Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique N°52 : Avril 2004 La loi américaine reconnaît la personnalité juridique au foetus in utero La loi sur les victimes non nées vient d’être signée par le président Bush 1. La loi qui vient d’être adoptée aux Etats-Unis définit comme un crime séparé le préjudice subi par le fœtus lors d’une agression contre une femme enceinte. L’agresseur qui commet un crime violent contre une femme enceinte peut donc être poursuivi pour deux infractions : à l’égard de la femme et à l’égard de l’enfant qu’elle porte. Ce texte définit l’enfant non né comme « un membre de l’espèce Homo sapiens, à quelque stade de développement que ce soit, porté dans l’uterus ». 1 - Public Law n° 108-212 du 1er avril 2004 Naissance d’une souris par parthénogenèse ? Après le clonage, la gynogénie Une équipe de chercheurs japonais vient d'annoncer la naissance d'une souris issue de cellules provenant de deux souris femelles1: son génome est composé de deux jeux de chromosomes d'origine maternelle, un jeu prélevé dans un ovule "normal" et un jeu provenant d'un ovule d'une autre souris génétiquement modifiée. Cette technique a été baptisée "gynogénie"; certains parlent de parthénogenèse. S'agit-il de parthénogenèse ? Normalement, les mammifères n'ont pas la possibilité de se reproduire sans le concours d'un mâle. Tout se passe comme si les gènes présents sur les chromosomes maternels et ceux portés par les chromosomes paternels ont des rôles différents et complémentaires, absolument nécessaires au développement embryonnaire. Ce phénomène est une manifestation de l'empreinte parentale. C'est cette empreinte génomique que Tomohiro Kono a tenté de court-circuiter dans l'espoir de mettre au monde la première souris parthénogénique. Pour cela le chercheur a utilisé une femelle souris génétiquement modifiée. L'animal a subi un véritable travestissement l'amenant à afficher, en dépit de son sexe, un patrimoine génétique ressemblant à celui d'un mâle. Les scientifiques ont prélevé un jeu de chromosomes dans un ovule de cette souris et ont implanté ce matériel génétique "asexué" dans un ovule mature d'une souris normale. Deux souris ont ainsi vu le jour. "Si ce travail constitue une prouesse technique, on ne peut en effet pas dire qu'il s'agisse de parthénogenèse dans la mesure où les noyaux reconstruits comportent les génomes de deux animaux distincts " souligne Andras Paldi, épigénéticien au Généthon d'Evry. En revanche cette expérience confirme " le rôle majeur de l'empreinte génomique parentale dans l'impossibilité de créer un mammifère sans fécondation " ajoute t-il. "Il est désormais clair que l'empreinte fonctionne chez les mammifères comme une sorte de verrou qui empêche la reproduction asexuée" estime Jean-Pierre Ozil, spécialiste de l'activation ovocytaire à l'Institut national de la recherche agronomique "mais on est encore loin de savoir s'il existe un moyen de la contourner pour aboutir, sans féconder un ovocyte par une autre cellule femelle, à une véritable parthénogenèse". 1 - Nature, 22 avril 2004 Le juge et la destruction accidentelle des embryons Les faits Un couple avait confié des embryons conçus dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation au CHU d’Amiens à fins de conservation. Une fissure dans la bonbonne d’azote liquide dans laquelle ils étaient conservés a entraîné leur destruction accidentelle et le tribunal administratif d’Amiens vient de se prononcer sur la réparation du préjudice allégué par les parents 1. Le préjudice indemnisable Le tribunal s’est d’abord opposé à l’indemnisation du préjudice matériel en se fondant sur l’article 16-1 du code civil (« le corps humain, ses éléments et produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ») et décidant en conséquence que les embryons ne peuvent se voir reconnaître une valeur pécuniaire, économique ou marchande. Gènéthique - n°52 – Avril 2004 Les magistrats ont ensuite refusé d’admettre le préjudice moral du fait que les "ovocytes fécondés ne sont pas des personnes" et qu’il ne peut donc s’agir de la perte d’êtres chers. Pourtant la jurisprudence reconnaît tout à fait la réparation du préjudice moral lorsqu’il s’agit de la perte d’un animal…C’est finalement pour des « troubles divers dans leurs conditions d’existence » que le couple s’est vu alloué la somme de 10 000 euros. Comme le remarque le Professeur Bertrand Mathieu « la décision d’Amiens nie toute reconnaissance à l’embryon in vitro. Or les textes internationaux reconnaissent l’embryon comme un être humain, et le droit français lui accorde une protection, au nom du principe de dignité. Il aurait donc été possible d’imaginer un préjudice moral pour perte d’un être humain. » 2 1- TA Amiens, 2è chambre, 9 mars 2004, n° 021451 2 - Cité dans la Croix du 21 avril 2004 La loi italienne encadre les procréations médicalement assistées Après avoir fait la une de l’actualité avec ses grand-mères porteuses et ses mères ménopausées, l’Italie encadre les conditions du recours à l’AMP et prévoit des mesures de protection de l’embryon 1. Conditions d’accès à l'AMP* Ces conditions d'accès sont définies dans les articles 4 et 5. - Un couple parental : le couple doit être constitué de personnes majeures, de sexe différent, mariées ou concubines, potentiellement fertiles et toutes deux vivantes. Sont donc interdits l’insémination ou le transfert d’embryon post-mortem et l’accès à l’assistance médicale à la procréation pour des femmes ménopausées ou des couples homosexuels. - Interdiction des PMA (procréations médicalement assistées) hétérologues. Est interdit le recours aux techniques de PMA de type hétérologue, ce qui exclut le don de gamètes, les mères porteuses et tout don d’embryon surnuméraire. On rappellera qu’en France, si la maternité de substitution est interdite, le don de sperme et le don d’embryon surnuméraire à un autre couple infertile sont tout à fait possibles, à condition d’être gratuits et de faire l’objet d’un consentement des deux membres du couple. Les sanctions (art. 12) encourues sont très lourdes. Quiconque utilise à des fins procréatives des gamètes étrangers au couple (Fivete hétérologue) est puni de 300 000 à 600 000 euros d’amende. Quiconque réalise, organise ou fait la publicité pour la commercialisation des gamètes ou des embryons ou la maternité de substitution est puni de 3 mois à 2 ans de prison et 600 000 à 1 million d’euros d’amende. - Au regard du droit de la filiation (art. 8 et 9), la loi précise que les parents d’un enfant né par assistance médicale à la procréation ne pourront ni accoucher sous X ni, pour le père, refuser la paternité, ceci même en cas de recours à une AMP hétérologue (don de sperme) en violation de la loi. L’enfant ne peut avoir que le statut d’enfant légitime ou naturel du couple qui a recouru à l’AMP. Protection de l’embryon - Expérimentation interdite sur les embryons (art.13). Sont interdits dans tous les cas : - la production d’embryons humains à des fins de recherche ; - toutes formes de sélection des embryons et des gamètes à des fins eugéniques par des interventions qui, par le biais de techniques de sélection, de manipulation ou par quelque procédé artificiel, sont destinées à altérer le patrimoine génétique de l’embryon ou du gamète, à prédéterminer des caractéristiques, à l’exception des interventions à finalité diagnostique ou thérapeutique. - Interdiction du clonage (art.13). Sont interdits le clonage par transfert de noyau, la scission précoce de l’embryon ou l’ectogénèse, que ce soit à des fins de procréation ou de recherche. Le clonage embryonnaire dit reproductif ou thérapeutique est puni de 10 à 20 ans de prison et de 600 000 à 1 million d’euros d’amende ; le médecin est puni de l’interdiction d’exercice à vie. - La cryoconservation et la destruction des embryons est interdite (art. 14). Le nombre d’embryons produits ne devra pas être supérieur à ce qui est nécessaire pour une implantation immédiate et contemporaine, en général pas plus de trois. Lorsque l’implantation dans l’utérus n’est pas possible pour des raisons de force majeure dues à l’état de santé de la mère et imprévisibles au moment de la fécondation, la cryoconservation est possible jusqu’à la date du transfert, à réaliser dès que possible. La réduction embryonnaire en cas de grossesse multiple est en principe interdite. La violation de ces interdictions est punie jusqu’à trois ans de prison et de 50 000 à 150 000 euros d’amende. La cryoconservation des gamètes est en revanche possible. Par comparaison, rappelons qu’en France, la loi ne prévoit pas de limiter le nombre d’ovocytes à féconder in vitro ; la pratique aboutit donc à la conception d’embryons surnuméraires et souvent à leur congélation dans l’attente du sort qui leur sera réservé selon le projet parental en cours. Après tous les excès qu’a connus l’Italie en ce domaine, il semble que ce pays s’engage sur la voie d’un encadrement plus rigoureux que beaucoup de ses voisins européens. AMP* : assistance médicale à la procréation. 1- Loi du 19 février 2004 « « Règles en matière de procréation médicalement assistée » Gazetta Ufficiale du 24/02/ 2004 Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune – 31 rue Galande 75005 Paris. Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné ; Rédacteur en chef : Aude Dugast Contact : Aude Dugast - [email protected] - Tel : 01.55.42.55.14 Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 – 49 89 Gènéthique - n°52 – Avril 2004 Gènéthique - n°52 – Avril 2004