INTRODUCTION À L’ANTHROPOLOGIE L’anthropologie est l’étude de l’homme à travers les diversités culturelles et elle se donne donc pour objectif de penser les différences à travers ce qu’elle l’altérité. Il s’agit d’interroger les rapports à l’ « autre » entre les différentes sociétés mais aussi, on le verra au sein d’une même société. Alors bien sûr cette curiosité à l’égard de sociétés différentes ne date pas de la naissance de l’anthropologie, mais remonte à bien plus tôt dans l’histoire puisque dès le Ve siècle avant J.C le grec Hérodote joue le rôle mythique de héros fondateur de l’histoire, de la géographie comparée et de l’ethnologie. Après divers voyages, il montre que l’organisation sociale des Egyptiens est conçue par rapport à la religion, que celle des Barbares, c’est-à-dire des non-Grecs, est dominée par l’institution de la royauté. Tandis que les Grecs eux vivent en cités sous l’empire de la loi. Cette curiosité est loin d’être exclusive aux grecs car divers chroniqueurs chinois, persans, hindous, mais surtout arabes vont aussi relater leurs voyages dans le monde médiéval. Notamment des voyages africains pour les Arabes avec le célèbre Ibn Khaldoun au XVe siècle et sa description du monde islamique. À la Renaissance, la réflexion sur le rapport à l’autre va commencer à s’amplifier et se formaliser avec la « découverte » des Amériques. Vont apparaître des réflexions sur des sociétés non-européennes de façon formelle et l’on va commencer à produire des discours sur des peuples jusqu’alors « inconnus ». Et la question centrale qui se pose à l’époque de la découverte des Amériques c’est justement de savoir si ceux que l’on a découverts font partie de l’humanité, ou non ? Les explorations et conquêtes du Nouveau Monde, espagnoles et portugaises, qui suivront sont justifiées justement au nom du christianisme et de la différence avec les « sauvages ». Pourquoi ? Tout simplement puisque le critère premier d’humanité à l’époque était l’âme. Et dès lors il y a 2 réactions qui se dessinent face à la découverte et qui vont s’exprimer dans le fameux procès connu sous le nom de la controverse de Valladolid au sujet du statut des Indiens : d’un côté, on a un refus de l’étranger ces « sauvages », et de l’autre côté, une fascination avec une idéalisation des Indiens comme « bon sauvage » et de leur mode de vie plus proche de la nature. Encore une fois, à travers cette controverse, la question qui se pose c’est : est-ce que ces « autres » qui nous paraissent tellement différents font partie de notre famille, ou non ? Et ça c’est une question récurrente et centrale en anthropologie c’est qu’est-ce qu’on fait de la différence ? Est-ce qu’elle nous rapproche ou est-ce qu’elle nous sépare ? Anecdote des Indiens dans l’autre sens… Aux 17e et au XVIIIe siècle, le comparatisme s’accentue avec la multiplication des récits de voyages. Par exemple des missionnaires chez les Indiens d’Amérique, de Bernier aux Indes, de Cook et Bougainville en Océanie etc... C’est à partir du XIXe siècle que va vraiment se formaliser l’anthropologie comme discipline scientifique et qui se donne pour tâche d’étudier l’ « Autre ». Au début, cet « autre » se situe dans la distance à la fois géographique et historique c’est pour cela qu’on le recherche dans un ailleurs qui se caractérise par les sociétés non-européennes, et plus largement non-occidentales et chez des populations que l’on pense sans histoire par rapport à leur technologie par ex. L’idée, c’est de se dire que l’étude des sociétés « simples » permettra de comprendre l’organisation complexe des sociétés dont est issue l’anthropologie. C’est en se construisant vraiment un objet que l’anthropologie se construit réellement en tant que science parmi les autres disciplines scientifiques. Peu à peu, des sociétés « vierges » c’est-àdire sans contact ou que l’on qualifiait de « sans histoire » vont disparaître et c’est à partir de là que l’anthropologie va se définir non plus par son objet, qui était « exotique », mais par sa démarche. Une démarche basée sur la distance encore une fois mais en ce qu’elle permet de comprendre que : ce qui nous paraît naturel chez nous, est en fait culturel. L’idée est d’aller à la rencontre d’une culture inconnue dont la rencontre va entraîner une modification du regard que l’on portait sur soi. Et c’est cette démarche qui conduit à penser que ce que l’on vit tous les jours, les moindres opérations, les moindres relations, codes, gestes, échanges, regards…relèvent du culturel. La façon de manger, de se saluer, de dormir, de s’aimer, nos réactions affectives. Or, c’est justement dans cette diversité que se trouve l’unité de l’homme. Autrement dit, ce qu’on en commun les êtres humains, c’est leur capacité à se différencier les uns des autres, à élaborer des coutumes, des langues, des modes de connaissances, des institutions, des jeux profondément différents…c’est-à-dire c’est l’aptitude à la variation culturelle. Il s’agit donc aussi de reconnaître que nous sommes une culture parmi tant d’autres, et pas la seule, ni la plus vieille, ni la meilleure…Il s’agit d’éclater l’idée de « centre du monde ». Pour mener à bien ce décentrement de l’anthropologue, l’anthropologie a mis en lumière une notion centrale : l’ethnocentrisme. L’ethnocentrisme c’est l’attitude consistant à juger les formes morales, religieuses, sociales, d’autres communautés selon nos propres normes et donc à juger leurs différences comme une anomalie. Il va donc s’agir de comprendre ce qui est normal pour l’ « Autre ». Ex : nous considérons normal de dormir couché. Le pasteur Massaï du Kenya ou de Tanzanie dort debout appuyé sur son bâton… L’ethnocentrisme comporte un jugement de valeur qui consiste souvent en une attitude dévalorisante voire en du racisme lorsqu’il s’accompagne de rejet et d’hostilité. Pour mieux comprendre de quelle manière l’anthropologie se propose de comprendre donc la diversité culturelle, nous allons revenir sur les différents courants de pensée de l’histoire de l’anthropologie. Comme on vient de le voir les réflexions sur l’ « Autre » se situe dans l’histoire, et donc le propre discours anthropologique n’échappe pas à cette réalité et n’est pas « innocent ». Au cours de la colonisation c’est le discours de l’explorateur, du missionnaire, de l’administrateur, du juriste…Il devient peu à peu le discours du spécialiste quand s’élabore le nouveau savoir anthropologique dans le cadre de l’évolutionnisme. L’évolutionnisme est le premier moment d’une histoire des courants dominants en anthropologie. L’ÉVOLUTIONNISME L’évolutionnisme c’est un ensemble de théories élaborées au cours de la deuxième moitié du 19e pour rendre compte de la trajectoire historique de l’humanité. Le postulat central des théories évolutionnistes est : l’ensemble de l’humanité a UNE histoire universelle qui suit le même mouvement, orienté et non-réversible. Donc, dès le départ, on s’appuie sur un présupposé fort : l’existence d’un ordre immanent à l’histoire de l’humanité. Les « autres » donc, les « sauvages » font partie de notre histoire, nous faisons partie d’une seule histoire. Dès lors, ceux qu’on a appelés des « sauvages » deviennent des « primitifs », et leurs cultures deviennent des incarnations ou des figurations du passé des sociétés « civilisées ». La tâche de la science consiste donc à trouver les mécanismes du passage d’un état à un autre. L’objectif était d’isoler les stades successifs parcourus dans l’histoire de l’humanité et leurs lois d’enchaînement, c’est-à-dire de trouver comment se succèdent des phénomènes sociaux culturels. La diversité culturelle dans cette logique est intéressante dans la mesure où elle est jugée symptomatique d’un écart historique. Tout simplement cela veut dire que les questions principales que se posent les anthropologues à cette époque c’est : comment passe-t-on d’une économie de troc, à une économie marchande ? Comment passe-t-on de la magie à la religion ?... Pour résumer, il existe dans l’évolutionnisme une espèce humaine identique, mais qui se développe à un rythme inégal sur les plans technico-économiques et sociaux, comme culturel selon les populations. Malgré un rythme différent ce sont les mêmes étapes qui sont franchies, pour atteindre le niveau terminal de la « civilisation ». Le courant évolutionniste connaît son essor dans la seconde moitié du XIXe siècle, s’appuie sur les recherches de Darwin. D’après Darwin, il existe dans le monde naturel une complexification croissante de l’organisme des êtres vivants : c’est tout simplement la voie de sélection naturelle qui permet d’expliquer l’origine des espèces. De la même manière, il y aurait dans le monde humain un passage du simple au complexe, et une amélioration des systèmes sociaux, dans les domaines économiques, politiques, parentaux et religieux. Au Darwinisme se mêle aussi le romantisme de Rousseau, c’est-à-dire une nostalgie d’un état mythique de nature situé d’un ailleurs. Et c’est donc un mélange de primitivisme avec les logiques de l’évolution de Darwin qui conduit à rechercher les survivances. Chez les auteurs qui participent de ce courant, et plus particulièrement chez Lewis Morgan, juriste nord-américain qui est le plus marquant des auteurs évolutionnistes on trouve donc des étapes précises disposées sur une ligne évolutive : SAUVAGERIE : caractérisée par des économies de chasse-cueillette ou pastorales BARBARIE : marqué par l’invention de l’agriculture CIVILISATION : commerce et industrie À chaque étape correspondraient une forme d’organisation familiale spécifique : matriarcat, horde, famille nucléaire… Pour Morgan, c’est donc à chaque fois un facteur technologique qui détermine le passage d’une étape à une autre, alors que ce sont des facteurs économiques pour Marx et des facteurs spirituels pour Frazer. Frazer a travaillé sur la religion, l’évolution de celle-ci passerait par un stade de magie, puis arriverait la religion et enfin la science. Alors aujourd’hui l’évolutionnisme ne peut être que critiqué et contesté : il n’y a pas de trajectoire historique unilinéaire de l’humanité mais des formes divergentes de civilisation étalées dans l’espace. L’histoire humaine ne se traduit pas nécessairement par des bonds en avant, il peut y avoir des ratés. L’ « archaïsme » ou la « primitivité » ne sont pas des phases de l’histoire mais le volet symétrique et inverse de la modernité de l’Occident. La diversité culturelle est donc pensée en fonction des valeurs de l’Occident et de sa « civilisation ». De plus, l’évolutionnisme se révèle être la justification théorique d’une pratique : le colonialisme. Pourquoi ? puisque sa théorie de la civilisation autorise l’action coloniale. LE DIFFUSIONNISME La géographie correctrice de l’histoire : Alors que l’évolutionnisme a basé sa théorie sur la variable du temps - à travers les notions d’histoire et de rythme – le diffusionnisme qui vise à critiquer l’évolutionnisme s’est construit sur la variable de l’espace en basant ses études sur des aires géographiques et la distribution dans l’espace. L’idée du diffusionnisme étant de montrer l’histoire des peuples que l’on prétendait sans histoire à partir de leur distribution dans l’espace. Pour cela, les diffusionnistes étudient la distribution géographique des traits culturels. L’idée, c’est de dire que la présence à différents endroits d’un même traits culturels est issu d’un emprunt d’un groupe à un autre. Ce qui veut dire accepter la rareté des processus d’inventions. Dès lors, la similitude d’éléments culturels entre deux groupes est donc un indice de diffusion à partir d’un foyer. Ex : pour les britanniques dans les années 20 les pyramides mayas, Inca péruvien en tant que Dieu solaire, la momification de cadavres africains, des perles polynésiennes…prouveraient l’origine égyptienne de toute civilisation, il y a 4 millénaires. Du coup, le diffusionnisme va s’attacher à étudier les manières dont se diffusent les traits culturels : leurs itinéraires, leur vitesse, leurs aires de diffusion, les modifications survenues, les obstacles et les conditions favorables à cette diffusion. Les cadres de l’analyse culturelle vont prendre forme à proprement parler dans le diffusionnisme. Pourquoi ? Puisque pour construire son analyse, le diffusionnisme étudie la réunion de divers éléments culturels (ou traits culturels) pour observer ce qu’il appelle des complexes culturels. Et c’est la similitude de certains complexes dans de secteurs géographiques qui conduit à rechercher l’aire culturelle de ces éléments à partir d’un foyer original. L’idée c’est de dire que des groupes d’éléments culturels se tiennent organiquement entre eux et du coup on peut retracer une histoire de la diffusion à partir d’une similitude d’objets et d’institutions. Cf : pyramide, momies… Selon l’école américaine, la diffusion se ferait à vitesse constante à partir d’un centre et du coup les traits présents à la périphérie seraient plus anciens. Cependant, un trait culturel ne peut apparaître qu’après que certaines acquisitions techniques l’ont rendu possible. L’idée est de dire que si un trait est faible il s’agit d’un emprunt peu ancien. Problème de cette théorie = néglige les faits de migration, on fait comme si les populations étaient statiques, elle suppose l’inégalité des rythmes de diffusions selon les directions. De plus, elle n’explique pas le fait que certains traits culturels persistent et d’autres se transforment. Enfin, elle exclut la possibilité d’innovations par la périphérie. Ce qui nous amène aux grosses critiques que l’on a faites au diffusionnisme qui est justement de dénoncer un certain dogmatisme dans sa vision de foyers de dispersion présupposés originaires. On mésestime les capacités inventives de l’homme pour caricaturer les mécanismes de diffusion. D’autres critiques portent sur le fait que les emprunts peuvent être aussi fragmentaires : un objet peut être emprunté pour être dépouillé de sa signification originelle. Ex : dans les musées un objet religieux devient un objet esthétique. Les transferts d’éléments culturels d’une société à une autre sont toujours l’occasion de pertes, d’ajouts et de remodelages. Ce qui nous amène tout doucement vers le courant de pensée du culturalisme avec Franz Boas qui va étudier les emprunts culturels mais s’intéresser principalement aux raisons des emprunts, le mode d’incorporation à la culture receveuse, la part des rejets, assimilations, réinterprétations et innovations provoquées par ces emprunts. C’est un peu facile de penser que la société ne fait que recevoir, il y a aussi une part de réaction par rapport au contexte qui est déjà en place. Pour cela, il prend en compte les développements internes qu’il considère comme des processus dynamiques de la culture. Enfin, il admet que des éléments semblables aient pu être inventé plusieurs fois dans des cultures différentes. L’œuvre de Franz Boas dépasse largement le diffusionnisme puisque c’est le fondateur de l’anthropologie culturelle américaine. Il récuse les thèses évolutionnistes entre race supérieure et inférieure, culture rudimentaire ou évoluée et prouve que les éléments culturels voyagent seuls et non pas en blocs. Ce qui le conduit à montrer qu’une culture relativement intégrée ne peut absorber n’importe quoi. Cf. Ex d’anthropologie appliquée et du foot. LE CULTURALISME Le culturalisme au sens large n’est pas une théorie mais plutôt une façon de raisonner sur la culture considérée comme un tout. Le culturalisme prend son essor dans les années trente aux Etats-Unis au sein de l’école d’anthropologie culturelle. Pour l’anthropologie culturelle, chaque culture particulière est un peu comparable aux pièces d’un puzzle. Il s’agit d’un ensemble de tendances qui comme les morceaux du puzzle. Et la culture est conçue comme une espèce de mosaïque, un habit d’Arlequin. L’expression « culturalisme » fut employée pour la première fois dans les années 5060 à propos des travaux nord-américains sur les rapports entre culture et personnalité. Ces travaux proposaient une théorie selon laquelle se forme dans l’enfance une personnalité de base définie constituée comme un ensemble de traits typiques et constituant le caractère ethnique ou national. L’anthropologie culturelle étudie le social dans son évolution. Alors qu’on vient de voir que dans le diffusionnisme on s’intéressait aux permanences, dans le culturalisme, on s’intéresse aux processus de contact. On est donc dans une approche beaucoup plus dynamique qui privilégie la diffusion, l’interaction et l’acculturation. L’acculturation c’est l’adoption ou l’imposition par une culture de normes appartenant à une autre culture. Les principaux représentants du culturalisme définissent la culture comme un système de comportements appris et transmis par l’éducation, l’imitation et le conditionnement dans un milieu social donné. Ce qui différencie les culturalistes du diffusionnisme c’est l’orientation psychologique. Pourquoi puisqu’ils cherchent à savoir comment la culture est présente chez les individus et comment la culture oriente leurs comportements. Le façonnement de la personnalité s’opère inconsciemment, ou consciemment, par des institutions et par les pratiques habituelles. Des valeurs dominantes, avec des variantes et des déviances, permettent de particulariser chaque culture. Concrètement à quoi cela correspond, c’est-à-dire de quelle manière la culture oriente les comportements de telle manière à créer la diversité. Si on prend la répartition du travail entre les sexes dans les sociétés de l’Ouest africain, les femmes se consacrent à la poterie, tandis que les hommes vont aux champs. Alors que si l’on se rend dans l’île d’Alor en Indonésie, ce sont les femmes qui cultivent la terre pendant que les hommes sont occupés à l’éducation des enfants. C’est la même chose dans la société Chambuli, en Papouasie Nouvelle-Guinée où les hommes pouponnent, alors que les femmes vont à la pêche. Dans les sociétés arabes, sud-américaines et sud-européennes, détourner son regard est généralement considéré comme un signe d’impolitesse, alors que, dans les sociétés asiatiques et nord-européennes, regarder fixement quelqu’un avec insistance fait naître une gêne qui se traduit par une impression de menace et d’agressivité. Prenez le METRO par exemple ou le bus. Alors on pourrait continuer sur beaucoup de comportements comme l’éducation sexuelle par exemple. En Mélanésie, par exemple garçons et filles sont, à l’âge de la puberté, initiés aux techniques amoureuses par des moniteurs expérimentés, tandis que les Muria des Indes institutionnalisent cette pratique en ménageant un espace ayant pour but d’encourager les jeunes aux ébats sexuels. Les rituels amoureux sont eux-mêmes profondément différents d’une culture à une autre mais aussi à l’intérieur d’une même civilisation… Bref, autant d’exemples qui montrent combien ce que l’on prend pour naturel est en fait culturel. Toute la question en fait, c’est de comprendre les rapports qu’il existe entre la culture au sein de laquelle les individus vivent et leurs personnalités. Pour cela, les culturalistes pensent la culture comme une manière typique de penser et du coup qui va influencer une personnalité plus qu’une autre chez l’individu. L’idée c’est de dire que dans une culture coexistent plusieurs systèmes de valeur mais qu’on ne vit que selon un segment de sa propre culture. Ce segment résulterait donc d’une sélection culturelle. • Ruth Benedict (1887-1948) : Patterns of Culture (1934). Pour Ruth Benedict, on peut typologiser les différences et spécificités culturelles. Elle défend que l’unité significative de la culture est la configuration générale qui pénètre les institutions, la vie sociale et les comportements individuels. À titre d’exemple, elle étudie différentes tribus d’Amérique du Nord et au sujet des Indiens Hopi et Zuni du Nouveau-Mexique qui sont conformistes, ritualistes, réservés qu’ils peuvent être qualifiés d’apolliniens. Tandis que les Indiens des Plaines qui valorisent l’émotion, la violence et l’agressivité seraient dionysiaques. Une culture se définirait donc par les grands courants idéologiques et affectifs qui l’imprègnent dans son entier. Un thème dominant se construit par le choix de certaines tendances. Pour Ruth Benedict, l’individu est entièrement modelé par la culture à laquelle il appartient. Cette façon de voir les individus comme l’illustration d’un type social fait ressembler la société à un musée dans lequel les personnages sont façonnés, moulés. Sa théorie principale se base sur ce qu’elle appelle le « grand arc des possibles ». C’est-à-dire que de la même façon que la nature s’adapte aux contraintes naturelles, l’individu s’adapte à sa culture. L’individu serait façonné à travers les contraintes que sont une langue, une technique ou une morale. En résumé de cette réflexion, Ruth Benedict élabore la théorie de l’ « arc culturel ». C’est-à-dire que chaque culture procède d’un choix. Ce choix c’est en fait valoriser un segment déterminé du grand arc de cercle des possibilités de l’humanité. En faisant cela, elle encourage un certain nombre de comportements et en délaisse d’autres. Par un processus de sélection culturelle, tous les membres d’une société partagent un certain nombre de préoccupations, éprouvent les mêmes inclinations et les mêmes aversions. C’est ainsi une « configuration culturelle » qui caractérise une société donnée, c’est-àdire une logique que l’on retrouve à la fois : _ dans la spécificité des institutions : on l’a vu avec l’éducation… _ et dans celle des comportements. Et ce sont donc les institutions éducatives en particulier qui influencent les comportements, c’est-à-dire la famille, l’école, les rites d’initiation…et qui visent inconsciemment à ce que les individus se conforment aux valeurs qui sont celles de chaque culture. • Critiques : Malgré tout ce qu’ils ont apporté à l’anthropologie, les culturalistes restent critiquables sur plusieurs points : _ trop simplifié le problème de la formation de la personnalité. Pourquoi ? puisque la socialisation ne cesse de s’effectuer à différents âges en fonction de survenances d’événements. _ On n’explique rien, c’est-à-dire qu’on n’explique pourquoi les choix d’être violents ou doux sont réalisés dans telle ou telle culture. _ On suppose l’antériorité de la culture sur le psychisme, ce qui est loin d’être évident. Enfin et critique principale du culturalisme c’est sa tendance à réduire les comportements humains à des types, et à esquisser des typologies. Du coup, le culturalisme adopte une conception d’un relativisme culturel absolu qui l’enferme dans une analyse des variations culturelles et non pas de la variabilité de la culture. Ce que se propose de faire le dernier courant de penser que l’on va aborder le structuralisme. Il y a un autre courant de pensée qu’on n’étudiera pas aujourd’hui puisqu’en fait, il est assez proche du culturalisme, c’est le fonctionnalisme. L’idée de base c’est que la société est une totalité ordonnée et que les faits sociaux exercent une fonction précise. Donc là on cherche déjà plus à entrer dans l’explication. On reparlera du fonctionnalisme et l’on verra un exemple concret à travers l’étude de Malinowski et de l’échange qu’est la Kula. LE STRUCTURALISME : Alors jusqu’ici tous les courants de pensée qu’on a vu se proposaient d’étudier la variété des structures, les diverses formes de la culture. Le projet du structuralisme est différent. En effet, dans le structuralisme, il s’agit d’étudier la logique de la culture. Autrement dit, au-delà de la variété des cultures et des organisations sociales, on va s’efforcer d’expliquer la variabilité elle-même de la culture, c’est-à-dire comment la culture varie d’une société à une autre. Pour mener à bien ce projet, le postulat central du structuralisme c’est le suivant : ce que disent et ce qu’inventent les hommes sont des productions de l’esprit humain qui s’élaborent à leur insu. Et une des idées centrales du structuralisme c’est l’idée de l’inconscient. Pour la pensée structurale l’extraordinaire variété des relations empiriques, ce qu’on appelle la diversité culturelle, ne peut se comprendre que si l’on accepte qu’il n’existe qu’un nombre limité de structurations possibles des matériaux culturels. C’est-à-dire les façons de vivre ne sont pas infinies mais bien finies et sont les résultats d’un nombre limité de ce qu’on appelle des invariants culturels. Ex : si l’on regarde les relations d’alliances entre les hommes et les femmes au premier abord elles paraissent pratiquement infinies. Mais en fait, elles oscillent toujours entre quelques groupes : le communisme sexuel, le lévirat, le sororat, le mariage par rapt, la polygamie, la monogamie, l’union libre. De même, les rapports des hommes avec la divinité s’organisent toujours à partir d’un petit nombre d’options possibles : le monothéisme, le polythéisme, le panthéisme, l’athéisme, l’agnosticisme. Ce qu’on appelle le structuralisme en anthropologie c’est un ensemble de recherches basées sur l’application d’une méthode de connaissance : l’analyse structurale. Le postulat qui commande cette analyse est le suivant : la vie sociale, en ses diverses modalités, consiste en des systèmes de circulation de signes. Ces systèmes conférent à la société le caractère d’un immense réseau d’échanges symboliques. Et, la structure des systèmes symboliques, mythes et pensées symboliques renvoie à des aptitudes humaines universelles. Universelles car elles reposent sur un l’esprit humain qui lui serait invariable, d’où une universalité de la culture. En résumé, l’inconscient guide nos systèmes symboliques, et nos comportements sont l’expression de nos systèmes symboliques. Et on verra avec Lévi-Strauss que ce qui permet de comprendre les logiques de ces systèmes symboliques c’est la linguistique. Pour Lévi-Strauss, la structure n’est pas une réalité concrète, mais simplement un modèle explicatif, une construction intellectuelle qui permet d’interpréter des phénomènes souvent inconscients. Le structuralisme de Lévi-Strauss s’est constitué à partir du domaine de la parenté. Lévi-Strauss fait une analogie entre les relations sociales, ici précisément la parenté, à un langage. À l’image d’une grammaire, on ne peut comprendre la parenté qu’en faisant l’analyse au niveau des termes (père, fils, oncle maternel…) de la famille. Pour comprendre, il faut se placer au niveau des relations entre ces termes, régies par des règles d’échanges analogues aux lois syntaxiques de la langue. Et ici, on comprend mieux ce qu’on voulait dire avant quand on parlait d’échanges de signes puisque le langage est lui-même un échange de signes. Cependant, l’analyse structurale des relations d’alliance et de parenté n’est pas que l’application pure et simple du modèle de la linguistique. Lorsque l’on étudie la parenté, le langage ou l’économie, on est en fait en présence de différentes modalités d’une seule et même fonction qui est la communication ou l’échange. Et la culture elle-même c’est cette communication, cet échange. Elle émerge de la nature pour introduire un ordre là où la nature n’avait rien prévu. Et, pour comprendre cet échange qui se fait en termes de réciprocité, on fait appel à une théorie de la communication à plusieurs niveaux : _ au niveau de la culture elle-même: c’est l’échange des femmes (parenté), des mots(linguistique), des biens (économie), femmes, mots et biens étant des termes que l’on échange, des informations que l’on communique. _ à la charnière de la nature et de la culture c’est-à-dire au niveau d’un inconscient structural, qui, au-delà de la contingence des matériaux programmés, réorganise sans cesse des mêmes matériaux. Pour illustrer sa perspective Lévi-Strauss prend l’exemple d’une partie de carte. L’homme est pareil au joueur prenant en main, quand il s’attable, des cartes que l’on n’a pas inventées puisque le jeu de cartes est un donné de l’histoire et de la civilisation. En second lieu, chaque répartition des cartes résulte d’une distribution contingente entre les joueurs, et elle se fait à leur insu. Il y a des donnes qui sont subies, mais que chaque société, comme chaque joueur, interprète dans les termes de plusieurs systèmes qui peuvent être communs ou particuliers : règles d’un jeu, ou règles d’une tactique. Et l’on sait bien qu’avec la même donne, des joueurs différents ne fourniront pas la même partie, bien qu’ils ne puissent, contraints aussi par les règles, avec une donne quelconque, fournir n’importe quelle partie. On retrouve dans ce texte tout le programme du structuralisme : 1) l’existence d’un certain nombre de matériaux culturels toujours identiques, qui comme les cartes ou les éléments du kaléidoscope, qu’on a appelé des invariants. 2) Les différentes structurations possibles de ces matériaux (c’est-àdire les manières dont ils s’organisent entre eux lorsque l’on passe d’une culture à une autre, ou d’une époque à une autre). Elles ne sont pas en nombres illimités, car elles sont commandées par ce que Lévi-Strauss appelle les « lois universelles qui régissent les activités inconscientes de l’esprit. » À l’image des linguistes, le langage étant entendu comme système de signes, LéviStrauss analyse la parenté comme un système de communication et d’échange entre statuts et rôles sociaux. Cet échange s’organise selon un principe de réciprocité. Ce principe consistant à s’interdire le parent le plus proche pour l’échanger avec un conjoint venant d’un autre groupe. • Limites du structuralisme : On a fait beaucoup de reproches à Lévi-Strauss et en particulier celui d’être plus attentif aux discours qu’aux pratiques, à des formes abstraites et structurées d’une logique hors temps qu’aux rapports réellement structurants. Rien ne prouve que les systèmes de communication sont indifférents aux conditions de l’échange (cérémonie, gratification, menace, ostentation dans la politique par exemple) PB : comment expliquer que des variations culturelles procèdent d’un esprit humain invariable ?