
112
d’analyse sur l’équité et la justice face à cer-
tains objets d’environnement [McLaren et al.,
1999 ; Walker et al. 2003], telle la qualité de
l’air [McLeod, 2000 ; Brainard et al., 2002 ;
Mitchell et Dorling, 2003], ainsi que des rap-
ports officiels, dont celui de l’Agence Anglai-
se de l’Environnement en 2003 sur Pauvreté
et environnement.
Or, s’il subsiste un déficit de portage politique
en France, cette thématique n’est pourtant pas
sans adresser des questions saillantes tant à la
production de connaissances qu’à la construc-
tion de l’action, que ces connaissances et/ou
actions soient urbaines [Traisnel, 2005 ;
Emelianoff, 2005], socio-environnementales
[Faburel et Maleyre, 2007] ou plus largement
territoriales [Laigle, 2005a].
Ce décalage persistant entre portage et enjeux
a plusieurs causes que nous serions bien en
peine de recenser et d’articuler avec préci-
sion. Toutefois, il découle selon nous aussi en
partie de la définition même, la plus conven-
tionnelle, des inégalités environnementales
(i.e. expositions des populations modestes à
des charges environnementales proportion-
nellement plus importantes), voire de l’ac-
ception plus extensive et très générale çà et
là rencontrée en France [Laigle, 2005b]2. De
notre point de vue, appliquées sans discerne-
ment, ces définition et acception détournent
la connaissance de la compréhension fine des
dynamiques à l’œuvre derrière les faits inéga-
litaires dans le champ socio-environnemental.
Ceci nous semble particulièrement vrai lors-
qu’il s’agit d’aborder la ville, sa complexité,
donc la place qu'occupe l'urbain dans les mo-
des contemporains de l’habiter.
Par exemple, comment à partir de la seule
exposition des populations situer le rôle de
l’environnement dans les ségrégations socio-
spatiales et, notamment, les choix résidentiels
sous-jacents, donc éclairer la problématique
des inégalités environnementales en ville ?
Les inégalités environnementales n’y redou-
bleraient-elles dès lors les inégalités sociales ?
Ne seraient-elles pas simplement des inégali-
tés sociales qui, face à l’environnement urbain
et aux attributs du cadre de vie, donneraient à
voir d’autres visages du produit historique des
divisions sociales de et dans l’espace ?
À l’inverse, ne constituent-elles pas « l'un
des défis les plus difficiles à relever en rai-
son de leurs composantes économiques,
culturelles, sociales, psychologiques, éco-
logiques » [Emelianoff, 2005] ? Quels sont
alors leur contenu spécifique, la délimitation
de leur champ et leur portée axiologique ?
Quelles pourraient-elles être pour s'affirmer,
consubstantiellement, comme sujet scientifi-
que et enjeu politique, et ce, dans un contex-
te, celui de la France, marqué par un abord et
un traitement des faits socio-économiques et
environnementaux assez différents du pays
d'origine de ce thème (États-Unis) ? Faut-il
alors construire ces inégalités comme sujet
spécifique et penser des modalités d'actions
dédiées, ou simplement les considérer com-
me une variable nouvelle dans la problémati-
que "plus stabilisée" des inégalités sociales,
pour d'abord interpeller leurs effets plus ou
moins redistributifs des politiques existantes
(sociales, foncières, transport…) ?
Bref, n’y a-t-il pas lieu de d’abord définir de
telles inégalités environnementales de ma-
nière plus dynamique que la seule lecture
statique proposée habituellement ? N’en va-
t-il pas des enjeux que de tels phénomènes
recouvrent tant pour l’action publique mue
par la volonté d’un développement durable
territorialisé, que pour une production de
connaissances tendue, au moins dans les dis-
cours, vers l’interdisciplinarité ?
Partant de quelques exemples d’évolutions
tendancielles qui affectent les métropoles
urbaines (paragraphe 2), nous souhaitons ici,
pour cet effort de définition, montrer plus pré-
cisément la nécessité de comprendre le rôle
des logiques et priorités historiques d’action
des politiques publiques dans l’émergence de
situations socio-environnementales inégali-
taires en ville (paragraphe 3). Dès lors, nous
explorons la possibilité de faire de la capacité
d’action individuelle et des moyens des pou-
voirs publics locaux de lutter contre la vul-
nérabilité environnementale un sujet central
de la problématique des inégalités environne-
mentales, sur la base d’une conception plus
actante de l’environnement, puis en déclinons
quelques objets d’analyse (paragraphe 4). Le
propos s’achève sur les nouveaux horizons et
2 Pour une présentation rapide des courants et objets
d’analyse qui traversent le thème à l’étranger, cf. le
texte introductif du dossier 9 « Inégalités écologiques,
inégalités sociales » de la revue en ligne Développement
durable et territoires (Villalba et Zaccaï, in http://deve-
loppementdurable.revues.org/document3502.html).