9es journées francophones de virologie
S7
Virologie, Vol. 11, numéro spécial, avril 2007
interaction qui fait l’objet de nos travaux de recherche en utilisant comme
modèle : le grapevine fanleaf virus, agent responsable de la maladie du
court–noué de la vigne, et son vecteur associé Xiphinema index.
Le GFLV est présent dans la majorité des vignobles du monde. Il est
transmis spécifi quement par X. index de vigne à vigne selon un mode
semi-persistant non circulant et non multipliant. Son génome est composé
de 2 ARN simples brins de polarité positive qui codent chacun pour une
polyprotéine P1 et P2 qui sont ensuite clivées en protéines fonctionnelles.
La polyprotéine P1 est clivée en cis en 5 protéines qui sont essentielle-
ment impliquées dans la réplication des ARN viraux. La polyprotéine P2
est clivée en trans en 3 protéines : la protéine 2AHP (protéine d’adressage
de l’ARN2), la protéine 2BMP (protéine de mouvement) et la protéine
2CCP (protéine de capside).
Les déterminants viraux de la spécifi cité de transmission des Nepovirus
sont localisés sur l’ARN2. Pour identifi er le ou les gènes viraux impli-
qués dans la spécifi cité de la transmission, des ARN2 chimériques ont
été développés en remplaçant les séquences codantes du GFLV par les
séquences correspondantes de l’Arabis mosaic virus (ArMV), un Nepo-
virus qui est transmis spécifi quement par Xiphinema diversicaudatum et
non par X. index. L’étude de la transmissibilité des ARN2 chimériques
a montré que seule la 2CCP détermine la spécifi cité de transmission du
GFLV par X. index. Sur la base d’un modèle 3D de la capside du GFLV,
trois régions de la CP exposées à l’extérieur, conservées et différentes de
l’ArMV ont été identifi ées comme potentiellement impliquées dans l’in-
teraction avec le vecteur. Par mutagenèse dirigée, ces trois domaines ont
été échangés par leur équivalent ArMV. L’étude de la transmissibilité de
ces virus chimériques a montré que le domaine correspondant aux acides
aminés 188-198 de la capside est probablement impliqué dans l’interac-
tion avec le nématode.
Une des caractéristiques de l’association virus/vecteur est sa persistance
dans le temps. Les X. index (adulte et larve) sont capables de survivre et de
garder leurs particules virales pendant au moins 4 ans en l’absence de plan-
te hôte. L’aptitude de six populations de X. index d’origines géographiques
différentes à transmettre deux isolats de GFLV génétiquement différent
suggère une évolution simultanée du nématode et du virus et confi rme
l’exclusivité de cette interaction. Cette spécifi cité et longévité de l’associa-
tion est étroitement liée à la biologie des nématodes qui ont des cycles de
vie très long, un faible taux de reproduction, des possibilités de survie dans
des biotopes fl uctuants et au seul hôte naturel commun, la vigne.
Emergence du virus Chikungunya dans l’Océan Indien :
une épidémie inattendue causée par un arbovirus méconnu
I. Schuffenecker, I. Iteman, S. Murri, A. Failloux, S. Brisse, H. Zeller
En 2005-2006, les îles de l’Océan Indien ont connu une épidémie à virus
Chikungunya (Chik) d’une ampleur exceptionnelle. 35 % de la population
réunionnaise (266,000 cas) a été touchée. Des formes cliniques sévères
de la maladie (encéphalopathies, hépatites, myocardites,…) ont été
nouvellement décrites de même que la transmission materno-fœtale
du virus. Les virus isolés à la Réunion, aux Seychelles, à Maurice, à
Mayotte et à Madagascar se sont avérés génétiquement homogènes
et proches des virus africains isolés entre 1952 et 2000 en Afrique de
l’Est, Afrique centrale et Afrique du Sud. L’analyse séquentielle de
89 souches réunionnaises a montré le succès évolutif de la mutation A226V
dans la glycoprotéine E1, absente dans les isolats de début d’épidémie
et présente chez plus de 90 % des patients à partir de septembre 2005.
L’infection expérimentale d’Aedes (Ae.) albopictus réunionnais par les
souches précoces et tardives de l’épidémie a permis de confi rmer que
cette mutation A226V conférait un avantage réplicatif chez le moustique.
Si le principal vecteur impliqué dans l’épidémie aux Comores était Ae.
aegypti, en revanche le vecteur principal à la Réunion, à Mayotte, et aux
Seychelles était Ae. albopictus. L’émergence de Chik dans l’Océan Indien
a démontré l’adaptation d’une souche africaine de Chik à Ae.albopictus,
moustique d’origine asiatique, considéré auparavant comme moins
compétent qu’Ae. aegypti pour la transmission du virus Chik. Cette
épidémie illustre le risque d’émergence du virus Chil dans d’autres pays
tropicaux et tempérés où le moustique Ae. albopictus est présent.
Rage, lyssavirus et chauves-souris
Noël Tordo, Corinne Jallet, Chokri Bahloul, Yves Jacob, Hassan Badrane
La rage demeure la zoonose virale la plus meurtrière (estimations de
l’OMS : 55 000 morts/an) et celle dont le taux de mortalité est le plus
élevé. Si la morsure de chien est le mode de transmission le plus classique
de cette encéphalomyélite (> 95 % des cas chez l’homme), les animaux
réservoirs/vecteurs de la maladie sont plus largement disséminés
chez d’autres carnivores et surtout chez les chiroptères. Ainsi, sur les
11 génotypes (GT) de lyssavirus identifi és à ce jour, 9 sont transmis
exclusivement par des chauves-souris et 1 seul (GT1 : rage classique)
est transmis soit par des carnivores, soit par des chauves-souris. En
outre, les études phylogénétiques suggèrent fortement que les lyssavirus
émergent et évoluent chez les chiroptères à partir desquels ils sont
transmis (spill-over) et éventuellement s’adaptent (host-switching) à une
espèce carnivore qui devient de ce fait un nouveau vecteur. Plusieurs
observations de terrain confortent cette hypothèse : la plus spectaculaire
s’est produite récemment en Arizona où un variant de chauve-souris
insectivore (Eptesicus fuscus) s’est adapté au putois.
Il a été largement démontré sur tous les continents que l’élimination de
la rage canine par vaccination systématique et contrôle des populations
est le moyen le plus effi cace pour prévenir la rage chez l’homme. Par
ailleurs, le succès des campagnes de vaccination orale pour éliminer la
rage vulpine de l’Europe de l’Ouest est porteur d’espoir pour le contrôle
des autres réservoirs carnivores sauvages dans le monde (renard et chien
viverrin en Europe centrale et orientale ; raton laveur, putois, renard et
mangouste dans les Amériques, etc.). Cependant, il est aujourd’hui im-
possible de contrôler la rage chez les chauves-souris, lesquelles posent
donc un problème plus limité mais persistant de santé publique, sans
compter leur potentiel théorique d’adaptation à de nouveaux réservoirs
carnivores. Ainsi, la majorité des cas humains aux États-Unis impliquent
aujourd’hui des variants de chauve-souris. Même dans les pays où la rage
des carnivores a été éliminée, des lyssavirus continuent de circuler chez
les chauves-souris (en France, plus de 25 chauves-souris positives de-
puis 2000) et peuvent être à l’origine de cas humains (Australie en 1995,
Écosse en 2002).
Des différences fonctionnelles existent entre les GT de lyssavirus au ni-
veau de leur neurotropisme, de leur potentiel apoptotique in vitro et in
vivo, de leur pouvoir pathogène et de leur immunogénicité. Les bases
moléculaires de ces différences commencent à être étudiées, notamment
grâce aux outils de la génétique inverse, de même que les premières in-
fections expérimentales de chauves-souris sont entreprises. En matière
de contrôle, il est important de noter que certains GT transmis par les
chauves-souris en Afrique ou en Europe divergent des souches vacci-
nales et ne sont pas ou sont imparfaitement neutralisés par les anticorps
induits par la vaccination. C’est en particulier le cas des GT2 (Lagos
bat virus), GT3 (Mokola virus) et West Caucasian bat virus qui ne sont
pas neutralisés alors que les GT5 (European bat lyssavirus type 1 ou
EBLV1, circulant notamment chez les chauves-souris en France) et GT6
(EBLV2) ne le sont que partiellement. Il est donc nécessaire d’accroître
le spectre de protection des vaccins antirabiques pour en faire des vac-
cins anti-lyssavirus. Grâce à l’immunisation par ADN nu au moyen d’un
plasmide codant une glycoprotéine chimère entre lyssavirus (fusion des
moitiés NH2 et COOH de deux GT différents), il est possible d’induire
une réponse immune — humorale et cellulaire — effi cace permettant de
protéger les animaux (modèles souris et chien) d’une épreuve avec les
GT parentaux ou voisins. De plus, la glycoprotéine chimérique est capa-
ble de porter des épitopes/antigènes étrangers (non lyssaviraux) dans la
perspective de vaccins multivalents ciblant plusieurs zoonoses.
Nouveaux aspects du traitement antiviral
des hépatites B chroniques
Fabien Zoulim
Malgré le développement de nouvelles options thérapeutiques, le
traitement des hépatites B chroniques demeure un défi clinique. En
effet, un grand nombre de patients ne répond pas à l’interféron pégylé.
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