Exemple d’études et de recherche Fragmentation des populations et impact des maladies virales chez le lapin de garenne Chaque sous-population peut échanger le virus avec ses voisines. Aucune extinction définitive du virus n’est possible puisque nous avons considéré un taux de ré-introduction simulant l’immigration de lapins infectés ou le transport passif de virus par des vecteurs. L’introduction du virus induit une émergence de la maladie sous sa forme sévère puis, sous l’effet de l’augmentation progressive de l’immunité au sein de la population, les formes atténuées deviennent prédominantes (figure 1a). Sous l’effet de la fragmentation les formes sévères de la maladie réapparaissent. On observe notamment que lorsque le virus est réintroduit à la suite d’une extinction, l’impact de la maladie est sévère (figure 1b). Lorsque les populations se fragmentent on s’aperçoit que l’expression de la maladie est très contrastée avec des populations locales dans lesquelles l’impact est fort alors que pour d’autres il est très faible, traduisant les effets d’une circulation hétérogène du virus dans l’espace (figure 1c). À l’échelle des individus de la métapopulation, une conséquence de la fragmentation est que les cas de formes sévères de la maladie deviennent plus nombreux que les cas de formes atténuées (figure 1d). La clé d’entrée est une approche originale du rôle joué par les anticorps maternels. Contrairement à la vision classique de l’immunité maternelle comme barrière aux infections précoces, elle propose que les anticorps maternels limitent les effets de cette infection qui est atténuée voire asymptomatique et permet l’activation du système immunitaire du jeune. Cette alternative est cohérente avec des données sur la myxomatose et la RHD que nous avons recueillies chez le lapin. Les modèles développés montrent que l’expression de la myxomatose est fonction de l’âge de première infection et de l’immunité maternelle. Lorsque la circulation du virus est efficace, une forte proportion de jeunes est exposée au virus avant la perte de l’immunité maternelle. Ils sont, par la suite, régulièrement réinfectés. Cette succession d’expositions au virus permet de mettre en place puis d’entretenir leur immunité propre. L’impact de la maladie est alors faible car : - l’immunité acquise est forte chez les adultes ; - ces adultes donnent naissance à des jeunes portant des anticorps maternels ; - ces jeunes sont exposés tôt au virus, alors qu’ils sont porteurs d’anticorps maternels. Ce travail montre qu’en perturbant la circulation des virus, la fragmentation des populations contribue à accroître l’impact des maladies à la suite de la baisse du niveau de l’immunité. Elle apparaît même comme un facteur d’émergence de la maladie en faisant resurgir localement des cas de forme sévère qui disparaissent au profit des formes atténuées lorsque la circulation efficace des virus permet d’entretenir une immunité forte au sein des populations. Les données de terrain sont cohérentes avec ce modèle qui semble décrire correctement la situation de la myxomatose en France. Au sein d’une population dans laquelle le virus est introduit, nous avons modélisé un processus de fragmentation qui consiste, tous les dix ans, à diviser chaque noyau de population (un seul noyau au départ) en deux parties de façon à construire un réseau de sous-populations. (a) Prévalence des maladies (b) 0,8 0,4 0,6 0,3 0,4 0,2 0,2 0,1 0 0 1 2 3 4 50 1,5 1 500 1,0 1 000 0,5 500 20 40 60 Temps (années) 52 54 53 (d) Nombre annuel de maladies (c) Impact local du parasite 0 51 80 0 20 40 60 Temps (années) Figure 1. Émergence des formes sévères de la maladie avec la fragmentation. Prévalence mois par mois des formes sévère (noir) et atténuée (blanc) de la maladie dans la population initiale au cours des 4 premières années (a) et, après 50 ans de simulation, dans les noyaux de population après fragmentation (b). Évolution de l’impact local de la maladie défini comme le nombre total d’individus morts de la maladie une année donnée dans chaque noyau divisé par la taille moyenne du noyau au cours de cette année, chaque point représentant un noyau de population (c). Évolution du nombre total d’individus de la métapopulation développant chaque forme de la maladie (forme sévère : noir, forme atténuée : gris) ; l’épaisseur du trait représente l’intervalle de confiance à 95 %. 80 Référence – Fouchet D., Marchandeau S., Bahi-Jaber N. & D. Pontier. 2007. The role of maternal antibodies in the emergence of severe disease as a result of fragmentation. Journal of the Royal Society Interface, 4: 479-489. Rapport scientifique ONCFS 2008 – 11 CNERA – Petite faune sédentaire de plaine L’interaction entre la structure spatiale des populations de lapins et l’impact des maladies virales, myxomatose et RHD, fait l’objet d’un programme de recherche mené en partenariat avec l’UMR 5558 CNRS-Université de Lyon1. Ces travaux explorent le rôle joué par l’immunité maternelle sur l’épidémiologie de ces maladies, et principalement de la myxomatose. Un des volets s’intéresse à l’effet de la fragmentation des populations sur l’émergence de formes aiguës de la maladie (Fouchet et al., 2007).