Évolution du tropisme des populations virales dans l`histoire

revue
Évolution du tropisme des populations virales
dans l’histoire naturelle de l’infection par le VIH
F. Mammano
B. Labrosse
Inserm U552, Recherche antivirale,
Hôpital Bichat-Claude-Bernard,
46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris,
Université Paris 7, Denis-Diderot
Résumé.Le tropisme duVIH1 se définit sur la base du récepteur de chimiokines
utilisé (en plus de la molécule CD4) dans le processus d’entrée du virus, même
si d’autres facteurs sont impliqués dans la permissivité des cellules à l’infection.
La grande majorité des virus isolés à partir de patients au stade précoce de
l’infection utilisent CCR5 (virus R5), ce qui montre que ces virus ont un
avantage dans le processus de transmission et/ou d’amplification chez l’individu
nouvellement infecté, et cela quel que soit le mode de transmission. Plusieurs
paramètres cellulaires, viraux et immuns peuvent participer à ce phénomène. Les
virus R5 se diversifient et évoluent dans le temps sous la pression de sélection
immune et par compétition. Dans ce processus, des variants capables d’utiliser
CXCR4 émergent chez environ la moitié des patients dans la phase symptoma-
tique de l’infection. L’utilisation de CXCR4 élargit le spectre des cellules cibles
du VIH. Ce changement de tropisme est associé à une progression plus rapide de
la maladie. Les facteurs impliqués dans le changement de tropisme et ses
conséquences sont discutés.
Mots clés :VIH1, évolution, tropisme, pathogenèse
Abstract.HIV-1 tropism is essentially defined on the basis of the chemokine
receptor used for the cell-entry process, although other parameters play a role in
defining the spectrum of potential target cells. Irrespective of the route of
transmission, viruses that use CCR5 appear to be favored during transmission
and/or early amplification in the new host. Several parameters of different nature
(cellular, viral and immune) may participate to this phenomenon. CCR5-using
viruses persist throughout infection, they diversify and evolve in the new host
under the immune selective pressure and by competition. In a percentage of
patients, viral variants able to use CXCR4 may emerge late in infection. Virus
entry via CXCR4 allows to infect different cell types and tissues, and it is
associated with faster disease progression. Factors potentially implicated in the
delayed emergence of CXCR4-using variants and the consequences of the
tropism switch are described.
Key words:HIV-1, evolution, tropism, pathogenesis
Tropisme des VIH et SIV
L’entrée des virus de l’immunodéficience humaine de ty-
pes 1 et 2 (VIH1 et 2) et des virus de l’immunodéficience
simienne (SIV) est régie par les glycoprotéines d’enve-
loppe (Env) qui sont exprimées à la surface des virions sous
la forme de complexes trimériques. Dans le cas de VIH1,
chaque monomère est formé de la sous-unité de surface,
gp120, qui porte les déterminants d’interaction avec les
récepteurs cellulaires, et la sous-unité transmembranaire,
gp41, qui induit la fusion membranaire [1]. L’entrée des
VIH se caractérise en général par une interaction séquen-
tielle de gp120 avec le récepteur CD4 et un des récepteurs
de chimiokines, même si plusieurs autres molécules peu-
vent potentialiser le processus d’entrée et/ou se substituer à
CD4 [2]. Néanmoins, tous les cas d’entrée de VIH et SIV
rapportés à ce jour requièrent la participation d’un récep-
teur à sept domaines transmembranaires, dont les princi-
Virologie 2007, 11 (numéro spécial) : 95-106
doi: 10.1684/vir.2007.0098
Virologie, Vol. 11, numéro spécial, septembre 2007
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paux utilisés in vivo sont CCR5 et CXCR4. L’utilisation in
vivo de récepteurs minoritaires à sept domaines transmem-
branaires en plus ou à la place de CCR5 ou CXCR4
(comme CCR2b, CCR3, CCR8, CX
3
CR1, D6 ou DC1) a
été évoquée, mais leur rôle dans la pathogenèse de l’infec-
tion est non établi [3]. De plus, les isolats qui utilisent
d’autres récepteurs de chimiokines utilisent aussi soit
CCR5, soit CXCR4 [4]. CCR5 et CXCR4, qui apparaissent
comme des récepteurs obligatoires des VIH1, appartien-
nent à la grande famille des récepteurs de chimiokines à
sept domaines transmembranaires couplés aux protéines G
hétérotrimériques. Il semble que les VIH2 utilisent préfé-
rentiellement in vivo CCR5 et CXCR4 et que les SIV
utilisent CCR5 [2, 5]. Dans les cas d’infection par VIH1, la
grande majorité des virus issus de la phase précoce de
l’infection utilisent le récepteur de chimiokines CCR5
(virus de tropisme R5) en plus de CD4 pour pénétrer dans
les cellules [5, 6]. Les virus R5 persistent généralement tout
au long de l’infection. L’apparition de l’immunodéficience
s’accompagne, chez environ la moitié des patients infectés
par des VIH1 de sous-type B, de l’émergence de virus
capables d’utiliser CXCR4 exclusivement (virus X4) ou
CCR5 et CXCR4 (virus R5X4) [7-9]. Toutefois, il est
important de remarquer que le tropisme pour CXCR4 n’est
pas nécessaire à l’immunodéficience [10].
L’utilisation de l’un et/ou l’autre de ces récepteurs est à la
base de la définition courante du tropisme du VIH [11]. Ce
critère fonctionnel a remplacé d’autres systèmes de classi-
fication plus complexes (résumés ci-après) qui avaient per-
mis de mettre en évidence une association entre le tropisme
viral et la physiopathologie de l’infection. En dépit de sa
simplicité, cette classification ne permet pas de prendre en
considération toutes les caractéristiques du tropisme cellu-
laire des VIH. Comme nous l’avons vu précédemment, une
proportion importante d’individus est infectée par des virus
qui utilisent exclusivement CCR5 tout au cours de l’infec-
tion et les singes Sooty Mangabey ne sont naturellement
infectés que par des virus R5. Dans ces situations, les
différents variants viraux VIH ou SIV se distinguent néan-
moins selon leur tropisme préférentiel pour les différentes
cellules cibles de l’infection : lymphocytes T CD4
+
, cellu-
les dendritiques, monocytes/macrophages qu’il s’agisse
des monocytes du sang, des macrophages des tissus lym-
phoïdes ou des cellules microgliales du système nerveux
central [5, 12, 13]. Par conséquent, le tropisme du virus est
une notion complexe basée à la fois sur l’utilisation de
CCR5 et/ou de CXCR4 et sur la capacité d’infecter des
types cellulaires différents. Il dépend des caractéristiques
biologiques des glycoprotéines d’enveloppe et constitue un
paramètre majeur de la compréhension de l’évolution de la
pathogenèse de l’infection. À l’intérieur d’un « groupe de
tropisme » (R5, R5X4 et X4), les virus ne sont donc pas
homogènes dans leurs propriétés biologiques, mais ils
constituent des populations virales qui évoluent continuel-
lement sous la pression de sélection immune et par compé-
tition entre les variants coexistants, ce qui conduit au rem-
placement constant des souches dominantes par de
nouveaux variants d’échappement [14-17]. Dans ce proces-
sus d’échappement, la complexité génotypique de la popu-
lation virale (le nombre de variants différents) augmente
dans le temps [18, 19] et des variants viraux caractérisés par
des différences de capacité réplicative, de tropisme et de
sensibilité aux anticorps peuvent coexister dans un même
échantillon de plasma [20].
Bien avant la découverte du rôle des récepteurs de chimio-
kines dans l’entrée du VIH, il était clair que les virus isolés
à partir des patients infectés pouvaient être séparés en deux
groupes majeurs, distincts selon les cellules qu’ils pou-
vaient infecter, et qui avaient des conséquences différentes
sur la progression de la maladie [21]. Il a été rapidement
établi que ces propriétés biologiques étaient associées au
gène env [22, 23]. Les virus dominants dans les phases
précoces et cliniquement asymptomatiques de l’infection
(R5) étaient caractérisés par une réplication plus lente et
moins importante que celle obtenue chez certains patients
dans la phase symptomatique de l’infection (X4 ou R5X4).
Cette observation a généré la nomenclature des virus
slow/low opposés aux virus rapid/high [21] (tableau 1).De
plus, sur la base de la capacité à répliquer dans des cellules
autres que les lymphocytes du sang périphérique (PBL), les
virus précoces macrophage-tropiques se distinguaient des
virus tardifs seuls capables de répliquer dans des lignées
cellulaires lymphocytaires T CD4
+
(virus lymphotropes)
[24, 25]. Enfin, la réplication des virus lymphotropes dans
une lignée lymphocytaire T CD4
+
particulière, MT2, don-
nait lieu à la formation de syncytia (cellules géantes multi-
nucléées issues de la fusion de deux ou plusieurs cellules).
C’est en particulier sur cette dernière caractéristique des
Tableau 1.Propriétés biologiques des VIH selon leur tropisme
Virus Récepteur de chimiokines
utilisé Capacité à induire
des syncytia Réplication virale dans les cellules
mononucléées du sang périphérique
CCR5 CXCR4 NSI SI slow/low rapid/high
R5 + ++
R5X4 + + ++
X4 +++
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virus inducteurs de syncytia (SI pour syncytia inducing),
relativement facile à mettre en évidence, que sont issues un
grand nombre d’observations épidémiologiques sur l’asso-
ciation tropisme-pathogenèse. En particulier, l’isolement
de virus SI a constitué un des premiers facteurs pronosti-
ques d’une évolution défavorable de la maladie [23].
L’identification des corécepteurs et l’analyse de leur ex-
pression sur les différentes cellules cibles de l’infection ont
permis de revisiter et d’expliquer bon nombre de ces pro-
priétés virales (figure 1), même si certaines observations
paradoxales montrent que d’autres paramètres sont impli-
qués [7]. Les lignées lymphocytaires T CD4
+
, parmi les-
quelles la lignée MT2, expriment CXCR4 et généralement
pas CCR5, ce qui explique que les virus X4 et R5X4
répliquent dans ces cellules et puissent induire la formation
de syncytia, contrairement aux virus R5. Il est intéressant
de préciser que les virus R5 peuvent induire efficacement
des syncytia dans des cultures de cellules qui expriment
CCR5 [95], ce qui rend ambiguë la nomenclature SI/NSI.
En ce qui concerne les cellules cibles de l’infection in vivo,
les lymphocytes T CD4
+
mémoire activés expriment CCR5
et CXCR4, contrairement aux lymphocytes T CD4
+
de
phénotype naïf au repos qui expriment exclusivement
CXCR4 [26, 27]. En conséquence, les lymphocytes T acti-
vés sont susceptibles aux virus R5 et X4, à la différence des
lymphocytes T naïfs (susceptibles aux seuls virus X4) [28].
En revanche, la permissivité des macrophages, une cellule
clé dans la pathogenèse de l’infection par le VIH, est plus
complexe. Ces cellules expriment CCR5 et CXCR4, mais
seuls certains virus R5 répliquent efficacement dans les
macrophages en culture [2, 12] (figure 1). Par ailleurs, de
rares virus utilisant CXCR4 sont capables de se répliquer
dans ces cellules, mais d’une manière peu efficace [2, 7, 12,
29]. Les différences de niveaux d’expression de CD4 et/ou
de CCR5, la conformation de CCR5 [30], de modifications
post-traductionnelles de CCR5 comme la sulfatation ou la
O-glycosylation [31] entre les macrophages, les cellules T
au repos et les cellules T activées semblent expliquer en
Capacité à induire des syncytia
dans la lignée lymphocytaire MT2
Désignation phénotypique selon
l'utilisation de CCR5 et/ou CXCR4
et selon le tropisme cellulaire
Tropisme cellulaire
Non-inducteurs de syncytia (NSI) Inducteurs de syncytia (SI)
R5/lymphotrope
R5/macrophage-tropique
R5X4/dual X4/dual X4/lymphotrope
Lymphocyte T primaire Macrophage Lignée lymphocytaire T CD4+
CD4
CCR5
CXCR4
Figure 1. Représentation graphique des différents phénotypes des VIH selon leur utilisation préférentielle de CCR5 et de CXCR4 et selon
leur tropisme cellulaire. La plupart des cas de nouvelles infections par VIH, quel que soit le mode de transmission, sont dus à des virus
utilisant CCR5 (virus R5) macrophage-tropiques, qui sont capables de se répliquer à la fois sur des cellules de la lignée
monocyte/macrophage et sur des lymphocytes. Certains des virus R5 sont exclusivement lymphotropes. L’émergence des virus qui
utilisent CXCR4 survient chez certains patients et est associée à une déplétion des lymphocytes T CD4
+
périphériques accélérée et à une
progression plus rapide vers le stade sida. Ces virus induisent la formation de cellules géantes multinucléées dans une lignée
lymphocytaire T CD4
+
, MT2, et sont désignés comme étant inducteurs de syncytia (SI), par opposition aux virus qui utilisent exclusivement
CCR5 et qui sont non inducteurs de syncytia (NSI). Certains des virus qui utilisent CXCR4 sont également capables d’utiliser CCR5 pour
entrer dans les macrophages (virus R5X4/dual) et les lymphocytes T primaires, alors qu’ils utilisent CXCR4 pour infecter les cellules des
lignées lymphocytaires T CD4
+
. Certains des variants viraux X4 infectent à la fois les lymphocytes et les macrophages (X4/dual), même
si le niveau de réplication virale dans ces derniers est généralement faible. Néanmoins, la plupart des virus X4 n’infectent que les
lymphocytes primaires ou immortalisés (X4 lymphotropes).
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partie la plus ou moins grande capacité des virus R5 à les
infecter. Dans le système nerveux central, où seulement les
cellules de la microglie et les macrophages semblent sus-
ceptibles à l’infection productive par le VIH [32], l’infec-
tion est limitée aux virus R5 de type macrophage-tropique
[33-35]. À l’inverse, l’expression élevée de CXCR4 à la
surface des thymocytes [36] explique l’infection de ces
cellules majoritairement par les virus capables d’utiliser ce
corécepteur (environ 60-70 % des thymocytes expriment
CXCR4 et seulement 5 % d’entre eux expriment CCR5)
[5]. Les implications physiopathologiques de l’infection de
ces organes seront présentées ci-après. Une conséquence
indirecte du tropisme cellulaire des virus R5 et X4 est que
les populations virales de tropismes différents peuvent être
affectées d’une façon distincte par les antirétroviraux en
fonction de la capacité de ces molécules à atteindre les
différents tissus et organes et de la demi-vie des cellules
infectées (par exemple [37]).
Rôle de CCR5 dans la physiopathologie
de l’infection
La grande prévalence des patients porteurs de virus R5 dans
la phase précoce de l’infection suggère que ces variants
soient préférentiellement transmis et/ou qu’ils ont un avan-
tage réplicatif dans la phase initiale de colonisation du
nouvel hôte. L’importance du récepteur CCR5 dans la
transmission et les étapes précoces de l’infection est claire-
ment établie grâce aux études réalisées chez les individus
n’exprimant pas CCR5. En effet, 10 % des Européens cau-
casiens portent un allèle CCR5 qui a une délétion de 32
paires de bases, appelé CCR5D32. Cette mutation génère
une protéine CCR5 tronquée dans sa partie C-terminale, qui
n’est pas exprimée à la surface cellulaire [38-40]. Les
individus homozygotes pour l’allèle CCR5D32 (environ
1 % des Caucasiens) sont hautement résistants mais pas
entièrement protégés contre l’infection par VIH, alors que
l’hétérozygotie, qui induit une réduction du niveau d’ex-
pression de CCR5 à la surface des cellules, est associée à un
délai dans la progression de la maladie chez les personnes
infectées [38-41]. À ce jour, il existe quelques rares cas
rapportés d’individus homozygotes pour l’allèle CCR5D32
infectés par des virus utilisant CXCR4 au cours de l’admi-
nistration de produits sanguins [5, 42, 43]. Ces observations
montrent que la transmission des virus via CXCR4 est
possible, mais que ce processus est très inefficace par
rapport à la transmission des virus R5. Chez les individus
homozygotes pour l’allèle CCR5 sauvage, qui peuvent
donc être infectés par des virus de tropismes différents, il
n’existe que quelques rares cas rapportés de transmission
par voie parentérale dans lesquels des virus X4 du donneur
ont été transmis avec succès au receveur [44, 45]. Chez
certains de ces patients, d’ailleurs, des variants qui utilisent
préférentiellement CCR5 ont rapidement dominé dans la
population virale. Cela confirme la moindre valeur sélec-
tive des virus utilisant CXCR4 dans le processus de trans-
mission et d’amplification virale initiale. Bien que la trans-
mission de virus R5X4 ou X4 ne soit pas favorisée, la
prévalence des virus utilisant CXCR4 au cours de la phase
chronique de l’infection est d’environ 18 à 20 % chez les
patients non traités et d’environ 40 % chez les patients
traités [46-49].
Il est important de souligner que la transmission avec suc-
cès de virus utilisant CXCR4 au début de l’infection, ou
bien leur émergence après quelques années d’infection, est
associée à une déplétion accélérée des lymphocytes
T CD4
+
périphériques (figure 2) et une progression plus
rapide vers la phase symptomatique de l’infection (figure 3)
[24, 50, 51]. Par conséquent, les mécanismes qui sous-
tendent la sélection préférentielle des virus R5 et la contre-
sélection des virus X4 ont une importance physiopatholo-
gique majeure dans la majorité des cas d’infection par VIH,
quel que soit le mode de transmission [52].
Transmission des virus R5
et contre-sélection des virus X4
Plusieurs arguments ont été avancés pour tenter d’expliquer
l’avantage des virus R5 et la contre-sélection des virus
NSI
SI
800
600
400
200
03 2 1 0 1 2 3
4
Temps (année)
L)
Figure 2. Impact du tropisme viral sur la déplétion des lymphocy-
tes T CD4
+
. Le nombre de lymphocytes T CD4
+
dans le sang
périphérique des patients infectés est indiqué (y) en fonction du
temps (x) dans l’étude citée en référence 8. Pour les patients
porteurs de virus SI, le temps du changement du tropisme
correspond au temps 0. Pour les patients porteurs de virus NSI
tout au long de l’infection, le déclin de lymphocytes T CD4
+
était
constant. Pour ce groupe, le temps0aétéchoisienfonctiondu
nombre de lymphocytes T CD4
+
des patients porteurs de virus SI.
Les patients des deux groupes étaient identiques deux à deux sur
la base des critères démographiques et virologiques avant le
changement de tropisme.
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utilisant CXCR4 au moment de l’établissement de l’infec-
tion. Des facteurs viraux, immunologiques et environne-
mentaux pourraient participer à ce processus. Dans l’ab-
solu, il faudrait que ces facteurs puissent expliquer la
contre-sélection des virus utilisant CXCR4 indépendam-
ment du mode de transmission, car la prévalence des virus
R5 précocement dans l’infection est valable pour la trans-
mission sexuelle (hétéro et homo) ainsi que pour les hémo-
philes ou les utilisateurs de drogue qui acquièrent l’infec-
tion par voie parentérale et pour la transmission verticale
mère-enfant [5]. Certains des mécanismes, même s’ils
n’ont pas un caractère universel, peuvent expliquer l’avan-
tage des virus R5 dans les cas de transmission les plus
fréquents, c’est-à-dire par voie sexuelle, qui implique le
franchissement par le virus des muqueuses vaginale et
rectale.
Tout d’abord, il se peut qu’une sélection s’opère au niveau
du donneur. La probabilité de transmission de l’infection à
VIH est liée à la dose infectieuse présente dans l’inoculum
[53] ; elle peut être corrélée à la charge virale plasmatique
avec un seuil de 1 500 copies d’ARN par mL de sang en
deçà duquel la transmission ne semble pas s’établir [54].
Bien que le niveau d’expression de CCR5 soit inférieur à
celui de CXCR4 dans l’endo et l’ectocervix féminin [55], la
prédiction du tropisme des virus, établie à partir de leur
génotype, indique que les virus de tropisme R5 sont davan-
tage représentés dans le tractus génital masculin, ce qui
expliquerait que les virus R5 soient préférentiellement
transmis par les hommes dans le cas de transmissions homo
et hétérosexuelles [56].
Facteurs liés aux cellules cibles
Un grand nombre d’hypothèses a été émis concernant la
sélection des variants viraux chez l’individu nouvellement
infecté. Il a été proposé que l’expression constitutive et
importante au niveau des muqueuses de SDF1, ligand natu-
rel de CXCR4, induirait l’endocytose du récepteur rédui-
sant ainsi sa disponibilité pour l’infection par les virus
R5X4 et X4 [57]. Par ailleurs, différents processus de
séquestration et d’inactivation préférentielle des virus uti-
lisant CXCR4 au niveau muqueux ont été proposés [6, 58,
59].
Le franchissement de la barrière épithéliale par transcytose
permet au virus d’infecter et/ou d’être capturé par les cel-
lules cibles présentes dans les tissus sous-muqueux [60] :
les lymphocytes T CD4
+
CCR5
+
mémoire CD45RO
+
, les
macrophages, mais également les cellules dendritiques im-
matures [6, 61]. Ces dernières expriment à leur surface le
récepteur CD4, la lectine de type C DC-SIGN et environ dix
fois plus de molécules de CCR5 que de molécules de
CXCR4 [62]. Bien que les cellules dendritiques puissent
être productivement infectées [63], elles ont essentielle-
ment un rôle d’amplification et de dissémination de l’infec-
tion fondamentale dès les premières heures qui suivent
l’infection. En effet, les cellules dendritiques immatures
infectées, ou ayant internalisé dans des vésicules d’endo-
cytose des particules virales par un mécanisme indépendant
des récepteurs de chimiokines, migrent jusqu’aux tissus
lymphoïdes au niveau desquels elles assurent leur fonction
immunologique de cellules présentatrices d’antigènes [6,
61, 64, 65]. Les virions capturés peuvent être transmis au
lymphocyte au travers de « synapses virologiques » for-
mées au niveau de ces conjugués cellulaires [66]. L’inte-
raction d’une cellule dendritique avec un lymphocyte
T CD4
+
induit l’activation du lymphocyte, et donc l’ex-
pression de CCR5 à la surface du lymphocyte [67], ce qui
favorise évidemment la transmission des variants R5 et leur
amplification par les lymphocytes activés. Dans ce modèle,
ce n’est pas l’expression de CCR5 sur la cellule dendritique
qui est en jeu, mais l’expression de ce récepteur à la surface
des lymphocytes au cours du processus couplé
d’activation/transmission. De même, les virus R5 semblent
être préférentiellement amplifiés dans les macrophages tis-
sulaires qui sont plus susceptibles à l’infection et à la
réplication des virus R5 que des virus X4 [2, 5].
La simple disponibilité en cellules cibles, mesurée en ter-
mes de niveau d’expression de CCR5 et CXCR4 à la
surface des lymphocytes T CD4
+
du sang périphérique, ne
permet pas d’expliquer la contre-sélection des virus X4,
puisque seule une minorité de ces cellules (environ 5 %)
expriment CCR5, alors qu’une majorité d’entre elles expri-
ment CXCR4. Néanmoins, nombre de ces cellules sont
naïves (CD45RO
-
) au repos et sont donc moins permissives
à l’infection [26, 68, 69]. De plus, la fréquence des cellules
0
20
40
60
80
100
020 40 60 80 100 120 140
NSI
SI
Temps (mois)
Patients n’ayant pas progressé
vers le stade sida (%)
Figure 3. Impact du tropisme viral sur la progression de la mala-
die. Le graphique présente le pourcentage de patients qui n’ont
pas progressé vers le stade sida (y) en fonction du temps (x) dans
l’étude de Koot et al. [8], pour des patients chez qui des virus SI ont
été isolés (en rouge) et pour les patients porteurs exclusivement
de virus NSI (en noir).
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