enseignement philosophique au lycée et démocratisation

L'enseignement philosophique – 64eannée – Numéro 3
ENSEIGNEMENT PHILOSOPHIQUE AU LYCÉE
ET DÉMOCRATISATION
UNE DISCIPLINE EN MANQUE DOBJET ? DU DANGER DE VOULOIR LUI EN ATTRI-
BUER UN1
C’est une des provocations les plus simples à l’égard de la philosophie que de la
sommer à brûle-pourpoint de dire ce qu’elle est et ce qu’elle prétend enseigner. Notre
discipline a un problème qui lui est propre, problème qui est simultanément celui de son
enseignement.
Une discipline est censée définir les exigences nécessaires à l’étude d’un objet qui
lui est particulier. Osons nous l’avouer, nous avons de ce point de vue un probme
d’identité. Notre discipline est en mal d’un objet qui lui serait propre, en mal d’un objet
dont elle pourrait se revendiquer la science, à la manre des autres disciplines. La
philosophie s’est d’emblée voulue enseignement, mais de quoi? Il lui manque quelque
chose dont on pourrait dire qu’elle est le savoir et qui pourrait tranquillement permettre
de parler de l’enseignement de la philosophie comme on parle de celui de la physique
ou de celui de l’histoire. La question n’a pas manqde se poser, douloureusement, nous
le savons, quand il s’est agi de faire un programme.
L’enseignement de la philosophie au lycée a commencé au XIXesiècle en donnant à
la philosophie et à son enseignement un objet donc un programme. L’évoquer nous
donne la mesure de ce dont aujourd’hui un programme de notions nous protège, depuis
1973. C’est ce que reconnaissait, en 1979, Roland Brunet, un des piliers du GREPH, af-
firmant qu’un tel programme, barrassait, presque, du cousinisme, et permettait d’éviter
un programme de questions ou de problèmes, donc l’enseignement d’une philosophie2. Ce
commencement, c’est l’époque, celle de Victor Cousin , en 1846, Amée Jacques, Jules
1. On trouvera ici le texte d’une intervention faite le lundi 10 mars au lycée Michelet à Vanves à l’invitation de
Mme Szpirglas, IA-IPR, que nous remercions de nous avoir invité à nous exprimer dans le cadre d’une demi-
journée consacrée à l’enseignement de la philosophie et à sa démocratisation. Il n’était nullement question de
passer en revue tous les problèmes concernant notre enseignement et d’évoquer en conséquence tout ce qui
peut en être dit. Si le débat qui a suivi a permis d’aller un peu plus loin, l’APPEP s’exprime et s’est exprimée
régulièrement sur tous les problèmes concernant notre enseignement. Nous demandons donc qu’on nous lise
si l’on prétend juger de ce que nous sommes et surtout pour entendre sur l’enseignement de la philosophie,
dans l’École, un point de vue : http://www.appep.net
2 Nous condensons ici ce qui fut l’objet de plusieurs articles éditoriaux parus dans la revue L’Enseignement phi-
losophique et qu’on trouvera ici : http://www.appep.net/la-revue-lenseignement-philosophique/les-editoriaux/
Signalons, Péché originel (à propos du « manuel » évoqué ci-dessous), Vernis, Maturité, terminale, « progressivité »
où l’on trouvera les références nécessaires concernant les propos de R. Brunet ou de S. Kofman évoqués ici.
2SIMON PERRIER
L'enseignement philosophique – 64eannée – Numéro 3
Simon, et Émile Saisset écrivent un Manuel de philosophie 3, « ouvrage autorisé par le
conseil de l’instruction publique ». L’objet de la philosophie c’est Dieu. Le rôle d’un en-
seignement de la philosophie est de porter à le reconnaître dans ses œuvres. Le but était
clair, presque avoué, sauver la religion du matérialisme grandissant auquel pourraient
sembler conduire des sciences en plein progrès. Ainsi, disaient les auteurs, « [En d’autres
termes,] au-dessus de toutes les sciences particulières, l’esprit humain conçoit une scien-
ce maîtresse dont la fonction serait de représenter par l’unité supérieure de son point de
vue propre l’uni même du monde ». Voi qui est extrêmement rassurant. La philosophie
est « science de ces sciences, l’explication de ces explications ». Cela impliquait un pro-
gramme d’enseignement pour les lycées allant de l’homme à Dieu, de la psychologie à la
métaphysique, et dont les parties étaient: « psychologie, logique et morale, théodicée ».
Voilà une philosophie clairement identifiable, voilà de quoi nous sommes libérés,
sous cette forme ou sous une autre, libérés d’une philosophie se présentant comme la
philosophie pour ainsi en finir avec la philosophie, une fois pour toutes, comme le dé-
nonçait Sarah Kofman dans un article publié par le GREPH (Qui a peur de la philoso-
phie? cf. note 2), ou, pour le dire autrement, pour en finir avec un travail philosophique,
avec le doute. Ajoutons que c’est le risque de tout programme qui prétendrait donner
à cet enseignement un objet qui sous la forme de questions ou de problèmes présup-
poserait une philosophie.
A. Philonenko s’amusait il y a quelques années, dans un Qu’est-ce que la philosophie?,
à dresser une liste des objets dont des philosophes ont voulu que la philosophie soit la
connaissance: science du divin, donc métaphysique ou théologie, matérialisme, quand
certains conclurent que la vraie philosophie devait se faire science de la matière, psy-
chologie en prenant pour objet la conscience, vitalisme quand « elle voulut aussi péné-
trer plus profondément que la biologie les mystères de la vie »4. On pourrait ajouter à cet-
te liste de Philonenko les objets d’autres disciplines dont la philosophie s’est quelque-
fois emparée et non sans morgue. Il y a des philosophes qui se sont voulus meilleurs his-
toriens que les historiens, meilleurs physiciens que les physiciens – les cartésiens du XVIIIe
contre Newton – ou récemment encore meilleurs mathématiciens que les mathémati-
ciens, etc. Philonenko concluait que la philosophie, en voulant ainsi se donner un ob-
jet, a sinon causé sa perte du moins provoqué très souvent son discrédit, voire son ridi-
cule, les autres disciplines, jusqu’aux arts, se sentant souvent bien plus à même de pro-
poser une connaissance satisfaisante des objets qu’elles ont la prétention de s’approprier.
Philonenko concluait de sa liste des objets dont on a voulu que la philosophie soit
en propre la science: « confuse et prétentieuse c’était le visage qu’elle [la philosophie]
offrait le plus souvent – la philosophie suscita l’aversion. […] matérialisme, vitalisme,
psychologie, théologie, et naturellement ontologie: A, E, I, O, U! 5». Par prudence, ajou-
te-t-il, « on en vint à parler non plus de la philosophie, mais des philosophies », ce qui
dit très bien où nous en sommes aujourd’hui.
QU’ENSEIGNER ?
Alors que faire, qu’enseigner, si l’on prétend enseigner la philosophie ? Que faire
donc qui n’abandonnerait pas la philosophie à une philosophie, ou sinon à sa carica-
3. (1846), Paris, Librairie de L. Hachette et Cie, 1857 (3eédition). Les citations qui suivent sont issues, dans
l’ordre, des pages 3, 11 et 10 d’une introduction dont la première partie s’intitule : Objet, division et organisa-
tion de la philosophie.
4. Philonenko Alexis, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Vrin, 1991, p. 8-9-10.
5. Allusion bien sûr au maître de philosophie du Bourgeois Gentilhomme.
ENSEIGNEMENT PHILOSOPHIQUE AU LYCÉE ET DÉMOCRATISATION 3
L'enseignement philosophique – 64eannée – Numéro 3
ture, une attitude, un état d’esprit, le très fameux esprit critique qui caractérise les
philosophes, et eux seuls bien sûr, et dont la philosophie serait l’écho, ou à sa définition
comme réflexion, en commun bien sûr, bref, à tout ce qui finit d’ailleurs par justifier
pour d’autres que la philosophie ne serait que prétention à parler de tout et de n’importe
quoi avec plus d’habileté que d’autorité.
Il faut au lycée un enseignement qui doit se suffire à lui-même et s’adresser dans un
temps limité à des élèves qui pour la plupart ne feront plus de philosophie. Que faire qui
ne serait pas que la mutilation dun tout, supposant quon a déjà choisi de ne tra-
vailler que pour une mince élite. En faisant de la philosophie au lycée la première
marche d’une progression savante, on ne pourrait que condamner l’enseignement de la
philosophie dans le secondaire, refuser de vouloir enseigner la philosophie à celui qui
ne s’y destine pas. Que faire donc qui pourrait être un commencement et pourtant va-
loir pour lui-même ? Telle doit être l’ambition d’un enseignement démocratique parce
que voulant lamocratisation, c’est-à-dire voulant dans le cadre présent, si insatis-
faisant soit-il, s’adresser au plus grand nombre 6.
Alors, si l’on envisage uneponse à ce « que faire ? », compte tenu de ce qui
vient d’être dit, nous croyons que c’est une réponse qui justifie un programme de no-
tions, partant de l’idée qu’il y a bien quelque chose dans la philosophie qui fait cette
incapacité à lui attribuer un objet propre dont elle pourrait se dire l’enseignement.
La question qu’on peut se poser, à l’envers du providentialisme évoqué ci-dessus,
est de savoir si la difficulté d’une identification de la philosophie, donc de son ensei-
gnement, n’est pas en proportion de la reconnaissance, qui lui est propre, de la difficulté
d’identifier assurément quoi que ce soit, de connaître quoi que ce soit avec certitude,
difficulté reconnue d’identifier assurément une quelconque et ultime réalité, difficulté
reconnue de savoir pour l’homme ce qu’il pourrait assurément penser de lui-même et
du monde, de toute chose, et de savoir ce quil pourrait faire de lui-même. Il nous
semble que c’est cela, cette difficulté, reconnue, prise en charge, posée, qui fonde la phi-
losophie, et qu’assume à sa manière toute philosophie. C’est d’éprouver l’inquiétude qui
vient en conséquence de la conscience de cette difficulté, de l’assumer comme un pro-
blème, et de tenter de s’en faire une conception, d’en penser quelque chose, peut-être
de lui trouver des réponses, qui font qu’on commence à être philosophe et que com-
mence toute philosophie. L’homme, dès qu’il y réfléchit, est celui qui s’aperçoit de l’in-
certitude dans laquelle il est. C’est reconnaître cela qui fait la philosophie à son dé-
part, qui unit les philosophes, reconnaître, par exemple, que ce que nous nommons,
monde, réalité, temps, vérité, humanité, matière, esprit, liberté, mort, bonheur, justice, etc.,
désigne nos incertitudes, et peut-être définitivement. Ces mots, liste non exhaustive,
dans la variation du sens qu’on leur donne, renvoient à nos difficultés, à nos interro-
gations, aux réponses que l’on croit avoir trouvées.
En ce sens la philosophie, c’est peut-être un scepticisme posé comme fonds commun
de toute philosophie et qui devrait toujours le rester. C’est au lycée le point de départ
auquel doit amener ou ramener un enseignement de la philosophie qui, en ce sens,
pourra être dit philosophique, c’est-à-dire, d’abord, ne voulant pas prétendre enseigner
6. C’est l’allégement que la plupart des professeurs réclamaient avant qu’il en soit fait une question de nature du
programme, jusqu’à la « guerre » que nous avons subie. Nous croyons par ailleurs que s’il y a des causes internes
à notre enseignement, celui-ci ne peut à lui seul réussir dans une école en échec, à moins d’appeler démocrati-
sation, non une simplicité, mais un appauvrissement, qui suffirait aux pauvres. Ainsi, quand bien même il y a
sans doute à faire duté du programme et des épreuves, ce à quoi nous nous consacrons, nous ne croyons
pas que notre enseignement se sauvera à lui seul de ses difficultés. L’APPEP est en ce sens attachée à uneflexion
qui situe notre enseignement dans son contexte.
4SIMON PERRIER
L'enseignement philosophique – 64eannée – Numéro 3
une philosophie particulière qui se voudrait la philosophie. La tâche d’un enseignement
philosophique dès le lycée est d’éveiller ou de réveiller en chacun, de susciter et de nour-
rir l’inqutude devant ce manque, cette conscience dune faiblesse constitutive, en
engageant dans la connaissance de différentes manières de l’avoir posée comme pro-
blème et de réponses données, en donnant à connaître des réponses partout où l’on peut
croire pouvoir en trouver légitimement et d’abord dans les œuvres des philosophes 7.
Pour le dire à la manière de Pascal, notre enseignement devrait toujours s’adresser à ce
quelque chose qui en tout homme « crie » un manque, un vide, qui est mélange d’une
avidité et d’un sentiment d’impuissance 8.
Un enseignement philosophique s’adresse à une insatisfaction naturelle et propose,
dit déjà à la façon de Pierre Hadot, des manières de penser et de vivre. Il s’agit de rendre
possible que soit viable cette insatisfaction, de faire qu’un malheur de la condition hu-
maine porte à un bonheur, autant qu’il porte à une recherche, qu’il porte vers le monde
et les autres, qu’il porte à la recherche de ce qui peut être dit vérité, aux réponses des
philosophes, qu’il oblige à une conscience que doit justement cultiver un enseignement
philosophique. À la philosophie, à son enseignement, d’exciter et de cultiver cette avi-
dité plutôt que de labandonner aux diverses et faciles consolations ou divertisse-
ments qui s’offrent aux hommes.
En ce sens Gérald Sfez écrivait à propos de l’enseignement philosophique :
Son rôle n’est pas de lier les savoirs ni d’en ajouter un autre qui les surplomberait et qui
aurait ses terres. C’est ce qui fait que l’enseignement philosophique nest pas pour
« donner du contenu » repérable sur une cartographie ou donner à cultiver les plus
arables de ses terres, car elle [la philosophie] ne règne pas sur un domaine de réalités ré-
servé dont elle pourrait tracer les limites. Elle est essentiellement générale.
La philosophie s’intéresse à tout ce qui est à même d’être humain, à tout ce qui
est du monde, à l’inquiétude d’une vie qui, dès qu’on y réfchit, appart, au moins
d’abord, sans objet propre. Un enseignement philosophique est celui qui nourrit, culti-
ve une inquiétude qui porte à désirer trouver des réponses sans toujours se soucier de
leur qualité. Bien des œuvres en proposent. Le travail d’un enseignement philosophique
est celui d’une problématisation de cette inquiétude. Il propose, voire oppose de pos-
sibles orientations. Enseigner la philosophie, ajoutait Gérald Sfez, c’est « changer l’es-
prit de disposition, [lui] donner le désir de s’orienter dans la pensée, de faire apparaître
les complexités, d’éprouver les ambiguïtés et s’appuyer sur elles, ou voir fonctionner cer-
tains concepts comme obstacle et point d’appui, d’apprécier la patience de juger juste
[…] Enseigner la philosophie c’est penser et faire penser comme un philosophe » 9.
Tel est si l’on veut l’objet d’un enseignement philosophique au lycée et d’un programme
de notions 10. Il s’agit donc d’engager chacun, corps et âme, dans un enseignement où
lélève comme le professeur sont comme philosophes, sont à un moment, pour la
comprendre, la démarche de la pensée qu’on leur donne à rencontrer, jouent à être, si
l’on veut le dire par une formule emprune à Sartre. Il s’agit de s’exercer à diverses
perspectives. L’enseignement de la philosophie n’est donc réductible ni au savoir d’un
7. Ajoutons, à la relecture de notre exposé, qu’une question a été ensuite posée qui demandait justement si ce
n’était pas au fond de tout enseignement qu’on attend l’engagement proposé ici, ce que nous avons approuvé.
8. Pascal Blaise, Pensées, Pléiade (Chevalier), 370 (Br. 377-378), p. 1185.
9. Sfez Gérald, Ce que vise la philosophie, revue L’Enseignement philosophique, janvier-vrier 1998, n° 3, 48e
année, p. 6.
10. Un programme de notions fait donc du non philosophique confron aux ies des philosophes, en un
doute libérateur, l’objet de son enseignement. Il oblige à partir de nos élèves, avec eux. Il résout bien des diffi-
cultés d’un programme qu’on voudrait de questions ou de problèmes et qui reviendrait à refaire d’une philoso-
phie l’objet du cours. Pour en finir avec la philosophie ?
ENSEIGNEMENT PHILOSOPHIQUE AU LYCÉE ET DÉMOCRATISATION 5
L'enseignement philosophique – 64eannée – Numéro 3
contenu arrêté, ni à l’apprentissage d’une technique pour bien penser, être compétent
et savoir répondre à telle ou telle question, ce qui ferait oublier de s’interroger, de ju-
ger, j’entends de proposer authentiquement une réponse plutôt que de singer (est-ce
cela démocratiser ?). Il est cette démarche de la pensée qui engage chacun existentiel-
lement et redonne au mot philosophe son sens antique, ce que nous allons développer
par Pierre Hadot et Michel Foucault.
ENSEIGNEMENT PHILOSOPHIQUE ET EXERCICE SPIRITUEL (HADOT, FOUCAULT) 11
Conversion et transformation de soi
Pierre Hadot dénonce la transformation au Moyenge de la philosophie en fa-
brique des concepts nécessaires à la théologie et en un enseignement universitaire qui
ne se charge plus que d’une transmission érudite. La philosophie ne s’occupe plus de
bien penser et de bien vivre, de penser et de vivre selon le bien, mais est faite instru-
ment de la connaissance d’un objet particulier, Dieu. Le philosophe devient alors celui
qui cherche « à construire un édifice conceptuel », une sorte d’ingénieur. La philosophie
cesse d’être une « conversation vivante d’homme à homme »12, (ce que doit être un cours
de philosophie), conversation, s’il faut le préciser, selon l’ordre des raisons, conversa-
tion avec les œuvres, par quelque moyen qu’on y accède, donc avec quelqu’un, donc, par
réflexion, avec soi. Pour lui, le drame de notre temps, c’est cette philosophie universi-
taire, de spécialistes qui ne parle plus qu’aux spécialistes et qui fait qu’on ne trouve plus
de philosophes mais seulement des chercheurs en philosophie. L’érudit qu’est Pierre Ha-
dot ne méprise évidemment pas le travail savant de la recherche, mais il souhaite « que
les professeurs et les écrivains qui parlent de philosophie […] soient conscients du
fait que discours et vie sont inséparables »13. À une autre échelle, bien sûr, adapté au ly-
cée, en proportion du temps qui lui est laissé et de celles et ceux auxquels il s’adresse,
tout enseignement au lycée devrait vouloir ce lien entre discours et vie, particulièrement
parce qu’il s’adresse à des élèves qui ne se destinent pas à devenir des professionnels de
la philosophie.
Une philosophie entendue comme manière de penser et de vivre veut que s’entre-
croisent sans cesse lire, écrire et vivre. Ainsi peut-on comprendre l’enseignement phi-
losophique comme exercice spirituel, exigeant de chacun qu’il devienne philosophe, si
peu que ce soit, conduisant, comme le dit Hadot, à « une vie plus consciente, plus ra-
tionnelle, plus ouverte sur les autres et l’immensité du monde » 14. Cette ouverture est
l’action d’un enseignement philosophique. Un enseignement philosophique peut être
compris comme ce que P. Hadot appelle conversion, qui n’est pas ce que l’on pourrait
craindre de ce mot puisqu’elle est libération, « arrachement et rupture par rapport au
quotidien, au familier, à lattitude faussement naturelle du sens commun […] Sous
quelque aspect qu’elle se présente, la conversion philosophique est accès à la liberté in-
térieure, à une nouvelle perception du monde, à l’existence authentique » 15. Ce travail
11. Nous condensons, sur ce point important, un précédent article: L’Enseignement de la philosophie au regard de
Pierre Hadot, revue L’Enseignement philosophique, 63eannée, n° 1, septembre-novembre 2012.
12, Hadot Pierre, Exercices spirituels et philosophie antique, Albin Michel, 2002, « La Philosophie est-elle un
luxe ? », p. 364.
13. Hadot Pierre, La Philosophie comme manière de vivre. Entretiens avec Jeannie Carlier et Arnold J. David-
son, Paris, Le Livre de poche, 2003, « Biblio essais », p. 180.
14. Hadot Pierre, Exercices spirituels et philosophie antique, op. cit., Réflexions sur la notion de « culture de soi »,
p. 331.
15. Hadot Pierre, Exercices spirituels et philosophie antique, op. cit., Conversion, p. 233-234. Sur le sens du mot,
« changement d’orientation », « changement de pensée », voir depuis la page 224.
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