l`ophtalmologie du cheval - Clinique Vétérinaire Equine de Méheudin

CLINIQUE EQUINE MÈHEUDIN !1
L’OPHTALMOLOGIE DU CHEVAL
Le cheval est l’un des mammifères qui possède le plus gros volume oculaire par rapport à son
poids corporel. Comme toutes les proies, ses yeux sont placés latéralement (contrairement aux
prédateurs qui ont les yeux situés en avant- le chat, le loup-). Cette position explique la vue pa-
noramique que possèdent les équidés mais est aussi à l’origine des traumatismes rencontrés
dans cette espèce en raison de l’exposition de l’œil. Les traumatismes ne sont pourtant pas la
seule pathologie affectant les yeux du cheval et le diagnostic différentiel peut parfois être difficile
et faire intervenir des examens complémentaires.
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L’ŒIL ET LA VISION DU
CHEVAL
L’anatomie de l’œil
L’œil du cheval est situé dans l’orbite
qui le protège des coups et est recou-
vert par les paupières qui permettent
l’étalement du film lacrymal, ce qui
maintient un degré optimal d’hydra-
tation.
La première couche du globe ocu-
laire est constituée par la cornée,
transparente et dont l’épaisseur est de
0.8mm au centre et de 1.5mm à la
périphérie, en moyenne. La pupille,
ovale en longueur, est délimitée par
l’iris qui se contracte en fonction de
l’intensité lumineuse. En arrière de
l’iris se trouve le cristallin qui permet
l’accommodation (vision de près ou
de loin). L’humeur vitrée occupe la
majeure partie du volume oculaire et
plaque la rétine contre le la choroïde.
Enfin, le nerf optique arrive directe-
ment du cerveau pour déboucher
dans le fond d’œil.
La vision du cheval
La position latérale du globe et la
pupille horizontale permettent au
cheval d’avoir des champs de vision
monoculaires droit et gauche très
étendus (cf. photo 1). Cette vision
monoculaire est utilisée par le cheval
quand sa tête est à la verticale, c’est-
à-dire quand le cheval pâture au
calme, pour anticiper l’arrivée d’un
éventuel prédateur. Mais dans ce cas,
il ne peut pas voir ce qu’il y a juste en
avant de son front (zone aveugle).
La vision binoculaire est surtout utile
pour fixer un objet précis au loin";
pour cela, le cheval relève la tête. La
zone aveugle est alors «"rejetée"» vers
le haut.
Il ne faut pas oublier qu’un cheval
peut lui aussi avoir des troubles de
l’accommodation, comme la myopie
(il ne voit pas bien au loin), ce qui
pourrait le faire passer pour un ani-
mal difficile de caractère ou peureux.
En ce qui concerne les couleurs, il a
été établi que le cheval discerne le
bleu, le jaune et le vert mais qu’il a
plus de difficultés avec le rouge.
Cas particulier du poulain
A la naissance , la pupille est circu-
laire et dilatée et ne devient ovale
qu’à l'âge de 3 jours. Le réflexe pupil-
laire, qui correspond à la contraction
de la pupille en présence d’une lu-
mière forte, est absent à la naissance
et similaire à celui de l’adulte à 5
jours.
Quant au réflexe de clignement à la
menace, c’est-à-dire la fermeture des
paupières à l’approche rapide d’ un
objet, il est lui aussi absent à la nais-
sance et peut être incomplet jusque
l’âge de 14 jours. Ceci pourrait faire
penser qu’un jeune poulain est plus
exposé aux traumatismes oculaires
qu’un poulain plus âgé. Or, on ne
constate pas plus de lésions dans cette
tranche d’âge que dans les autres
chez les poulains en bonne santé.
Ceci pourrait s’expliquer par la
bonne protection assurée par la mère.
La vision du poulain est très difficile à
évaluer mais on peut la considérer
comme suffisante chez le jeune dans
la mesure un animal en bonne
santé se cogne rarement dans les
premiers jours de sa vie.
LES PRINCIPALES PA-
THOLOGIES
L’ulcère cornéen
La position et le volume du globe
oculaire le prédisposent aux trauma-
tismes (branches d’arbre, coup de
cravache) qui touchent en premier
lieu la cornée. La lésion peut être
plus ou moins profonde, pouvant
même aller jusqu’à la perforation (œil
«"crevé"»). L’ulcère peut aussi être
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causé par un phénomène irritatif,
comme une «"verrue"» qui pousserait
sur la paupière et qui viendrait en
contact de la cornée à chaque fois
que le cheval cligne de l’œil.
Un ulcère cornéen est très doulou-
reux et il en résulte un blépharo-
spasme, c’est-à-dire une fermeture de
l’œil. La cornée étant lésée, il y a un
gros risque d’infection et c’est celle-ci
qui empêche l’ulcère de cicatriser. Le
traitement reposera donc, entre au-
tres, sur l’antibiothérapie.
Il est important de remarquer qu’un
ulcère cornéen peut entraîner une
uvéite, il ne faut donc pas négliger le
traitement quand on connaît la gravi-
té de l’uvéite chez le cheval.
L’uvéite
Comme son nom l’indique, l’uvéite
est une inflammation de l’uvée qui
comprend l’iris, les corps ciliaires et
la choroïde (d’où son nom scientifi-
que d’irido-cyclo-choroidite).
L’accès classique d’uvéite se compose
de 3 phases":
La phase de congestion": elle dure
de 3 à 6 jours et se caractérise par
un blépharospasme, une photo-
phobie, une conjonctivite, une
opalescence cornéenne et un
myosis (ou contraction de la pu-
pille).
La phase exsudative": il y a une
diminution de la douleur, mais la
conjonctivite et le myosis restent
présents. Un floculat de couleur
plutôt blanche apparaît"; il porte
le nom d’hypopion. Tout ceci
dure 8 à 10 jours";
La phase de résorption": tous les
signes disparaissent progressive-
ment et on note un retour du
réflexe pupillaire. L’accès aura en
tout duré 3 semaines.
Cette maladie est en général due à
une hypersensibilité à un agent (sou-
vent des leptospires)": le cheval a déjà
rencontré cet agent auparavant, il
s’est sensibilisé sans signes cliniques
visibles, mais quand il le rencontre à
nouveau, son organisme réagit, ce
qui se traduit par une uvéite. Les
autres causes sont toutes les maladies
infectieuses qui peuvent affecter l’œil
en même temps que d’autres organes
(Rhinopneumonie, artérite virale…).
Après un accès d’uvéite, les séquelles
peuvent être très graves et on recher-
chera leur présence au cours de la
visite d’achat car l’uvéite isolée est un
vice rédhibitoire. L’iris peut être dé-
coloré, des taches noires peuvent
apparaître sur le cristallin (on les ap-
pelle synéchies), qui peut également
s’opacifier et se cataracter. Des lé-
sions du fond d’œil sont également
visibles. C’est pour toutes ces raisons
qu’il ne faut pas tarder à traiter ni
négliger le traitement qui reposera
principalement sur les anti-inflamma-
toires et la prévention des séquelles.
Les autres pathologies oculaires
La conjonctivite est très fréquente et
est principalement due à l’irritation
causée par la poussière ou les revê-
tements des sols (sable, cendrée, mâ-
chefer). Elle se caractérise par une
conjonctive rouge et des écoulements
oculaires. Le traitement est en prin-
cipe assez simple et satisfaisant.
!Les canaux lacrymaux bou-
chés sont souvent la cause d’yeux
sales avec des sécrétions assez sèches
au coin interne de l’œil. Ceci est
au fait que les larmes ne peuvent pas
s’écouler dans les canaux lacrymaux
jusqu’aux naseaux (c’est le même
principe que chez l’homme dont le
nez coule lorsque l’individu pleure).
Le traitement consiste en l’instillation
de liquide sous pression par l’ostium
nasal associée parfois à des anti-in-
flammatoires.
!Les tumeurs peuvent affec-
ter la structure oculaire du cheval. La
plus fréquente est le sarcoïde qui se
présente sous la forme d’une masse
noire sur les paupières. C’est une
tumeur bénigne mais qui devient très
ennuyeuse quand elle prend du vo-
lume car elle peut envahir tout le
pourtour de l’œil et compliquer le
traitement qui est déjà très délicat. Le
mieux est donc d’intervenir au plus
tôt dès qu’il apparaît ou qu’il grossit
rapidement. Le carcinome à cellules
squameuses est fréquent dans les ré-
gions à fort ensoleillement et sur des
chevaux à peau non pigmentée (ap-
paloosas)"; on le trouve sur la mem-
brane nictitante (troisième paupière)
mais aussi sur le pénis des mâles et
des hongres.
!Les lésions palpébrales se
rencontrent également fréquemment
et la difficulté de la suture réside dans
le respect des structures et de l’ana-
tomie. En effet, la cicatrice qui en
résulte doit permettre la fermeture
correcte et complète des paupières
sans toutefois venir irriter la cornée.
!Les lésions du fond d’œil
existent aussi fréquemment mais sont
difficilement appréciables par le pro-
priétaire ou l’entraîneur, si elles ne
sont pas suffisantes pour entraîner
une modification de la vue du cheval.
Le poulain
L affection oculaire la plus fré-
quemment rencontrée est tout
d’abord l’entropion. La paupière
inférieure est trop «"grande"» (il y a
trop de peau) et elle s’enroule à l’inté-
rieur en direction de la cornée"; elle
peut donc entraîner une irritation de
la cornée voire un ulcère. Le traite-
ment doit être précoce et consiste en
l’application d’agrafes pour «"dérou-
ler"» la paupière vers l’extérieur du-
rant quelques jours. Un traitement
anti-ulcéreux est associé si la cornée
est lésée.
!Le poulain peut être atteint
d’uvéite quand il fait une maladie
générale. L’affection oculaire peut
d’ailleurs être parfois la seule mani-
festation visible de la maladie sous-ja-
cente.
!Parmi les maladies congéni-
tales affectant l’œil, la cataracte con-
génitale est la pus fréquente"; elle est
quasiment la seule cataracte qui soit
opérable avec succès chez le cheval.
LA CONSULTATION EN
OPHTALMOLOGIE
Le diagnostic
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La majorité des pathologies oculaires
entraîne une douleur et un blépharo-
spasme"; il est donc important de
pouvoir faire un diagnostic différen-
tiel. Pour cela , beaucoup de moyens
peuvent être mis en œuvre.
Tout d’abord, l’oeil est observé à la
lumière du jour pour pouvoir appré-
cier son aspect et les réflexes de cli-
gnement à la menace, ainsi qu’éva-
luer la vue du cheval par différents
tests. Ensuite, le cheval est placé dans
un endroit sombre pour permettre
l’examen ophtalmoscopique (cf. pho-
to 3) et évaluer les réflexes pupillaires.
Il faut parfois procéder à une dilata-
tion pupillaire, à l’aide de collyre,
pour observer le fond d’œil.
!Différents tests sont effectués
au cours de cet examen et notam-
ment le test à la fluorescéine qui
permet de mettre en évidence les
ulcères cornéens. En cas de suspicion
d’infection bactérienne ou mycosi-
que, le vétérinaire peut faire des pré-
lèvements (écouvillons ou raclages)
pour affiner le diagnostic. Parfois, il
peut avoir recours à l’échographie
pour mettre en évidence une masse
rétro-bulbaire (derrière l’œil), par
exemple.
Les médicaments
Un œil se traite comme un autre or-
gane, tout en respectant ses particula-
rités. En cas d’infection bactérienne
on traitera avec des antibiotiques, si
l’agent en cause est un champignon,
le traitement sera à base d’anti-fongi-
ques.
!En cas d’inflammation,
comme pour l’uvéite, les anti-in-
flammatoires, stéroïdiens ou non,
seront utilisés avec précaution. En
effet, les cortico-stéroides retardent le
processus de cicatrisation, ce qui peut
compromettre la guérison d’un ulcère
cornéen. Il ne faut donc pas utiliser
ces produits tant qu’un diagnostic
précis n’a pas été établi.
!Pour combattre la contrac-
tion pupillaire et aussi atténuer la
douleur, on utilise l’atropine en col-
lyre. Pour obtenir un résultat, il faut
l’appliquer toutes les heures le pre-
mier jour puis régulièrement les jours
suivants. A la fin du traitement, la
pupille reste dilatée pendant plusieurs
jours (jusqu’à 2 semaines)"; il faut
donc éviter de mettre le cheval au
soleil durant cette période car il ne
peut pas contracter sa pupille.
Les voies d’administration
La voie la plus logique pour traiter
un œil est l’application locale de col-
lyres ou de pommades ophtalmiques.
Ceci doit se faire très souvent car le
produit est éliminé rapidement par le
liquide lacrymal. Quand la douleur
est trop importante ou le cheval trop
difficile, le vétérinaire peut mettre en
place un système de lavage sous-pal-
pébral qui permet de traiter l’œil sans
toucher les paupières.
!Mais il n’y a pas que les
gouttes qui permettent de traiter un
œil. En effet, il est possible de faire
des injections sous-conjonctivales, qui
diffusent le produit injecté (anti-in-
flammatoire, atropine, antibiotique)
pendant plusieurs jours. C’est le vété-
rinaire qui décidera de l’intérêt de
procéder à cette intervention.
!Un traitement par voie gé-
nérale (intraveineuse, intramuscu-
laire, voie orale) est souvent associé
au traitement local, surtout quand on
cherche à atteindre les segments pos-
térieurs de l’œil. On utilise souvent
dans ce cas les antibiotiques et les
anti-inflammatoires.
L’ophtalmologie du cheval est une
discipline délicate en médecine vété-
rinaire, d’autant plus que l’œil est un
organe important et qu’il se défend
très mal contre les différentes agres-
sions qu’il subit. Un problème ocu-
laire est souvent une urgence dans la
mesure l’affection peut dégénérer
rapidement, un diagnostic précoce et
un traitement adapté sont donc indi-
pensables.
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