ÉDUCATION MORALE ET LES PÉDAGOGUES DE LA IIIe RÉPUBLIQUE
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morale » (1730) : 1e tempérance 2e silence, 3e ordre (...) 11e tranquillité 12e chasteté
13e humilité. Idem chez Ch. Démia (1637/1689), véritable fondateur de l’enseigne-
ment primaire : humilité, foi vive, détachement des choses de la terre, charité envers
les pauvres (...) douceur, fermeté, zèle9.
- dans un corps doctrinal spiritualiste.
Divisé quant à la question de la « neutralité », le mouvement républicain
tiendra compte du point de vue exprimé avec force par l’ancien ministre J. Simon
(1814/1896). Élève de V. Cousin (1792/1867), ce dernier exprime dans le titre
même d’un de ses ouvrages son credo : Dieu, Patrie, Liberté, et précise : « La neu-
tralité que vous voulez imposer aux écoles de l’État, et, par voie de conséquence, à
l’État lui-même, est quelque chose de plus humiliant et de plus débilitant que le ni-
hilisme ; car c’est l’indifférence en matière de religion et en matière de philosophie.
(...) Nous en appelons contre vous à Dieu et à la Liberté. Nous parlerons au pays et
aux majorités qui nous gouvernent des devoirs envers Dieu, que l’Assemblée consti-
tuante a proclamés en 1790, que, nous, Constituants de 1848, nous avons acclamé
de nouveau, au milieu de l’enthousiasme universel, et qu’on a eu peur d’écrire dans
la loi, en 1881. »10
D’où, sous le patronage d’un trio philosophique (Buisson, Janet, Marion) des
programmes de morale qui déclinent, sans véritable solution de continuité avec la
période précédente, une série de devoirs : 1. devoirs envers les proches (serviteurs
compris) 2. devoirs envers soi-même 3. devoirs envers les autres hommes 4. devoirs
envers Dieu - ces derniers disparaissant du « nouveau plan d’études des écoles pri-
maires élémentaires » conçu par Paul Lapie, en 1923 seulement.11
Mais, pour autant que la morale puisse être définie comme « science idéale
de la volonté » (Janet) prenant place dans l’ensemble des « sciences philosophi-
ques », les auteurs, chargés de concevoir le cours de morale pour les écoles norma-
les, concluent leur réflexion (janvier 1881) : « Nous demandons que l’idée de Dieu
intervienne comme terme de la morale et comme le symbole supérieur et la conden-
sation vivante de tout ce qu’il y a de grand, de noble et de saint parmi les hommes.
(...) Pour nous, et pour la langue française, le mot laïque ne s’oppose pas au mot re-
ligieux, mais au mot ecclésiastique, il y a une religion laïque comme une religion
ecclésiastique, et cette religion laïque, si elle n’est pas pour nous la base de la mo-
rale, en est du moins le couronnement. »12
Paul Bert lui-même, libre penseur, recommande le recours au rituel et à ce
que Buisson nommera plus tard la « foi laïque » (1912) : « Il faut que nous fassions
9 G. Compayré. Charles Démia et les origines de l’enseignement primaire. S.-D. Delaplane.
Collection « Les grands éducateurs ».
10 Introduction de novembre 1882 in : J. Simon, Dieu, Patrie, Liberté, Paris, Calmann Lévy, 7e éd.
1883, 426 p.
11 I. O. du 20 juin1923. A rapprocher de la création d’un enseignement de sociologie (très
durkheimien) en 2e année des E.N (30 septembre1920).
12 « Rapport sur le programme d’un cours de morale dans les écoles normales primaires, présenté au
conseil supérieur au nom de la section permanente », in E. Rendu. Manuel de l’enseignement primaire.
Hachette. Ed. 1881. p. 554-561.