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Guy TROLLIET
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Guy TROLLIET
54° rencontre du CERA du vendredi 25 mai 2012
« Doit-on craindre l’Islam ? »
Il nous paraît intéressant de nous pencher sur la question de l’islam. De récents faits tragiques,
ainsi que l’expression dans les urnes de nombreux de nos concitoyens nous obligent à nous
reposer la question : quelle société voulons-nous laisser à nos enfants en héritage ? Quelle est
notre identité nationale ? Au cœur de ce débat malheureusement tronqué : la religion musulmane,
qu’on ne peut confondre avec l’intégrisme islamiste. Cependant, une majorité d’entre nous
ignorent presque tout de cette religion, de cette culture, de cette civilisation. Pour nous éclairer,
nous avons choisi un spécialiste du monde arabo-musulman, franco-libanais. Il est né et à vécu au
Moyen Orient avant d’être international dans une quinzaine de pays, puis il s’est formé en sciences
des religions en obtenant le master « religion et société » de l’Ecole Pratiques des Hautes Etudes.
Guy TROLLIET n’est pas un idéologue mais un pragmatique qui nous fera partager son idéal :
faire travailler ensemble des hommes et des femmes qui n’ont pas les mêmes codes, ni les même
valeurs, ni les mêmes imaginaires… Un chantier utile, voire indispensable pour notre avenir et
celui de nos enfants. Guy TROLLIET est tombé dans la marmite de la connaissance culturelle
quand il était tout petit et il vient nous apporter un peu de potion magique pour nous aider à
progresser dans la compréhension de celle-ci !
La conférence :
Bonjour et merci à vous d’être présents, de relever ce grand défi de la question de l’islam
confrontée au problème de la somnolence postprandial !
Je suis formateur interculturel, c’est mon activide base, mais en tant que Libanais, les religions
ont été mon environnement principal depuis que je suis tout petit, un véritable fil conducteur tout
au long de ma vie et de ma carrière. Qui dit religion dit homme, et organisation de la vie des
hommes. Pour commencer, je vais vous raconter un petit passage de ma vie personnelle. J’ai fait
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toutes mes études au Liban dans une congrégation religieuse, chez les Frères des Ecoles
Chrétiennes. La confession y était obligatoire une fois par semaine. Vers 12 ou 13 ans, je devais
être en , je me souviens d’un jour où après avoir cherché des idées de péchés avec les copains,
comme à chaque fois, je m’agenouille devant le prêtre pour lui confier 2 ou 3 inepties. Après un
moment de silence, il se retourne vers moi et me dit « Toi mon fils, tu es un mécréant ! Comment
peux-tu avoir fait une chose pareille. Tu n’es pas un vrai chrétien. » Douche froide ! Je me suis
senti porté sur l’autel du sacrifice d’Abraham. Je suis sorti tremblant de la confession en me disant
que quelque chose n’allait pas. On nous disait qu’il y avait 3 religions, le judaïsme, l’islam et le
christianisme. Comment se faisait-il que le dieu commun à ces 3 religions laisse dire « œil pour
œil, dent pour dent », « les conquêtes se sont faites au fil de l’épée », et que le représentant de la
dernière qui affirme que « Dieu est amour » me traite ainsi ? J’en déduisis que Dieu ou bien les
hommes étaient fous. A partir de ce moment, je me suis dit que les religions étaient une affaire
d’hommes et je suis devenu agnostique. Compte-tenu que l’agnostique est celui qui ne sait pas,
contrairement à l’athée qui est celui qui ne croit pas ou qui nie l’existence de Dieu. Je suis donc
parfaitement à l’aise pour parler de toutes les religions, et de l’islam en particulier, dans son
rapport avec la laïcité.
En préambule, je voudrais faire état de quelques remarques avant de tenter de répondre à la
question de savoir s’il faut craindre l’islam ? Il me semble nécessaire de savoir pour comprendre,
et de comprendre pour être pertinent. Les choses sont compliquées, et c’est cette complexité que
je voudrais éclaircir pour vous. Par exemple, dire aux chrétiens d’Orient qui subissent des attaques
criminelles et répétées que l’islam est une religion d’amour et de tolérance serait une insulte à leur
souffrance. Mais il serait totalement injuste d’affirmer le contraire vis-à-vis des musulmans qui
n’ont rien à voir avec cette violence au nom de laquelle d’autres musulmans agissent.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vous propose de formuler le thème qui nous occupe
aujourd’hui en d’autres termes comme « L’islam est-il une menace ? » Une menace s’incarnant
par tout élément qui, par son évolution récente, actuelle ou prévisible, seul ou combiné, peut
directement ou indirectement porter atteinte à l’intégrité du territoire national, à la vie, la santé ou la
cohésion de la population, ou au bon fonctionnement des institutions. Cette définition est un guide
pour nous aider à réfléchir.
En octobre 2001, juste après les attentats, le journal Le Monde titrait « L’islam apaisé des
musulmans de France ». En septembre 2003, on lisait dans L’Express « La laïcité face à l’islam –
ce qu’il ne faut plus accepter ». J’avais moi-même fait paraître dans la foulée des attentats de
2001 une tribune dont l’intitulé était « L’islam, tout a été dit, l’essentiel reste à faire » dans La Lettre
des Auditeurs de l’IHEDN de Paris (l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale). Ce qui
prouve que le problème existe depuis un certain temps sans que l’on parvienne à progresser.
Cette problématique existe en France bien sûr, mais également aux Etats-Unis et au Québec.
Dans ce dernier pays, la laïcité étant un sujet aussi institutionnel que pratique, une question
importante est débattue actuellement concernant le hallal. En Espagne, le conseil constitutionnel a
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demandé l’interdiction du Coran au motif qu’il s’agit d’un livre violent et raciste. On attend la
réponse. Un référendum est en projet au sujet des mosquées et des minarets des mosquées. En
Grande Bretagne, il y a 3 ou 4 ans, l’Archevêque de Cantorbéry avait déclaré que, selon lui, les
concitoyens musulmans pouvaient disposer de leurs tribunaux confessionnels. Un grand débat a
suivi au sujet de cette question. Plus récemment, on se souvient du scandale de l’apprentissage
des châtiments corporels dans une grande école musulmane, avec photos à l’appui dans les
manuels, pour montrer par exemple comment on pouvait couper une main ou un pied… Il convient
dans ces conditions de garder la raison, de ne pas regarder le doigt quand le sage montre la lune.
Nous devons regarder les choses objectivement, de façon pragmatique, et chercher des solutions
possibles. Il nous faut trouver des bases pour vivre ensemble selon la philosophie de la laïcité.
Pour bien comprendre les raisons de ces difficultés, je vous propose de mener mon intervention
autour de deux axes que sont les maladies de l’islam d’une part, puis la question de « l’islam de
France » et de « l’islam en France » avec son cortège de problématiques que rencontre la
communauté musulmane, qui peuvent éventuellement déteindre sur l’ensemble de la société.
Il nous faut prendre le temps d’un bref rappel historique pour bien comprendre notre sujet.
Nous sommes au VI° siècle après la chute de Rome. La Méditerranée est sous la domination de
ce qui reste de l’Empire Byzantin face à l’Empire Perse des Sassanides. La nature ayant horreur
du vide, l’Iran cherche à retrouver la place qu’il avait durant l’antiquité. Ces deux civilisations
s’affrontent en permanence. L’Arabie se trouve un peu à l’écart de ces disputes. On y trouve deux
villes qui vont nous intéresser : La Mecque et Yathreb qui deviendra Médine, la ville de naissance
du Prophète.
Quelques mots maintenant sur la vie du Prophète : né aux alentours de 570, Mohamed est mort en
632. Il appartenait à la famille Banu Hashem de la grande tribu des Quraysh. Celle-ci disposait des
clefs de la ville de La Mecque, et donc en assurait la gestion. La Mecque étant un centre
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économique et un centre de pratiques rituelles religieuses de pèlerinages. Toutes les religions s’y
croisaient, y vénéraient leurs idoles et le commerce faisait bon ménage avec la religion. Le roi de
Jordanie et sa famille sont des descendants de la famille Banu Hashem. A 25 ans, le prophète se
marie avec Khadija, sa première femme. C’est un personnage important sur lequel les
mouvements féministes s’appuient beaucoup pour asseoir l’égalité entre les hommes et les
femmes. Khadija avait une vingtaine d’années de plus que le Prophète. Elle avait été veuve par
deux fois et avait reçu de nombreux biens après la mort de ses maris. Lorsque le Prophète a eu ce
que l’on appelle la Révélation en voyant apparaître l’Ange Gabriel, il s’est senti investi de la
mission de fonder une nouvelle religion. Il a couru annoncer la nouvelle à sa femme. Khadija a mis
sa grande fortune au service de cette nouvelle prédication. Leur mariage, qui a duré une vingtaine
d’années, était un mariage monogame. La polygamie est apparue plus tard, pour les besoins de la
conquête et de l’expansion de la religion.
Suivant une coutume qui se pratiquait beaucoup à cette époque-là, le Prophète avait l’habitude de
se retirer dans une grotte, dans le désert, pour méditer. C’est au cours de l’une de ces retraites, en
l’an 612, que l’Archange Gabriel lui est apparu et lui a enjoint de lire le livre qu’il lui présentait. Cet
ouvrage deviendra plus tard le Coran, considéré comme support de la parole de Dieu. Il est donc
consubstantiel à Dieu, ce qui nous éclaire sur sa valeur. Cette apparition déclencha donc la
prédication du Prophète.
Annoncée dans une ville dont l’économie principale était basée sur les pèlerinages, les cultes aux
idoles, cette nouvelle mettait en danger l’ordre établi. Par conséquent la tribu au pouvoir a chassé
le Prophète. Ce dernier s’est réfugié à Médine en 622, date de départ du calendrier musulman.
La petite communauté s’installa donc dans cet oasis qui abritait différentes tribus. Le Prophète
établit avec elles une sorte de charte de bon voisinage. Malgré ces précautions, les choses
tournèrent mal. Pour assurer la vie de cette communauté, il fallut mener des razzias qui
conduisirent à la guerre notamment contre la tribu d’origine de Quraysh. Après bien des combats,
la ville de Médine finit par admettre l’autorité du Prophète qui y entra victorieusement en 630.
Voici quelques éléments factuels dont nous disposons sur la vie du Prophète. Malheureusement,
la pertinence des sources historiques, particulièrement des textes, n’est pas certaine. Or ce que le
Prophète a dit va constituer par la suite un socle très important du dogme religieux, de la
jurisprudence et de la vie sociale.
Jetons maintenant un coup d’œil sur la généalogie du Prophète pour bien comprendre ce que sont
les sunnites et les chiites.
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Généalogie du Prophète
Tribu de Quraysh
Abd Shams
Omeyya
Hashem
Abd al-Mottaleb
Dynastie
Omeyyade Al-Abbâs Abdallah Abu-Talib
Dynastie
Abbasside Mohammad
Fatima
Ali
Hussein
Époux
Shiites
Le Prophète a été orphelin tôt, à l’âge de 10 ans. Il a été adopté par son oncle paternel Abu-Talib,
le père du fameux Ali qui reviendra souvent dans l’histoire. Le Prophète avait notamment une fille,
Fatima, qui a épousé Ali, à la fois gendre et cousin du Prophète. A la mort du Prophète, celui-ci
n’avait pas désigné de successeur à la tête de la communauté, il n’avait pas non plus de
descendance mâle. Le premier clash se produisit entre les membres de la communauté en
désaccord sur l’identité du successeur. Certains souhaitaient que ce fut son gendre Ali, mais celui-
ci n’eut pas gain de cause, principalement parce qu’il était trop jeune. Celui qui fut choisi s’appelait
Ali également, il faisait partie de ce que l’on appelait les « 4 califes bien guidés », premiers
compagnons du Prophète. Durant ses deux ans de règne, il s’est efforcé de ramener dans le giron
de la famille musulmane les tribus d’Arabie qui avaient quitté l’Islam pour ne plus être soumises à
la taxe religieuse. Durant son règne, Ali le calife fut confronté à un personnage qui appartenait à
une autre famille gauche du tableau ci-dessus). Il s’agissait d’un général qui avait conquis la
Syrie et s’était installé à Damas comme gouverneur. Ce dernier souhaitait prendre la place d’Ali.
Sans entrer dans les détails, je vous signale seulement que le pouvoir est passé de l’autre côté.
Ce fut la naissance de la dynastie des Omeyades, qui prit Damas comme capitale. Un premier
mouvement dissident de l’islam apparaît qui s’appuie sur le désaccord entre Ali et une partie de
ses troupes. Ali (le général) fût assassiné en 662.
Deuxième étape : l’un des fils d’Ali, gendre du Prophète, qui s’appelait Hussein, n’a pas accepté
que le pouvoir soit passé de l’autre côté. Il a donc continué la lutte armée et s’est fait tuer par les
Syriens en 681 dans une ville qui est devenue lieu de pèlerinage très important. La tradition y
perdure de pèlerins habillés en blanc qui se flagellent en souvenir du martyr d’Hussein. La tradition
chiite a choisi cet événement pour commémorer le massacre de la famille du Prophète,
l’usurpation du pouvoir et la falsification du Coran par les sunnites. Ce fossé inconciliable est
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