Le contexte socio-economique de la Wallonie

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Le contexte socio-economique de la
Wallonie
La Région wallonne fête, cette année, ses 25 ans
d’existence. Cette réalité institutionnelle est certes
le reflet d’une quête identitaire, culturelle et sociale
mais elle est aussi le fruit d’une prise de conscience
progressive que les Wallons devaient prendre en
main leur propre destin économique. Après avoir
connu une période prospère depuis la deuxième
moitié du 19ème siècle et lors de la révolution industrielle, la situation économique de la Wallonie
s’est progressivement dégradée dès la fin de la seconde guerre mondiale. Le déclin wallon fut surtout manifeste au cours de la période 1955-1968.
Pour la première fois en 1966, le PIB par habitant
flamand dépassait le PIB par habitant wallon.
Malgré la dégradation de la situation économique,
les réactions politiques et économiques se sont fait
attendre. “La Wallonie a certainement souffert de
l’accent longtemps placé sur les problèmes institutionnels à un moment où une politique régionale
vigoureuse aurait pu lui être salutaire. La régionalisation des années 80 donnait à la Wallonie les
moyens nécessaires pour réfléchir à la mise en
œuvre d’une politique forte de redynamisation de
son économie. Mais, durant deux décennies, les actions entreprises visaient essentiellement la préservation des activités traditionnelles en croyant pouvoir résister aux mutations économiques en cours.
C’est en 1999 avec l’élaboration du Contrat d’avenir
pour la Wallonie, qu’une véritable prise de conscience de la gravité de la situation wallonne s’est
véritablement manifestée” (H. Capron, 20051).
L’histoire économique nous enseigne qu’il existe
dans le processus de croissance des cercles vertueux mais aussi des risques d’enchaînements négatifs. La Wallonie est à un point d’inflexion. Bien
que le processus de divergence par rapport à la
moyenne européenne se soit interrompu au cours
des dernières années, il est nécessaire de dynamiser la croissance économique wallonne afin de générer des différentiels de croissance significatifs
par rapport à l’Union européenne, et ainsi assurer
le rattrapage de la Région. Il est également nécessaire de mettre fin rapidement aux inégalités face à
l’emploi. Le chômage wallon atteint aujourd’hui un
niveau socialement inacceptable. Les seniors et
surtout les jeunes sont exclus du marché du travail.
Le dynamisme d’une économie dépend aujourd’hui de nombreux facteurs: l’investissement,
le capital humain, la recherche et développement,
l’attractivité, le contexte socio-économique, etc. Ce
dynamisme dépend avant tout des entreprises et
des entrepreneurs qui sont le moteur du développement économique. Néanmoins, le rôle des pouvoirs publics est important et multiple. Il consiste à
mettre en place un environnement porteur pour le
développement d’activités économiques (tant aux
niveaux administratif, éducatif, fiscal qu’au niveau
social) ainsi qu’à stimuler l’essor de nouveaux vecteurs de croissance et donc à générer de nouveaux
emplois. Mais, aujourd’hui, les ressources publiques sont rares et, dans de nombreux pays, les
compétences sont souvent dispersées entre différents niveaux de pouvoir. Stimuler et renforcer
l’économie nationale voire régionale nécessitent
donc des gouvernements une réelle volonté de
réorienter les politiques publiques vers toujours
plus de convergence en matière économique,
d’emploi, d’enseignement et de formation, de recherche, d’aménagement du territoire, etc. La Région wallonne, comme de nombreuses autres régions d’Europe, n’échappe pas à ces défis.
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Le Contrat d’avenir pour la Wallonie en 1999 et son
actualisation en 2005 témoignent de la volonté des
pouvoirs politiques wallons de mettre en œuvre de
nouvelles politiques visant à remettre la Wallonie
sur un chemin durable de croissance. Les actions
prioritaires pour l’Avenir wallon, mieux connues
sous le nom de Plan Marshall, marquent clairement
la rupture par rapport aux politiques passées en
opérationnalisant et en budgétisant les actions
prioritaires nécessaires au redéploiement économique wallon.
Le contexte socio-économique
Un grand nombre d’études ont été réalisées sur la
situation économique de la Wallonie.2 Nous présentons ci-dessous une brève analyse de la situation socio-économique de la Wallonie comparée
avec la Flandre et les moyennes européennes.
Même si des améliorations sont perceptibles, la
Wallonie présente encore, à différents niveaux, un
retard important par rapport à la moyenne européenne.
Jusqu’en 2000, le taux de croissance du PIB wallon
était inférieur à celui de la Belgique. Depuis lors,
cette croissance est relativement comparable. La
Wallonie a donc enrayé son décrochage en matière
de taux de croissance par rapport à la Flandre. En
effet, au cours de la période 1955-1975, l’écart de
croissance entre la Wallonie et la Flandre s’élevait à
1,7%. Il ne s’élevait plus qu’à 0,8% sur la période
1975-1995 pour se replier à 0,54% de 1995 à 2003.
Sur la période 1999-2003, le différentiel de croissance se limite à 0,37%.3
En 2003, le PIB par tête a progressé de 1,6% en
Wallonie, soit un peu moins que la moyenne belge (1,8%) ou flamande (1,8%) mais plus que la
moyenne européenne (0,8% pour l’Europe des 15
et 1% pour l’Europe des 25). Même si le PIB par tête
wallon est en constante progression depuis 1999, il
se situe toujours sous la moyenne européenne en
2003 (indice de 84,7 par rapport à l’UE 25 et indice
de 77,4 par rapport à l’UE 15).
En termes de taux d’emploi, la Wallonie (55,4% en
2003) se situe sous les moyennes belge (59,6%),
flamande (62,9%), européenne (64,4 pour l’UE des
15 et 63,0 pour l’UE des 25) et donc largement sous
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l’objectif de 70% fixé à Lisbonne. On peut néanmoins noter une amélioration du taux d’emploi ces
dernières années puisque le taux d’emploi wallon
se situait à 52,1% en 1996. On note un écart plus
marqué pour le taux d’emploi féminin que pour le
taux d’emploi masculin par rapport à la moyenne
européenne.
Même si on constate une amélioration depuis 1999,
le taux de chômage wallon est de 12% en 2004, soit
un taux supérieur aux moyennes belge (8,4%), flamande (5,4%) et européenne (9,2% pour l’Europe
des 25). La Wallonie apparaît plus affectée par le
chômage de longue durée.4 De plus, l’analyse des
taux de chômage par genre indique que la Wallonie se situe au-dessus des moyennes nationale et
européenne tant pour le taux masculin que féminin. Elle se caractérise en outre par un écart particulièrement marqué entre ces deux taux. On peut
toutefois noter que le taux de chômage féminin a
connu en Wallonie, au cours des dernières années,
une décrue plus marquée que le taux masculin, et
plus marquée qu’au niveau des taux de chômage
féminin belge et européen. Le chômage des jeunes
reste également à un niveau relativement supérieur
à la moyenne belge. Cependant, sur le marché du
travail, l’emploi salarié en Wallonie a augmenté de
9% entre 1996 et 2002, soit une croissance de 9,9%
pour le secteur privé et 7,1% pour le secteur public.
Depuis 1997, le rythme de progression de l’emploi
privé est comparable en Wallonie et en Flandre.
Il existe des disparités importantes entre les provinces wallonnes. Selon les dernières données disponibles, le Hainaut, connaît un niveau de PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne des quinze.
Le Brabant wallon est la seule province wallonne à
se situer au-dessus de la moyenne européenne
pour cet indicateur. En termes de taux d’emploi, le
Hainaut connaît le taux le plus faible. Seul le Brabant Wallon se situe au-dessus de la moyenne
belge. Les disparités régionales apparaissent particulièrement marquées au niveau du taux de chômage. Trois provinces wallonnes se situent au-dessus de la moyenne européenne en 2003: Namur
(9,5%), Liège (11,2%) et le Hainaut (12,6%). C’est
cette dernière province qui a enregistré la baisse la
plus marquée depuis 1999. Les provinces wallonnes présentant les taux de chômage les plus élevés
sont celles qui sont également touchées par la problématique du chômage de longue durée.5
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Le contexte et la démarche politiques
En 1999, sous la présidence d’Elio Di Rupo, le gouvernement wallon définissait une nouvelle stratégie politique pour gérer la Wallonie: le Contrat
d’avenir. Il s’agissait de définir un véritable contrat
– programme susceptible de rencontrer l’assentiment du plus grand nombre et de transcender les
divisions du passé. Pendant près de neuf mois, le
gouvernement arc-en-ciel (PS-MR-Ecolo) a élaboré
un document qui fut soumis à la concertation.
Quatre priorités étaient au cœur de ce Contrat
d’avenir: le développement des PME et des TPE
en Wallonie, le renforcement des arrondissements
soutenus par l’Europe, l’implication des jeunes
dans l’essor régional et la société “intégratrice” de
la connaissance. Les objectifs à court terme étaient
d’enrayer les processus de divergence qui caractérisaient la croissance wallonne face à la Flandre et
aux régions les plus prospères d’Europe tant en termes de PIB que de taux d’emploi. A moyen terme,
il s’agissait de faire entrer la Wallonie dans un processus de convergence durable par rapport à ces
mêmes régions notamment par l’augmentation des
exportations et des investissements, en particulier
dans la recherche et le relèvement des taux de formation.
Quatre ans plus tard, même si les statistiques disponibles semblaient confirmer que le décrochage de
l’économie wallonne semblait maîtrisé notamment
en comparaison avec la Flandre, d’énormes efforts
devaient encore être accomplis pour remettre la
Wallonie sur un chemin durable de croissance. Ainsi, dès la mise en place du nouveau gouvernement
wallon (PS-CDH) issu des élections de juin 2004, la
situation socio-économique de la Wallonie occupa
une place importante dans les débats. En juillet
2004, le gouvernement prit un ensemble de mesures et dispositions visant à stimuler l’économie
dont notamment le décret de relance économique
et de simplification administrative qui a permis de
poser les jalons pour simplifier de nombreuses procédures administratives, de donner une nouvelle
impulsion en matière de micro – crédits, d’adopter
certaines mesures fiscales au bénéfice des entreprises, de donner une nouvelle dimension à la politique aéroportuaire et d’adapter le code wallon
d’aménagement du territoire afin de créer de nouveaux espaces pour le développement économique.
En janvier 2005, le gouvernement wallon adopta le
Contrat d’avenir renouvelé. Il vise à répondre aux
critiques émises sur les versions antérieures. L’évaluation externe du Contrat d’avenir avait en effet
mis en lumière certaines insuffisances dans la
quantification des objectifs ainsi que la dispersion
de la politique à travers 800 actions différentes. Le
rapport relevait également une mobilisation des acteurs wallons (partenaires sociaux, entreprises, administrations et organismes publics, ...) plus perceptibles dans les discours que dans la mise en
œuvre sur le terrain, ainsi qu’une transversalité en
progrès mais encore insuffisante dans le chef du
gouvernement. L’évaluateur recommandait dès lors
au gouvernement de baser son action sur quelques
objectifs concertés avec les partenaires sociaux, et
d’articuler celle-ci autour de plans d’actions visant
à répondre à des problématiques transversales.
En réponse à ces résultats d’évaluation, le Contrat
d’avenir renouvelé cible les moyens et les actions
sur des priorités structurantes, clairement identifiées. Il organise ainsi la définition d’objectifs précis
et coordonnés, articulés en quatre plans stratégiques, renforçant l’indispensable transversalité des
politiques. Il vise la mise en œuvre équilibrée de
deux priorités: la création d’activités et l’inclusion
sociale en traduisant celles-ci en termes de développement territorial équilibré et de valorisation du
capital humain. Ce nouveau Contrat d’avenir repose donc sur la mise en œuvre de 4 plans stratégiques: la création d’activités, le développement du
capital humain, des connaissances et des savoirfaire, l’inclusion sociale et le développement territorial équilibré et durable.
En mai 2005, le gouvernement wallon adoptait en
première lecture le plan stratégique “créations d’activités et d’emplois”. Il s’agissait de proposer une
nouvelle politique industrielle concrétisée en 88
mesures. Il s’est donné comme objectif d’accroître
la création de richesses et d’augmenter le taux
d’emploi. En juillet, c’était au tour du deuxième
plan stratégique “le développement du capital humain, des connaissances et des savoir-faire” d’être
approuvé par le gouvernement. En octobre 2005, le
gouvernement approuva le troisième plan stratégique “insertion et cohésion sociale.
L’élaboration du plan “créations d’activités” s’est
déroulée dans un contexte marqué par une polé-
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mique lancée le Sénateur Destexhe,6 polémique
non seulement entre l’opposition et la majorité
mais aussi au sein même du Mouvement réformateur, sur les statistiques régionales wallonnes et le
déclin wallon.7 Sans rouvrir le débat, citons H. Capron (2005), professeur d’économie régionale à
l’ULB: “certains se plaisent... et se complaisent...
depuis quelques mois à découvrir ou redécouvrir
le déclin wallon. Les critiques fusent de toutes parts
et dépeignent un diagnostic sombre. Ce qui est paradoxal, c’est que ces réactions s’expriment à un
moment où les responsables wallons, non sans
peine, se sont engagés dans une démarche stratégique afin d’endiguer la situation”. Même si ce plan
“créations d’activités” a reçu un accueil favorable
de la part des partenaires sociaux, les critiques n’en
étaient pas moins sévères sur l’absence de priorités
et de budget.
Le Plan Marshall
C’est dans ce contexte de polémique sur la situation socio-économique de la Wallonie et les critiques des partenaires sociaux sur le plan “créations
d’activités”8 que le Président du PS lança, en juin
2005, l’idée d’un plan Marshall pour la Wallonie. Il
s’agissait pour l’essentiel de cibler les actions prioritaires pour lesquelles il convenait, compte tenu
de l’importance des enjeux, de dégager des
moyens additionnels capables de relancer effectivement l’économie wallonne. Partant des principales mesures des plans stratégiques “créations d’activités” et “développement du capital humain, des
connaissances et des savoir-faire”, le gouvernement s’attela, dès lors, à identifier les mesures qu’il
jugeait prioritaires pour redynamiser l’économie
wallonne et surtout les assortir de moyens financiers additionnels.
Notes
1. H. Capron, “La Wallonie, région d’Europe”, Présentation
à la Société Royale d’Economie Politique de Belgique,
Bruxelles, 17 mai 2005.
2. Pour une analyse de l’économie Wallonne, voir notamment Ph. Bouveroux, P. Gilissen et F.-L. Thorreau, 50
d’histoire de la Wallonie, Conseil économique et social de
la Région Wallonne, Liège, décembre 2004, le numéro
spécial de la revue Regards économiques, Le malaise économique wallon, UCL, juin 2005, n° 31, IWEPS, Les chiffres-clés de la Wallonie, semestriel, n° 5 juin 2005, H.
Capron, “La Wallonie, région d’Europe”, Présentation à
la Société Royale d’Economie Politique de Belgique, 17
mai 2005, G. Servais et B. Thiry, Le développement économique et social de la Wallonie: l’évolution des forces et
faiblesses entre 1999 et 2004, CIRIEC, ULG, juin 2004.
3. M. Mignolet et M.-E. Mulquin, “PIB et PRB de la Wallonie: des diagnostics contrastés”, Regards économiques,
juin 2005.
4. Eurostat, Le chômage dans l’UE des 25, 7 octobre 2005.
5. F. Hennart, Mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne en
Région wallonne, Rapport sur le positionnement compétitif de la Wallonie, Ministère de la Région wallonne, Direction de la politique économique, juillet 2004 et Rapport
2004 du CESRW sur la situation économique et sociale de
la Région wallonne, Conseil économique et social de la
Région wallonne, Liège, mars 2005.
6. Destexhe “La Wallonie: la vérité des chiffres” et les nombreuses réactions des économistes francophones.
7. Le professeur H. Capron de l’ULB consacra même une
étude pour démonter les nombreux biais scientifiques
de l’étude du sénateur Destexhe.
8. Voir avis du CESRW du 27 juin 2005 sur la plan stratégique “Création d’activités et d’emploi”.
9. Chargé de cours ULB.
10. Economiste à la Direction de la Politique économique du
ministère de la Région wallonne.
B. Bayenet9
ULB
L. Vandendorpe10
Direction Politique économique
Ministère de la Region Wallone
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