Extrait de la publication

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Profession astronome
Collection dirigée
par Benoît Melançon
et Florence Noyer
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Wesemael, François
Profession, astronome
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 2-7606-2005-0
1. Astronomes. 2. Astronomie - Aspect social. I. Titre.
QB51.5.W47 2006
520'.23
C2006-940033-4
Dépôt légal :1ertrimestre 2006
Bibliothèque nationale du Québec
© Les Presses de l'Université de Montréal, 2006
Les Presses de l'Université de Montréal remercient de leur soutien financier le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil des Arts du Canada
et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec
(SODEC).
IMPRIMÉ AU CANADA EN FÉVRIER 20O6
FRANÇOIS WESEMAEL
Profession
astronome
Les Presses de l'Université de Montréal
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Ce sont les travaux des astronomes qui nous donnent des
yeux, et nous dévoilent la prodigieuse magnificence de
ce monde presque uniquement habité par des aveugles.
FONTENELLE, Éloge de M. Cassini, 1712
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Entrée en matière
R
are est celui qui n'a pas levé les yeux, un soir à la
campagne, et admiré la prodigieuse beauté de la
Voie lactée s'étirant au-dessus de sa tête; ou celui qui
n'a jamais remarqué la taille, en apparence énorme,
de la pleine lune suspendue à son lever au ras de l'horizon; ou alors celui qui n'a jamais été intrigué par le
ballet des aurores boréales, loin des éblouissantes
lumières de la ville. Le simple geste de porter son regard
vers les cieux nous confronte immédiatement à des
questions millénaires sur nos origines et sur la nature
de l'univers que nous habitons et nous permet de tisser
un lien étroit avec le passé. Ce geste, profondément
humain, permet à chacun de nous d'entretenir une relation privilégiée avec l'astronomie, relation qui n'a pas
sa contrepartie parmi les autres disciplines scientifiques.
« J'exerce plus une passion qu'un métier », dit le
jeune chef français Cyril Lignac. J'emprunte sans aucune
honte ce bon mot, qui décrit parfaitement la relation
que j'entretiens avec l'astronomie - cette merveilleuse
aventure intellectuelle dont j'ai fait, moi, mon métier.
L'astronomie appartient à l'univers de l'être humain
depuis la nuit des temps, et l'histoire n'a pas retenu le
nom de celui qui observa pour la première fois les
« astres errants » Mercure, Vénus, Mars, Jupiter ou
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Saturne. Elle est, à ce titre, la plus vieille des sciences,
et ceux qui la pratiquent se réconfortent à l'idée qu'elle
est peut-être aussi la plus connue et la plus appréciée.
Il convient néanmoins, pour les besoins de ce portrait,
de lui fournir une définition minimale. On peut la décrire, de façon générale, comme une science dont l'activité principale est d'expliquer non seulement ce qu'est
l'univers et comment il fonctionne, mais aussi comment il a débuté, comment il a évolué jusqu'à ce jour
et comment il va se développer dans le futur. L'inclusion
de l'idée de changement temporel - les astronomes
parlent souvent d'évolution dans ce contexte - est
importante et récente, puisqu'elle ne date que du début
du xxe siècle. Cette définition générale donnée, on voit
souvent contrastés les termes « astronomie » et « astrophysique ». Cette distinction correspond-elle à quelque
chose de bien réel ? Dans son incarnation moderne,
l'astronomie est une science qui se préoccupe principalement de l'observation des corps célestes, de leurs
propriétés et des changements qu'ils subissent. La
physique, elle, est une science qui s'applique à décrire
les phénomènes naturels à l'aide de lois universelles.
L'astrophysique est donc à la croisée des chemins et
elle essaie de rendre compte des propriétés observées
des astres par des lois physiques de portée universelle.
La différence entre astronomie et astrophysique, réelle
du point de vue sémantique, n'a en pratique que peu
d'intérêt : peu d'astrophysiciens, quelques inévitables
irréductibles mis à part, refuseraient d'être appelés
astronomes, et vice versa. Nous sommes donc tous des
astronomes. Si une distinction doit absolument être
faite sur la base du type de travail accompli, les gens
du métier parleront plus facilement d'un (astronome)
observateur ou d'un (astronome) théoricien.
L'astronomie est devenue un vaste domaine d'étude
qui, dans sa pratique, intègre des éléments de physique,
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de mathématiques, de chimie, de biologie et de
biochimie, de génie électrique et de génie physique, de
géologie et d'informatique. Cet aspect pluridisciplinaire
est une de ses spécificités les plus évidentes. Il y en a
d'autres, que je me propose de mettre en relief dans
les pages qui suivent. J'aborderai d'abord les aspects
qui font de l'astronomie une science qui, même si elle
semble avoir peu de retombées directes, continue néanmoins de jouer un rôle essentiel dans la Cité. Je discuterai également de l'image que les astronomes se
font aujourd'hui de l'univers - qui diffère de façon
substantielle de celle héritée de nos prédécesseurs ainsi que des techniques modernes qui ont permis à
l'astronomie d'élargir son champ de vision au cours
du dernier siècle. Les progrès accomplis depuis quatre millénaires ont forcé une réévaluation de la relation particulière qu'entretient l'astronomie avec le
temps, relation dont je présenterai les aspects les plus
insolites. J'aborderai aussi les diverses facettes de la
carrière d'astronome, le rôle joué par les amateurs et
les techniques utilisées dans la diffusion des connaissances astronomiques. Ce panorama de la discipline
se terminera par une discussion des nouvelles directions que prend l'astronomie et par un bref survol de
quelques-uns des projets qui occuperont les astronomes au cours des prochaines années.
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L'astronomie comme
discipline scientifique
L
es définitions proposées ci-dessus décrivent toutes
l'astronomie comme une science. fl n'est pas inutile
de rappeler que l'usage de ce mot implique une démarche rigoureuse et raisonnée qui fait appel à un ensemble
d'étapes spécifiques : tout d'abord l'observation, puis
la formulation d'un nombre restreint d'hypothèses qui
servent de base à la construction d'un modèle du phénomène observé. Le modèle élaboré doit faire plus que
rendre simplement compte des observations : il doit
également avoir une capacité prédictive, c'est-à-dire
être en mesure de prédire et de décrire correctement
de nouveaux phénomènes ou les résultats de nouvelles
expériences ou observations. On ajoute souvent l'exigence que le modèle formulé soit « falsifiable », qu'il
soit susceptible d'être mis en échec par une seule observation qui l'invaliderait. En passant, il n'est peut-être
pas superflu de souligner que, sur la base des critères
épistémologiques actuels, l'astrologie occidentale moderne, elle, est considérée de façon claire comme une
pseudo-science.
L'étude de la forme des orbites de comètes, réalisée
au xvne siècle par l'astronome anglais Edmund Halley,
fournit une élégante illustration astronomique de la
démarche scientifique. Alors qu'Isaac Newton, son
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contemporain et ami, favorise des orbites autour du
Soleil de forme parabolique, donc ouvertes, Halley
considère que des orbites elliptiques fermées sont aussi
possibles et il se convainc qu'une comète observée en
1682 a une orbite similaire à celle de comètes observées
en 1531 et en 1607. Il s'agit donc, selon lui, du même
objet, une comète périodique que son orbite elliptique
amène dans le voisinage du Soleil tous les 76 ans. Ce
modèle rend non seulement compte des observations
initiales, mais il permet à Halley de prédire le retour
de cette comète en décembre 1758. Halley meurt en
1742 et il ne peut assister au triomphe de ses idées : la
comète, connue maintenant sous le nom de comète de
Halley, fait en effet son retour tel que prévu, confirmant ainsi le modèle des orbites elliptiques et apportant du même coup une éclatante confirmation de la
validité du cadre de ce modèle, la théorie de la gravitation universelle de Newton. De la même façon, nos
idées et nos modèles astronomiques sont constamment
testés et souvent remis en question par de nouvelles
observations. Ce qui peut apparaître, vu de l'extérieur,
comme une forme d'indécision chronique (Pluton estelle une planète légitime ou simplement un objet de
type astéroïdal situé aux confins du système solaire?
Les météorites martiennes contiennent-elles vraiment
des bactéries fossilisées ?) n'est en fait que l'illustration
d'une science bien vivante qui remet constamment en
question une partie de ses acquis.
Par sa nature, l'astronomie peut être considérée
comme une science passive, puisque sa pratique est
fondée sur l'observation plutôt que sur l'expérimentation. Au contraire du chimiste, qui peut varier à
volonté la concentration ou la température des réactants dans son expérience, l'astronome a une marge de
manœuvre limitée : s'il est - comme tous les scientifiques - engagé dans une conversation avec la Natur.
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son rôle se restreint souvent à glaner toute l'information disponible sur l'univers sans pouvoir choisir ni son
origine ni le moment auquel elle correspond. Malgré
ces restrictions, le bilan des quatre derniers millénaires
d'observation du ciel impressionne. De plus, l'astronomie fait un excellent usage des rares possibilités qui
lui sont offertes d'« expérimenter » de façon plus traditionnelle : le largage de l'étage supérieur du module
lunaire sur la surface de la Lune lors des missions Apollo
des années 1970 afin d'étudier les propriétés sismiques
de la croûte et de l'intérieur lunaires en est un exemple. Plus récent, l'extraordinaire tir d'un « missile » à
bout portant sur le noyau de la comète Tempel i par la
mission Deep Impact afin d'étudier les propriétésser.
physiques de la surface de ces objets primordiaux en
est un autre.
Parmi ses consœurs, l'astronomie est une des sciences les plus susceptibles d'être considérées comme un
« luxe », qui rapporte peu de bénéfices immédiats à la
société. Cette vulnérabilité étonnerait assurément les
premiers astronomes, puisque, à son origine, l'astronomie est une discipline éminemment pratique. Le
succès de l'agriculture, spécialement la culture des
céréales, repose en grande partie sur l'existence d'un
calendrier, lui-même ancré dans le mouvement apparent des astres. L'astronomie est donc tout d'abord
pratiquée dans les bassins du Nil et de l'Euphrate, berceaux de la civilisation occidentale. Encore aujourd'hui,
l'observation astronomique joue un rôle essentiel dans
l'agriculture pratiquée par les autochtones des hauts
plateaux andins. Par la suite, l'émergence à Babylone
de l'astrologie - l'idée que les astres contrôlent et régis
sent le destin de l'être humain - donne à l'observation
astronomique un élan supplémentaire. C'est toute une
panoplie d'activités humaines qui, au cours des siècles,
bénéficiera largement de l'astronomie : semailles et
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récoltes, campagnes militaires, voyages et expéditions,
planification de fêtes religieuses, etc.
En dépit de cette imposante liste de bénéfices qui
découlent directement de la pratique de l'astronomie,
se pourrait-il que le plus beau cadeau de cette discipline
à l'humanité soit ailleurs, dans le monde des idées ? Au
xvie siècle, Copernic propose une nouvelle façon de rendre compte du mouvement apparent des astres errants
sur la sphère céleste en mettant de l'avant un modèle
qui place le Soleil, plutôt que la Terre, au centre des
orbites de ces astres. Il s'agit, cela va de soi, d'un moment
clé du développement de l'astronomie, mais son impact
se fait sentir bien au-delà du cercle restreint de cette discipline. L'idée annonce la fin du dogme de l'immobilisme de la Terre, hérité des philosophes grecs, et du
dogme qui assigne à la Terre une position spéciale dans
l'univers, alors restreint au système solaire. Ce travail
de remise en question se poursuit au xxe siècle, alors
que l'astronome américain Harlow Shapley montre,
en 1917, que le Soleil n'est pas au centre de notre galaxie
- la Voie lactée - comme on le pensait jusque-là. Il l
relègue plutôt en périphérie de cet énorme système
stellaire, dans une « banlieue » relativement anodine.
Cet étonnant résultat est rapidement suivi par l'observation que les galaxies externes semblent animées d'un
mouvement de fuite, puisqu'elles s'éloignent toutes de
la Voie lactée à très grande vitesse. Cette observation,
paradoxalement, est tout à fait cohérente avec l'idée
- maintenant élevée au rang de principe - qu'il n'y.
pas d'observateur privilégié dans l'univers que nous
habitons. La Voie lactée y est un point d'observation
tout aussi valide, et tout aussi anodin, que la grande
galaxie d'Andromède, située à 2 900 ooo d'annéeslumière, ou que la galaxie du Sombrero, encore plus
lointaine à quelque 50 ooo ooo d'années-lumière. Ces
quelques résultats que j'évoque font partie du legs de
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l rofession astronome.
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l'astronomie à l'humanité. Par leur profondeur, ils stimulent notre imagination et provoquent la réflexion.
Par leur nature, ils contribuent à répondre à quelquesunes des plus importantes questions que l'être humain
peut se poser : quelle est notre place dans l'univers qui
nous entoure? Quel rôle sommes-nous appelés à jouer
dans l'« ordre du monde » ? Tant que l'homme n'aura
pas réussi à répondre à ces questions, les astronomes
trouveront leur place dans la Cité.
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L'astronomie d'hier à aujourd'hui
B
ien qu'ancrée dans une tradition plusieurs fois
millénaire, l'astronomie moderne ressemble peu
à la discipline pratiquée par les civilisations antiques.
Notre perception globale de l'univers et les moyens à
notre disposition pour étudier ses propriétés ont, tous
deux, considérablement évolué depuis les premières
observations du ciel à Babylone et en Egypte. Conceptuellement, le changement est profond. À la vision
aristotélicienne d'un univers statique qui imprègne
l'astronomie pendant des siècles se substitue aujourd'hui l'image d'un univers dynamique à toutes ses
échelles. La transition s'est faite récemment et rapidement : jusqu'au début du xxe siècle, l'idée d'un univers
immuable, héritée des Grecs et reprise par Newton,
règne. Même Albert Einstein, père de la relativité
générale, se laisse séduire. Il n'aime guère la solution
qu'il a trouvée aux équations de sa théorie, solution
qui décrit un modèle mathématique d'univers : elle
suggère en effet que l'univers, loin d'être statique, pourrait être une entité dynamique. Pour remédier à ce qu'il
considère comme un défaut de son modèle, Einstein
s'empresse d'y introduire un artifice mathématique,
baptisé « constante cosmologique », qui redonne au
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modèle d'univers son aspect statique. L'astronome
américain Edwin Hubble apporte cependant, dans les
années 1930, la preuve convaincante de la fuite des
galaxies, signature d'un univers en expansion. L'idée
d'un univers immuable ne meurt pourtant pas. Encore
dans les années 1960, le modèle d'état stationnaire est
favorisé par bon nombre de spécialistes de cosmologie. Dans ce modèle, l'expansion de l'univers - alors
devenue une réalité incontournable - est compensée
par la création spontanée de matière de façon à produire un univers stationnaire. La découverte par Arno
Penzias et Robert Wilson, en 1965, du rayonnement
« fossile », résidu de l'explosion primordiale identifiée
à la naissance de l'univers (Big Bang), contribue à
écarter de façon définitive cette famille de modèles.
Aujourd'hui, l'idée d'un univers en expansion issu
d'une explosion primordiale est omniprésente dans
les modèles cosmologiques.
La nature changeante, et parfois violente, de l'univers est aussi en évidence à plus petite échelle. Tout
près de nous, le Soleil, pourtant d'apparence si paisible, est le siège de tempêtes magnétiques qui relâchent
des quantités phénoménales d'énergie dans le milieu
interplanétaire. Le Soleil est loin d'être un objet exceptionnel, cependant, puisque le cycle de vie de chaque
étoile fait une large place à toute une gamme de processus dynamiques. Ainsi, de nouvelles étoiles naissent constamment de l'effondrement, sous l'effet de
la gravitation, d'immenses nuages de gaz. Une fois
formées, leur processus de vieillissement est souvent
accompagné de l'éjection dans le milieu interstellaire
d'importantes quantités de matière - parfois jusqu'à
90 % de la masse initiale de l'étoile. Ailleurs, dans des
systèmes binaires de période orbitale suffisamment
courte, de la matière peut être transférée d'une étoile
à l'autre. Dans cet échange, la matière cédée accélère
Profession astronome
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FIGURE 1 L'astronomie télescopique date de moins de quatre cents
ans. Jusqu'en 1609, toutes les observations astronomiques étaient
faites à l'œil. Dans cette gravure fantaisiste qui date de la Renaissance,
le plus grand astronome de l'Antiquité, Hipparque de Nicée (190120 av. j.-C), lit un quadrant après avoir mesuré la hauteur du Soleil
En réalité, il est peu probable qu'Hipparchus ait utilisé cet instrument, baptisé quadrans vêtus, qui date de l'époque médiévale (illustration extraite du Cosmographicall Classe de William Cunningham
[1559]; source :<http://www.hps.cam.ac.uk/starry/hipparchuslrg.jpg>).
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MARQUIS
MEMBRE DU GROUPE SCA8RINI
Québec, Canada
2006
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