9es journées francophones de virologie
S5
Virologie, Vol. 11, numéro spécial, avril 2007
Séances plénières et conférences
In uence de la co-infection sur l’évolution virale :
amphimixie versus complémentation
Rémy Froissart
Les preuves expérimentales directes montrant les cas de co-infection
intracellulaire de différents génotypes viraux sont rares. Par contre,
les indications indirectes relatant ce phénomène sont nombreuses, au
travers notamment des événements d’amphimixie (échanges génétiques
provoqués par la recombinaison, le réassortiment, etc.) mais aussi des
événements de complémentation entre génotypes viraux.
D’un point de vue évolutif, les populations virales sont confrontées à
deux effets antagonistes lors des co-infections. D’une part, si le taux
d’amphimixie est non négligeable, la co-infection permet des échanges
génétiques entre génotypes viraux, augmentant la variance génétique sur
laquelle la sélection naturelle peut agir, et ainsi combattre le fardeau de
mutation. D’autre part, la complémentation permet à un génotype viral
peu adapté (voire, cas extrême, totalement défectif) de pro ter des pro-
duits d’expression viraux provenant des autres génotypes présents dans
la même cellule et ainsi de persister dans la population virale.
Je présenterai des résultats expérimentaux concernant l’amphimixie et la
complémentation et je chercherai à mettre en évidence l’importance évo-
lutive relative de chacun de ces processus lorsqu’ils agissent ensemble au
sein des populations virales.
Recombinaison chez les entérovirus :
émergence, pathogénicité et nouvelle taxonomie
Francis Delpeyroux
Les Entérovirus humains, virus de la famille des Picornaviridae, sont
impliqués dans un large spectre de maladies à caractère fréquemment
épidémique. Ces virus se distinguent par une grande variabilité génétique
et antigénique. Comme pour la plupart des virus à ARN positif la
recombinaison génétique contribue à leur diversité. Récemment plusieurs
études ont montré que ce mode d’évolution était particulièrement fréquent
et impliquait des échanges génétiques intra mais aussi interspéci ques.
Ainsi il semblerait que des unités génétiques virales différentes comme
celles codant la capside virale et celles codant les protéines non
structurales pourraient évoluer indépendamment.
Un exemple de ce nouveau processus d’évolution nous est fourni par les
souches de poliovirus vaccinales du vaccin polio oral (VPO). Par leurs
capacités à mimer l’infection naturelle, les souches du VPO établissent
dans les populations vaccinées une immunité protectrice sérique et locale
qui limite la circulation des souches virales sauvages. Ainsi les campagnes
intensives de vaccination avec le VPO qui visent à éradiquer la poliomyé-
lite et les poliovirus de la planète se révèlent particulièrement ef caces.
Cependant, des épidémies récentes de poliomyélite dues à des souches
pathogènes dérivées du vaccin (VDPV) nous conduisent à constater que
les souches vaccinales peuvent se substituer aux poliovirus sauvages.
L’étude des caractères génétiques de la plupart des souches de VDPV mon-
tre qu’elles sont le produit d’échanges génétiques avec des entérovirus phy-
logénétiquement proches comme les Coxsackievirus A de l’espèce C des
entérovirus (HEV-C). Les caractéristiques de VDPV isolées à Madagascar
au cours de deux épidémies successives en 2002 et 2005 ainsi que leurs
interactions avec les autres entérovirus cocirculants seront présentées.
Recombinaisons chez les pestivirus et conséquences dans la relation
hôte-pathogène
Ernst Peterhans
Le virus de la diarrhée bovine virale (BVDV) est un pestivirus de la famille
des aviviridés. Il est présent dans le monde entier et cause d’importantes
pertes économiques. Les infections postnatales sont transitoires et
peuvent provoquer des diarrhées et des troubles respiratoires faibles,
mais rarement des symptômes graves tels que des thrombocytopénies et
des saignements des organes internes.
L’infection persistante (IP) résulte d’une infection du fœtus entre le
40e et le 120e jours. Une infection intra-utérine avant cette période peut
engendrer une perte de l’embryon, alors que les fœtus infectés plus tard
peuvent développer des malformations ou être avortés. Les fœtus infectés
pendant la période critique de 2 à 4 mois se développent normalement,
mais les animaux restent infectés à vie.
Ces animaux ont une tolérance immunitaire spéci que au virus persis-
tant, mais peuvent développer une forme létale de l’infection appelée
« maladie des muqueuses » qui est caractérisée par des lésions de la cavité
buccale et par une destruction massive du tissu lymphatique de l’intestin.
L’infection intra-utérine est causée uniquement par le biotype non cyto-
pathogène (ncp) du BVDV. La présence du biotype cytopathogène (cp)
en plus du biotype ncp est un trait particulier de la maladie des muqueuses
spéci que aux animaux IP en général entre 18 et 24 mois. Le biotype cp
est dérivé du virus ncp par recombinaison d’ARN, et les deux types pré-
sents chez les animaux souffrant de maladie des muqueuses sont décrits
comme étant une « paire de virus ». L’analyse de telles paires de virus a
révélé de nombreux changements génomiques. Ils consistent d’insertions
de séquences d’ARN de la cellule hôte, de délétions ou de duplications
des séquences du BVDV. Les mutations dans le gène codant pour la pro-
téine non structural NS23 résultent dans un clivage plus ef cace de cette
protéine. De récents travaux ont montré que les quantités des protéines
NS2 et NS3 issues du clivage de NS23, dépendent de l’étape du cycle de
réplication du virus. Les cellules infectées de biotype ncp et cp contien-
nent une quantité similaire de protéines clivées en NS2 et NS3 au début
du cycle de réplication, mais qui diminuent à la n du cycle en faveur de
NS23 dans les cellules infectées du biotype ncp. Par contre, NS2 et NS3
continuent de s’accumuler dans les cellules infectées par le biotype cp.
Les souches BVDV de biotype cp sont pratiquement uniquement isolées
d’animaux IP, et mis à part quelques rares exceptions, le virus cp est uni-
que et disparaît avec l’animal infecté. Comme mentionné, seul le biotype
ncp du BVDV est capable de causer une infection persistante, probable-
ment en raison du manque d’induction de l’interféron du fœtus bovin.
Toutes ces observations suggèrent que le biotype cp est un mutant qui
a perdu certaines propriétés. Il cause sans exceptions une maladie létale
dans les animaux IP, et est incapable de persister dans la population hôte.
Ainsi, d’un point de vue évolutif, les virus cp du BVDV peuvent être carac-
térisés comme étant une impasse, où leur n inclut également celle des ani-
maux dans lesquels se passent leurs remarquables recombinaisons d’ARN.
Structure de la glycoprotéine G du virus de la stomatite vésiculeuse
(VSV) sous ses conformations neutres et acides
Yves Gaudin
La glycoprotéine G est l’unique protéine d’enveloppe du virus de la
stomatite vésiculeuse (VSV). Associée en trimère, elle constitue les
spicules de la particule virale, visibles en microscopie électronique. C’est
elle qui reconnaît les récepteurs viraux à la surface de la cellule hôte.
Ensuite, après endocytose du virion, elle va déclencher la fusion entre
les membranes cellulaire et virale. C’est l’abaissement du pH au sein de
l’endosome qui, en entraînant une série de réarrangements structuraux de
la protéine, confère à G ses propriétés fusogènes.
Trois conformations de G ont été décrites : la forme native ou préfusion,
présente à la surface du virus à pH 7 ou plus ; la forme activée, sous
laquelle G va s’ancrer dans la membrane cible et la déstabiliser lors des
premières étapes de fusion ; et la forme post-fusion, la plus stable à bas
pH. De façon remarquable, à la différence de ce qui est observé pour
les protéines fusogènes des autres familles virales, il existe un équilibre
dépendant du pH entre ces différentes conformations. La transition struc-
turale déclenchée par l’abaissement du pH est donc réversible.
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Nous avons déterminé la structure de G dans ses conformations pré et
post-fusion [1, 2]. L’architecture de G est très différente de celle des pro-
téines virales fusogènes dont la structure était déjà connue. Elle permet
donc de dé nir une nouvelle classe de protéines de fusion. La compa-
raison des structures pré et post-fusion révèle l’ampleur du changement
de conformation qui, bien que réversible, est tout aussi impressionnant
que celui des autres protéines fusogènes. Elle permet aussi de propo-
ser un certain nombre d’états intermédiaires que prendrait la protéine au
l de son changement de conformation. Il apparaît ainsi que la façon
dont s’effectue la transition structurale est très semblable à celle rencon-
trée chez les protéines de fusion dites de classe I. En revanche, la façon
dont est présenté le peptide de fusion à l’extrémité de la structure post-
fusion est très semblable à celle rencontrée chez les protéines de fusion
dites de classe II. Par ailleurs, les structures pré et post-fusion ont permis
l’identi cation d’une série d’interrupteurs moléculaires sensibles au pH
et régulant la transition structurale. Ces résultats ainsi que ceux obte-
nus en microscopie électronique permettent de proposer un mécanisme
plausible de déformation des membranes par le virus. Ils invitent aussi à
reconsidérer certains dogmes concernant la fusion virale.
En n, de façon inattendue, il apparaît que la glycoprotéine G de VSV
possède la même architecture que la glycoprotéine gB des herpèsvirus
dont la structure a été résolue simultanément au sein de l’équipe de
Stephen Harrison à Harvard [3]. G et gB sont donc homologues. Cette
découverte a des conséquences importantes sur notre compréhension des
mécanismes d’évolution des virus. Elle suggère fortement que les virus
à ARN négatif peuvent aussi acquérir leurs gènes en les dérobant à la
cellule hôte ou à un autre virus lors d’une co-infection.
1. Roche S, Bressanelli S, Rey FA, Gaudin Y. Crystal structure of the low-pH form
of the vesicular stomatitis virus glycoprotein G. Science 2006 ; 313 : 187-91.
2. Roche S, Rey FA, Gaudin Y, Bressanelli S. Structure of the prefusion form of the
vesicular stomatitis virus glycoprotein G. Science 2007 In press.
3. Heldwein EE, Lou H, Bender FC, Cohen GH, Eisenberg RJ, Harrison SC. Crystal
structure of glycoprotein B from herpes simplex virus 1. Science 2006 ; 313 : 217-20.
Gammarétrovirus, transporteurs de nutriments, et captures
de gènes d’enveloppe
Marc Sitbon
Les Gammarétrovirus, dont le prototype est le virus de la leucémie murine
(MLV), ont un génome dit « simple » enchaînant les séquences gag-pol-
env anquées aux deux extrémités par des longues séquences terminales
répétées (LTR). Le gène env code pour la glycoprotéine d’enveloppe (Env)
dont l’interaction avec un récepteur à la surface cellulaire conditionne la
fusion membranaire et l’entrée infectieuse du virus.
Tous les récepteurs des Gammarétrovirus identi és jusqu’à présent
appartiennent à la famille des protéines multimembranaires. Ceux dont
la fonction a été identi ée sont des transporteurs de nutriments (acides
aminés, phosphate, etc.).
HTLV, un Deltarétrovirus humain au génome dit « complexe », phylo
génétiquement le plus éloigné des MLV, a néanmoins une Env dont la
structure modulaire reproduit celle des Env de Gammarétrovirus. De
même, HTLV Env utilise un transporteur de nutriment comme récepteur, en
l’occurrence GLUT1, le principal transporteur de glucose. D’autres
exemples parmi les rétrovirus de vertébrés et invertébrés suggèrent que
les rétrovirus infectieux aient émergé par incorporation dans le génome
de rétrotransposons de gènes hétérologues codant pour des glycopro-
téines aux capacités fusionnantes (capture d’enveloppe). L’adjonction
d’env aura permis aux rétrovirus infectieux de suivre les voies vésiculai-
res des transporteurs de nutriments, leur permettant d’atteindre la mem-
brane plasmique.
La capture de gènes Env et l’évolution des couples Env-récepteur auraient
ainsi été basées initialement sur la sélection d’interactions qui conduisent
à la « sortie » de rétroéléments viraux endogènes tout en leur permettant
la réinfection par ces mêmes récepteurs.
Ce scénario prédit un rôle majeur des interactions Env-récepteurs dans
l’entrée mais aussi la sortie des rétrovirus.
Immunité antivirale chez les insectes
Jean-Luc Imler
Les maladies virales représentent une menace constante et une cause
importante de mortalité à travers le monde. En outre, plusieurs virus
d’importance médicale sont transmis à l’homme par des vecteurs
arthopodes, en particulier les moustiques. Nous avons développé un
modèle d’étude de la réponse aux infections par les virus à ARN chez
la mouche drosophile. Cet insecte, outre qu’il appartient à l’ordre des
Diptères comme les moustiques, représente un bon modèle pour étudier
les bases génétiques de l’immunité innée, qui constitue le premier rideau
de défense contre les infections chez tous les animaux.
Nous avons montré que les infections virales déclenchent chez la dro-
sophile une réponse différente des infections bactériennes ou fongiques.
Nos données à l’heure actuelle indiquent que les défenses antivirales
impliquent deux types de mécanismes. Nous observons d’une part l’in-
duction d’une réponse transcriptionnelle, dépendant de la voie JAK-
STAT, et conduisant à l’expression de molécules antivirales qui restent
à identi er. D’autre part les ARN viraux sont reconnus par Dicer-2 et
dégradés en siRNA induisant ainsi le mécanisme d’ARN interférence,
qui permet la dégradation des ARN viraux.
Il est frappant de constater que la réponse antivirale de la drosophile évo-
que par certains aspects la signalisation par les interférons des mammi-
fères (voie JAK-STAT) et les défenses antivirales chez les plantes (ARN
interférence).
Immunité antivirale chez les poissons
Abdenour Benmansour et Pierre Boudinot
Les virus des poissons d’intérêt agronomique comme la truite arc-en-ciel
ont été bien étudiés parce qu’ils causent des dommages signi catifs à
l’aquaculture. Des vaccins ont été développés contre différents virus de
poissons, par exemple contre le rhabdovirus responsable de la septicémie
hémorragique virale (vSHV). La protection durable et spéci que assurée
par ces vaccins a montré l’existence d’une réponse ef cace basée sur
les anticorps neutralisants, et d’une mémoire immunitaire. Les virus
induisent cependant aussi des réponses non spéci ques chez les poissons.
Les transcrits induits dans les leucocytes de truite par le vSHV ont été
étudiés par différentes techniques d’analyse différentielle des ARNm. Il
a ainsi été démontré que les gènes induits par l’interféron orchestrent
cette réponse, comme c’est aussi le cas chez les mammifères. Une part de
ces transcrits constitue des orthologues de gènes induits par l’interféron
chez l’homme et la souris, mais d’autres semblent bien spéci ques des
poissons. Par ailleurs, les virus induisent aussi chez les poissons des
réponses cellulaires spéci ques impliquant les lymphocytes T. Une
stratégie de spectratypage des longueurs de jonctions VDJ des transcrits
du TCR a été développée pour l’étude de la réponse anti-vSHV chez
la truite arc-en-ciel. Cette approche a permis d’établir l’existence de
réponses T publiques et privées, et a montré que les réponses T publiques
ciblent essentiellement la glycoprotéine virale. Ainsi, les poissons sont
susceptibles de répondre à leurs virus en activant des mécanismes et
des voies largement conservées chez les vertébrés, mais en suivant des
modalités particulières.
Interaction virus/vecteur :
le couple Grapevine fanleaf virus/Xiphinema index
un modèle de délité
Gérard Demangeat
Sur environ 3500 espèces de nématodes phytophages, seulement
31 sont vectrices de virus. Parmi ces 31 espèces, 18 appartenant au genre
Longidorus, Paralongidorus et Xiphinema sont les vecteurs de 12 des
36 Nepovirus décrits. Pourquoi si peu de nématodes sont-ils capables de
transmettre des virus et pourquoi un nombre limité d’espèces virales du
genre Nepovirus ont-ils comme vecteurs naturels les nématodes ? L’une
de ces raisons réside probablement dans le fait qu’il existe une interaction
très spéci que entre le vecteur et son virus associé. C’est cette spéci cité
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interaction qui fait l’objet de nos travaux de recherche en utilisant comme
modèle : le grapevine fanleaf virus, agent responsable de la maladie du
court–noué de la vigne, et son vecteur associé Xiphinema index.
Le GFLV est présent dans la majorité des vignobles du monde. Il est
transmis spéci quement par X. index de vigne à vigne selon un mode
semi-persistant non circulant et non multipliant. Son génome est composé
de 2 ARN simples brins de polarité positive qui codent chacun pour une
polyprotéine P1 et P2 qui sont ensuite clivées en protéines fonctionnelles.
La polyprotéine P1 est clivée en cis en 5 protéines qui sont essentielle-
ment impliquées dans la réplication des ARN viraux. La polyprotéine P2
est clivée en trans en 3 protéines : la protéine 2AHP (protéine d’adressage
de l’ARN2), la protéine 2BMP (protéine de mouvement) et la protéine
2CCP (protéine de capside).
Les déterminants viraux de la spéci cité de transmission des Nepovirus
sont localisés sur l’ARN2. Pour identi er le ou les gènes viraux impli-
qués dans la spéci cité de la transmission, des ARN2 chimériques ont
été développés en remplaçant les séquences codantes du GFLV par les
séquences correspondantes de l’Arabis mosaic virus (ArMV), un Nepo-
virus qui est transmis spéci quement par Xiphinema diversicaudatum et
non par X. index. L’étude de la transmissibilité des ARN2 chimériques
a montré que seule la 2CCP détermine la spéci cité de transmission du
GFLV par X. index. Sur la base d’un modèle 3D de la capside du GFLV,
trois régions de la CP exposées à l’extérieur, conservées et différentes de
l’ArMV ont été identi ées comme potentiellement impliquées dans l’in-
teraction avec le vecteur. Par mutagenèse dirigée, ces trois domaines ont
été échangés par leur équivalent ArMV. L’étude de la transmissibilité de
ces virus chimériques a montré que le domaine correspondant aux acides
aminés 188-198 de la capside est probablement impliqué dans l’interac-
tion avec le nématode.
Une des caractéristiques de l’association virus/vecteur est sa persistance
dans le temps. Les X. index (adulte et larve) sont capables de survivre et de
garder leurs particules virales pendant au moins 4 ans en l’absence de plan-
te hôte. L’aptitude de six populations de X. index d’origines géographiques
différentes à transmettre deux isolats de GFLV génétiquement différent
suggère une évolution simultanée du nématode et du virus et con rme
l’exclusivité de cette interaction. Cette spéci cité et longévité de l’associa-
tion est étroitement liée à la biologie des nématodes qui ont des cycles de
vie très long, un faible taux de reproduction, des possibilités de survie dans
des biotopes uctuants et au seul hôte naturel commun, la vigne.
Emergence du virus Chikungunya dans l’Océan Indien :
une épidémie inattendue causée par un arbovirus méconnu
I. Schuffenecker, I. Iteman, S. Murri, A. Failloux, S. Brisse, H. Zeller
En 2005-2006, les îles de l’Océan Indien ont connu une épidémie à virus
Chikungunya (Chik) d’une ampleur exceptionnelle. 35 % de la population
réunionnaise (266,000 cas) a été touchée. Des formes cliniques sévères
de la maladie (encéphalopathies, hépatites, myocardites,…) ont été
nouvellement décrites de même que la transmission materno-fœtale
du virus. Les virus isolés à la Réunion, aux Seychelles, à Maurice, à
Mayotte et à Madagascar se sont avérés génétiquement homogènes
et proches des virus africains isolés entre 1952 et 2000 en Afrique de
l’Est, Afrique centrale et Afrique du Sud. L’analyse séquentielle de
89 souches réunionnaises a montré le succès évolutif de la mutation A226V
dans la glycoprotéine E1, absente dans les isolats de début d’épidémie
et présente chez plus de 90 % des patients à partir de septembre 2005.
L’infection expérimentale d’Aedes (Ae.) albopictus réunionnais par les
souches précoces et tardives de l’épidémie a permis de con rmer que
cette mutation A226V conférait un avantage réplicatif chez le moustique.
Si le principal vecteur impliqué dans l’épidémie aux Comores était Ae.
aegypti, en revanche le vecteur principal à la Réunion, à Mayotte, et aux
Seychelles était Ae. albopictus. L’émergence de Chik dans l’Océan Indien
a démontré l’adaptation d’une souche africaine de Chik à Ae.albopictus,
moustique d’origine asiatique, considéré auparavant comme moins
compétent qu’Ae. aegypti pour la transmission du virus Chik. Cette
épidémie illustre le risque d’émergence du virus Chil dans d’autres pays
tropicaux et tempérés où le moustique Ae. albopictus est présent.
Rage, lyssavirus et chauves-souris
Noël Tordo, Corinne Jallet, Chokri Bahloul, Yves Jacob, Hassan Badrane
La rage demeure la zoonose virale la plus meurtrière (estimations de
l’OMS : 55 000 morts/an) et celle dont le taux de mortalité est le plus
élevé. Si la morsure de chien est le mode de transmission le plus classique
de cette encéphalomyélite (> 95 % des cas chez l’homme), les animaux
réservoirs/vecteurs de la maladie sont plus largement disséminés
chez d’autres carnivores et surtout chez les chiroptères. Ainsi, sur les
11 génotypes (GT) de lyssavirus identi és à ce jour, 9 sont transmis
exclusivement par des chauves-souris et 1 seul (GT1 : rage classique)
est transmis soit par des carnivores, soit par des chauves-souris. En
outre, les études phylogénétiques suggèrent fortement que les lyssavirus
émergent et évoluent chez les chiroptères à partir desquels ils sont
transmis (spill-over) et éventuellement s’adaptent (host-switching) à une
espèce carnivore qui devient de ce fait un nouveau vecteur. Plusieurs
observations de terrain confortent cette hypothèse : la plus spectaculaire
s’est produite récemment en Arizona où un variant de chauve-souris
insectivore (Eptesicus fuscus) s’est adapté au putois.
Il a été largement démontré sur tous les continents que l’élimination de
la rage canine par vaccination systématique et contrôle des populations
est le moyen le plus ef cace pour prévenir la rage chez l’homme. Par
ailleurs, le succès des campagnes de vaccination orale pour éliminer la
rage vulpine de l’Europe de l’Ouest est porteur d’espoir pour le contrôle
des autres réservoirs carnivores sauvages dans le monde (renard et chien
viverrin en Europe centrale et orientale ; raton laveur, putois, renard et
mangouste dans les Amériques, etc.). Cependant, il est aujourd’hui im-
possible de contrôler la rage chez les chauves-souris, lesquelles posent
donc un problème plus limité mais persistant de santé publique, sans
compter leur potentiel théorique d’adaptation à de nouveaux réservoirs
carnivores. Ainsi, la majorité des cas humains aux États-Unis impliquent
aujourd’hui des variants de chauve-souris. Même dans les pays où la rage
des carnivores a été éliminée, des lyssavirus continuent de circuler chez
les chauves-souris (en France, plus de 25 chauves-souris positives de-
puis 2000) et peuvent être à l’origine de cas humains (Australie en 1995,
Écosse en 2002).
Des différences fonctionnelles existent entre les GT de lyssavirus au ni-
veau de leur neurotropisme, de leur potentiel apoptotique in vitro et in
vivo, de leur pouvoir pathogène et de leur immunogénicité. Les bases
moléculaires de ces différences commencent à être étudiées, notamment
grâce aux outils de la génétique inverse, de même que les premières in-
fections expérimentales de chauves-souris sont entreprises. En matière
de contrôle, il est important de noter que certains GT transmis par les
chauves-souris en Afrique ou en Europe divergent des souches vacci-
nales et ne sont pas ou sont imparfaitement neutralisés par les anticorps
induits par la vaccination. C’est en particulier le cas des GT2 (Lagos
bat virus), GT3 (Mokola virus) et West Caucasian bat virus qui ne sont
pas neutralisés alors que les GT5 (European bat lyssavirus type 1 ou
EBLV1, circulant notamment chez les chauves-souris en France) et GT6
(EBLV2) ne le sont que partiellement. Il est donc nécessaire d’accroître
le spectre de protection des vaccins antirabiques pour en faire des vac-
cins anti-lyssavirus. Grâce à l’immunisation par ADN nu au moyen d’un
plasmide codant une glycoprotéine chimère entre lyssavirus (fusion des
moitiés NH2 et COOH de deux GT différents), il est possible d’induire
une réponse immune — humorale et cellulaire — ef cace permettant de
protéger les animaux (modèles souris et chien) d’une épreuve avec les
GT parentaux ou voisins. De plus, la glycoprotéine chimérique est capa-
ble de porter des épitopes/antigènes étrangers (non lyssaviraux) dans la
perspective de vaccins multivalents ciblant plusieurs zoonoses.
Nouveaux aspects du traitement antiviral
des hépatites B chroniques
Fabien Zoulim
Malgré le développement de nouvelles options thérapeutiques, le
traitement des hépatites B chroniques demeure un dé clinique. En
effet, un grand nombre de patients ne répond pas à l’interféron pégylé.
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9es journées francophones de virologie
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Des analogues de nucléosides, inhibiteurs de la polymérase virale, ont
été développés (lamivudine, adefovir dipivoxil, entecavir, telbivudine).
Ces agents antiviraux induisent une virosuppression ef cace qui
s’accompagne d’une amélioration des transaminases et de l’histologie
hépatique. Néanmoins, les taux de séroconversion HBe et HBs restent
faibles, nécessitant donc des traitements prolongés. Ces traitements
peuvent sélectionner des virus mutants résistants nécessitant donc un
suivi clinique et virologique rapproché pour dépister les résistances de
façon précoce et adapter le traitement antiviral, avant la détérioration de
la maladie hépatique.
Néanmoins, le développement de ces différentes options thérapeutiques a
permis d’améliorer, très signi cativement, la prise en charge des patients
atteints d’hépatite B chronique et de prévenir, ou retarder, l’aggravation
de la maladie hépatique chez la majorité d’entre eux.
Immunothérapie des porteurs chroniques du virus de l’hépatite B
par vaccination spéci que
Marie-Louise Michel
L’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) est un problème majeur
de santé publique avec plus de 370 millions de porteurs chroniques
de ce virus dans le monde. Le virus de l’hépatite B est responsable de
maladies chroniques du foie pouvant évoluer vers des cirrhoses et des
hépatocarcinomes. Chez les porteurs chroniques du VHB, l’ef cacité
thérapeutique de l’interféron et des antiviraux n’est que partielle et
doit faire face aux problèmes de résistance ou de mutations du virus.
Après infection par le VHB, l’évolution de la maladie est dépendante
des interactions entre le virus et le système immunitaire de l’hôte. La
guérison est associée à une forte réponse humorale et cellulaire, avec
une réponse T multispéci que et polyclonale, alors que chez les porteurs
chroniques la persistance virale est corrélée à une réponse immunitaire
faible et de spéci cité antigénique très restreinte. Différentes stratégies
de vaccination thérapeutique ont été proposées pour activer ou ampli er
les réponses T dé cientes chez les porteurs chroniques du VHB et aboutir
au contrôle de l’infection.
Des résultats obtenus dans un modèle animal des porteurs chroniques du
VHB, ont permis de proposer la vaccination génétique comme approche
thérapeutique pour le traitement de la maladie chronique chez l’homme.
Dans un essai clinique de phase I, nous avons testé l’innocuité et
l’immunogénicité d’un vaccin génétique anti-hépatite B chez 10 patients
ayant une hépatite chronique active et n’ayant pas répondu aux traitements
anti-viraux classiques. Chaque patient a reçu 4 injections intramusculaires
de 1 mg d’ADN codant pour les protéines d’enveloppe du VHB. Aucune
réaction adverse n’a été notée suite aux injections d’ADN. Après vacci-
nation, des cellules T (CD4+ et CD8+) sécrétant de l’IFN- et spéci ques
de l’enveloppe virale ont été mises en évidence chez tous les patients. La
cartographie des épitopes reconnus et la séquence des virus présents chez
les patients a montré que les réponses détectées était bien dues au vaccin
injecté. Ces résultats montrent que la vaccination génétique est capable de
restaurer des réponses cellulaires restreintes aux molécules du CMH de
classes I et II chez les porteurs chroniques du VHB.
Néanmoins des améliorations sont possibles pour augmenter l’ef cacité
de ces approches en les combinant par exemple à l’injection de cytokines
ou à des traitements antiviraux.
Répliquer ou transcrire, voilà une question à poser à l’ARN
polymérase d’un Paramyxovirus
Laurent Roux
L’ARN polymérase des virus dont le génome est composé d’ARN simple
brin de polarité négative est engagée dans deux événements de synthèse
d’ARN bien distincts, la production d’ARN messagers et la réplication du
génome. Ces deux opérations, si elles sont initiées à des sites différents
sur la matrice, n’imposent pas moins la nécessité de reconnaître dans un
premier temps des séquences promotrices qui risquent d’être communes,
par exemple celles impliquées dans la liaison de la polymérase à l’extrémité
3’OH de la matrice. Pour les Paramyxovirinae, membres de famille des
Paramyxoviridae, ces séquences promotrices paraissent entremêlées
puisque le signal d’initiation de transcription se trouve anqué de deux
régions montrées essentielles pour la réplication. Dès lors des questions se
posent concernant la spéci cité de ces séquences. Par ailleurs, le génome
actif est ici l’ARN étroitement associé aux sous-unités de la protéine N,
formant une nucléocapside compacte dans laquelle l’ARN est résistant
aux nucléases et les bases ribonucléotidiques sont dif cilement accessibles
aux solvants. Dès lors, la question de savoir comment l’ARN polymérase
reconnaît les séquences promotrices s’ajoute. Pour les Paramyxovirinae
cette question se pose dans le contexte de la règle de six qui veut que le
nombre total de nucléotides d’un génome soit un multiple de six, et de
son corollaire qui voit chaque protéine N interagir avec exactement six
nucléotides. Plus que simplement apporter des renseignements descriptifs,
les réponses à ces questions permettent d’élaborer sur les mécanismes qui
prévalent dans la régulation des deux activités de synthèse d’ARN.
Assemblage et entrée des birnavirus
Bernard Delmas
Les virus à ARN double brin (ARNdb) sont des particules
transcriptionnellement actives qui doivent traverser une bicouche lipidique
pour fonctionner dans la cellule cible. Les birnavirus sont uniques dans le
monde des virus à ARNdb puisqu’ils ne possèdent qu’une seule couche
protéique icosaédrique de triangulation T = 13 compétente pour l’entrée
dans la cellule et la transcription. Nous avons caractérisé la structure des
particules virales et déterminé comment leurs constituants s’assemblent
et assurent le passage à travers une membrane de la particule virale. La
maturation de la polyprotéine virale a été caractérisée et la structure
atomique de la protéase virale qui possède une dyade catalytique atypique,
élucidée. L’utilisation de l’outil de la génétique reverse, d’un système
d’expression recombinante adéquat et la détermination de la structure
atomique de la protéine de capside nous ont permis de déterminer les
quelques éléments structuraux discrets contrôlant l’assemblage des
260 trimères de la protéine de capside et d’identi er quelques étapes clés
de l’assemblage. De plus, nous avons montré que la pénétration dans la
cellule du virus est liée à un peptide structural (pep46) qui est capable
de former des pores dans une membrane biologique. Cette propriété est
liée à la présence d’une hélice alpha-amphipatique dans son domaine
N-ter et à une proline capable de s’isomériser dans un environnement
lipidique. Le recrutement du peptide est contrôlé par la concentration en
ions divalents du milieu. Nous proposons un modèle de la pénétration
des birnavirus dans les cellules qui possède des similarités avec l’entrée
d’autres virus non enveloppés.
Mécanismes d’émergence de viroses de plantes tropicales
Denis Fargette
Les maladies virales des plantes sont particulièrement dommageables dans
les régions tropicales qui dépendent étroitement de l’agriculture pour leur
subsistance. Les conséquences agronomiques, écologiques et économiques
de trois d’entre elles le cacao swollen shoot, la mosaïque du manioc, la
panachure jaune du riz seront décrites. Il s’agit de trois maladies virales
émergentes. Or, les mécanismes d’émergence des maladies virales des
plantes sont mal compris. Une étude comparative et expérimentale du virus
de la panachure jaune du riz (rice yellow mottle sobémovirus ou RYMV)
dévoile les caractéristiques historiques, géographiques, épidémiques
et génétiques de l’émergence d’un phytovirus à ARN transmis par
coléoptère. Le taux de substitution nucléotidique (par site et par an) du
RYMV a été estimé par inférence bayésienne à partir des séquences d’une
large collection d’isolats prélevés tout au long de l’histoire épidémique
du virus (40 ans). Ce taux de changement, la première estimation chez un
phytovirus, a été comparé à ceux d’un ensemble de virus à ARN animaux
et humains. Le taux de substitution permet, dans chaque région d’Afrique,
d’estimer la date d’apparition, d’évaluer la vitesse de dispersion, et de
reconstituer les cycles épidémiques du virus. L’émergence du RYMV sur
le riz cultivé s’est faite à partir de graminées sauvages. Expérimentalement,
nous avons montré que le RYMV est capable de s’adapter rapidement à des
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9es journées francophones de virologie
S9
Virologie, Vol. 11, numéro spécial, avril 2007
hôtes nouveaux. Nous avons identi é les bases génétiques de l’émergence
et déterminé les chemins mutationnels génériques et/ou spéci ques suivis
par les différentes souches virales. Les similarités entre les mécanismes
d’émergence des maladies virales animales et végétales seront soulignées.
La bluetongue émergence en Europe du Nord
Emmanuel Albina
La èvre catarrhale ovine ou bluetongue est une maladie virale non
contagieuse du mouton, transmise par piqûres de Culicoides, diptères
hématophages. La maladie est due à un orbivirus appartenant à la
famille des Reoviridae. Le génome viral est constitué de 10 segments
d’ARN bicaténaires, protégé par une capside virale protéique à symétrie
icosaédrique non enveloppée. Il existe à l’heure actuelle, 24 sérotypes
distincts de ce virus, chacun induisant une faible immunité protectrice
contre les autres sérotypes. Si classiquement, seul le mouton exprime
la maladie après infection (hyperthermie, congestion des muqueuses et
cyanose de la langue) les bovins, caprins et autres ruminants sauvages
peuvent être infectés, mais expriment rarement la maladie. Autrefois
cantonnée entre les 30 et 40es parallèles sud et les 40 et 50es parallèles
nord, l’infection s’est récemment étendue vers le sud de l’Europe (Italie,
Espagne, Portugal, Corse) puis vers le nord (Benelux, Allemagne et
France). En 2006 et jusqu’au 19 janvier 2007, 2332 foyers ont été
déclarés dans toute l’Europe, dont 695 en Belgique, 914 en Allemagne
et 459 aux Pays-Bas pour les seuls six derniers mois. La raison de cette
extension en Europe est double, la remontée d’un vecteur tropical vers
le sud de l’Europe et l’adaptation du virus à de nouveaux vecteurs non
encore identi és mais pérennes en Europe septentrionale. La lutte contre
la maladie repose sur l’utilisation de vaccins à virus atténué ou inactivé
(un vaccin contre chaque sérotype) et la détection et l’élimination rapide
des foyers introduits dans une zone indemne.
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