatotoxicité de cette plante. L’expérience conduite par Hirono est une étude à long terme, sur des rats ACI, tous sexes confondus. Le but de cette expérimentation était de montrer l’impact au niveau tumoral mais avant tout hépatique de la consommation par voie orale de feuilles et de racines de consoude, elle s’est terminée au bout de 600 jours. 119 animaux ont été répartis en 9 groupes, auxquels on a fourni une alimentation 51 complétée pour un certain pourcentage par des racines ou des feuilles de consoude préalablement séchées et pulvérisées (cf. fig. 34). Les doses de certains groupes ont été volontairement réduites suite à l’apparition précoce de signes de lésions hépatiques. Parallèlement, un groupe témoin ayant reçu un régime normal exempt de consoude a été constitué, à raison de 65 mâles et de 64 femelles. Groupe Age Nombre total de (mois) rats Consoude (feuilles ou racines) % de Consoude dans le régime Durée du régime I-1 1 19 (11 ♂, 8 ♀) Feuilles 33% 480 jours I-2 1 - 1.5 20 (10 ♂, 10 ♀) Feuilles 33% 600 jours II 1 - 1.5 21 (11 ♂, 10 ♀) Feuilles 16% 600 jours III 1 28 (14 ♂, 14 ♀) Feuilles 8% 600 jours IV 1 24 (12 ♂, 12 ♀) Racine 8% Jusqu'au décès V-1 1 - 1.5 24 (12 ♂, 12 ♀) Racine 4% (185 jours), 2% (30 jours) puis 1% Jusqu'au décès V-2 1 - 1.5 24 (12 ♂, 12 ♀) Racine 4% (180 jours), 0,5% (65 jours) puis régime de base 245 jours VI 1.5 24 (12 ♂, 12 ♀) Racine 2% (980 jours), 0,5% (90 jours) puis régime de base 280 jours VII 1.5 15 (8 ♂, 7 ♀) Racine 1% (275 jours) et par la suite alternance à 3 semaines d'intervalle de régime de base et de régime à 0,5% Jusqu'au décès Fig. 34 : Répartition des rats dans chaque lot, nature et pourcentage de consoude contenu dans l’alimentation (Hirono, Mori et Haga 1978) Après autopsie de tous les sujets, les résultats montrent que des tumeurs hépatiques ont été induites pour chacun des groupes ayant reçu une alimentation à base de consoude. Le sexe ne semble pas avoir d’incidence sur l’apparition de ces adénomes puisque sur 186 rats, 46 sont des mâles et 35 des femelles. Macroscopiquement on peut voir que les tumeurs sont soit isolées, soit multiples et qu’elles se présentent sous la forme de nodules blancs-grisâtres. Microscopiquement les cellules de celles-ci sont organisées irrégulièrement et nettement séparées par du tissu hépatique sain. Trois rats ont développé un sarcome hémangioendothélial du 52 foie en plus de leur adénome hépatocellulaire. Dans le groupe témoin, 5 rats sur les 129 ont des tumeurs, aucune d’entre elles n’étant hépatique (cf. fig. 35). Site des tumeurs et types histologiques Foie : Adénome hépatocellulaire Sarcome Vessie : Papillomes Carcinomes Divers : Leucémie lymphoïde Adénome du côlon Adénome pituitaire Adénome cortex surrénalien Adénome caecal Fibrosarcome sous-cutané Fibroadénome mammaire Tératome rétro-pectoral Groupe I-1 Groupe I-2 Groupe II Groupe III 5 11 7 1 1 1 2 2 2 1 Groupe Groupe IV V-1 19 9 Groupe V-2 Groupe VI Groupe VII 7 10 12 2 Témoin 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 1 Fig. 35 : Sites des tumeurs et différents types histologiques, répartition des tumeurs au sein des différents groupes (Hirono, Mori et Haga 1978) Il semble donc que les alcaloïdes pyrrolizidiniques contenus dans la consoude aient une forte affinité pour le tissu hépatique. Le nombre insuffisant de rats dans cette étude ne permet pas de conclure à la carcinogénicité vésicale de cette plante, d’autant plus qu’elles ont aussi été développées dans le groupe témoin. L’incidence des tumeurs hépatiques est plus importante dans les groupes ayant reçu une alimentation à base de racines de consoude, bien que la quantité relative de feuilles est plus élevée que celle des racines. Ceci montre bien que les racines sont plus toxiques que les feuilles. Enfin, dans le groupe VII, l’administration discontinue de la consoude semble participer plus activement à l’induction de tumeurs qu’une administration continue (Hirono, Mori et Haga 1978). (b) Toxicité induite par voie intra-­‐péritonéale En 1980, l’équipe menée par Culvenor cherche à évaluer la toxicité induite par un extrait de feuilles de consoude par voie intra-péritonéale (Culvenor, et al. 1980). Cette étude sur des rats permettra de comparer les effets des alcaloïdes renfermés dans la consoude de Russie à ceux de la lasiocarpine, alcaloïde connue pour sa 53 toxicité hépatique importante, et de la platyphylline, alcaloïde dénué d’activité hépatotoxique. Les feuilles fraîchement récoltées d’un hybride de S. officinale et de S. asperum, ont été immergées dans du méthanol pendant une journée puis hachées en petits morceaux. L’extraction a été réalisée par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CG-SM) et la totalité des alcaloïdes pyrrolizidiniques présents réunis après réduction par de la poussière de zinc des dérivés N-oxydés. Les rats reçoivent une dose de 71mg/kg de poids par voie intra-péritonéale à raison de trois par semaine. Le décès survient dans les 3 à 4 semaines suivant la première administration. Après autopsie des animaux, outre la présence d’ascite et d’œdèmes sous-cutanés, ils observent que ces alcaloïdes peuvent induire des modifications à la fois histologique et biochimique. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau ci-dessous (cf. fig. 36). Alkaloid Dose (mg/kg) No. of rats Mitotic index Nuclear population density Total plasma proteins (mg/ml) Albumin/ Globulin Comfrey alkaloids 71 5 0 47 ± 1.1 26.9 ± 3.9 Lasiocarpine 10.3 6 0.02 ± 0.02 57.2 ± 2.0 Platyphylline 33.7 5 1.52 ± 0.02 Saline controls - 6 1.70 ± 0.47 Plasma enzymes m units/ml GOT GLDH 0.78 ± 0.13 141 ± 18 9.5 (2 rats) 38.5 ± 3.3 1.09 ± 0.12 125 ± 4 113.4 ± 3.4 54.2 ± 0.9 1.47 ± 0.05 45 ± 5 91 ± 3.7 55.1 ± 0.9 1.45 ± 0.06 41 ± 2 1.9 ± 1.1 Fig. 36 : Effets de la consoude sur le foie de rats (Culvenor, et al. 1980) Au niveau cellulaire, on remarque : - une inhibition de la division cellulaire avec index mitotique nul et diminution de densité de la population nucléaire de moitié par rapport au contrôle (l’index mitotique correspondant au nombre de mitoses pour 1 000 cellules parenchymateuses et la population nucléaire au nombre de noyaux parenchymateux dans le champ microscopique), - une mégalocytose des hépatocytes, - des nécroses centro-tubulaires, 54 - et des occlusions veineuses. Sur le plan biochimique, la diminution du taux des protéines totales ainsi que du rapport albumine/globuline est de 40% voire plus. Les enzymes hépatiques augmentent mais faiblement, en relation avec la nécrose des cellules parenchymateuses (Culvenor, et al. 1980). Les alcaloïdes pyrrolizidiniques présents dans la consoude ont une activité hépatotoxique similaire à celle de la lasiocarpine, et ceci confirme donc bien la toxicité hépatique de la consoude et l’impossibilité d’utiliser cette voie à des fins thérapeutiques. (c) Utilisée depuis des Recherche d’une toxicité par voie cutanée millénaires, il reste donc à définir une voie d’administration possible afin de pouvoir utiliser la consoude. La voie cutanée est alors envisagée avant d’être évaluée en 1982 par Brauchli et Lüthy. L’étude expérimentale est réalisée sur 4 rats mâles, de 200 grammes chacun, recevant nourriture et eau. Ils sont divisés en deux lots, dans le premier chaque rat recevra une dose de 31 mg d’extrait non réduit de S. officinale renfermant 0 ,07% d’alcaloïdes (soit 194 mg d’alcaloïdes N-oxydés par kilogramme) par voie orale et dans le second, en appliquant à même la peau cette même dose aux deux autres rats. Leurs urines sont recueilles toutes les 24h pendant 4 jours. Après analyse de chaque échantillon, on réussit à isoler sept alcaloïdes pyrrolizidiniques N-oxydés : 7acétylintermédine, 7-acétyllycospamine, lycopsamine, intermédine, symphytine et traces de deux autres alcaloïdes non étiquetés. 55 % de la dose appliquée Composé identifié Voie Orale Voie Cutanée Rat 1 Rat 2 Rat 3 Rat 4 7-Ac-intermédine/7-Ac-lycopsamine 3.7 1.2 n.d. n.d. 7-Ac-intermédine/7-Ac-lycopsamine N-oxydés 0.2 0.2 0.4 0.1 Intermédine/Lycopsamine 4.1 1.4 n.d. n.d. Intermédine/Lycopsamine N-oxydés 1.4 0.1 n.d. n.d. Fig. 37 : Absorption cutanée et gastro-intestinale des alcaloïdes Noxydés : excrétion de ces alcaloïdes et de leurs métabolites dans les urines (Brauchli, et al. 1982) L’analyse de l’excrétion urinaire permet de mettre en évidence que les deux diastéréoisomères, 7-acétylintermédine et 7-acétyllycopsamine, tant sous leur forme réduite qu’oxydée, sont absorbés par voie cutanée mais à des taux bien moindres que par voie orale. Alors que l’excrétion urinaire des alcaloïdes libres et N-oxydés est de 3,4 à 9,4% de la dose ingérée par voie orale, elle est jusqu’à 20 à 50 fois moins importante lors d’une application cutanée, de 0,08 à 0,41% de la dose appliquée. En outre les dérivés N-oxydés ne sont pas réduits alors qu’ils subissent une forte métabolisation après absorption orale, subissant une réduction et une désacétylation (Brauchli, et al. 1982). La toxicité des dérivés N-oxydés semblant provenir de leur réduction dans l’organisme, cela peut être un avantage de la voie cutanée au cours de laquelle cette réaction semble faible peu voire ne pas se faire. (3) Mutagénicité Au cours des dernières années, des études expérimentales ont rapporté que les alcaloïdes pyrrolizidiniques contenus dans la consoude ont aussi un pouvoir mutagène. Afin de comprendre les mécanismes qui conduisent au développement de ces cancers, des équipes ont travaillé sur la mutagénicité de la consoude. Il semble en effet évident que les métabolites actifs de ces alcaloïdes interagissent avec l’ADN des cellules endothéliales hépatiques et des hépatocytes, ayant pour conséquence altération de l’ADN, mutation et développement de cancer. 56 En 2005, Mei et ses collaborateurs proposent une étude se basant sur les principes de celle d’Hirono en 1978. Après sélection des plants de consoude, leurs racines sont pulvérisées et mélangées à l’alimentation de rats. On cherche à déterminer dans un premier temps la dose adaptée permettant d’obtenir le meilleur rapport entre le minimum d’effet sur la prise de poids de l’animal, la plus faible toxicité hépatique et l’effet mutagène maximal. Après avoir introduit 2, 4 et enfin 8% de racines de consoude à l’alimentation quotidienne, la meilleure dose se trouve être celle à 2%. Tous les rats sont tués après 12 semaines de traitement. L’étude analytique par spectrométrie de masse permet de retrouver principalement la présence de symphytine, 7-acétyllycopsamine et 7- acétylintermédine, en quantité quasi-égale et à des taux plus faibles de l’intermédine et de la lycopsamine. Ils évaluent la mutagénicité de la consoude sur le foie en s’intéressant à la fréquence de mutation du gène cII. Les résultats montrent une augmentation significative de la fréquence d’apparition de mutants dans la population nourrie avec de la consoude par rapport à la population témoin, n’ayant reçu qu’une alimentation de base sans consoude (146 ±15 x 10-6 vs 30 ±16 x 10-6) (cf. fig. 38). En outre, sur cette étude de courte durée, aucun signe de toxicité hépatique n’a été montré à l’étude histologique des tissus des rats traités par de la consoude, ceci mettant bien en évidence le pouvoir mutagène des alcaloïdes pyrrolizidiniques contenus dans la consoude (Mei, et al. 2005). 57 Group Control Comfrey Mutant plaques Mutant Frequency (x10-6) Mean ±s.d. (n=6) 15 28 30±16 x 10-6 310 13 42 587 8 14 Total plaques screened (x103) 528 481 8 17 544 30 55 339 8 24 254 34 134 285 41 144 298 43 144 288 50 174 215 32 149 255 30 133 146 ±15 x 10-6 Fig. 38 : Fréquence de mutants cII de lignées de rats Big Blue traitées par consoude et de contrôle (Mei, et al. 2005) Cette étude est complétée par deux autres menées par la même équipe. La première conduite en 2006 vise à analyser la relation entre les changements d’expression génique et les mécanismes de toxicité, à fortiori de tumorogénèse, sur le foie de rats nourris à base de consoude (Mei, Guo et Zhang, et al. 2006). La seconde datée de 2007 fait le comparatif entre l’effet mutagène de la consoude et celui de la riddelliine, alcaloïde pyrrolizidinique aux propriétés carcinogène et mutagène bien connues (Guo, et al. 2007). b) Toxicité chez l’Homme (1) Sources de contamination humaine Reconnue depuis plus de 2 000 ans comme plante médicinale par de nombreuses civilisations pour ses diverses propriétés, la Consoude est couramment utilisée pour traiter fractures, tendinites, ulcères gastriques et encombrement bronchique. Le sentiment d’innocuité attribué à cette plante, comme à beaucoup d’autres, vient surtout de l’utilisation ancestrale de celle-ci. Généralement, elle est consommée par voie orale à raison de 5 à 30 g pour les feuilles et 0,05 à 10 g pour les 58 racines. On peut aussi la retrouver en usage externe afin de cicatriser les plaies ou encore diminuer les inflammations articulaires de l’arthrite (Hills 1976). Le mode de contamination le plus fréquent est à ce jour le mésusage de cette plante à des doses toxiques ou par confusion avec une autre lors de la cueillette. De faibles concentrations en alcaloïdes pyrrolizidiniques ont pu aussi être retrouvées dans l’alimentation, comme les farines, le lait de vache, certains produits à base de lait de chèvre (Panter et James 1990), ou encore le miel produit par des abeilles faisant leurs récoltes de pollen sur des plantes à alcaloïdes pyrrolizidiniques (Prakash, et al. 1999). (2) Hépatocarcinogénicité Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont des alcaloïdes dont l’hépatotoxicité est bien connue. Elle peut être mise en évidence chez l’animal, que ce soit suite à une consommation de nourritures contaminées ou à des expériences cliniques induites. Chez l’Homme, quelques rares cas d’intoxication avec conséquences au niveau hépatique ont néanmoins pu être rapportés dans la littérature suite à la consommation régulière et prolongée de produits renfermant des alcaloïdes pyrrolizidiniques, mais n’ont jamais été à l’origine d’une intoxication aiguë (Bruneton 2009). Bien que possible chez les rats, les travaux expérimentaux ne peuvent être réalisés sur l’Homme pour des raisons éthiques. On ne pourra évaluer la toxicité de ces alcaloïdes de la même manière mais l’étude de cas cliniques nous permettra d’en juger leur sévérité. La littérature récente ne fait pas état de ce genre d’intoxications, mais l’on peut décompter avant les années 1990 jusqu’à sept cas cliniques documentés avec répercussions au niveau hépatique, suite à la consommation par voie orale de produits à base de Consoude et contenant donc des alcaloïdes pyrrolizidiniques. On pourra étudier deux de ces cas afin d’en illustrer le contexte de l’intoxication et le cheminement du diagnostic clinique. 59 Notre premier cas concerne une femme âgée de 49 ans, hospitalisée pour une augmentation progressive de son pourtour abdominal. La biopsie hépatique fait état d’une congestion centro-lobulaire avec infiltration, on conclut à un syndrome de veino-occlusif, similaire au syndrome de Budd-Chiari (Ridker, et al. 1985). Fig. 39 : Biopsie du foie : congestion et infiltration du tissu hépatique (Roitman 1981) L’hypertension portale de la patiente est modérée et l’on n’observe pas de lésion oblitérante au niveau des veines sus-hépatiques de gros calibre, laissant néanmoins apparaître à la coloration des veinules sus-hépatiques, une obstruction de celles-ci avec une extravasion du colorant dans le parenchyme hépatique. Son dossier médical ne retrouve pas d’antécédent de tumeur, elle ne souffrait d’aucun traumatisme abdominal lors de son admission à l’hôpital et il a été écarté toutes causes responsables myéloprolifératifs, grossesse, d’un syndrome contraceptifs de oraux, Budd-Chiari état (syndromes inflammatoire, kyste hydatique du foie, etc.) (D. Valla 2008), les cliniciens s’orientent vers une étiologie alimentaire. Elle consommait depuis maintenant six mois et à raison de deux fois par jour, des compléments alimentaires afin de calmer ses troubles digestifs et à base de pepsine et de Consoude. Après analyse du contenu des gélules, il s’avère que chacune d’elle renferme 107 nmol d’alcaloïdes pyrrolizidiniques et 757 nmol d’alcaloïdes Noxydés par gramme de poudre. Au total, on évalue à 85 mg la quantité qu’elle aurait ingérée, soit 15 µmol par kilogramme de poids corporel par jour. Ces symptômes 60 résultent donc de la consommation régulière de faible quantité d’alcaloïdes pyrrolizidiniques. Aucune maladie veino-occlusive n’incriminait à ce jour la consommation de ces alcaloïdes, bien que déjà décrite pour des classes d’alcaloïdes différentes présentes dans d’autres genres de la famille des Boraginaceae (Gnaphalium, Senecio, Tussilago, etc.) (Botineau 2010) (Ridker, et al. 1985). La seconde intoxication que nous étudierons fait suite à la consommation de Consoude par un enfant de 13 ans en 1986, hospitalisé pour un bilan d’hépatomégalie accompagné d’ascite. Diagnostiqué pour une maladie de Crohn trois ans auparavant et traité avec succès par prednisolone et sulfasalazine, ce traitement médicamenteux avait été stoppé à la demande de ses parents, qui avaient choisi de la prendre en charge par de l’acupuncture et des infusions de racine de Consoude, prescrites par un naturopathe. Dès lors cet enfant fera régulièrement usage d’infusions de plantes contenant des feuilles de Consoude, sans que l’on ne puisse en évaluer la quantité totale consommée ni sa fréquence. Une aggravation de l’inflammation de son intestin avait nécessité une augmentation de la posologie de prednisolone en 1984. Suite à l’apparition en juin 1986 de fatigue avec diarrhées associées à une perte de poids, puis quelques semaines de fièvre, douleurs abdominales et gonflements, il est hospitalisé en juillet 1986. L’auscultation confirme la présence d’ascites et l’hépatomégalie mais aucun signe de déshydratation, de jaunisse, ou d’insuffisance hépatique chronique ou cardiaque. La sigmoïdoscopie fait état d’une inflammation légère de l’intestin et d’une muqueuse pavimenteuse. Sur le bilan biologique, on note une légère anémie ferriprive, une augmentation de la concentration en bilirubine totale et en ASAT et une hypoalbuminémie. Le reste du bilan est normal, et les recherches d’une hépatite B ou A, d’une infection à CMV ou EBV restent négatives. La biopsie du foie confirme une maladie veino-occlusive avec thrombose des veines centrolobulaires. 61 Fig. 40 : Biopsie du foie avec thrombose de deux veines centrolobulaires, distension sinusoïdale et perte d’hépatocytes centrolobulaires (Weston 1987) Le traitement proposé avec restriction sodique stricte, traitement par spironolactone et repos aura une issue favorable; il reprendra en parallèle son traitement initial associant prednisolone et sulfasalazine (Weston 1987). Les diverses formes anatomo-cliniques ayant pu être observées ont été décrites en 1988 par Valla et al. On retrouvera caractéristiquement en phase aigüe des douleurs abdominales d’apparition brutale associées à une ascite, une hépatomégalie et une forte augmentation des transaminases (Valla et Benhamou 1988). Le délai entre l’apparition des premiers signes de l’atteinte hépatique et le début de l’exposition au toxique varie de 19 à 45 jours (Kumana, et al. 1985). Les alcaloïdes de la pyrrolizidine ont été la cause au cours des dernières décennies de nombreux cas d’atteintes hépatiques et de décès. En Afrique du Sud, on a pu observer une mortalité allant de 20 à 40% dans la phase aigüe de l’intoxication. Sur 20 enfants ayant développé une maladie veino-occlusive, 9 décéderont et 11 verront leurs états évoluer en cirrhose. La réversibilité des lésions sera possible après arrêt de l’exposition au toxique incriminé (Steenkamp, Stewart et Zucherman 2000). En 1976 en Afghanistan et en Inde, la contamination de farines par des plantes 62 renfermant des alcaloïdes pyrrolizidiniques avait provoqué une épidémie de maladies veino-occlusive (Mohabbat, et al. 1976) (Tandon, Tandon, et al. 1976). Sur une population de 485 personnes, on a décompté en Inde 188 cas d’hépatites de 1975 à 1977. Avec un taux de survie globale à 5 ans de 51%, 73 patients sont décédés dans les 6 mois, et sur les 115 ayant survécu, 21 patients pâtissent d’une complication de la maladie veino-occlusive (Tandon, Joshi, et al. 1984). En Allemagne en 2003, une équipe fait état du décès d’un nouveau-né prématuré né par césarienne, des suites d’une maladie veino-occlusive. Il présentait une hépatomégalie et de multiples ascites dès la naissance. Après enquête auprès de la famille, il s’est avéré que celle-ci avait recours à l’utilisation d’un mélange d’herbes de cuisine contenant des alcaloïdes pyrrolizidiniques (Rasenack, et al. 2003). Par ailleurs la Food Drug Agency (FDA) a émis une réserve sur l’utilisation de la Consoude et conseille en juillet 2001 le retrait des produits contenant de la Consoude par tous ses distributeurs (Lewis 2001). c) Mécanismes de toxicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques Les études expérimentales ont permis de montrer que la toxicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques était dose-dépendante et reproductible chez l’animal (Huxtable 1979). Les premiers signes histologiques de lésions hépatiques ont été observés après une dose cumulée de 15 mg/kg et de 18 mg/kg pour les premiers signes cliniques de l’hépatotoxicité (Kumana, et al. 1985). Après ingestion, les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont essentiellement métabolisés dans le foie par le cytochrome P450-3A des hépatocytes et cellules endothéliales (A. Mattocks 1968). On pourra noter que les inducteurs et inhibiteurs enzymatiques du CYP-3A peuvent ainsi jouer un rôle important dans l’intensité de l’expression clinique de l’intoxication (cf. Annexe 1). Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont déshydrogénés en un dérivé pyrrole intermédiaire (a), hautement réactif, qui interagit avec les protéines et l’ADN pour former des adduits (b). En parallèle, les alcaloïdes sont détoxifiés en dérivés N63 oxydés (c) et aussi par conjugaison dans un second temps des dérivés pyrroles avec un groupement glutathion (d) (cf. Fig. 41) (Rode 2002). Fig. 41 : Activation et détoxification des alcaloïdes pyrrolizidiniques (Rode 2002) Les dérivés pyrroles sont les vrais responsables de la toxicité hépatique de ces alcaloïdes. Ils se comportent comme de puissants agents alkylants, en altérant les structures et la fonction des protéines et acides nucléiques avec lesquels ils interagissent (Yang, et al. 2001). Ils peuvent aussi se lier de façon covalente à l’actine des cellules endothéliales sinusoïdales, constituant majeur du cytosquelette (DeLeve, et al. 2003). Sous certaines conditions, les alcaloïdes N-oxydés peuvent être eux-mêmes réduits et former des structures pyrrolizidines toxiques (Couet, Hopley et Hanley 1996). Dans le cadre de la maladie veino-occlusive, on observe dans un premier temps une nécrose des cellules endothéliales des veines centrolobulaires, puis l’infiltration et l’œdème de leurs parois. Il s’en suit une hypertension portale et enfin une fibrose du tissu hépatique (Bruneton 2009). 64 Les études expérimentales ont démontré que l’intensité de la toxicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques varie avec leur structure chimique. En effet, elle confère au dérivé qui en découle une stabilité et donc une réactivité plus ou moins importante. Ainsi les structures les plus hépatotoxiques seront les diesters macrocycliques, puis les diesters acycliques et enfin les monoesters qui seront les moins réactifs car plus stables. Pour être toxiques, il est nécessaire que ceux-ci doivent être au moins monoestérifiés, voire déshydrogénés en 1, 2 (Bruneton 2009). Ceci permet en outre d’expliquer la différence de toxicité d’autres végétaux renfermant eux-aussi des alcaloïdes de la pyrrolizidine dont les structures et proportions en chacun d’eux diffèrent. Fig. 42 : Représentation de quelques alcaloïdes pyrrolizidiniques et relation avec l’intensité de leur toxicité (Rode 2002) 65 Par exemple, le dérivé de l’héliotridine, l’héliotrine, est plus toxique que ceux de la rétronécine et les monoesters de la rétronécine (lycopsamine, intermédine) moins toxiques que leurs esters macrocycliques (sénécionine) (Rode 2002). Les plantes du genre Symphytum, renfermant lycopsamine et intermédine (a), font ainsi partie des plantes à alcaloïdes pyrrolizidiniques les moins toxiques comparées à celles des genres Senecio ou Heliotropium qui contiennent respectivement de la sénécionine (b) et de l’héliotrine (c) (cf. Fig. 42) (Cheeke 1998). d) Conclusions et remarques Les divers essais cliniques ayant pu être réalisés sur la consoude, quelle que soit la partie de la plante utilisée, mettent en évidence que certains modes d’administration sont à éviter voire proscrire à des fins thérapeutiques. La voie cutanée semble paraître la plus sûre, de par notamment la faible quantité de dérivés N-oxydés réduits en dérivés pyrroles toxiques dans l’organisme après absorption. La voie orale reste néanmoins utilisée mais ses indications largement revues dans plusieurs pays tels que la Canada, où la distribution des produits à base de consoude a été fortement réduite, ou en Allemagne qui se limite à l’usage externe de celle-ci. En outre, en Angleterre, la Medicine Control Agency (MCA) a récemment catalogué la consoude dans la liste des plantes nécessitant la prescription d’un médecin. Il semble donc logique que ses indications soient réduites à l’utilisation de ses propriétés antiinflammatoires et cicatrisantes, et de ce fait l’usage externe en sera la voie d’administration de prédilection (cf. partie IV). Il a été montré que la consoude renferme sept alcaloïdes pyrrolizidiniques (intermédine, lycopsamine, 7-acétylintermédine, 7-acétyllycospamine, symlandine, symphytine et échimidine). Une étude a permis de souligner que la quantité en chacun de ces alcaloïdes peut varier d’une espèce à une autre, et que par conséquent les résultats des expérimentations cliniques qui en découlent peuvent varier. Par exemple, la consoude de la plupart des jardins aux Etats-Unis, Symphytum officinale L., contient en majorité des monoesters de la rétronécine, alors que la consoude de Russie, Symphytum x uplanidicum Nym., renferme elle principalement des diesters de la rétronécine, connus pour être plus toxiques que leurs homologues 66 monoestérifiés (Muetterlein et Arnold 1993). Certaines espèces sont donc plus toxiques que d’autres, au sein même du genre Symphytum. Si l’on observe le matériel et les méthodes de certaines études, celles-ci sont réalisées à partir d’alcaloïdes pyrrolizidiniques purifiés, non représentatifs d’une consommation de la plante dans son intégralité. Il est donc possible d’imaginer que les résultats obtenus peuvent surestimer l’impact sur la santé de la consommation d’extraits de consoude ou de la plante entière (Rode 2002). Enfin certaines études montrent que le régime alimentaire peut jouer sur la toxicité exercée par la consoude. Un régime riche en acides aminés soufrés, tels que méthionine et cystéine, atténue la formation des dérivés pyrroles toxiques par l’apport de groupement –SH et régénérant ainsi le glutathion, détoxifiant majeur du foie (Cheeke, Natural Toxicants in Feeds, Forages, and Poisonous Plants 1998). A l’inverse, une alimentation pauvre en protéines augmente les effets toxiques de ces alcaloïdes de la pyrrolizidine (Schoental 1968). Il est intéressant de constater que les feuilles séchées de consoude sont riches en protéines (35%) et en acides aminés soufrés (Hills 1976). Ainsi donc, la toxicité de la consoude, et de ce fait le risque de complications hépatiques, dépendra de la quantité et de l’espèce consommée, de la durée de consommation, du régime alimentaire et de l’état de santé de la personne. 67 IV. ETUDE PHARMACOLOGIQUE Après l’étude chimique des composés de la consoude, l’étude pharmacologique permet d’établir le lien entre leurs présences et les diverses propriétés que l’on peut attribuer à cette plante. Ainsi nous verrons successivement les activités qui ont pu être observées au cours notamment d’expérimentations, en extrapolant les mécanismes déjà connus de certaines de ces molécules. 1. Activité anti-­‐inflammatoire Au cours des diverses études expérimentales entreprises, il semble que l’acide rosmarinique soit la molécule responsable de l’activité anti-inflammatoire que l’on confère à la consoude. Elle serait aussi liée à ses propriétés astringentes et analgésiques. On peut s’apercevoir que cette caractéristique antiphlogistique de la consoude provient à la fois de l’inhibition du métabolisme de l’acide arachidonique et d’une action inhibitrice portant sur la voie classique mais aussi alterne du système du complément. En effet, cet acide phénol inhibe la formation du malondialdéhyde dans les plaquettes (Gracza, Koch et Loffler 1985), la synthèse de prostaglandines et l’agrégation érythrocytaire provoquée par la gélatine ou le carraghénane (Gracza 1987). D’autre part, on a pu isoler des glycoprotéines de haut poids moléculaire (> 1 000 kDa), non caractérisées à ce jour, et celles-ci semblent interférer de façon dose-dépendante sur la cascade du système du complément en agissant sur les facteurs C3 et C4, sans interagir avec les facteurs C1 et C2 (cf. Annexe 2) (Stickel et Seitz 2000) (Van den Dungen, et al. 1991). Une étude réalisée en 2000 par Lohmann a permis d’évaluer l’activité inhibitrice sur la COX-1 et COX-2 d’extraits de 29 médicaments à base de plantes reconnues pour leurs propriétés anti-inflammatoires. Concernant la consoude, les solutions obtenues par extraction des racines par l’hexane (50 µg/ml) révèlent une inhibition non négligeable tant de la COX-1 et de la COX-2, à des taux respectifs de 56,6% et 79,6% (cf. Annexe 3) (Lohmann, Reininger et Bauer 2000). 68 Un glycopeptide, non étiqueté à ce jour et présentant des propriétés antiinflammatoires, a pu être isolé à partir d’extraits liquides de racines de consoude. D’une masse moléculaire d’environ 9 000 Da, il a un point isoélectrique a pH 4,8 et est composé de 16 acides aminés ainsi que de galactose, de fructose, d’arabinose et de glucose. Lors d’analyses sur des œdèmes de pattes de rats induits par des carraghénanes, cette substance montre un important effet antiphlogistique dosedépendant. Sa dose efficace médiane (DE50) est de 61 µg/kg per os et elle a été comparée à un anti-inflammatoire non stéroïdien de référence, l’indométacine, de DE50 à 10 mg/kg. Des études plus approfondies relatives à la libération spécifique d’acide arachidonique, des métabolites des cyclo- et lipo-oxygénases ainsi qu’à l’induction de l’agrégation plaquettaire par l’acide arachidonique, mettent en avant que ce glycopeptide isolé (0,1 – 1000 ng/ml) inhibe de façon dose-dépendante la synthèse des leucotriènes et prostaglandines en diminuant l’expression de la phospholipase A2. Quant à la thromboxane A2, métabolite de la cyclo-oxygénase, on observe que celle-ci est libérée lorsque l’acide arachidonique est donné en tant que substrat et dans ce cas alors le glycopeptide identifié n’inhibe pas les cyclooxygénases (Hiermann et Writzel 1998). L’efficacité de l’acide rosmarinique isolé de la consoude a été étudiée plus précisément en 1985 par Gracza, en s’appuyant sur ses effets sur la synthèse du malonaldéhyde dans les plaquettes, molécule synthétisée en réponse à un stress oxydatif et témoin d’une réaction inflammatoire. Le dosage est réalisé par méthode spectrophotométrique, grâce à la réaction avec l’acide thiobarbiturique, donnant une coloration rose avec un maximum d’absorbance à 533 nm. Après addition de quantités variables d’acide rosmarinique, on note une inhibition de la formation de malonaldéhyde et ceci rend compte de son activité anti-inflammatoire et par extension de celle de la consoude. La zone des concentrations efficaces s’étend de 0,1 à 10 mmol/l et sa CI50 est de 3,37mmol/l. De la même façon, l’acide chlorogénique et l’acide caféique ont été testés mais n’ont montré aucune activité anti-inflammatoire significative (Gracza, Koch et Loffler 1985). En l’absence de données pertinentes relatives aux concentrations des extraits et composés présents, ou encore à leurs biodisponibilités, les différents articles et documents traitant de l’activité anti-inflammatoire de la consoude ne permettent pas 69 de conclure quant à son efficacité clinique in vivo et en utilisation par voie cutanée des produits dérivés dans cette indication. 2. Activité cicatrisante, épithéliogène Au début du XXème siècle, un médecin anglais, du nom de Macalister, émet l’hypothèse qu’il existe dans la consoude, un composé doté d’une capacité à faire proliférer les cellules, suite aux résultats positifs obtenus en utilisant ses racines dans la traitement des ulcères. Deux autres médecins britanniques, Thiterley et Coppin, se lancent alors à la recherche de cette substance et l’étiquettent en 1912 comme étant l’allantoïne, découverte en 1799 par Vauquelin puis identifiée en 1821 par Lassaigne. De même que les extraits d’asticots broyés, mentionnés par Larrey à des fins antipurulentes et qui contiennent eux aussi de l’allantoïne, cette similitude d’action peut être expliquée par la présence de cette substance (P. Fournier 1947). Les propriétés cicatrisantes ayant été attribuées à la consoude sont donc principalement basées sur la présence de l’allantoïne, celle-ci ayant la capacité de stimuler à la fois la prolifération mais aussi la régénération du tissu conjonctif (Stickel et Seitz 2000). Une expérimentation animale utilisant du jus de feuilles de consoude a permis de mettre en évidence une accélération du processus de cicatrisation sur des lésions cutanées expérimentales chez des rats. En effet on peut remarquer une augmentation du nombre de fibroblastes au cours de la phase initiale de la cicatrisation (au 7ème, 11ème et 14ème jour), et après 14 jours soit à la phase proliférative, des fibres de collagène. A partir du 7ème jour du traitement, on note une augmentation significative du nombre de vaisseaux sanguins (Goldman, de Freitas et Oga 1986). En 1983, une équipe anglaise, se basant sur les propriétés cicatrisantes vis-àvis des ulcères gastro-intestinaux, montre qu’une solution aqueuse de feuilles de consoude entraîne une augmentation de la synthèse des prostaglandines à la suite d’expérimentations sur des estomacs isolés de rats. Les feuilles séchées sont homogénéisées dans une solution de Krebs, qui sera elle-même filtrée. La solution ainsi obtenue a une concentration finale équivalente à 10 mg de feuilles sèches par 70 ml. Les estomacs de plusieurs rats sont prélevés, puis coupés et mis à incuber dans une solution témoin (5ml de solution Krebs pure) d’une part, et d’autre part dans trois échantillons de solutions de Krebs contenant des concentrations croissantes de l’extrait de feuilles de consoude (50, 500 et 5000 µg/ml). 1ml de chaque fraction est placé dans une solution d’acide arachidonique radioactif, précurseur des prostaglandines. Après incubation et homogénéisation, on extrait les prostaglandines de chaque échantillon. Leur teneur est augmentée dans les échantillons mis à incuber avec les différents extraits de feuilles, par rapport à la solution témoin, et ce proportionnellement à la concentration des solutions. L’analyse par autoradiographie et par chromatographie liquide haute performance (HPLC) de ces prostaglandines, montre que les molécules les plus augmentées quantitativement sont le PGF 2α et le 6-kéto-PGF 1α (Stamford et Tavares 1983). Bien que peu d’études expérimentales aient été conduites afin de mettre en avant ces propriétés de la consoude, son nom en lui-même rappelle ses utilisations déjà bien connues en tant que cicatrisant, son activité épithéliogène a pu être mise en évidence cliniquement à plusieurs reprises. Alors que l’application se fait le plus souvent en usage externe grâce à de la racine fraîche écrasée, le docteur H. Leclerc observe pour la première fois cette capacité dans un hospice de vieillards puis sur les champs de bataille au cours de la 1ère Guerre Mondiale. Les pansements ainsi réalisés se révèlent bénéfiques en accélérant et en améliorant la détergence des lésions cutanées suppuratives et de ce fait la cicatrisation en elle-même (P. Fournier 1947). Elle a aussi démontré ces effets en cataplasme, soit de racine fraîche écrasée, soit de poudre humidifiée, sur les plaies tant récentes qu’anciennes voire infectées, les ulcères nécrosés et variqueux, les escarres, les fissures annales ou crevasses du sein ou bien encore les piqûres d’insectes (Van Hellemont 1986) (P. Fournier 1947). 71 3. Autres activités Ne pouvant être négligées puisque liées à la présence d’un ou plusieurs composés caractéristiques présents dans la consoude, les activités évoquées cidessous sont néanmoins intéressantes mais inexploitées à des fins thérapeutiques. Les deux principales activités qui se révèlent intéressantes et exploitées dans ce but à ce jour restent les activités anti-inflammatoires et cicatrisantes. a) Activité antimicrobienne Une étude menée par Tarle, Petricic et Kupinic en 1982 suggère la présence de substances antimicrobiennes dans la consoude. Des extraits méthanoliques obtenus à partir de feuilles et racines de consoude sont capables d’inhiber la culture de trois microorganismes que sont Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae et Candida nomosa. En parallèle, cette même préparation provoque une hémolyse du sang de bovin. Or les saponines sont douées de propriétés hémolytiques. Bien que non exploitées à ce jour à des fins thérapeutiques, la consoude semble renfermer des saponosides triterpéniques connus pour leurs propriétés antimicrobiennes (Tarle, Petritic et Kupinic 1982). L’activité antimicrobienne de ces saponosides a pu être à nouveau mise en évidence récemment sur des extraits de racines de consoude grâce à une méthode de diffusion en gélose (Sener 1994). Néanmoins, étant donné que les molécules responsables de l’activité hémolytique de la consoude n’ont toujours pas été identifiées, il ne nous est possible à ce jour que de pouvoir faire le rapprochement entre celles-ci et les saponines présentes dans la consoude. Enfin, une expérimentation a permis de souligner l’activité antifongique de la consoude. Des semences de blé après avoir été pulvérisées par des extraits de consoude et de berce laineuse, ont montré une diminution remarquable de l’infection de celles-ci par l’oïdium. La consoude et la berce laineuse confèrent une activité protectrice aux végétaux, et de surcroît une activité antifongique en stimulant les réactions de défenses naturelles des plantes traitées (Karavaev, et al. 2001). 72 b) Activité anti-­‐tumorale La propriété anti-tumorale de la consoude est pour la première fois formulée par Awang en 1987 (D. Awang 1987). Celui-ci l’attribue à la présence de β-sitostérol, stérol végétal déjà reconnu et utilisé comme complément alimentaire chez l’homme afin de diminuer le taux de cholestérol sanguin et dont plusieurs études montrent l’intérêt dans la prise en charge des hypertrophies bénignes de la prostate (Wolters Kluwer Health 2009). Elle montrerait, in vitro, une activité sur l’adénocarcinome pulmonaire de Lewis et sur le sarcome de Walker (D. Awang 1987). Une nouvelle étude in vitro conduite en 2008 par une équipe roumaine, a cherché à étudier l’activité cytostatique de la consoude sur les lignées cellulaires cancéreuses HeLa. A partir d’extraits aqueux éthanoliques (70% v/v) de Symphytum officinale, secondairement concentrés par une technique d’ultrafiltration tangentielle, il a été mis en évidence que l’activité antimitotique de ces préparations était statistiquement significative, à raison de 57,6% pour les lignées HeLa contre 11,2% pour des lignées cellulaires normales utilisées comme modèle de référence. Il semble alors intéressant de considérer ces extraits de consoude, ainsi concentrés et préparés grâce à des procédés membranaires (micro- et ultrafiltration), comme des potentiels agents cytostatiques (Roman, et al. 2008). c) Activité hypotensive Cette caractéristique hypotensive repose principalement sur la présence de la symphytoxide A, saponoside triterpénique de découverte récente. Il a pu être mis en évidence sur des rats anesthésiés auxquels on avait administré des extraits éthanoliques de racines de consoude une chute de leur pression systolique ainsi que de leur pression diastolique, et ce de façon dose-dépendante. Les réponses hypotensives étudiées avec les extraits ainsi préparés et la symphytoxide A isolée ont été quasi-similaires, avec un retour à une pression normale après une minute environ, et ce sans diminution du rythme cardiaque (Ahmad, et al. 1993). 73 d) Activité antigonadotrope La consoude renferme de l’acide lithospermique, auquel on attribue des propriétés hormonales, plus précisément anticonceptionnelles. Il s’agit de la fraction acide de l’extrait aqueux qui serait responsable de cet effet antigonadotrope (Van Hellemont 1986). Un test in vivo a permis de vérifier ces propriétés antagonistes vis-à-vis des gonadotrophines de l’antéhypophyse. Chez des souris femelles, on note une inactivation des hormones gonadotropes après injections sous-cutanées de 12mg d’acide lithospermique durant une période de 10 jours. Le mécanisme est encore mal connu mais l’hypothèse est posée que se forment, à partir de cet acide, des dérivés quinoniques, tout en sachant que les substances de ce groupe peuvent inhiber les hormones de nature protéique (Wagner, Hörhammer et Frank 1970). Bien qu’il n’existe pas à ce jour d’applications thérapeutiques de ces propriétés antihormonales de l’acide lithospermique, celui-ci est retrouvé dans d’autres espèces de la famille des Boraginacées, en particulier dans le grémil. Il semble intéressant de souligner la présence de ce type de molécules « anticonceptionnelles » aux propriétés physiologiques marquées, au sein même du règne végétal. 74 V. UTILISATIONS TRADITIONNELLES ET MODERNES 1. Histoire et étymologie L’étymologie de la consoude, Symphytum officinale, vient sans conteste de ses propriétés thérapeutiques largement reconnues et ce par delà les âges et civilisations. De là en découlent plusieurs noms populaires selon les pays, régions mais aussi ses diverses utilisations. Comme en atteste son inflorescence caractéristique, elle appartient à la famille des Boraginacées. Son genre Symphytum provient du grec symphue signifiant « je réunis, je soude ». Les premiers écrits relatifs à la consoude remontent à 200 ans après J.C. chez les Grecs et les Romains, dans lesquels on note l’utilisation des racines mais aussi d’autres parties de la plante à des fins thérapeutiques. C’est d’ailleurs ses nombreuses vertus médicinales qui lui valurent sa classification dans l’espèce officinale (Bertrand 2007)(Longe 2005). Par ailleurs, Dioscoride, grand médecin, pharmacologue et physicien grec, fait l’éloge des multiples propriétés de la consoude dans son Materia Medica, ouvrage ayant révolutionné la pharmacologie. La popularité de cette plante se développe au fil des civilisations et des siècles. Des écrits datant du Moyen-Age attestent de sa grande efficacité sur la guérison des fractures osseuses et les applications thérapeutiques se multiplient (Cupp 2000). En usage externe, la consoude était utilisée sous forme de cataplasmes ou de compresses afin de cicatriser les plaies ouvertes, de guérir plus rapidement les fractures, œdèmes et contusions mais aussi les ulcères variqueux et brûlures. Elle est aussi reconnue pour apaiser les douleurs mammaires consécutives à l’allaitement maternel, en appliquant des cataplasmes au niveau des zones douloureuses. Les racines broyées puis chauffées appliquées en emplâtres étaient utilisées pour traiter les bronchites, pleurésies et diminuer les douleurs et inflammations des entorses (Longe 2005). 75 L’utilisation interne est pratiquée de façon courante, sans que le danger attribué à sa toxicité intrinsèque ne soit mis en avant à ces époques. En infusion ou sous la forme de jus, la consoude était utilisée pour soulager les douleurs ulcéreuses, hernies, coliques et stopper les hémorragies internes. En gargarisme, elle calmait les douleurs dues à une sensibilité gingivale accrue et en diminuait aussi les saignements. On peut la retrouver utilisée à des fins symptomatiques dans le cadre de congestion nasale, syndromes inflammatoires, diarrhées ou encore toux irritantes grâce à des infusions (Longe 2005). Certains herboristes recommandent la consommation de la consoude sous forme de capsules pour traiter arthrite rhumatoïde, bronchites, allergies diverses et diarrhées indépendamment de la cause pathogénique (Stickel et Seitz 2000). Quelle que soit sa voie d’administration, on lui reconnaît en général des propriétés thérapeutiques tant dans la prise en charge des troubles digestifs (cholécystite, colite, syndrome dysentérique, diarrhées, ulcères, hématémèse) que des pathologies respiratoires (bronchites, catarrhes, hémoptysie, pleurésie, coqueluche) mais encore métrorragies, phlébites, amygdalite. Elle est par ailleurs et depuis longtemps louée pour ses valeurs nutritionnelles, étant riche en protéines et vitamine B12, caractéristiques inhabituelles chez une plante (Cupp 2000). De part ses diverses et nombreuses indications médicinales mais aussi ses caractéristiques botaniques, on comprend alors maintenant la multiplicité des dénominations qui ont pu être associées à la consoude. En Europe Occidentale, on la nomme aisément « Herbe aux gerçures », « Herbe à la coupure » ou « Herbe aux charpentiers » (à ne pas confondre cependant avec l’Achillée mille-feuille que l’on peut aussi nommer ainsi). En rappel à la forme lancéolée de sa feuille et de son contact rêche, on lui a attribué les surnoms d’ « Oreille de vache » ou « Oreille d’âne », de « Langue de bœuf » ou « Langue de vache ». Sa racine, charnue et allongée, lui valut dans certaines régions françaises le nom populaire de « Grosse racine » ou encore « Gras boudin » en Normandie. Certains utilisant ses feuilles séchées en guise de tabac à fumer, l’appellent alors le 76 « Tabac sauvage », dans la Manche notamment. En référence à son utilisation pour l’alimentation du bétail, on la désigne sous le terme d’ « Herbe aux cochons » dans les Pyrénées (Bertrand 2007). Dans les pays étrangers, il est curieux de noter ces mêmes similitudes entre les appellations de la consoude et ses propriétés thérapeutiques et caractéristiques botaniques. En Italie, étant utilisée pour la cuisson du canard, elle se nomme Anega (d’ana, signifiant canard) soit Erba crabolina ou « Herbe aux crapauds », qui se servent de son épais feuillage basal en rosette pour se protéger, ou en rappel à son inflorescence Erba de scimes. En Catalogne, on la nomme Consolva alors que les castillans s’accordent plutôt à la désigner sous les noms de Suelda, Consuelda ou Solidano. En anglais, on la connaît sous Comfrey, Black-root ou Knitbone. En Allemagne, Beinwell, Wallwurg genannt (Bertrand 2007). A ce jour cependant, l’utilisation de la consoude a été restreinte suite à la prise en compte de sa toxicité, bien que ses propriétés propres soient amplement reconnues. Au Royaume-Uni, la MHRA (Medicines and Healthcare products Regulatory Agency) a inscrit récemment la consoude dans le liste des plantes à l’étude afin de restreindre sa seule prescription à un médecin (Rode 2002). En Allemagne, la consoude se limite à un usage externe qu’il s’agisse de la feuille ou de la racine dans le cadre d’entorses ou contusions. Selon la Commission E de la BfArM, la dose journalière ne doit pas dépasser 100µg d’alcaloïdes pyrrolizidiniques 1,2-insaturés, en prenant en compte leurs dérivés N-oxydés, et la durée de traitement de 4 à 6 semaines maximum par an (Blumenthal, et al. 1998). En France, la seule et unique utilisation de la consoude reconnue est attribuée à sa racine par voie locale, en tant qu’adjuvant dans les traitements émollients et antiprurigineux des troubles cutanés mais aussi en tant qu’agent trophique protecteur pour les crevasses, écorchures, gerçures et piqûres d’insectes (Bruneton 2009). 77 Hors Union Européenne, l’utilisation de la consoude reste restreinte. Au Canada, Santé Canada recommande d’éviter de consommer des produits dérivant de la consoude et de ne les appliquer que sur une peau parfaitement saine, non lésée. Elle a d’ailleurs été inscrite dans la liste des ingrédients dont l’utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques en raison du risque vis-à-vis du consommateur (par la présence probable d’échimidine). De même la FDA aux EtatsUnis a émis le souhait que les distributeurs de produits à base de consoude les retirent volontairement en raison de leur risque potentiel (Rode 2002). 2. Evaluations cliniques Afin de comprendre le positionnement de la consoude dans la thérapeutique actuelle, nous étudierons successivement les études cliniques ayant été effectuées sur les différentes parties de la plante et les indications dont elles relèvent. Nous verrons ensuite les études de phase IV correspondant à l’étape de surveillance d’apparition d’effets indésirables non encore identifiés ou toxicité sur le long terme après mise sur le marché. a) Douleurs arthrosiques et articulaires (i) Entorses de cheville En 2005, une étude allemande est conduite visant à évaluer l’efficacité percutanée d’une pommade à base de consoude sur des patients souffrant d’entorses graves de la cheville. Cette étude comparative, en double aveugle, multicentrique, randomisée et contrôlée par placebo, inclut 142 patients dont 112 hommes. Agés de 18 à 60 ans, la moyenne d’âge est de 31,8 ans. La spécialité contenant le principe actif, que l’on nommera verum, est administrée à 80 patients et les 62 autres sont traités par un placebo. Les critères d’inclusion sont simples, la seule réelle condition étant que l’entorse doit dater de moins de 6h et qu’elle ne doit toucher qu’une seule cheville. 78 Le produit testé, Kytta-Salbe f, est une pommade pour laquelle on retrouve ® dans 100g, 35g d’alcaloïdes pyrrolizidiniques réduits obtenus après extraction de consoude fraîche dans un mélange eau-éthanol 60% V/V. L’extraction montre aussi la présence de 0,2 à 0,5% (m/m) d’allantoïne. Le placebo est une pommade de texture équivalente à celle du verum mais sans aucun principe actif. Le traitement consiste à appliquer localement 2g de pommade, verum ou placebo, durant 8 jours. Des contrôles sont ensuite effectués à J0, J4 et J7. Le principal critère étudié est la sensibilité de l’articulation mesurée par tonométrie (évalué par la différence de pression pouvant être appliquée sur une articulation blessée par rapport à une articulation saine). Des critères secondaires sont aussi pris en compte comme le tour de cheville (gonflement évalué par la méthode de mesure en 8 autour de la cheville), l’évaluation de la douleur par une échelle analogue visuelle (EAV), la limitation de la mobilité par rapport à la position de repos, le recours à une médication d’urgence (jusqu’à 4g de paracétamol par jour) et enfin l’aspect esthétique de l’articulation d’après le jugement du patient. Les résultats montrent une diminution significative de la douleur dans le groupe traité par consoude par rapport au groupe placé sous placebo. En effet, relativement aux valeurs initiales, on note une diminution de 2,44 kp/cm2 et de à 0,95kp/cm2 respectivement pour le bras sous traitement et celui sous placebo. La mobilité tant par dorsiflexion que par flexion plantaire est plus rapidement améliorée dans le bras verum et ce de façon significative. Bien que les critères suivants mettent en avant une supériorité d’efficacité du traitement vis-à-vis du placebo, celle-ci n’est pas statistiquement significative. La réduction du gonflement est notable avec une différence moyenne des AUC des gonflements de 2,58 cm entre les deux groupes (- 6,38 ± 4,23 cm pour le groupe traité contre seulement - 3,8± 5,05 cm pour le groupe placebo). La douleur au repos se voit elle aussi réduite à raison d’une moyenne de 3,42 cm pour le groupe verum contre 3,25 cm pour le groupe placebo et les douleurs à la mobilisation aussi diminuées respectivement de 4,46 cm et 3,72 cm. La mobilité par adduction ou par abduction n’est significativement pas différente entre les deux groupés étudiés. Seuls deux patients, appartenant au groupe sous placebo, ont eu recours à du paracétamol. L’appréciation de l’efficacité globale tant par les praticiens que les patients eux-mêmes est jugée meilleure pour le produit à 79 base de consoude que le placebo, sa tolérance bonne voire excellente (chez 82,6% des patients sous verum). En conclusion, le produit à l’essai démontre clairement une supériorité par rapport au placebo que ce soit dans la diminution de l’intensité de la douleur ou dans la taille de l’œdème du à l’inflammation. La différence significative entre le verum et le placebo peut aussi être mise en évidence en regard de la rapidité de récupération de mobilité au niveau de l’articulation et l’efficacité globale du princeps, et ce sans qu’aucun effet indésirable ne soit déclaré. Les propriétés thérapeutiques que l’on reconnaît à la consoude sont alors confirmées en tant qu’antalgique, antiinflammatoire et anti-œdémateux (Koll, et al. 2004). Une nouvelle étude s’est portée sur la même pommade à base de racine de consoude, Kytta-Salbe f, mais cette fois l’équipe a comparé son efficacité par rapport ® à un anti-inflammatoire reconnu, le diclofénac. Cet essai est mené en simple aveugle, contrôlé, multicentrique, avec des groupes parallèles randomisés afin de comparer l’efficacité et la tolérance de cette pommade (dont 100g contiennent 35g d’alcaloïdes pyrrolizidiniques réduits) versus le diclofénac, Voltaren Schmerzgel (dont 100g ® contiennent 1,16g de sels de diclofénac diéthylamine) dans le traitement des entorses de la cheville. Le but est de montrer la non-infériorité de la spécialité à base de consoude. Il est impossible de conduire cette étude en double aveugle du fait de la trop grande différence de texture (gel ou crème) et d’odeur des produits de l’essai, néanmoins les investigateurs ne sont à aucun moment en contact ou ne voient les produits en questions. La durée du traitement est de 7 ± 1 jours, les contrôlés effectués à J0, J4 et J7±1. 164 patients sont inclus et réparties à raison de 82 dans chacun des deux groupes, d’une moyenne d’âge de 29 ans et dont 47,6% sont des femmes (soit 78 pour 86 hommes) souffrant d’une entorse de la cheville depuis moins de 6 heures. On appliquera une longueur de crème ou de pommade de 6 cm (environ 2g) et ce quatre fois par jour. Les critères évalués sont similaires à ceux de l’étude précédente : réaction à la douleur induite par tonométrie au niveau de la zone atteinte, tour de cheville 80 consécutif à l’inflammation, douleur au repos et à la mobilisation grâce à l’EAV, mobilité de l’ articulation par rapport à la position de repos, recours à une médication (paracétamol) et enfin évaluation globale de l’efficacité de la tolérance des produits par les médecins et les patients. L’essai a démontré qu’il n’y pas d’infériorité significative de la consoude par rapport au diclofénac, voire même une efficacité parfois supérieure vis-à-vis de cette molécule de référence dans l’arsenal des anti-inflammatoires. La douleur au repos et au mouvement est améliorée de 92/83% (consoude) et 85/72% (diclofénac), de même que la tendreté de l’articulation augmentée respectivement de 86% et 80%. La circonférence de la cheville diminue seulement de 3,2% pour les patients sous diclofénac mais de 3,7% pour les patients sous verum, correspondant à une diminution de 69% et 80% du gonflement respectif de l’articulation. Aucun des deux groupes n’a eu recours à une médication d’urgence par paracétamol. La tolérance et l’efficacité ont été jugées bonnes voire excellentes pour 78% des patients sous consoude contre 61% pour ceux sous diclofénac (Predel, et al. 2004). La troisième et dernière étude que nous étudierons dans le cadre des entorses de cheville se porte plus particulièrement sur la prise en charge de la douleur de l’articulation douloureuse. L’équipe de Kucera a mené une étude multicentrique, randomisée, contrôlée et en double aveugle incluant 203 patients souffrant d’une entorse grave de la cheville. Leur but est de comparer l’efficacité et la tolérance d’un topique à base de consoude, Traumaplant (renfermant pour 100g de crème, 25g ® d’herbe fraîche cultivée de Symphytum x uplandicum NYMAN, dont les parties aériennes fraîchement récoltées ont été pressées et extraites par de l’éthanol, n=104) par rapport à une préparation à 1% de ce même produit (soit 2,5g d’herbe fraîche pour 100g de crème, n=99) dans la réduction des douleurs consécutives aux entorses de cheville. Les résultats montrent que le Traumaplant diminue de façon significative tant ® au niveau clinique que statistique, les douleurs à la mobilisation, au repos ainsi que le handicap fonctionnel du à l’entorse elle-même, à J3-4 et J7. Son effet réduction du gonflement est aussi significatif dès J3-4 par rapport au produit de référence à 1%. Dans les deux groupes, l’efficacité est jugée bonne voire excellente (85,6% pour le 81 groupe verum et 65,7% pour le groupe sous le traitement de référence à 1%) àJ3-4, et la tolérance générale excellente (Kucera, et al. 2004). (ii) Arthrose du genou Une étude conduite en Allemagne, évalue à son tour les effets du Kytta-Salbe f, que nous avions précédemment vus dans les études concernant les ® entorses de chevilles, dans la prise en charge des arthroses du genou. Cet essai randomisé, bi-centrique, en double aveugle, contrôlé par un placebo, étudie l’efficacité et la tolérance de ce produit chez des patients présentant une arthrose du genou dont les douleurs persistent depuis plus de 6,5 ans. Sur les 220 personnes incluses, 153 sont des femmes et la moyenne d’âge de 57,9 ans. Dans le cas où les deux genoux sont touchés, seuls les résultats relatifs au plus douloureux des deux seront pris en compte et analysés. Le protocole consiste à appliquer trois fois par jour 2g de produit, sur une durée de trois semaines avec des contrôles à J0, J6-8, J13-15 et J20-22. Les patients sont tenus de renseigner quotidiennement dans un journal les problèmes liés à leurs douleurs. Le premier critère étudié est l’EAV. Dans le bras sous verum, elle augmente de 51,6 mm (soit 54,7%) et seulement de 10,1 mm (soit 10,7%) dans le bras sous placebo par rapport aux valeurs initiales à J0, et de ce fait la différence de 41,5 mm (IC95% = 34,8 mm ; 48,2 mm), soit près de 44% entre les deux groupes est significative. Il est possible de montrer qu’il existe une différence significative entre les deux groupes dans la diminution de l’intensité des douleurs et ce de façon considérable dans le groupe verum. Concernant les douleurs au repos elles diminuent de 20,9 mm (56,6%) pour le groupe sous Kytta contre seulement 4,6 mm (12,2%) pour le groupe ® sous placebo. Respectivement les douleurs à la mobilisation sont réduites de 30,7 mm (53,5%) et 5,6 mm (9,9%). La différence entre les groupes est encore significative. Ces critères sont confirmés par les journaux de bord tenus et rédigés par les patients. Le second critère de valeur étudié au cours de cet essai est le score total WOMAC (Western Ontario and McMaster Universities), permettant d’évaluer la douleur, la rigidité et les capacités physiques d’un patient souffrant d’arthrose du 82 genou (ou de la hanche). Cet index se voit lui aussi amélioré et de façon similaire aux résultats obtenus pour l’EAV. Il diminue de 60,4 mm (58,0%) pour le groupe sous consoude contre 14,7 mm (14,1%) pour le groupe placebo, soit une différence significative de 45,7 mm (IC95 = 37,1 mm ; 54,3 mm) ou 44% entre les deux bras, permettant alors de conclure à la supériorité du verum par rapport au placebo. La supériorité du traitement à base de consoude par rapport au placebo est par ailleurs confirmée en analysant d’autres paramètres, considérés comme secondaires néanmoins par rapport aux deux premiers, à savoir la qualité de vie (SF-36), la mobilité du genou (par mesure de l’angle de l’articulation), le ressenti clinique global (CGI, clinical global impression) et l’évaluation générale de l’efficacité des traitements par les médecins et les patients. Aucun effet indésirable n’a été rapporté par les patients du bras sous consoude (Grube, et al. 2007). Nous nous pencherons sur une seconde étude comparant les effets d’une crème renfermant 20% et 10% d’extrait de consoude associé à de l’eucalyptus, à un pseudo-placebo, une crème à base d’eucalyptus seulement, dans la prise en charge des douleurs, raideurs et limitations fonctionnelles dues à de l’arthrose du genou. Pour ce faire, 43 patients ont été inclus dans cet essai en double aveugle et randomisé, âgés de 45 à 83 ans. Les deux crèmes ont une texture, une odeur et une couleur similaires. La procédure consiste à appliquer l’équivalent de 9,5mg/jour de crème, en trois applications quotidiennes, que l’on fait pénétrer par massage sur la zone à traiter durant 6 semaines. Des contrôles sont effectués à l’inclusion puis toutes les 2 semaines, soit 4 contrôles au total. Les résultats étudient les trois paramètres du score WOMAC : douleur, raideur et limitation fonctionnelle. Respectivement, les crèmes à 20% et 10% réduisent l’intensité de la douleur de 52,1% et 50,3% ainsi que les raideurs de 56,9% et 44,1% mais améliorent tout autant la mobilité de l’articulation de 55,3% et 49,5%. Dans le groupe placebo on note une réduction des douleurs de 24,3%, des raideurs de 24,1% et de la limitation fonctionnelle de 22,9%. Les trois scores sont donc aussi augmentés dans les trois groupes ; néanmoins, les résultats relatifs au groupe placebo ne sont pas significatifs contrairement à ceux des deux groupes sous principe actif. 83 Aucun effet indésirable sévère n’est rapporté dans les groupes mis à l’essai, seulement 2 patients dans chacun des deux groupes sous verum ont eu des réactions cutanées mineures, à type rash et démangeaisons, qui se sont résorbées spontanément et rapidement avant même la fin de l’étude. Les formules à 10% et 20% permettent donc de réduire tant douleurs que raideurs articulaires des arthroses de genou tout en améliorant la qualité de vie du patient. Bien que la formulation à 20% soit légèrement plus efficace que celle à 10%, la différence de résultats entre ces deux groupes n’est pas significative. Quel que soit son dosage, la crème à base de consoude démontre bien sa supériorité d’efficacité par rapport au placebo dans le traitement symptomatique des arthroses du genou (Smith et Jacobson 2011). b) Douleurs lombaires et dorsales Après que l’efficacité du Kytta-Salbe f ait été étudiée et validée sur les entorses ® mais aussi l’arthrose, Giannetti pense alors à faire une étude portant sur son intérêt thérapeutique dans les douleurs lombaires et dorsales. Il s’agit d’un essai multicentrique, randomisé, mené en double aveugle, afin de démontrer la supériorité d’une crème à base de consoude (Kytta-Salbe f) à un placebo chez les patients ® souffrant de douleurs lombaires ou dorsales intenses. Les 120 patients inclus (53,3% d’hommes) sont répartis à égalité dans les deux groupes, dont respectivement 29 et 26 dans le groupe verum et placebo souffrant de douleurs principalement localisées au niveau lombaire. Réalisé sur 5 jours, il sera appliqué 3 fois par jour 4 g de crème sur la zone douloureuse puis massée doucement jusqu’à pénétration complète. 4 contrôles sont effectués à J0, J1, J3 et J5. On cherche à évaluer principalement l’efficacité sur l’intensité des douleurs à la mobilisation et au repos, puis dans un second temps l’évaluation de l’efficacité générale du traitement selon les patients et les praticiens, le recours aux analgésiques au cours de l’étude et enfin l’impact sur le handicap fonctionnel (ODI, Oswestry disability index). En ce qui concerne les douleurs à la mobilité, celles-ci se trouvent fortement améliorées avec une diminution moyenne de leur intensité de 95,2% pour le groupe 84 sous principe actif et 37,3% pour le groupe placebo. La même observation est faite au regard des douleurs au repos avec une diminution respective de 97,4% et 39,6% en moyenne. De plus, on remarque que les douleurs sont réduites dès la première heure suivant l’application qu’elles soient au repos ou à la mobilisation (diminution respective dans la première heure de 43,2% et 33% pour le bras verum, 6,6% et 12% pour le bras placebo). L’évaluation de l’efficacité globale par les praticiens et les patients est nette, et l’amélioration est jugée de bonne à excellente à 79% en moyenne pour le traitement par crème à la consoude contre seulement 18,4% pour le placebo. Un seul patient, appartenant au groupe verum, a eu recours à la prise de paracétamol dans le cadre d’un rhume, aucun autre antalgique n’a été utilisé durant la durée de l’essai. Enfin, en se basant sur l’ODI, index permettant de quantifier l’invalidité consécutive aux maux de dos, on observe des résultats similaires dans les deux groupes mais une réduction plus marquée de celui-ci dans le bras sous principe actif (-65,2% pour le groupe verum et -27,6% pour le groupe placebo). Sept cas d’effets indésirables sont rapportés, dont 4 dans le groupe verum, et de sévérité relativement bénigne (eczéma, rhume, nausées, rhinites). La tolérance de la crème à la consoude est ainsi jugée excellente à bonne pour 98,3% des patients et 95% des praticiens, et celle du placebo de la même manière à 98,3% par les patients et praticiens. Les résultats de cette étude sont probants et cohérents avec des études déjà menées. La consoude présente un potentiel thérapeutique remarquable et des effets cliniques significatifs sur la réduction des douleurs dorsales. Par ailleurs la réduction du handicap fonctionnel est corrélée avec la diminution des douleurs (Giannetti, et al. 2009). c) Cicatrisation des plaies Une étude menée en Allemagne par Barna vise à étudier les effets sur la cicatrisation des plaies d’une préparation à usage topique, Traumaplant , contenant ® 10% de principes actifs eux-mêmes extraits des parties aériennes de consoude (Symphytum x uplandicum Nyman). Cette étude randomisée, en double-aveugle, inclut 278 patients présentant des écorchures fraîches (verum n=137), dont 64 ont 85 plus de 20 ans (29 dans le groupe verum, 35 dans le groupe de référence). Le groupe de référence reçoit une préparation faiblement dosée, à 1% d’ingrédients actifs. Après 2 à 3 jours d’utilisation, on note une réduction initiale significative et cliniquement cohérente beaucoup plus rapide de la taille de la lésion de 49 ± 19% contre 29 ± 13% par jour en faveur de la crème dosée à 10%. L’étude de la régression linéaire de la lésion sur la durée jusqu’à sa guérison complète est estimée à 2,97 jours plus tôt avec le verum que le produit de référence (4,08 jours contre 7,05 jours). Les médecins jugent l’efficacité de bonne à très bonne pour 93,4 des cas sous verum vs 61,7% avec placebo. Les patients évaluent de la même manière le verum à 84,4%. Une analyse de sous-groupe ne met pas en évidence d’influence de la taille de la zone lésée, ni du sexe ni de l’âge sur l’efficacité des traitements, néanmoins il semble qu’il y ait une tendance à obtenir de meilleurs résultats avec l’augmentation de l’âge du patient. Enfin aucun effet indésirable ou problème de tolérance n’ont été rapportés durant la durée de l’essai ni dans la phase de surveillance de 10 jours suivant celui-ci. On peut donc attribuer à la consoude des propriétés cicatrisantes notables mais aussi noter la possibilité de l’utiliser dans le domaine pédiatrique, tant au niveau efficacité que tolérance clinique (Barna, et al. 2007). Un autre essai réalisé antérieurement sur 10 enfants renforce l’intérêt de l’utilisation de la consoude en tant que cicatrisant sur les plaies ouvertes dont la couche basale est intacte. En comparant une préparation refermant un extrait de Symphytum peregrinum à une pommade dépourvue de principes actifs, on remarque qu’elle réduit de façon considérable la durée de cicatrisation et ce de façon statistiquement significative par rapport au produit placebo (Niedner 1989). d) Myalgies Dans un premier temps, Kucera mène une étude ouverte, sans contrôle avec d’autres produits ou produits de référence. Il évalue l’efficacité d’une crème à base d’extraits de consoude sur 105 patients souffrant de myalgies et troubles de l’appareil locomoteur. Appliquée à raison de deux fois par jour, il observe une résolution 86 complète des symptômes pour 57 patients, 24 ont noté une normalisation de leurs troubles fonctionnels mais présentent encore des douleurs résiduelles sévères et continues. Seulement 21 patients ont senti une amélioration modérée et 3 aucun changement de leurs conditions. Il ressort de cette étude que cette préparation est efficace contre les myalgies, les œdèmes et qu’il serait intéressant de la proposer en tant que traitement adjuvant afin d’améliorer des dysfonctions motrices et en atténuer les douleurs (Kucera, Kalal et Polesna 2000). En 2004, il décide de réaliser un essai clinique randomisé, multicentrique, en double aveugle avec contrôle avec un produit de référence (n=111), d’une pommade à base d’extraits de consoude, Traumaplant , pour tester son efficacité et sa tolérance ® chez des patients souffrant de myalgies (n=104). A partir du produit testé concentré à 10% de substances actives, on réalise un produit de référence plus faiblement dosé, à 1%. Grâce à l’EAV, on étudie principalement ses effets sur les douleurs à la mobilisation, au repos et à la palpation mais aussi le handicap fonctionnel résultant. Il semble évident que la préparation la plus concentrée, la spécialité, est beaucoup plus efficace que la préparation de référence. Elle apporte une nette diminution des douleurs tant à la mobilisation, qu’au repos, à la palpation et l’amélioration clinique du patient directement corrélée à la réduction des douleurs. L’efficacité générale est significativement meilleure et le délai d’apparition des premiers effets plus rapide avec la préparation concentrée. La tolérance quant à elle est jugée bonne à excellente chez tous les patients sous verum. Une fois encore, cette étude confirme les effets anti-inflammatoires et analgésiques de la consoude mais permet aussi de mettre en avant une nouvelle utilisation de celle-ci dans certaines formes de douleurs dorsales à composante musculaire (Kucera, Barna, et al. 2005). 87 e) Conclusion générale sur les essais cliniques On a pu remarquer que de nombreuses études ont été réalisées afin de valider les propriétés thérapeutiques de la consoude et de la positionner dans le référentiel thérapeutique relatif à celles-ci. Néanmoins, il est dommage de noter qu’il n’existe pas à ce jour d’essais permettant d’évaluer ses propriétés pharmacodynamiques ni même pharmacocinétiques. Relativement aux modalités d’administration, la voie cutanée de préparations à base d’extraits de Symphytum reste l’usage le plus couramment utilisé et est notamment validé à plusieurs reprises dans la prise en charge des entorses. Sa supériorité d’efficacité envers un placebo est démontrée par plus de cinq essais randomisés contrôlés. L’essai évaluant la non-infériorité de la consoude par rapport au diclofénac montre même que celle-ci pourrait avoir une supériorité vis-à-vis de cet anti-inflammatoire de référence. Outre l’étude qui incluait des patients âgés de moins de 20 ans, aucune d’entre elles ne porte jusqu’à aujourd’hui sur une population particulière telle que les enfants ou les personnes âgées. Les différentes étapes des procédés de fabrication n’étant pas exactement énoncés, notamment afin d’exclure de la consoude ses alcaloïdes pyrrolizidiniques et de ce fait de connaître la composition finale exacte, il semble difficile de valider ces divers essais qui permettraient d’homologuer une monographie sur les bons usages de cette plante à des fins thérapeutiques. 3. Produits disponibles – Indications – Posologie a) France En France, on ne mentionne qu’un seul produit contenant de la consoude et ne bénéficiant d’aucun statut réglementaire à ce jour. Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques propres au produit (EMEA/HPMC 2006): 88 Préparation Extrait liquide extrait dans de l'éthanol à 60% V/V (35g d’extrait de S. officinale pour 100g de crème) Forme pharmaceutique Crème b) Posologie Indications Statut légal 2 à 4 fois par jour En usage local comme adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques et comme traitement des fissures, écorchures, gerçures et piqûres d'insectes Usage traditionnel Date de mise sur le marché 2007 Autres pays membres de l’Union Européenne Nous énumérerons un à un le statut de la consoude dans chacun des pays membres de l’Union Européenne, en détaillant si nécessaire les procédés de préparation, les données sur le produit commercialisé et son statut légal. - Autriche : Aucun produit à base de consoude n’est déposé ou autorisé. On pourra cependant noter que les produits renfermant du tussilage, du senecio ou de la consoude doivent respecter un critère indispensable, à savoir une absence totale de traces d’alcaloïdes pyrrolizidiniques par les méthodes analytiques en vigueur. Exception faite des préparations homéopathiques pour lesquelles on accepte son utilisation à partir de D4 en usage externe et de D6 pour un usage interne. - Belgique : seulement en association dont une préparation pour infusion contenant 50mg de consoude par gramme du mélange. Trois autres mélanges ont vu leurs commercialisations refusées. La présence de consoude est par ailleurs interdite dans tous compléments alimentaires. - Danemark : bien qu’il n’existe plus à ce jour de produits déposés ou autorisés à base de consoude, on retrouvait 30 ans auparavant des prescriptions médicales renfermant dans des préparations magistrales des teintures de consoude. Elles étaient exclusivement préparées en pharmacie, pour un patient en particulier. Symphytum officinale est exclu de tous compléments 89 alimentaires du fait de la forte quantité en alcaloïdes pyrrolizidiniques qu’il renferme. - Allemagne : on récence trois produits à base de S. officinale ayant une autorisation de commercialisation : Préparation Forme pharmaceutique Crème (35g de consoude pour 100g de crème) Extrait liquide extrait dans de l'éthanol à 60% V/V, contenant 0,13 à 0,25% d’hydroxyde de sodium et 1% de PPG-1-PEG-9 Lauryl Gycol Ether Crème (35g de consoude pour 100g de crème) Cataplasme (35g de consoude pour 100g de cataplasme) Posologie Indications Statut légal Date de mise sur le marché Contusions, élongations, entorses Produit ayant une autorisation de commercialisation Au moins 1976 Voie cutanée chez l’adulte et enfant de plus de 3 ans : selon la taille de la partie du corps à traiter et de l’intensité de la douleur, de 2 à 4 fois par jour, de 1,2g à 6g de produit sur la zone à traiter et masser en profondeur. Possibilité de l’utiliser sous un bandage en cas de fortes douleurs, à raison d’une fois par jour. Maximum d’une semaine de traitement chez l’enfant de 3 à 12 ans. Voie cutanée chez l’adulte et enfant de plus de 12 ans : selon la taille de la partie du corps à traiter et de l’intensité de la douleur, de 2 à 4 fois par jour et masser en profondeur la zone à traiter. A appliquer 1 à 2 fois par jour, jusqu’à 5h (maximum 2h si cataplasme chauffant). Application généralement à froid. Appliquer la pâte sur la zone à traiter sur 1mm d’épaisseur, couvrir avec un tissu et le fixer. Espacer les cures de 1 à 2 jours après quelques jours 90 - Hongrie : on dénombre 3 produits enregistrés comme médicament à base de plantes dont l’un d’eux possède une autorisation de commercialisation. On leur reconnaît donc cliniquement des propriétés thérapeutiques : Préparation 50g de solution contenant 10g d’extrait éthanolique de S. officinale 30ml de liquide contenant 3g d’extrait éthanolique de S. officinale 100g de crème contiennent 10g de teinture de racine de S. officinale + 6g d’huile de paraffine 100g de pommade contiennent 35g d’extrait éthanolique à Forme pharmaceutique Posologie Indications Liquide pour application cutané Après nettoyage de la peau saine, appliquer en fonction de la taille de la zone à traiter 5 à 15 doses, 2 à 3 fois par jour et masser en profondeur. Maximum 4 à 6 semaines par an. En traitement des gonflements et douleurs suite à des contusions, blessures graves, entorses. En traitement adjuvant postfractures, comme antiphlogistique en prévention des thrombophlébites et dermatites locales, et soulager les douleurs rhumatismales. Liquide pour application cutané En usage externe seulement, frictionner la partie douloureuse ou appliquer en compresses. Maximum 5 à 10 gouttes 5 fois par jour. Pas plus de 4 à 6 semaines par an. Ne pas utiliser chez l’enfant de moins de 2 ans. Traitement symptomatique des contusions, entorses et foulures, douleurs rhumatismales. Crème Pour usage externe, pas plus de 1 à 2 fois par jour. La dose maximale est de 15 cm de crème. Maximum de 4 à 6 semaines par an. Crème Pour usage externe. Selon la taille de la partie à traiter et de l’intensité des douleurs, appliquer sur une longueur de 2 Dans le traitement des blessures graves et d’origine sportive, contusions, claquages, inflammations consécutives à une luxation ou un claquage, gonflements et hématomes, pour améliorer les fonctions motrices en récupération. Traitement des inflammations locales et phlébites. Traitement des contusions, claquages musculaires et ligamentaires, entorses et articulations Statut légal Date de mise sur le marché 03/03/2006 Enregistrés comme médicaments à base de plantes 02/12/1999 03/08/1998 Médicament à base de plante autorisé à la commercialisation 27.02.2009 91 60% V/V de racine de S. officinale - à 6cm de crème, 2 à 4 fois par jour. douloureuses. Slovaquie : on récence un seul produit, associant la consoude à d’autres composés. Les mentions relatives au statut légal de distribution de ce produit ne sont pas renseignées. - Royaume-Uni : 2 produits sont autorisés à la distribution, dont l’un est un remède reconnu. Préparation 100g de crème renferment 35g d’extrait éthanolique à 60% V/V de racine de S. officinale 100g de pommade renferment 35g d’extrait éthanolique à 65% V/V de racine de S. officinale Forme pharmaceutique Crème Pommade Posologie Par voie cutanée, seulement sur peau saine. Chez l’adulte et enfant de plus de 12 ans, selon la taille de la partie à traiter et de l’intensité des douleurs, appliquer sur une longueur de 2 à 6cm de crème, 4 fois par jour sur une durée de 8j. Durée maximale de traitement 21j. Pour usage externe seulement, chez l’adulte et l’enfant. Baigner les parties à traiter dans de l’eau chaude puis appliquer la pommade matin et soir. Ne pas appliquer sur peau lésée. Ne pas utiliser plus de 10j à la suite. Indications Statut légal Date de mise sur le marché Traitement symptomatique des articulations douloureuses, entorses, inflammations et claquages en association à une réduction de la mobilité de l’articulation concernée. Médicament à base de plantes autorisé et d’efficacité reconnue. 2006 Remède reconnu pour soulager les symptômes consécutifs aux contusions et entorses. Enregistré comme médicament à base de plantes. Au moins 1968 Nous ne disposons pas de données relatives à la consoude pour la Bulgarie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Pologne, le Portugal et enfin la Roumanie. Les pays suivants n’ont à ce jour officiellement aucun produit déposé ou enregistré à base de Symphytum officinale dans leurs bases de données : Chypre, République Tchèque, Estonie, Finlande, Grèce, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Slovénie, Espagne et Suède (EMEA/HPMC 2006). On se rend alors compte que la réglementation à l‘égard de l’innocuité et des indications relatives à la consoude varie considérablement d’un pays à l’autre, au sein 92 même de l’Union Européenne. Symphytum officinale est bien reconnue pour ses propriétés principalement cicatrisantes et anti-inflammatoires mais sa toxicité ne permet pas à ce jour une large utilisation à des fins thérapeutiques, l’usage externe restant la voie d’administration la plus adaptée afin de réduire sa toxicité au minimum et la racine la partie de la plante la plus utilisée. 4. Utilisations a) Médecine d’hier et d’aujourd’hui Ces diverses propriétés reconnues depuis l’Antiquité ont valu à la consoude d’être utilisées en thérapeutique tout au long des siècles, ses indications évoluant à travers les âges, le rhizome restant la partie la plus traditionnellement utilisée sans oublier les feuilles dont on se servait volontiers en cataplasme. Les racines sont récoltées dès la fin de l’hiver alors qu’il est préférable pour les feuilles de patienter jusqu’à la floraison, avant l’apparition des hampes florales, afin de faciliter le séchage de celles-ci et d’y trouver le meilleur cocktail en éléments nutritifs. Que ce soit par voie interne ou externe, la consoude a traversé les civilisations où chacun louait ses merveilleuses propriétés (Bertrand 2007). (1) Médecine ancestrale Plante très utilisée sur les champs de bataille, elle avait pour mission de soigner les plaies et de consolider les fractures, grâce à ses propriétés cicatrisantes et apaisantes. Sous forme d’onguents, de crème, de pommade ou encore en cataplasmes, la racine restait la partie de la consoude la plus largement utilisée mais le recours aux feuilles est aussi indispensable afin de confectionner cataplasmes et emplâtres (Bertrand 2007). En usage interne, elle était indiquée dans la plupart des maladies touchant les voies respiratoires telles que bronchites, trachéites ou toux rebelles. De plus, elle stoppait les hémoptysies des tuberculoses pulmonaires grâce à ses qualités cicatrisantes. On avait aussi coutume de laisser infuser durant une nuit 100g de 93 racines séchées dans un litre d’eau bouillante. Cette préparation, à raison d’une tasse après les repas ou au moment des douleurs, permettait de ralentir les diarrhées et l’inflammation des colites, et de cicatriser les ulcères gastroduodénaux. Le sirop de Fernel quant à lui était autrefois utilisé contre ces mêmes diarrhées, les hémorragies, les toux et affections respiratoires diverses. Formulé à base de plantes fraîches, il consistait à broyer entre elles les herbes suivantes : - 250g de sommités de consoude - 450g de pétales de rose rouge - 450g de bétoine - 450g de plantain - 450g de pimprenelle - 450g de scabieuse - 450g de tussilage On extrayait un jus en pressant le broyage ainsi obtenu, que l’on portait à ébullition après avoir ajouté 1,25kg de sucre. Au premier bouillon on ajoutait alors 250g de racines de consoude préalablement lavées et râpées. On laissait ainsi réduire jusqu’à une consistance sirupeuse puis on conservait en flacons (Lieutaghi 1996). En usage externe, la racine fraîche, épluchée, lavée, ébouillantée et enfin broyée donnait d’excellents résultats. Les travailleurs utilisaient fréquemment une pâte cicatrisante préparée dans de l’eau de vie sur les coupures et entailles profondes. Les nourrices souffrant de gerçures des seins taillaient le rhizome encore jeune en forme de dés à coudre et l’appliquaient de façon à ce que la paroi interne épouse la peau lésée ou bien directement sur le mamelon en cataplasme après réduction en pulpe (Bertrand 2007). Cette « pâte » pouvait aussi être remplacée par une décoction concentrée en faisant infuser 200g de racine séchée et concassée dans un litre d’eau, durant 20 minutes à feu doux et à couvert, que l’on pouvait utiliser sur les ulcères, plaies suppurantes, escarres ou bien brûlures profondes (Lieutaghi 1996). En Allemagne, on avait pour habitude entre autre de traiter l’eczéma des chiens. En laissant infuser durant 10 minutes de la consoude hachée dans de l’eau bouillante (à raison d’une feuille par tasse), on obtenait une pâte que l’on appliquait à l’aide d’une compresse sur les zones à traiter. Très rapidement, les démangeaisons disparaissaient et la guérison totale s’observait en 15 jours avec un début de repousse 94 de poils (Bertrand 2007). Son efficacité a d’ailleurs été récemment confirmée par une étude de l’Henry Doubleday Research Association (HDRA). (2) Médecine contemporaine Les us et coutumes relatifs à l’utilisation à des fins thérapeutiques de la consoude ont évolué, surtout de par le fait de la présence de composés toxiques qui a freiné certains utilisateurs. Néanmoins, comme nous le fait remarquer le docteur Leclerc, médecin militaire de la Première Guerre Mondiale, même s’il existe un risque majeur dû à la présence de ces alcaloïdes pyrrolizidiniques il ne faut pour autant pas oublier les qualités de cette plante et son innocuité par voie cutanée (Lieutaghi 1996). On n’a de cesse encore aujourd’hui de lui attribuer des pouvoirs adoucissants, analgésiants, antihémorragiques, béchiques, sédatifs, cicatrisants, vulnéraires et rafraîchissants. En raison à cela, sa richesse en allantoïne qui lui permet d’activer la prolifération cellulaire, mais aussi la multiplication des globules bancs renforçant ainsi l’immunité. La vitamine B12, rare chez les végétaux et en quantité non négligeable dans la consoude, est un élément indispensable au métabolisme des lipides, glucides, protides et acides aminés, et contribue aussi aux propriétés que l’on reconnaît à cette plante. Elle est d’ailleurs connue pour être un facteur anti anémique puissant (Bertrand 2007). Les travaux des docteurs Leclerc et Decaux en 1943 relatent obtenir des résultats impressionnants sur un ulcère variqueux profond et de taille importante grâce à une pommade à base de consoude, après que l’un d’eux ait remarqué à de nombreuses reprises les grandes capacités régénératives de celle-ci lorsque le derme est lésé. Puis en 1947, Jean Laurent Teissier montre dans une thèse que cette plante peut être considérée comme détergent des plaies, asséchant des suppurations et régénérant rapide des tissus. Son usage ne doit pas forcément devenir systématique pour le traitement de toutes les plaies mais il est important d’y penser sur les plaies profondes ainsi que celles dont la cicatrisation tarde à se faire (Lieutaghi 1996). Des recettes comme celle de Maria Treben, herboriste autrichienne du XXe siècle, sont célèbres. Cette pommade pour usage externe consiste à faire frire des racines fraîches, lavées puis hachées menues dans du saindoux ou de l’huile de palme 95 (4 à 6 racines pour 250g d’huile) puis de laisser ainsi reposer une nuit. Le lendemain, réchauffer la préparation, filtrer, presser et conditionner dans de petits récipients avant de les conserver au réfrigérateur. Elle prenait soin de mentionner à la fin de sa recette : « Indispensable pour le traitement des plaies chez l’homme et l’animal » (Treben 1983). Il est aussi possible de réaliser un baume de consoude à partir d’un macérât huileux. La réalisation de celui-ci consiste à broyer une racine lavée et pelée. Placer la mixture obtenue dans un bocal en verre transparent que l’on recouvre d’huile (d’olive ou de tournesol) de très bonne qualité, couvrir d’un linge et laisser ainsi macérer durant 3 semaines avant de filtrer. A 80g de macérât huileux, ajouter 20g de cire d’abeille en copeaux. Chauffer le mélange au bain-marie jusqu’à dissolution de la cire, fouetter pour homogénéiser le baume et conditionner dans des récipients en verre bien fermés. Après nettoyage d’une plaie, cette préparation peut être appliquée en emplâtre grâce à une compresse, permettant de guérir en quelques semaines ulcères ou autres blessures ayant eu du mal à cicatriser (Bertrand 2007). (3) Médecine homéopathique La médecine homéopathique utilise la consoude dans le cas de fractures et retards de cicatrisations de celles-ci (favorise la formation du cal), de traumatismes hyperalgiques du globe oculaire par un objet mousse (les parties molles restant intactes), ainsi que dans les douleurs arthrosiques consécutives aux traumatismes de l’os et du périoste. Secondairement, on l’utilise aussi dans les périostites des sportifs et tendinites du tendon d’Achille. Symphytum pourrait également stimuler le développement de l’épithélium dans les ulcérations. Il s’agit d’un remède d’action limitée, souvent associé à Arnica. Les indications sont les mêmes quelque soit la forme pharmaceutique proposée (usage externe, granule, solution injectable, solution buvable) et généralement en basse dilution ou en teinture-mère, elle-même préparée à partir de la partie souterraine fraîche. Compte tenu de sa composition, l’usage per os de ce médicament est contre-indiqué en teinture-mère chez la femme enceinte (Demarque, et al. 2011). 96 b) Agriculture et élevage Etant naturellement très abondante à l’état sauvage, la consoude n’a jamais vraiment été cultivée sauf dans les jardins botaniques. Elle se ressème d’elle-même par propagation des graines, venant parfois à envahir les terrains et jardins qu’elle colonise. Son fort rendement ainsi que sa facilité de culture et sa longévité (20 à 40 ans) lui valurent d’être rapidement utilisée dans l’agriculture ou en alimentation animale. (1) Agriculture C’est grâce à son système racinaire performant que la consoude puisse au plus profond les nutriments et les concentre ensuite dans ses feuilles, qui une fois décomposées pourront restituer aux plantes et au sol des richesses insoupçonnées. C’est une plante riche en protéines végétales, au même titre que l’ortie qui se trouve cependant en être plus riche. Néanmoins, elle a l’avantage malgré sa rugosité de ne pas piquer et d’être plus facilement cultivable et utilisée comme fourrage. Elle est riche en potasse parfaitement assimilable par les végétaux, alors que l’ortie le sera plus en azote. Il ne faut pas oublier le rôle majeur du rapport carbone/azote qui détermine les capacités d’utilisation des matières organiques par les plantes et le sol. Le rapport optimum est de 10/1 (cas de l’humus bien décomposé) et celui de la consoude est de 9,8/1 ce qui fait d’elle un compost de qualité incomparable. Celui-ci pourra être directement déposée aux pieds des plants en remplacement de tout engrais chimique et leur apportant ainsi un véritable effet « coup de fouet ». Il est surtout un très bon activateur de compost, qu’il faut alors mélanger aux autres végétaux, le compost pur de consoude nécessitant une très grande quantité de feuilles. Le purin de consoude, riche en oligoéléments et en minéraux, s’utilise volontiers comme fertilisant sur les plantes à tubercules ou à fruits et permet de revitaliser les vieux végétaux mais aussi de dynamiser les jeunes plants. Sa forte résistance aux maladies majeures souvent rencontrées en culture rend cette plante facilement exploitable. Son point faible est d’attirer les gastéropodes qui 97 en raffolent, mais il peut être détourné et même mis à profit afin de servir d’appâts aux limaces. L’unique rouille à laquelle elle est sensible est le Melampsorella symphyti, rare, mais qui se développe d’autant plus facilement et rapidement que les cultures sont denses. (2) Elevage La récolte des feuilles s’effectue avant floraison, à 5cm du sol et ce de 3 à 5 fois par an. On les utilise ensuite sous forme fraîche ou de foin ou encore d’ensilage. De valeur nutritive comparable à celle de la luzerne, elle a l’avantage par rapport aux légumineuses (luzerne, sainfoin et trèfle) de ne pas entraîner de météorismes. Riche en vitamine B12, elle apportera au bétail de nombreuses protéines sans trop de cellulose. Cette dernière caractéristique est intéressante pour les volailles (poulets, oies, canards) qui possèdent un tube digestif simple ne supportant pas l’ingestion d’une trop grande quantité de fibres végétales, contrairement aux ruminants. De par sa richesse en protéines, vitamines et minéraux, la consoude est une alimentation équilibrée de choix correspondant aux besoins nutritifs des cochons, truies allaitantes et porcelets. Les producteurs laitiers raffolent de cette plante qui permet d’améliorer sans équivalent la production de lait mais aussi celle de viande chez les bovins. Chez les chevaux, on aura tendance à la réserver aux animaux carencés en sels minéraux ou bien à l’utiliser comme coup de fouet pour les chevaux de courses ou de concours. En médecine vétérinaire, on avait coutume de faire des bains de membres dans des infusions concentrées de consoude pour les foulures des grands animaux comme les vaches et les chevaux. Des compresses tièdes peuvent aussi être directement appliquées sur la partie à traiter (Bertrand 2007). En homéopathie vétérinaire, le laboratoire Boiron commercialise une poudre afin de favoriser la consolidation des fractures et d’atténuer les douleurs musculaires, ligamentaires ou tendineuses liées à la croissance ou à l’effort chez les bovins, équins, 98 ovins et caprins. Le PVB poudre calcique GA s’administre directement dans la ® bouche ou à diluer dans l’eau de boisson ou à mélanger à l’aliment, à raison d’une à deux cuillères à soupe, une fois par jour sur trois semaines et renferme du Symphytum officinale 3DH (Boiron 2015). c) Alimentation et gastronomie La place de la consoude dans l’alimentation ne peut être mise de côté tant elle renferme d’éléments nutritifs, pour la plupart atypiques, pour un végétal. Sa richesse en protéines, notamment méthionine et tryptophane, ainsi qu’en vitamine B12 en font un allié de choix dans les régimes végétariens, trop souvent carencés en cobalamine. Son taux élevé en allantoïne permet de renforcer les défenses immunitaires. On conseillera de ne consommer que les jeunes feuilles du printemps qui deviennent rapidement immangeables dès la fin avril de par leur amertume, qui pourront être éventuellement cuites dans plusieurs eaux mais perdront alors leurs qualités nutritives. Il est prudent de rappeler le risque de confusion de celles-ci avec les jeunes feuilles de digitales. Comme les légumes en général, on peut aussi la congeler, la stériliser ou la sécher. Son utilisation sous forme de farine s’avère intéressante en complément alimentaire et en épaississant grâce à sa forte teneur en mucilage dans les soupes, gratins ou soufflés. Mélangée à d’autres farines, elle représentera 10 à 15% de la quantité totale de la préparation. Traditionnellement elle se cuisine comme des épinards après essorage ou pour rouler des préparations grâce à ses grandes feuilles. La recette la plus connue est celle des beignets de « sole végétale » qui consiste à faire frire des feuilles préalablement enrobées de pâte à beignet. Elle nous vient d’Amérique où la consoude est considérée comme un légume à part entière et fut introduite en France par François Couplan (Bertrand 2007). 99 CONCLUSION La grande consoude, boraginacée commune affectionnant nos fossés et lisières de forêts recèle de multiples propriétés thérapeutiques. Bien que son rhizome noir et charnu soit la partie principalement utilisée dans les préparations médicinales, les feuilles possèdent elles-aussi leurs atouts et étaient autrefois utilisées en décoction et encore aujourd’hui dans les jardins et en élevage pour ses apports nutritifs incomparables. Sa composition chimique très diversifiée explique à elle seule la richesse thérapeutique que peut apporter cette plante. Polysaccharides et mucilages, protéines, tanins et allantoïne, vitamines et acide rosmarinique sont les principales molécules qui prodiguent à la consoude ses propriétés anti-inflammatoires, cicatrisantes et nutritives. Les autres composés bien qu’en quantité moindre ne doivent pas néanmoins être oubliés. Ainsi l’hépatotoxicité reprochée à celle-ci est la conséquence de la présence en quantité non négligeable et assez caractéristique dans le règne végétal d’alcaloïdes pyrrolizidiniques et de leur consommation sur une longue durée. Ce sont ces mêmes molécules qui ont conduit à se poser la question du bien-fondé de l’utilisation de Symphytum, bien que largement reconnu dans la médecine traditionnelle ancienne, basée sur l’empirisme, l’expérience et l’observation des anciens. Ces effets sont d’ailleurs validés dans de nombreuses études in vitro et in vivo. Que ce soit sur les contusions, les entorses, les douleurs dorsales, l’arthrose ou encore la cicatrisation du tissu cutané, la plupart des diverses études cliniques menées sur la consoude reconnaissent son efficacité. Néanmoins bien que la balance bénéfice/risque des préparations médicinales à base de consoude, dépourvues ou contenant une quantité limitée d’alcaloïdes pyrrolizidiniques soit positive, est-il possible de valider les divers essais conduits et dès lors l’utilisation traditionnelle de tels produits? Il convient de ne pas réfuter toute étude du domaine de la phytothérapie en général. Mais la plupart de ces essais ne concerne qu’un principe actif isolé qui permet d’illustrer son indication mais n’est en aucun cas le reflet de la 100 synergie des divers constituants de la plante entière vis-à-vis de sa toxicité mais aussi de son efficacité. On pourra enfin s’interroger sur la reproductibilité des essais cliniques en raison d’une variabilité de composition des extraits d’origines. La consoude reste, malgré son utilisation très ancienne et empirique, une plante malheureusement tombée en désuétude et qui, utilisée en usage externe et aux doses appropriées, pourrait retrouver ses lettres de noblesse grâce à ses vertus cicatrisantes et épithéliogènes dans les années à venir. 101 BIBLIOGRAPHIE Adberrazak, M., et J. Reynaud. La Botanique de A à Z. Dunod, 2007. Ahmad, VU., M. Noorwala, FV. Mohammad, B. Sener, AH. Gilani, et K. Aftab. «Symphytoxide A, a triterpenoid saponin from the roots of Symphytum officinale.» Phytochemistry, 1993. Anses. «Les Protéines.» Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. 11 03 2013. https://www.anses.fr/fr/content/les-protéines. Apolinario, A., B. de Lima Damasceno, N. de Macedo Beltrao, A. Pessoa, A. Converti, et J. da Silva. «Inulin-type fructans: A review on different aspects of biochemical and pharmaceutical technology.» Carbohydrate Polymers, Vol 101, 2014. Awang, DV., et DG. 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Niki. «Antioxidant effects of phytosterols and its components.» Journal of Nutritional Science and Vitaminology, 2003. 109 GLOSSAIRE Actinomorphe Se dit de l’organisation par symétrie radiale des pièces des verticilles (sépales, pétales, étamines) d’une fleur. Acuminé Qualifie un organe se terminant de façon brutale en pointe fine, plus ou moins allongée. Adventif Se dit d’un organe qui se développe en un point anormal de la plante (par exemple racines se formant sur les tiges ou les rhizomes). Aile Expansion membraneuse, mince, plus ou moins large, pouvant border certains organes (tiges, fruits). Alterne Se dit d’un même organe qui est disposé de chaque côté de la tige, sans se faire face. Androcée Ensemble des étamines, représentant la partie mâle d’une fleur d’un Angiosperme. Angiosperme Division regroupant toutes les plantes dont les ovules sont inclus dans un ovaire clos (par opposition aux Gymnospermes dont l’ovule est nu), qui se développera en fruit après fécondation. Anthère Représente la partie terminale élargie d’une étamine, contenant le pollen dans des loges polliniques. Calice Enveloppe extérieure de la fleur, constitué par l’ensemble des sépales. Généralement de couleur verte, il recouvre le plus souvent la corolle. Carpelle Unité de base du gynécée, formant à sa base une cavité close appelée ovaire, contenant lui-même un ou plusieurs ovules. Chez les Angiospermes, le carpelle se différencie en stigmate, style et ovaire. Clade Ensemble des organismes vivants et fossilisés provenant d’un ancêtre commun (groupe monophylétique). Corolle Terme qualifiant l’ensemble des pétales d’une fleur, généralement colorée. Décurrente Qualifie une feuille dont le limbe se prolonge en une aile foliacée sur le pétiole ou la tige, au-delà de son point d’insertion. 110 Epiderme Tissu de revêtement d’une feuille ou jeune tige, servant de protection. Souvent recouvert de poils, il est toujours recouvert d’une cuticule, elle-même parfois doublée d’une cire renforçant sa protection en réduisant les pertes en eau. Famille Unité systématique issue de la subdivision de la classe, regroupant l’ensemble des genres ayant les mêmes caractères généraux. Genre Unité systématique regroupant les espèces d’une même famille. Gynécée Ensemble des carpelles, constituant la partie femelle d’une fleur d’Angiospermes. Gynobasique Se dit d’un style libre qui prend naissance à la base des carpelles. Hampe Axe dressé au-dessus du sol, partant directement du collet de la plante, terminé par une fleur unique ou une inflorescence. Herbacée Se dit d’une plante non ligneuse (n’ayant pas de structure analogue à celle du bois), dont les parties aériennes se meurent après fructification. Hermaphrodite Qualifie un individu qui présente les deux sexes, mâle et femelle. Inflorescence Du latin inflorescere, fleurir, elle qualifie le regroupement de fleurs en un ensemble morphologiquement caractéristique. Isostémone Se dit d’un androcée d’une fleur ayant le même nombre de pétales et d’étamines. Lancéolé Se dit d’une feuille en forme de lance, affinée aux extrémités et élargie au milieu. Pentamère Caractérise une fleur dont chaque verticille comprend cinq pièces. Périanthe Ensemble des enveloppes florales calice et corolle, formant la partie stérile de la fleur. Pétale Elément interne du périanthe dont l’ensemble forme la corolle, entourant les organes sexuels et attirant les insectes pollinisateurs chez les fleurs entomophiles grâce à leur couleur, parfum… Pétiole Partie rétrécie de la feuille unissant le limbe à la tige. 111 Phylogénétique Branche de la biologie s’intéressant aux relations de parenté entre les organismes, à partir de critères morphologiques, caryologiques, chimiques, moléculaires,… et non plus seulement sur les ressemblances visibles entre espèces. Placentation Conformation d’insertion des ovules sur la paroi de l’ovaire. Elle est dite axile lorsque les ovules sont fixés au centre d’un ovaire formé de plusieurs loges. Pollen Gamétophyte mâle, produit par les anthères des étamines des plantes à fleurs arrivées à maturité. Rameux Qualifie un végétal portant de nombreux rameaux. Rhizome Tige souterraine de certaines plantes herbacées vivaces, s’étendant le plus souvent horizontalement, émettant racines et tiges aériennes. Les feuilles sont réduites à des écailles sèches, les différenciant des vraies racines. Rosette Ensemble de feuilles très rapprochées les unes des autres, étalées sur le sol. Scorpioïde Qualifie une cyme unipare en forme de crosse ou de queue de scorpion. Sépale Elément de la fleur situé à l’extérieur de la corolle dont l’ensemble forme le calice, généralement de couleur verte. Sève Liquide renfermant les substances nutritives et circulant dans les tissus conducteurs de la plante. Stigmate Extrémité glanduleuse et gluante du style, ayant pour fonction de recueillir les grains de pollen. Style Partie effilée, plus ou moins allongée du pistil, prolongeant l’ovaire et se terminant par le stigmate. Il peut être absent et les stigmates seront alors portés directement par l’ovaire. Tenuinucellé Qualifie un ovaire ayant un ou deux téguments persistant auprès du sac embryonnaire. Tubercule Excroissance d’un végétal plus ou moins ovoïde, remplie de réserves, ne formant peu ou pas de ramifications. Unipare Qualifie une inflorescence de type cyme qui ne produira qu’un seul axe secondaire, celui-ci se développant au-dessous de la fleur précédemment formée. 112 Unitégumenté Qui ne possède qu’un seul tégument. Vivace Se dit d’un végétal pouvant se développer sur plusieurs années. Xylème Du grec xylon, bois, caractérise le tissu ligneux d’une plante, qui conduit des racines aux parties aériennes la sève brute, composée d’eau et des sels minéraux (Adberrazak et Reynaud 2007) 113 ANNEXE 1 : Inhibiteurs et inducteurs du CYP 3A (The Medical Letter 2005) 114 ANNEXE 2 : Activation et régulation du système du complément (Punzi et Scanu 2013) 115 ANNEXE 3 : Métabolisme de l’acide arachidonique 116 LA GRANDE CONSOUDE La phytothérapie est devenue en quelques années très demandée par les patients et le besoin d’une mise à jour régulière des informations relatives à l’usage des plantes médicinales indispensable pour les professionnels de santé. La consoude, plante commune de toute l’Europe, était autrefois utilisée par les Anciens en tant que cicatrisant des plaies et sur les fractures présentant un retard à cicatrisation. Ces observations empiriques lui valurent des années de gloire avant de tomber en désuétude, principalement en raison de la présence d’alcaloïdes pyrrolizidiniques qui la rendent toxique par voie interne et au décours d’une utilisation prolongée. La révision de la monographie de cette plante « aux mille vertus » permettra de connaître plus en détail cette grande plante singulière et de lui redonner ses lettres de noblesse au regard de ses propriétés épithéliogènes et anti-inflammatoires. COMFREY In a few decades, phytotherapy has become very popular with patients and active health care professionals now need to regularly update information about the use of medicinal plants. Comfrey, a common plant in Europe, was used by the Ancients for wound -healing and on delayed-healing fractures. Those empirical observations made it very popular at the time before becoming obsolete, mainly due to the presence of pyrrolizidinic alcaloids which render it toxic when prescribed internally and after a prolonged treatment. The monograph revision of this “magic” plant will allow a better understanding of this remarkable plant and will contribute to its legitimacy owing to its healing and antiinflammatory qualities. DISCIPLINE ADMINISTRATIVE : Pharmacie d’officine MOTS-CLES : Consoude, alcaloïdes pyrrolizidiniques, phytothérapie, plante médicinale AUTEUR : Alexandra RECURT-CARRERE INTITULE ET ADRESSE DE L’UFR OU DU LABORATOIRE : Faculté des Sciences Pharmaceutique 35, Chemin des Maraichers 31062 Toulouse Cedex 09 DIRECTEUR DE THESE : Docteur PUJOL Robert 118