
La Lettre du Pneumologue • Vol. XVI - n° 2 - mars-avril 2013 | 75
ONCO-PNEUMOLOGIE
atténuées du MV : Edmonston A et Edmonston B.
Par la suite, d’autres souches plus atténuées ont pu
être dérivées de ces virus, dont la souche Schwarz/
Moraten. La souche Schwarz présente de nombreux
avantages qui justifient son usage dans le cadre de la
vaccination de jeunes enfants. Elle induit notamment
des réponses immunitaires cellulaires et humorales
à long terme et présente une stabilité génétique
importante, puisqu’aucune réversion vers une forme
pathogène n’a jamais été observée (17).
La souche sauvage du MV utilise comme récepteur
d’entrée la Signaling Lymphocyte-Activation Mole-
cule (SLAM), aussi appelée CD150. CD150/SLAM
est exprimée par les thymocytes immatures, mais
principalement par certaines cellules immunitaires
activées telles que les DC, les monocytes/macro-
phages et certaines populations de lymphocytes T et
B. La souche sauvage du MV présente un tropisme
particulier pour ces cellules dans lesquelles il proli-
fère activement. Ces cellules seraient par ailleurs
impliquées dans la propagation du virus dans
l’organisme. Les souches atténuées de Schwarz,
dérivées de la souche Edmonston, utilisent quant
à elles 2 récepteurs d’entrée distincts et présentent
donc un tropisme différent de la souche sauvage.
Ces souches ont faiblement conservé la capacité de
cibler la molécule CD150/SLAM ; elles sont surtout
capables d’utiliser la molécule CD46 comme récep-
teur principal d’entrée dans les cellules. C’est cette
propriété particulière qui pourrait être exploitée en
virothérapie antitumorale.
La molécule CD46 est connue pour protéger les
cellules des attaques par le complément en parti-
cipant à l’inactivation des composants C3b et C4b
grâce à ses 4 domaines CCP (Complement Control
Protein repeat). Dans de nombreux types de cancer,
et notamment le MPM, on observe une surex-
pression du CD46 à la surface des cellules cancé-
reuses, probablement due à la pression de sélection
qu’exercent les attaques par le complément du
patient. La sur expression de CD46 par certaines
cellules tumorales les rend plus susceptibles à
l’infection par les souches vaccinales atténuées
du vaccin rougeole que les cellules saines. Ainsi,
de nombreuses études précliniques ont montré
que les souches atténuées du MV capables de
cibler CD46 présentent effectivement une forte
spécificité envers une grande variété de cellules
tumorales humaines, alors que les cellules saines
issues des mêmes tissus restent, elles, peu ou non
sensibles à l’infection. L’activité oncolytique du
MV a été démontrée in vitro et dans des modèles
de xénogreffe de cellules tumorales humaines
chez des souris immunodéficientes contre des
cellules de lymphome, de myélome multiple,
de glioblastome multiforme, de carcinomes de
l’ovaire et du sein ou de cancer de la prostate.
Notre équipe, en collaboration avec celle du Dr F.
Tanguy, de l’Institut Pasteur, Paris, a montré que
cette approche pourrait être développée pour le
MPM, puisque de nombreuses lignées cellulaires
de mésothéliome surexpriment la molécule CD46
et sont donc sensibles à l’infection par la souche
Schwarz (travaux en cours). Les cellules mésothé-
liales normales de la plèvre ne sont pas sensibles à
l’infection par le virus atténué, car elles expriment
faiblement la molécule CD46.
Le mésothéliome
et la virothérapie antitumorale
par le vaccin contre la rougeole
L’influence du système immunitaire sur l’efficacité
ou sur l’échec de la virothérapie antitumorale est
parfois controversée (16). En effet, l’impact négatif
de l’immunité antivirale sur l’activité antitumorale
des virus oncolytiques a été noté dans plusieurs
études. Les anticorps ou les cellules phagocytaires,
principalement les macrophages, sont notamment
capables d’inhiber de façon importante à la fois la
propagation de ces virus dans l’organisme mais
aussi leurs capacités à infecter les cellules tumo-
rales. À l’inverse, de nombreux travaux, dont les
nôtres (18), ont montré que le système immunitaire
pouvait aussi agir en synergie avec les virus oncoly-
tiques, les effets antitumoraux étant plus importants
sur les animaux immunocompétents (19).
Les travaux actuels visent donc à définir l’impact
réel du système immunitaire sur l’efficacité de la
virothérapie antitumorale afin d’améliorer son
développement en tant que stratégie thérapeutique
alternative. Différents mécanismes de l’immunité
participent à l’inhibition de l’activité des virus onco-
lytiques, notamment dans les cas où ces virus sont
injectés de façon systémique in vivo (figure 2, p. 76).
C’est pourquoi le traitement du mésothéliome par le
vaccin contre la rougeole présente un intérêt certain.
En effet, la cavité pleurale, lieu de développement de
la tumeur au niveau de la plèvre et de l’accumulation
des cellules cancéreuses dans le liquide pleural, peut
être un lieu d’injection du vaccin. À ce niveau, les
cellules cancéreuses sont en contact direct avec le
virus atténué, ce dernier serait donc partiellement et
temporairement protégé des anticorps neutralisants
ou de la réponse immunitaire antivirale.