les libère des images de Dieu déjà évoquées et qui ont été souvent pour
eux source de souffrance et de culpabilité : le Dieu Juge, le Père sévère,
etc.
On pourrait ajouter que le problème du mal, tel qu’il est habituellement
formulé, n’existe pas pour les bouddhistes. Pour les chrétiens, il sera
toujours difficile d’expliquer, par exemple, comment des enfants peuvent
naître dans des situations épouvantables dans un monde créé par un Dieu
qu’on dit tout puissant, un Dieu amour qui veut le bien de tout homme ;
mais pour les bouddhistes ce phénomène – ainsi que toutes les inégalités
entre les hommes – s’explique par le déroulement de la loi karmique. Le
malheur, même celui d’un nouveau-né, est simplement le résultat des
actes négatifs qui ont été posés dans une ou des vies antérieures. Cela ne
veut pas dire que les bouddhistes abandonnent ceux qui souffrent à leur
malheur. Au contraire, ils font tout pour les aider, par compassion. Mais
pour les chrétiens, et là se situe une des grandes différences entre le
bouddhisme et le christianisme, un enfant n’est jamais responsable de la
misère dans laquelle il est né. Tout homme est créé à l’image de Dieu et a
donc le droit de ne pas naître dans des situations inacceptables. Et quand
un enfant naît dans la misère, le chrétien va vers lui par charité, certes,
mais d’abord par justice.
4. Un très fort accent mis sur la primauté de l’expérience.
Quiconque est convaincu que le critère de la vérité est d’abord
l’expérience de chacun accueillera les maîtres bouddhistes à bras ouverts.
En effet, ces derniers invitent toujours ceux qui les écoutent à vérifier
leurs enseignements. C’est l’un des points forts du bouddhisme, mais il ne
faut pas tomber dans l’erreur de penser que pour les bouddhistes toutes
les vérités se valent. Certes, cette tradition est connue pour sa grande
tolérance, mais cette tolérance ne correspond pas à ce que pensent
beaucoup d’Occidentaux. Dans le contexte bouddhique, il vaudrait mieux
parler de patience.
Quand on entre dans la cohérence bouddhique, il devient clair que toutes
les visions de l’homme ne peuvent pas conduire à l’éveil. Les maîtres,
avec beaucoup de patience, acceptent l’homme là où il en est de sa quête
spirituelle et lui donnent des enseignements qui lui permettent d’avancer
à son rythme. On pourrait presque dire qu’ils dispensent leurs
enseignements à doses homéopathiques, les adaptant à la capacité de
chacun. Ils font cela parce qu’ils savent, et c’est d’une très grande
sagesse, que si l’homme ne se retrouve pas dans un enseignement, il ne
sert à rien de le lui proposer. Ces maîtres ne commencent donc pas par
des discours compliqués sur la vacuité. Ils demandent à l’homme de
réfléchir sur ses émotions, sur son comportement etc., de voir comment,
lorsqu’il pose tel acte, il y toujours telle conséquence. Tout est vérifiable.
Les maîtres bouddhistes en général ne disent pas non plus ce qu’il ne faut
pas croire. Ils savent qu’au fur et à mesure que l’homme avance sur la
voie, sa vision erronée se corrigera, et les croyances auxquelles il avait
attaché tant d’importance dans le passé disparaîtront tout naturellement.