INTRODUCTION À L’ANTHROPOLOGIE
L’anthropologie est l’étude de l’homme à travers les diversités culturelles et elle se
donne donc pour objectif de penser les différences à travers ce qu’elle l’altérité. Il s’agit
d’interroger les rapports à l « autre » entre les différentes sociétés mais aussi, on le verra au
sein d’une même société. Alors bien sûr cette curiosité à l’égard de sociétés différentes ne
date pas de la naissance de l’anthropologie, mais remonte à bien plus tôt dans l’histoire
puisque dès le Ve siècle avant J.C le grec Hérodote joue le rôle mythique de héros fondateur
de l’histoire, de la géographie comparée et de l’ethnologie. Après divers voyages, il montre
que l’organisation sociale des Egyptiens est conçue par rapport à la religion, que celle des
Barbares, c’est-à-dire des non-Grecs, est dominée par l’institution de la royauté. Tandis que
les Grecs eux vivent en cités sous l’empire de la loi.
Cette curiosité est loin d’être exclusive aux grecs car divers chroniqueurs chinois,
persans, hindous, mais surtout arabes vont aussi relater leurs voyages dans le monde
médiéval. Notamment des voyages africains pour les Arabes avec le célèbre Ibn Khaldoun au
XVe siècle et sa description du monde islamique.
À la Renaissance, la réflexion sur le rapport à l’autre va commencer à s’amplifier et se
formaliser avec la « découverte » des Amériques. Vont apparaître des réflexions sur des
sociétés non-européennes de façon formelle et l’on va commencer à produire des discours sur
des peuples jusqu’alors « inconnus ». Et la question centrale qui se pose à l’époque de la
découverte des Amériques c’est justement de savoir si ceux que l’on a découverts font partie
de l’humanité, ou non ?
Les explorations et conquêtes du Nouveau Monde, espagnoles et portugaises, qui
suivront sont justifiées justement au nom du christianisme et de la différence avec les
« sauvages ». Pourquoi ? Tout simplement puisque le critère premier d’humanité à l’époque
était l’âme. Et dès lors il y a 2 réactions qui se dessinent face à la découverte et qui vont
s’exprimer dans le fameux procès connu sous le nom de la controverse de Valladolid au sujet
du statut des Indiens : d’un côté, on a un refus de l’étranger ces « sauvages », et de l’autre
côté, une fascination avec une idéalisation des Indiens comme « bon sauvage » et de leur
mode de vie plus proche de la nature. Encore une fois, à travers cette controverse, la question
qui se pose c’est : est-ce que ces « autres » qui nous paraissent tellement différents font partie
de notre famille, ou non ? Et ça c’est une question récurrente et centrale en anthropologie
c’est qu’est-ce qu’on fait de la différence ? Est-ce qu’elle nous rapproche ou est-ce qu’elle
nous sépare ?
Anecdote des Indiens dans l’autre sens…
Aux 17e et au XVIIIe siècle, le comparatisme s’accentue avec la multiplication des
récits de voyages. Par exemple des missionnaires chez les Indiens d’Amérique, de Bernier
aux Indes, de Cook et Bougainville en Océanie etc...
C’est à partir du XIXe siècle que va vraiment se formaliser l’anthropologie comme
discipline scientifique et qui se donne pour tâche d’étudier l’ « Autre ». Au début, cet
« autre » se situe dans la distance à la fois géographique et historique c’est pour cela qu’on le
recherche dans un ailleurs qui se caractérise par les sociétés non-européennes, et plus
largement non-occidentales et chez des populations que l’on pense sans histoire par rapport à
leur technologie par ex. L’idée, c’est de se dire que l’étude des sociétés « simples » permettra
de comprendre l’organisation complexe des sociétés dont est issue l’anthropologie. C’est en
se construisant vraiment un objet que l’anthropologie se construit réellement en tant que
science parmi les autres disciplines scientifiques. Peu à peu, des sociétés « vierges » c’est-à-
dire sans contact ou que l’on qualifiait de « sans histoire » vont disparaître et c’est à partir de
que l’anthropologie va se définir non plus par son objet, qui était « exotique », mais par sa
démarche. Une démarche basée sur la distance encore une fois mais en ce qu’elle permet de
comprendre que : ce qui nous paraît naturel chez nous, est en fait culturel. L’idée est d’aller à
la rencontre d’une culture inconnue dont la rencontre va entraîner une modification du regard
que l’on portait sur soi. Et c’est cette démarche qui conduit à penser que ce que l’on vit tous
les jours, les moindres opérations, les moindres relations, codes, gestes, échanges,
regards…relèvent du culturel. La façon de manger, de se saluer, de dormir, de s’aimer, nos
réactions affectives. Or, c’est justement dans cette diversité que se trouve l’unité de l’homme.
Autrement dit, ce qu’on en commun les êtres humains, c’est leur capacité à se
différencier les uns des autres, à élaborer des coutumes, des langues, des modes de
connaissances, des institutions, des jeux profondément différents…c’est-à-dire c’est l’aptitude
à la variation culturelle. Il s’agit donc aussi de reconnaître que nous sommes une culture
parmi tant d’autres, et pas la seule, ni la plus vieille, ni la meilleure…Il s’agit d’éclater l’idée
de « centre du monde ».
Pour mener à bien ce décentrement de l’anthropologue, l’anthropologie a mis en
lumière une notion centrale : l’ethnocentrisme. L’ethnocentrisme c’est l’attitude consistant à
juger les formes morales, religieuses, sociales, d’autres communautés selon nos propres
normes et donc à juger leurs différences comme une anomalie. Il va donc s’agir de
comprendre ce qui est normal pour l’ « Autre ».
Ex : nous considérons normal de dormir couché. Le pasteur Massaï du Kenya ou de
Tanzanie dort debout appuyé sur son bâton…
L’ethnocentrisme comporte un jugement de valeur qui consiste souvent en une attitude
dévalorisante voire en du racisme lorsqu’il s’accompagne de rejet et d’hostilité.
Pour mieux comprendre de quelle manière l’anthropologie se propose de comprendre
donc la diversité culturelle, nous allons revenir sur les différents courants de pensée de
l’histoire de l’anthropologie.
Comme on vient de le voir les réflexions sur l « Autre » se situe dans l’histoire, et
donc le propre discours anthropologique n’échappe pas à cette réalité et n’est pas
« innocent ». Au cours de la colonisation c’est le discours de l’explorateur, du missionnaire,
de l’administrateur, du juriste…Il devient peu à peu le discours du spécialiste quand s’élabore
le nouveau savoir anthropologique dans le cadre de l’évolutionnisme. L’évolutionnisme est le
premier moment d’une histoire des courants dominants en anthropologie.
L’ÉVOLUTIONNISME
L’évolutionnisme c’est un ensemble de théories élaborées au cours de la deuxième
moitié du 19e pour rendre compte de la trajectoire historique de l’humanité. Le postulat
central des théories évolutionnistes est : l’ensemble de l’humanité a UNE histoire universelle
qui suit le même mouvement, orienté et non-réversible. Donc, dès le départ, on s’appuie sur
un présupposé fort : l’existence d’un ordre immanent à l’histoire de l’humanité. Les « autres »
donc, les « sauvages » font partie de notre histoire, nous faisons partie d’une seule histoire.
Dès lors, ceux qu’on a appelés des « sauvages » deviennent des « primitifs », et leurs cultures
deviennent des incarnations ou des figurations du passé des sociétés « civilisées ».
La tâche de la science consiste donc à trouver les mécanismes du passage d’un état à
un autre. L’objectif était d’isoler les stades successifs parcourus dans l’histoire de l’humanité
et leurs lois d’enchaînement, c’est-à-dire de trouver comment se succèdent des phénomènes
sociaux culturels. La diversité culturelle dans cette logique est intéressante dans la mesure
elle est jugée symptomatique d’un écart historique.
Tout simplement cela veut dire que les questions principales que se posent les
anthropologues à cette époque c’est : comment passe-t-on d’une économie de troc, à une
économie marchande ? Comment passe-t-on de la magie à la religion ?...
Pour résumer, il existe dans l’évolutionnisme une espèce humaine identique, mais qui
se développe à un rythme inégal sur les plans technico-économiques et sociaux, comme
culturel selon les populations. Malgré un rythme différent ce sont les mêmes étapes qui sont
franchies, pour atteindre le niveau terminal de la « civilisation ».
Le courant évolutionniste connaît son essor dans la seconde moitié du XIXe siècle,
s’appuie sur les recherches de Darwin. D’après Darwin, il existe dans le monde naturel une
complexification croissante de l’organisme des êtres vivants : c’est tout simplement la voie de
sélection naturelle qui permet d’expliquer l’origine des espèces. De la même manière, il y
aurait dans le monde humain un passage du simple au complexe, et une amélioration des
systèmes sociaux, dans les domaines économiques, politiques, parentaux et religieux.
Au Darwinisme se mêle aussi le romantisme de Rousseau, c’est-à-dire une nostalgie
d’un état mythique de nature situé d’un ailleurs. Et c’est donc un mélange de primitivisme
avec les logiques de l’évolution de Darwin qui conduit à rechercher les survivances.
Chez les auteurs qui participent de ce courant, et plus particulièrement chez Lewis
Morgan, juriste nord-américain qui est le plus marquant des auteurs évolutionnistes on trouve
donc des étapes précises disposées sur une ligne évolutive :
SAUVAGERIE : caractérisée par des économies de chasse-cueillette ou pastorales
BARBARIE : marqué par l’invention de l’agriculture
CIVILISATION : commerce et industrie
À chaque étape correspondraient une forme d’organisation familiale spécifique :
matriarcat, horde, famille nucléaire…
Pour Morgan, c’est donc à chaque fois un facteur technologique qui détermine le
passage d’une étape à une autre, alors que ce sont des facteurs économiques pour Marx et des
facteurs spirituels pour Frazer. Frazer a travaillé sur la religion, l’évolution de celle-ci
passerait par un stade de magie, puis arriverait la religion et enfin la science.
Alors aujourd’hui l’évolutionnisme ne peut être que critiqué et contesté : il n’y a pas
de trajectoire historique unilinéaire de l’humanité mais des formes divergentes de civilisation
étalées dans l’espace. L’histoire humaine ne se traduit pas nécessairement par des bonds en
avant, il peut y avoir des ratés.
L’ « archaïsme » ou la « primitivité » ne sont pas des phases de l’histoire mais le volet
symétrique et inverse de la modernité de l’Occident. La diversité culturelle est donc pensée en
fonction des valeurs de l’Occident et de sa « civilisation ».
De plus, l’évolutionnisme se révèle être la justification théorique d’une pratique : le
colonialisme. Pourquoi ? puisque sa théorie de la civilisation autorise l’action coloniale.
LE DIFFUSIONNISME
La géographie correctrice de l’histoire :
Alors que l’évolutionnisme a basé sa théorie sur la variable du temps - à travers les
notions d’histoire et de rythme le diffusionnisme qui vise à critiquer l’évolutionnisme s’est
construit sur la variable de l’espace en basant ses études sur des aires géographiques et la
distribution dans l’espace. L’idée du diffusionnisme étant de montrer l’histoire des peuples
que l’on prétendait sans histoire à partir de leur distribution dans l’espace.
Pour cela, les diffusionnistes étudient la distribution géographique des traits culturels.
L’idée, c’est de dire que la présence à différents endroits d’un même traits culturels est issu
d’un emprunt d’un groupe à un autre.
Ce qui veut dire accepter la rareté des processus d’inventions. Dès lors, la similitude
d’éléments culturels entre deux groupes est donc un indice de diffusion à partir d’un foyer.
Ex : pour les britanniques dans les années 20 les pyramides mayas, Inca péruvien en
tant que Dieu solaire, la momification de cadavres africains, des perles
polynésiennes…prouveraient l’origine égyptienne de toute civilisation, il y a 4 millénaires.
Du coup, le diffusionnisme va s’attacher à étudier les manières dont se diffusent les
traits culturels : leurs itinéraires, leur vitesse, leurs aires de diffusion, les modifications
survenues, les obstacles et les conditions favorables à cette diffusion.
Les cadres de l’analyse culturelle vont prendre forme à proprement parler dans le
diffusionnisme. Pourquoi ? Puisque pour construire son analyse, le diffusionnisme étudie la
réunion de divers éléments culturels (ou traits culturels) pour observer ce qu’il appelle des
complexes culturels. Et c’est la similitude de certains complexes dans de secteurs
géographiques qui conduit à rechercher l’aire culturelle de ces éléments à partir d’un foyer
original.
L’idée c’est de dire que des groupes d’éléments culturels se tiennent organiquement
entre eux et du coup on peut retracer une histoire de la diffusion à partir d’une similitude
d’objets et d’institutions. Cf : pyramide, momies
Selon l’école américaine, la diffusion se ferait à vitesse constante à partir d’un centre
et du coup les traits présents à la périphérie seraient plus anciens. Cependant, un trait culturel
ne peut apparaître qu’après que certaines acquisitions techniques l’ont rendu possible. L’idée
est de dire que si un trait est faible il s’agit d’un emprunt peu ancien.
Problème de cette théorie = néglige les faits de migration, on fait comme si les
populations étaient statiques, elle suppose l’inégalité des rythmes de diffusions selon les
directions. De plus, elle n’explique pas le fait que certains traits culturels persistent et d’autres
se transforment. Enfin, elle exclut la possibilité d’innovations par la périphérie.
Ce qui nous amène aux grosses critiques que l’on a faites au diffusionnisme qui est
justement de dénoncer un certain dogmatisme dans sa vision de foyers de dispersion
présupposés originaires. On mésestime les capacités inventives de l’homme pour caricaturer
les mécanismes de diffusion.
D’autres critiques portent sur le fait que les emprunts peuvent être aussi
fragmentaires : un objet peut être emprunté pour être dépouillé de sa signification originelle.
Ex : dans les musées un objet religieux devient un objet esthétique.
Les transferts d’éléments culturels d’une société à une autre sont toujours l’occasion
de pertes, d’ajouts et de remodelages.
Ce qui nous amène tout doucement vers le courant de pensée du culturalisme avec
Franz Boas qui va étudier les emprunts culturels mais s’intéresser principalement aux raisons
des emprunts, le mode d’incorporation à la culture receveuse, la part des rejets, assimilations,
réinterprétations et innovations provoquées par ces emprunts. C’est un peu facile de penser
que la société ne fait que recevoir, il y a aussi une part de réaction par rapport au contexte qui
est déjà en place. Pour cela, il prend en compte les développements internes qu’il considère
comme des processus dynamiques de la culture. Enfin, il admet que des éléments semblables
aient pu être inventé plusieurs fois dans des cultures différentes.
L’œuvre de Franz Boas dépasse largement le diffusionnisme puisque c’est le fondateur
de l’anthropologie culturelle américaine. Il récuse les thèses évolutionnistes entre race
supérieure et inférieure, culture rudimentaire ou évoluée et prouve que les éléments culturels
voyagent seuls et non pas en blocs. Ce qui le conduit à montrer qu’une culture relativement
intégrée ne peut absorber n’importe quoi.
Cf. Ex d’anthropologie appliquée et du foot.
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