Gènéthique - n°52 – Avril 2004
Les magistrats ont ensuite refusé
d’admettre le préjudice moral du fait
que les "ovocytes fécondés ne sont
pas des personnes" et qu’il ne peut
donc s’agir de la perte d’êtres chers.
Pourtant la jurisprudence reconnaît tout
à fait la réparation du préjudice moral
lorsqu’il s’agit de la perte d’un
animal…C’est finalement pour des
« troubles divers dans leurs conditions
d’existence » que le couple s’est vu
alloué la somme de 10 000 euros.
Comme le remarque le Professeur
Bertrand Mathieu « la décision
d’Amiens nie toute reconnaissance à
l’embryon in vitro. Or les textes
internationaux reconnaissent l’embryon
comme un être humain, et le droit
français lui accorde une protection, au
nom du principe de dignité. Il aurait
donc été possible d’imaginer un
préjudice moral pour perte d’un être
humain. » 2
1- TA Amiens, 2è chambre, 9 mars 2004,
n° 021451
2 - Cité dans la Croix du 21 avril 2004
La loi italienne encadre les procréations médicalement assistées
Après avoir fait la une de l’actualité
avec ses grand-mères porteuses et ses
mères ménopausées, l’Italie encadre
les conditions du recours à l’AMP et
prévoit des mesures de protection de
l’embryon 1.
Conditions d’accès à l'AMP*
Ces conditions d'accès sont définies
dans les articles 4 et 5.
- Un couple parental : le couple doit
être constitué de personnes majeures,
de sexe différent, mariées ou
concubines, potentiellement fertiles et
toutes deux vivantes. Sont donc
interdits l’insémination ou le transfert
d’embryon post-mortem et l’accès à
l’assistance médicale à la procréation
pour des femmes ménopausées ou des
couples homosexuels.
- Interdiction des PMA (procréations
médicalement assistées) hétérologues.
Est interdit le recours aux techniques
de PMA de type hétérologue, ce qui
exclut le don de gamètes, les mères
porteuses et tout don d’embryon
surnuméraire. On rappellera qu’en
France, si la maternité de substitution
est interdite, le don de sperme et le don
d’embryon surnuméraire à un autre
couple infertile sont tout à fait
possibles, à condition d’être gratuits et
de faire l’objet d’un consentement des
deux membres du couple.
Les sanctions (art. 12) encourues sont
très lourdes. Quiconque utilise à des
fins procréatives des gamètes
étrangers au couple (Fivete
hétérologue) est puni de 300 000 à 600
000 euros d’amende. Quiconque
réalise, organise ou fait la publicité pour
la commercialisation des gamètes ou
des embryons ou la maternité de
substitution est puni de 3 mois à 2 ans
de prison et 600 000 à 1 million d’euros
d’amende.
- Au regard du droit de la filiation
(art. 8 et 9), la loi précise que les
parents d’un enfant né par assistance
médicale à la procréation ne pourront ni
accoucher sous X ni, pour le père,
refuser la paternité, ceci même en cas
de recours à une AMP hétérologue
(don de sperme) en violation de la loi.
L’enfant ne peut avoir que le statut
d’enfant légitime ou naturel du couple
qui a recouru à l’AMP.
Protection de l’embryon
- Expérimentation interdite sur les
embryons (art.13).
Sont interdits dans tous les cas :
- la production d’embryons humains à
des fins de recherche ;
- toutes formes de sélection des
embryons et des gamètes à des fins
eugéniques par des interventions qui,
par le biais de techniques de sélection,
de manipulation ou par quelque
procédé artificiel, sont destinées à
altérer le patrimoine génétique de
l’embryon ou du gamète, à
prédéterminer des caractéristiques, à
l’exception des interventions à finalité
diagnostique ou thérapeutique.
- Interdiction du clonage (art.13).
Sont interdits le clonage par transfert
de noyau, la scission précoce de
l’embryon ou l’ectogénèse, que ce soit
à des fins de procréation ou de
recherche. Le clonage embryonnaire dit
reproductif ou thérapeutique est puni
de 10 à 20 ans de prison et de 600 000
à 1 million d’euros d’amende ; le
médecin est puni de l’interdiction
d’exercice à vie.
- La cryoconservation et la
destruction des embryons est
interdite (art. 14).
Le nombre d’embryons produits ne
devra pas être supérieur à ce qui est
nécessaire pour une implantation
immédiate et contemporaine, en
général pas plus de trois. Lorsque
l’implantation dans l’utérus n’est pas
possible pour des raisons de force
majeure dues à l’état de santé de la
mère et imprévisibles au moment de la
fécondation, la cryoconservation est
possible jusqu’à la date du transfert, à
réaliser dès que possible. La réduction
embryonnaire en cas de grossesse
multiple est en principe interdite. La
violation de ces interdictions est punie
jusqu’à trois ans de prison et de 50 000
à 150 000 euros d’amende. La
cryoconservation des gamètes est en
revanche possible.
Par comparaison, rappelons qu’en
France, la loi ne prévoit pas de limiter
le nombre d’ovocytes à féconder in
vitro ; la pratique aboutit donc à la
conception d’embryons surnuméraires
et souvent à leur congélation dans
l’attente du sort qui leur sera réservé
selon le projet parental en cours.
Après tous les excès qu’a connus
l’Italie en ce domaine, il semble que ce
pays s’engage sur la voie d’un
encadrement plus rigoureux que
beaucoup de ses voisins européens.
AMP* : assistance médicale à la
procréation.
1- Loi du 19 février 2004 « « Règles en
matière de procréation médicalement
assistée » Gazetta Ufficiale du 24/02/ 2004
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune – 31 rue Galande 75005 Paris.
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné ; Rédacteur en chef : Aude Dugast
Contact : Aude Dugast - adugast@fondationlejeune.org - Tel : 01.55.42.55.14 Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 – 49 89