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Chapitre 2.7.2. — Maladie de Marek
Dans la forme aiguë, la maladie aboutit à la formation de lymphomes viscéraux. L’incidence au sein d’un groupe
de volailles est alors de 10 à 30 %. Des épisodes impliquant jusqu’à 70 % des animaux peuvent survenir. La
mortalité peut se maintenir de façon enzootique pendant des mois. La forme la plus prévalente actuellement est
l’atteinte aiguë avec des lymphomes viscéraux étendus.
Le signe clinique le plus fréquent de la forme chronique est la paralysie partielle ou complète des pattes et des
ailes. Dans la forme aiguë, les oiseaux sont souvent apathiques et il n’est pas rare d’observer une mortalité sans
aucun signe précurseur. Dans la forme classique, la lésion caractéristique est l’épaississement d’un ou de
plusieurs nerfs. Les plus fréquemment atteints, et les plus aisément repérés à l’autopsie, sont les plexus
brachiaux et sciatiques, le plexus cœliaque, le nerf vague abdominal et les nerfs intercostaux. Les nerfs atteints
ont une épaisseur 2 à 3 fois supérieure à la normale ; leur apparence normale striée disparaît et leur couleur vire
au gris ou au jaune ; ils sont parfois œdématiés. Des lymphomes peuvent apparaître dans la forme classique de
la MD. Ils prennent le plus souvent l’aspect de petites tumeurs ovariennes molles et grises (parfois aussi dans les
poumons, les reins, le cœur, le foie ou d’autres tissus). L’œil gris, fréquemment observé chez les oiseaux âgés
(16 à 18 semaines) causé par une iridocyclitite, est parfois le seul signe de la forme classique. Cette affection
entrave le réflexe d’accommodation de l’iris en face d’un stimulus lumineux. Cela peut également entraîner une
torsion de la pupille.
Dans la forme aiguë, la lésion classique consiste en un lymphome disséminé, diffus atteignant le foie, les
gonades, la rate, les reins, les poumons, le proventricule et le cœur. Des lymphomes peuvent atteindre soit la
peau autour des follicules plumeux, soit les muscles squelettiques. Les oiseaux atteints présentent généralement
des nerfs périphériques épais tels que rencontrés dans la forme classique. Chez les jeunes volailles,
l’hépatomégalie est souvent modérée, alors que les adultes auront une hépatomégalie manifeste dont
l’apparence macroscopique est identique à celle rencontrée dans la leucose lymphoïde. Les lésions nerveuses
sont souvent absentes chez les adultes.
Dans les formes classique et aiguë de la MD, la maladie débute par une prolifération de cellules lymphoïdes qui
progresse dans certains cas et régresse dans d’autres. Les nerfs périphériques peuvent présenter 3 types
d’atteintes, soit proliférative, soit inflammatoire, soit légèrement infiltrante. Les lésions sont dénommées
respectivement de types A, B et C. Les lésions du type A consistent en une infiltration par des lymphoblastes
prolifératifs, des lymphocytes grands, moyens et petits et des macrophages. Ces lésions A ont un aspect
néoplasique manifeste. Les lésions de type B sont caractérisées par un œdème interneural, une infiltration
principalement de petits lymphocytes et de cellules sanguines, et une prolifération des cellules de Schwann. Leur
aspect est inflammatoire. Les lésions de type C consistent en une légère infiltration par des petits lymphocytes.
Ces lésions sont observées sur les oiseaux sans lésions macroscopiques ni signes cliniques ; elles pourraient
être une lésion inflammatoire régressive. La démyélinisation se produit fréquemment dans les nerfs atteints par
les lésions A et B et est responsable de la paralysie clinique.
Les lymphomes qui se développent au niveau des viscères et des autres tissus ont une cytologie similaire aux
lésions lympho-prolifératives et de type A nerveuses. Les cellules lymphoïdes sont souvent de plusieurs types à
prédominance de lymphocytes moyen et petits. Il arrive que des grands lymphocytes et des lymphoblastes soient
prédominants dans des formes aiguës des MD chez les adultes.
La population hétérogène des cellules lymphoïdes rencontrées dans les lymphomes de la MD révélée sur des
coupes colorées à l’hématoxyline-éosine ou des frottis colorés par le May-Grünwald Giemsa est un élément
fondamental pour distinguer la maladie de la leucose lymphoïde dans laquelle l’infiltration lymphomateuse est
composée de lymphoblastes uniformes. Par ailleurs, une autre différence se marque au niveau de la bourse de
Fabricius. En effet, dans la leucose lymphoïde, des tumeurs macroscopiques s’y développent et ces tumeurs ont
une origine intrafolliculaire et sont très proliférantes. Dans la MD, bien que la bourse soit parfois le siège
d’infiltrations lymphoproliférantes, la tumeur est peu apparente, diffuse et se situe entre les follicules. Enfin, les
lésions nerveuses périphériques très communes dans la MD ne se manifestent pas dans la leucose lymphoïde.
Les formes les plus difficiles à différencier dans la MD de la leucose proviennent de cas d’oiseaux adultes
présentant des tumeurs lymphoblastiques avec une hépatomégalie marquée et sans atteinte nerveuse. Dans ces
cas, il est nécessaire de recourir à des examens complémentaires tels que la détection par immunofluorescence
d’antigènes présents à la surface des lymphocytes T activés dans les cellules tumorales de la MD ou d’antigènes
ou d’IgM des cellules B présentes à la surface des cellules tumorales. Quoi qu’il en soit, le diagnostic peut être la
plupart du temps posé sur base des lésions macroscopiques et d’un examen histopathologique si plusieurs
oiseaux sont autopsiés.
Certaines souches du virus de la réticuloendothéliose (RE) induisent des lésions nerveuses et des proliférations
lymphomateuses similaires à ceux de la MD à la fois macro- et microscopiquement. Bien que le virus de la RE
soit rare dans les élevages de poulets, il ne faut pas l’oublier dans les causes potentielles de tumeurs
lymphoïdes. Sa mise en évidence repose sur des examens virologiques et sérologiques de l’élevage. Le virus de
la RE est également responsable de maladies néoplasiques chez la dinde, le canard, la caille et d’autres
espèces. Par ailleurs, la dinde peut être infectée par un autre rétrovirus responsable également d’affections
proliférantes. Même si un élevage de poulet est séropositif pour le virus de la RE, les maladies néoplasiques sont
rares. Le résumé du diagnostic différentiel de la MD, de la leucose lymphoïde et de la RE est repris dans le
tableau 1.
920 Manuel terrestre de l’OIE 2005