Le bouddhisme : quel attrait pour les Français

publicité
Le bouddhisme :
quel attrait pour les Français aujourd'hui ?
Cet article, rédigé par Dennis Gira (Directeur adjoint de l’Institut
de science et de théologie des religions à l'Institut catholique de
Paris et rédacteur en chef du site www.theologia.fr) aide à
comprendre les raisons pour lesquelles un nombre important de
Français (et d'Occidentaux) s'intéressent au bouddhisme
aujourd'hui. Ce faisant, il souligne ce qu’il y a de plus profond dans
cette tradition et en même temps attire l'attention sur les
questions d'ordre théologique et pastorale que cette nouvelle
présence religieuse pose aux chrétiens.
La meilleure façon de comprendre les raisons pour lesquelles le
bouddhisme attire tant de personnes en France aujourd'hui, c’est de
regarder de près les dispositions intérieures des Français qui s’intéressent
à cette tradition. La liste de ces dispositions, qui suit plus loin, est sans
doute sujette aux critiques. Il se peut en effet que certains Français
s’intéressent au bouddhisme pour des raisons autres ; il se peut aussi que
relativement peu de personnes partagent toutes ces dispositions à la fois.
Le lecteur notera également que plusieurs d’entre elles pourraient tout
aussi bien conduire à un engagement dans le christianisme, ou dans
d’autres religions. Mais l’ensemble, on va le voir, peut cependant conduire
très naturellement au bouddhisme. Cette liste ne dépend pas des
sondages qui montrent, par exemple, que près de 5.000.000 de Français
se disent "proches" du bouddhisme (1) et que près de 46 % des jeunes de
18 à 25 ans disent qu’ils pensent que le bouddhisme "favorise
l’épanouissement personnel" (contre 29 % pour le christianisme) (2). Je
l’ai élaborée peu à peu au long des années grâce à de multiples
rencontres avec des personnes intéressés par le bouddhisme, des
centaines des étudiants venus à l’Institut catholique de Paris pour suivre
des cours sur le bouddhisme, sur les religions du Japon, etc.
Dans un premier temps nous observerons donc ces dispositions sans les
juger. Ensuite nous essayerons de comprendre exactement en quoi elles
préparent le terrain pour l’arrivée de la tradition bouddhiste en France.
I. Les dispositions intérieures des Français qui s’intéressent au
bouddhisme
1. Une insatisfaction vis-à-vis du monde tel qu’il va.
Les personnes attirées par le bouddhisme sont généralement très
conscientes du fait que notre société de consommation ne peut pas offrir
de véritable bonheur. Elles savent aussi, par leur expérience, que ce
monde de compétition mène inévitablement au conflit et ne peut pas
combler leur désir de vivre en harmonie. Elles cherchent donc la paix
intérieure et la paix entre les hommes qui manquent toutes les deux si
cruellement à notre monde. Ces personnes souffrent quand elles voient
les problèmes politiques et économiques rendre la vie difficile pour tant de
gens, les guerres fratricides qui font si souvent la « une » de nos
journaux, etc. etc. etc. En plus, elles sont convaincues que l’effort que
nous avons fait depuis des millénaires en Occident pour maîtriser le
monde extérieur, pour le rendre plus satisfaisant, ou moins insatisfaisant,
n’a pas porté le fruit espéré et qu’au contraire, les dégâts au niveau de
l’écosystème risquent de nuire à l’équilibre de la planète et donc de la vie.
2. Une difficulté à comprendre les discours habituels sur Dieu.
Les Français qui deviennent bouddhistes, ou qui se sent proches du
bouddhisme, parlent presque toujours des problèmes que leur pose la
notion (chrétienne) d’un Dieu personnel qui serait à la fois un Dieu tout
puissant et un Dieu d’amour.
– Pour beaucoup, le problème du mal est insurmontable. Comment en
effet croire en un Dieu tout puissant, en un Dieu d’amour qui veut le bienêtre de tous les êtres vivants, mais qui permet la souffrance de tant et
tant qui naissent dans la misère ou la guerre ? Grave question.
– Pour d’autres, les images de Dieu reçues dans l’enfance, et qui ne
correspondent pas du tout à leur expérience d’adulte, rendent la foi
impossible. Ces images (un Dieu Juge, un Dieu qui exige la souffrance de
son Fils, etc.) ont d’ailleurs été source de beaucoup de souffrances.
– Enfin, l’idée de Dieu pose des problèmes au niveau philosophique.
Certains pensent que croire en un Dieu personnel, c’est tomber dans
l’anthropomorphisme. De plus, croire en Dieu serait de toute façon
incompatible avec les découvertes de la science moderne.
3. Un très fort accent mis sur la primauté de l’expérience.
L’homme d’aujourd’hui accepte de plus en plus difficilement qu’un critère
de vérité puisse exister en dehors de lui-même. Dans ce contexte toute
forme de dogme est mise en question, ainsi que toute religion révélée. On
n’accepte plus qu’une autorité religieuse dise « ce qu’il faut croire ». On
veut découvrir la vérité à partir de sa propre expérience.
4. Une volonté de prendre son propre progrès en main.
Parlant avec des personnes qui s’intéressent à quasiment toute forme de
spiritualité extrême-orientale, on constate aussi que nombre d’entre elles
ne veulent plus dépendre d’une force extérieure – de la grâce – pour
avancer sur leur voie intérieure. Elles mettent l’accent sur la responsabilité
de chacun face à son avenir personnel. Et cette responsabilisation les aide
à se débarrasser d’un sens de culpabilité qui les immobilisaient jusque là
dans leur vie spirituelle.
5. La constatation qu’on ne peut pas réussir à développer tout son
potentiel humain en une seule vie.
Ces personnes qui veulent assumer la responsabilité de leur progrès
pressentent qu’à la fin de leur vie elles auront pourtant un profond
sentiment d’inachèvement. En une seule vie en effet, il est impossible
d’accéder pleinement à son humanité. Si l’on rejette alors l’idée que l’on
sera accueilli par un Dieu qui aidera chacun à se réaliser dans l’amour, il
ne reste que deux possibilités : le non-sens et la croyance en la
réincarnation. Cela explique pourquoi bon nombre de Français partagent
la vison réincarnationniste de l’homme.
6. Un besoin d’intégrer le corps à la démarche spirituelle.
Les Français d’aujourd’hui sont de plus en plus préoccupés par leur santé.
Ils cherchent passionnément l’harmonie du corps et de l’esprit et donc des
voies qui leur permettent de devenir conscients du rythme de la nature,
de se libérer du mépris du corps, d’intégrer enfin le corps à la démarche
spirituelle.
7. Le besoin d’un maître ou guide spirituel.
Les mêmes personnes qui ne veulent entendre parler ni de grâce ni de
dogmes sont pourtant très conscientes du fait qu’il n’est pas possible
d’avancer sur une voie spirituelle sans un maître, sans quelqu’un qui
connaisse le chemin et qui puisse donc leur donner des conseils fiables.
8. Le besoin d’appartenir à une communauté "authentique".
La plupart de personnes qui sont devenues bouddhistes en France ont eu
une expérience négative du christianisme. Elles sont aussi encombrées par
une mémoire religieuse qui ne leur permet pas d’oublier les épisodes peu
glorieux de l’Église : les croisades, l’inquisition, le lien entre les missions
chrétiennes et le colonialisme etc. Elles cherchent donc une tradition sans
violence (pour beaucoup, monothéisme et violence sont liés). Ces
personnes sont également frappées par le fait que les chrétiens
d’aujourd’hui ne vivent pas l’Évangile mieux que leurs aïeux. Elles
cherchent donc ailleurs une communauté où tout le monde soit engagé,
une communauté "authentique".
Il nous reste maintenant à voir comment et pourquoi le bouddhisme peut
répondre aux attentes de ces Français en recherche d’une voie spirituelle
capable de les épanouir.
II. Les affinités entre le bouddhisme et les dispositions intérieures
de certains Français
Je serai obligé ici d’indiquer simplement quelles sont les affinités entre le
bouddhisme et l’ensemble de dispositions décrites ci-dessus sans
expliquer le véritable sens de la vision bouddhiste du monde et de
l’homme. (Pour des précisons sur la doctrine et la cohérence interne du
bouddhisme, le lecteur peut consulter une des introductions au
bouddhisme proposées dans la bibliographie). Revenons donc à ces
dispositions, pour découvrir pourquoi les personnes qui les partagent
s’intéressent au bouddhisme.
1.
Une insatisfaction vis-à-vis du monde tel qu’il va.
2.
Selon ces personnes, l’homme d’Occident a investi toute son énergie
pour maîtriser le monde extérieur (on oublie cependant l’élan qui a donné
naissance aux grands courants spirituels de la tradition chrétienne), tandis
que celui d’Extrême-Orient s’est consacré depuis toujours à la maîtrise du
monde intérieur. Les maîtres bouddhistes seraient donc les mieux à même
d’aider l’homme à retrouver la paix intérieure et à établir une véritable
paix dans ce monde.
Le bouddhisme propose aussi des moyens pour aider l’homme à
comprendre les véritables raisons de son insatisfaction : si l’homme est
insatisfait, c’est en effet à cause de la vision erronée qu’il a de lui-même.
Il ne comprend pas qu’il est aussi éphémère que tous les autres
phénomènes du monde. Cette vision le pousse donc à s’engager dans un
comportement égocentrique puisqu’il veut épanouir le petit « soi » auquel
il attache tant d’importance. Et ce comportement, dans la vision
bouddhiste des choses, le bloque dans le cycle des naissances et des
morts (samsara) dont tout être vivant est prisonnier. C’est l’inexorable
déroulement de la loi karmique (karma = l’acte et ses conséquences)
selon laquelle tout acte positif ou négatif (l’acte karmiquement négatif
étant précisément l’acte égocentrique) porte un fruit dans cette vie ou
dans une vie ultérieure. Par la discipline mentale, la discipline éthique et
surtout par la sagesse l’homme peut corriger cette vision erronée qui est à
la source de toute sa souffrance, de toute son insatisfaction. Il cesse alors
de se comporter de manière égocentrique et arrive finalement à l’éveil.
Son ignorance spirituelle sera dissipée et ses passions éteintes : c’est le
nirvana ("extinction").
Il est aisé de comprendre pourquoi celui qui cherche à échapper à
l’insatisfaction peut s’intéresser au bouddhisme puisque ce dernier
s’attaque directement à ce problème et propose des pratiques destinées à
libérer l’homme de ce qui pèse sur lui dans le monde éphémère du
samsara.
3.
Une difficulté à comprendre les discours habituels sur Dieu.
La voie proposée par le bouddhisme ne fait aucune référence à Dieu. Il est
vrai que les bouddhistes laissent une place aux divinités (deva) de toutes
sortes, mais ces divinités sont prisonnières, tout comme l’homme, du
cycle des naissances et des morts. Elles doivent donc chercher, comme
lui, à en sortir. L’idée d’un Dieu tout autre, d’un Dieu qui aime, d’un Dieu
qui fasse alliance avec l’homme, d’un Dieu qui sauve, et totalement
absent dans le bouddhisme.
Autrement dit, tout s’explique sans Dieu. Ce n’est pas que les bouddhistes
soient athées (sauf peut-être ceux des pays de tradition chrétienne,
comme la France, où beaucoup rejettent toute idée de Dieu, ou plus
précisément l’idée qu’ils se font de Dieu). Les bouddhistes des pays
bouddhistes n’ont tout simplement aucune idée de Dieu. Mais le fait que
dans le bouddhisme tout s’explique sans Dieu rend, il faut l’avouer, cette
tradition très attirante pour les Français qui sont convaincus, par exemple,
qu’il existe entre la foi chrétienne et la science moderne un mur
infranchissable. L’analyse bouddhiste de la réalité, l’éthique, les pratiques
méditatives, etc. leur semblent très rationnelles. De plus, le bouddhisme
les libère des images de Dieu déjà évoquées et qui ont été souvent pour
eux source de souffrance et de culpabilité : le Dieu Juge, le Père sévère,
etc.
On pourrait ajouter que le problème du mal, tel qu’il est habituellement
formulé, n’existe pas pour les bouddhistes. Pour les chrétiens, il sera
toujours difficile d’expliquer, par exemple, comment des enfants peuvent
naître dans des situations épouvantables dans un monde créé par un Dieu
qu’on dit tout puissant, un Dieu amour qui veut le bien de tout homme ;
mais pour les bouddhistes ce phénomène – ainsi que toutes les inégalités
entre les hommes – s’explique par le déroulement de la loi karmique. Le
malheur, même celui d’un nouveau-né, est simplement le résultat des
actes négatifs qui ont été posés dans une ou des vies antérieures. Cela ne
veut pas dire que les bouddhistes abandonnent ceux qui souffrent à leur
malheur. Au contraire, ils font tout pour les aider, par compassion. Mais
pour les chrétiens, et là se situe une des grandes différences entre le
bouddhisme et le christianisme, un enfant n’est jamais responsable de la
misère dans laquelle il est né. Tout homme est créé à l’image de Dieu et a
donc le droit de ne pas naître dans des situations inacceptables. Et quand
un enfant naît dans la misère, le chrétien va vers lui par charité, certes,
mais d’abord par justice.
4. Un très fort accent mis sur la primauté de l’expérience.
Quiconque est convaincu que le critère de la vérité est d’abord
l’expérience de chacun accueillera les maîtres bouddhistes à bras ouverts.
En effet, ces derniers invitent toujours ceux qui les écoutent à vérifier
leurs enseignements. C’est l’un des points forts du bouddhisme, mais il ne
faut pas tomber dans l’erreur de penser que pour les bouddhistes toutes
les vérités se valent. Certes, cette tradition est connue pour sa grande
tolérance, mais cette tolérance ne correspond pas à ce que pensent
beaucoup d’Occidentaux. Dans le contexte bouddhique, il vaudrait mieux
parler de patience.
Quand on entre dans la cohérence bouddhique, il devient clair que toutes
les visions de l’homme ne peuvent pas conduire à l’éveil. Les maîtres,
avec beaucoup de patience, acceptent l’homme là où il en est de sa quête
spirituelle et lui donnent des enseignements qui lui permettent d’avancer
à son rythme. On pourrait presque dire qu’ils dispensent leurs
enseignements à doses homéopathiques, les adaptant à la capacité de
chacun. Ils font cela parce qu’ils savent, et c’est d’une très grande
sagesse, que si l’homme ne se retrouve pas dans un enseignement, il ne
sert à rien de le lui proposer. Ces maîtres ne commencent donc pas par
des discours compliqués sur la vacuité. Ils demandent à l’homme de
réfléchir sur ses émotions, sur son comportement etc., de voir comment,
lorsqu’il pose tel acte, il y toujours telle conséquence. Tout est vérifiable.
Les maîtres bouddhistes en général ne disent pas non plus ce qu’il ne faut
pas croire. Ils savent qu’au fur et à mesure que l’homme avance sur la
voie, sa vision erronée se corrigera, et les croyances auxquelles il avait
attaché tant d’importance dans le passé disparaîtront tout naturellement.
Que la vérité soit vérifiée par l’expérience de chacun, oui. À chacun sa
vérité, non. Cependant, il n’y a pas de dogmes "imposés" par un
magistère, et pour beaucoup cela rend le bouddhisme très moderne et fort
sympathique.
5. Une volonté de prendre son propre progrès en main.
À la lumière de ce que nous venons de voir, il est facile de comprendre
pourquoi le bouddhisme répond bien aux attentes de ceux qui veulent
prendre leur propre progrès en main. Si l’homme avance vers la libération
sur la voie proposée par le Bouddha, c’est grâce à sa pratique et non
grâce au Bouddha, et certainement pas grâce à Dieu. Il n’y a ni Dieu qui
sauve, ni Dieu qui condamne. L’homme, à travers sa discipline mentale,
son comportement, etc. décide de ce qu’il va devenir. Un comportement
égocentrique le plongera dans des existences douloureuses; et dire cela
n’est pas condamner mais seulement constater les conséquences. De la
même manière, celui qui arrive à l’éveil sortira définitivement du cycle des
naissances et des morts, ce qui n’est en aucun cas une récompense. Ainsi,
le bouddhisme devient pour de nombreux Français la tradition qui
responsabilise l’homme de manière exemplaire.
6. La constatation qu’on ne peut pas réussir à développer tout son
potentiel humain en une seule vie.
En Occident, parler du bouddhisme, c’est aussi parler de la réincarnation.
On comprend donc pourquoi les personnes attirées par cette vision du
monde sont très souvent aussi attirées par le bouddhisme. Mais là se pose
un véritable problème : les bouddhistes ne croient pas à la réincarnation
telle qu’elle est conçue en Occident ! (3) Pourquoi donc ces personnes
sont-elles attirées par le bouddhisme? Tout simplement parce qu’elles
pensent que les bouddhistes croient à la réincarnation. Mais les maîtres
bouddhistes, toujours avec leur pédagogie exemplaire, les aident peu à
peu à comprendre la différence entre le samsara et la réincarnation, et
finalement le malentendu de départ devient une occasion de rencontrer
l’enseignement authentique du Bouddha.
7. Un besoin d’intégrer le corps à la démarche spirituelle.
Toutes les formes du bouddhisme (le zen, le bouddhisme tibétain, etc.)
soulignent l’importance du corps dans la démarche spirituelle. Il suffit de
regarder la position du corps des bouddhistes qui pratiquent le zazen (la
position assise qui caractérise la tradition zen) pour comprendre à quel
point ce principe est essentiel. La place de la respiration et de l’inspiration
dans les exercices bouddhiques est également impressionnante. Le
respect de la dimension corporelle de l’homme se reflète aussi dans les
préceptes bouddhistes qui invitent à une vie équilibrée.
8. Le besoin d’un maître ou d’un guide spirituel.
Nous avons déjà fait remarquer la qualité pédagogique des maîtres
bouddhistes et leur capacité d’accueil. Certains moines chrétiens les
considèrent même comme des "techniciens de l’intériorité" tellement ils
connaissent bien les possibilités qu’offre la vie intérieure et les pièges qui
y attendent ceux qui s’y engagent. Que des personnes pour qui la quête
spirituelle est essentielle se rendent chez eux n’a donc rien de surprenant.
9. Le besoin d’appartenir à une communauté "authentique".
Cette dernière disposition est particulièrement douloureuse à accueillir
pour les chrétiens car elle nous met devant la faiblesse de l’Église à
travers l’histoire et jusqu’à nos jours. Dans l’humilité, il faut pourtant
assumer notre passé. En même temps, dans un esprit de fraternité, il faut
aider ceux qui se tournent vers le bouddhisme à comprendre que cette
tradition a aussi connu des périodes difficiles. De grands monastères
bouddhistes ont eu leurs moines guerriers, et pendant des siècles cette
tradition a considéré que ceux qui "calomniaient" la Loi bouddhique
étaient exclus de toute possibilité d’arriver à l’éveil. Les rois pouvaient, et
dans certains cas devaient, les éliminer sans que cet acte soit considéré
comme violant le premier précepte qui ordonne pourtant de respecter
toute vie. Autrement dit, il y a une violence en l’homme qu’aucune grande
tradition ne réussit à toujours juguler. Mais bouddhisme et christianisme,
et c’est leur grandeur, ont pu surmonter les pires abus et continuer à
annoncer, et à essayer humblement de mettre en pratique, les
enseignements de leurs "fondateurs".
On peut ajouter que le fait que dans les communautés bouddhistes de
France, à la différence de ce qui se passe dans les communautés
chrétiennes, tout le monde est "pratiquant" ne veut pas dire que le
bouddhisme soit plus authentique que le christianisme. J’ai vécu
longtemps au Japon. Dans ce pays culturellement bouddhiste depuis près
de treize siècles, de nombreux Japonais, nés dans des familles
bouddhistes et cherchant un lieu pour vivre leur quête spirituelle de
manière plus intense, finissent dans une petite communauté chrétienne.
Finalement il semble bien qu’à long terme, là où une religion fait partie de
la culture d’un pays, cette religion finisse par en souffrir : ici le
christianisme, au Japon le bouddhisme.
Conclusion
Voilà donc quelques réflexions sur les raisons pour lesquelles les Français
s’intéressent au bouddhisme aujourd’hui. Ce qui manque dans cette
présentation – mais j’ai trop peu d’espace – c’est une réflexion sur la
réponse pastorale qu’il faudrait mettre en place face à cette situation. Je
dirais seulement qu’après trente ans d’études sur le bouddhisme je suis
arrivé à me dire que la seule réponse valable, c’est d’aider chacun à faire
une relecture des Écritures saintes pour méditer cette Parole qui chante la
grandeur de l’homme et celle de Dieu et montrer que la Bonne Nouvelle
est une véritable annonce de bonheur.
Notes :
(1) Voir la revue Psychologies, décembre 1999, p. 64 sq.
(2) Sondage CSA, La Vie, RTL, présenté et analysé dans l’enquête "Dieu
interesse-t-il les jeunes ?", La Vie, n° 2691, du 27 mars au 2 avril 1997,
p. 18-30.
(3) Dans un hors série de la revue bouddhiste Dharma, préparée par les
bouddhistes (de tendance tibétaine) lors de la visite du dalaï-lama en
France, en avril 1997, on trouve un "bêtisier" : la liste des plus grosses
sottises que l’on dit habituellement sur le bouddhisme. L’une des bêtises
mentionnées était la suivante : "Les bouddhistes croient à la
réincarnation." Et le texte explique : "D’abord, l’enseignement du Bouddha
ne demande pas de croire en un dogme, quel qu’il soir. S’il y a bien
quelques bouddhistes pour déclarer croire en la réincarnation, il faut
savoir qu’à proprement parler la notion de la réincarnation est étrangère
au Dharma [l’enseignement bouddhique]." (dans Dharma, avril 1997, p.
29.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :
- Conze, Edward, Le bouddhisme dans son essence et son développement,
Payot (Petit bibliothèque Payot/Documents, n°. 223), (première édition,
1951).
- Faure, Bernard, Le bouddhisme, Flammarion (Dominos, n° 109), 1996.
- Gira Dennis, Comprendre le bouddhisme (le cours donné à l'Institut
catholique entre 1985 et 2005), Centurion, 1989 ; Le Livre de Poche,
1998.
Le bouddhisme à l’usage de mes filles, Éditions du Seuil, 2000.
- Harvey, Peter, Le bouddhisme : enseignements, histoire, pratiques,
Seuil, 1993
- Magnin, Paul, Bouddhisme unité et diversité : expériences de libération,
Cerf, 2003.
- Martin, J., Introduction au bouddhisme, Cerf, 1989.
- Midal, Fabrice, Quel bouddhisme pour l'Occident ?, Seuil, 2006.
- Rahula, Walpola, L'enseignement du Bouddha d'après les textes les plus
anciens, Le Seuil (Sagesse 13), 1961.
Téléchargement