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convictions, des valeurs et croyances personnelles plus ou moins décalées vis-à-vis des
normes et des prescriptions institutionnelles. Pour leur part, les chercheurs, souvent
pour répondre aux besoins des enseignants et des institutions, tentent d’articuler
modélisation et contextualisation, mettant ainsi au jour les tensions et les contradictions
des points de vue cognitifs, subjectifs et pédagogiques. La mise en relation entre les
sujets, les cultures éducatives et la ou les cultures didactiques opère en effet sur
plusieurs échelles, parfois incommensurables (voir par exemple la diffusion du CECRL).
Comment alors mesurer les conséquences de ces choix didactiques ? Quelle
responsabilité scientifique pour la recherche en didactique des langues ?
À ce premier tableau brossé à grands traits, il faut ajouter l’un des moteurs de la
didactique des langues, avant même qu’elle n’apparaisse comme une discipline
constituée académiquement, l’usage des « nouvelles » technologies qui l’enrichit de
manière régulière. On ne peut en effet ignorer le rôle fondamental qu’ont toujours joué
les machines dans les méthodologies de l’enseignement des langues depuis la fin du XIXe
siècle. Ces évolutions technologiques peuvent aussi donner lieu sur le plan
méthodologique à une sorte de querelle des anciens et des modernes. Mais de manière
plus profonde, et au-delà des clivages linguistiques entre didactiques (anglais vs.
français), ce sont aussi les théories sémiotiques et anthropologiques qui peuvent entrer
en tension avec des théories cognitives. Y a-t-il, comme en médecine, une éthique propre
à cette configuration didactique contemporaine où technologie, méthodologie et
théories cognitives se côtoient ?
Au centre de ces problématiques, se trouvent la réflexion sur la conception du
sujet, de la personne et l’ensemble des valeurs qu’elle implique, mais aussi celle sur les
conditions de la transmission des langues et des cultures.
Au moment où les modèles de société sont bouleversés, où les inégalités de tous
ordres s’accentuent, où les paradigmes de la mobilité et du projet sont valorisés, où les
langues et les cultures jouent un rôle important dans les constructions identitaires, où
les méthodologies d’enseignement et d’apprentissage des langues et les institutions de
diffusion sont concurrentielles, il est important de continuer de s’interroger sur le type
d’éthique dans laquelle se situe la didactique des langues et vers quel type de
responsabilité elle engage ses différents acteurs. Cette réflexion revêt un caractère
politique essentiel qui peut précisément permettre à ces différents acteurs de
s’approprier de manière responsable et libre une discipline aux contours idéologiques
très larges, mais où conflits, dilemmes et paradoxes sont souvent présents sur les
différents terrains.
C’est à partir de ces premiers questionnements que les diverses contributions à ce
colloque se positionneront. Elles pourront aborder la réflexion sous l’angle des
thématiques et points de vue suivants, sans pour autant que la liste ne soit exhaustive :
Historicité, contexte, modèles, politiques linguistiques : comment comprendre
l’influence des contextes socio-historiques et des institutions (cultures
linguistiques et éducatives, Institutions de la francophonie, etc..) sur le paradigme
épistémologique de la didactique des langues ? Quelles idéologies sont à l’œuvre
dans la production de ces connaissances ? Quelles responsabilités pour les
chercheurs et les enseignants dans leur diffusion ? Quel rôle joue - ou devrait
jouer- « le français » dans la production des connaissances en DDL ?