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agroecologie.cirad.fr
La protection agro-écologique des cultures
Décliner les principes de l’agro-écologie
à la protection des cultures
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>> La protection des cultures à la croisée
des chemins
Dans le domaine de la protection des cultures,
l’Integrated Pest Management (IPM) des pays
anglo-saxons, généralement traduit par « Protec-
tion intégrée des cultures » (PIC) dans les pays
francophones, est le paradigme qui a prévalu
depuis les années 1950 à partir du concept pro-
posé par des entomologistes californiens. L’IPM
a ainsi participé à l’évolution positive de la pro-
tection des cultures depuis les années 1950.
Pourtant, sans remettre en cause le bien-fondé
de ce concept, il y a lieu aujourd’hui de
s’interroger sur la cohérence entre les préoccu-
pations actuelles dans le domaine de la protec-
tion des cultures, visant notamment à promou-
voir les principes de l’agro-écologie, et l’état des
pratiques sur le terrain, qui restent souvent ba-
sées sur l’agrochimie, aussi bien dans les pays
du Nord que dans ceux du Sud.
La protection agro-écologique des cultures
(PAEC) se trouve à la croisée de plusieurs con-
cepts ou domaines de recherche et de gestion :
- l’agro-écologie, pouvant être considérée à la
fois comme une discipline scientifique à part en-
tière (recouvrant des études intégratives relevant
de l’agronomie, de l’écologie, de la sociologie et
de l’économie, conduites à différents niveaux
d’échelles) et un mode de gestion des agro-
écosysmes ;
- la protection intégrée des cultures, qui a conju-
gué les efforts des chercheurs et des praticiens
depuis plus de 50 ans, mais qui montre au-
jourd’hui ses limites d’application sur le terrain ;
- la gestion de la biodiversité dans les agro-
écosystèmes, s’inspirant aussi bien pour la re-
cherche que pour la gestion, de la biologie de
conservation dans les écosystèmes naturels.
Agro-écologie
>> Mobiliser la biodiversité fonctionnelle
pour améliorer les performances des agrosystèmes
Diversinervus sp., parasitoïde de Saissetia hemis-
pherica sur annone
© A Franck/Cirad
La Protection agrocologique des cultures
(PAEC) est une démarche innovante et ordon-
née, résultant rigoureusement de l’application
des principes de l’agro-écologie à la protection
des cultures, dans laquelle l’enjeu écologique
est véritablement placé au centre des préoccu-
pations. La PAEC vise ainsi à concilier l’effica-
cité de la protection des cultures vis-vis des
ravageurs et des maladies, avec la durabili
socio-économique, écologique, environnemen-
tale et sanitaire des agro-éco
systèmes. La
PAEC ambitionne également de contribuer si-
gnificativement à la transition des pratiques
agro-chimiques vers les pratiques agro-
écologiques dans les systèmes de culture.
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>> Les bases écologiques de la protection
des cultures
La PAEC cherche à optimiser les processus éco-
logiques et les interactions entre des commu-
nautés animales et végétales au sein d’un agro-
écosystème. L’optimisation de ces processus,
source d’équilibres bio-écologiques dans l’agro-
écosystème, permet ainsi d’empêcher ou de
limiter les risques d’infestations ou de pullula-
tions de bio-agresseurs (ravageurs, pathogènes,
plantes adventices).
Dans l’approche agro-écologique, le maintien
(ou l’amélioration) de la biodiversité locale et le
maintien (ou l’amélioration) de la santé des sols
sont les deux axes directeurs principaux visant à
optimiser ces processus bioécologiques et, ainsi,
à contribuer à la durabilité écologique de
l’écosystème. Le bon fonctionnement des agro-
écosystèmes, gage de la fourniture de différents
services (approvisionnement en alimentation et
matières premières, contrôle des maladies et
des organismes nuisibles, pollinisation ou encore
régulation du climat) est ainsi assuré par la di-
versité des espèces qui y coexistent et interagis-
sent. La gestion à long terme des populations
des ennemis des cultures passe donc par une
gestion harmonieuse de la santé du sol et de la
santé des plantes dans les agro-écosystèmes.
Dans le cas de la gestion des populations de
ravageurs, on cherche ainsi à optimiser les in-
teractions entre les arthropodes (ravageurs, pré-
dateurs, parasitoïdes, pollinisateurs) et les com-
munautés végétales dans lesquelles ils vivent
(cultivées ou non, dans ou en dehors de l’agro-
écosystème).
>> Une démarche ordonnée et une stratégie
générique sur le terrain
L’IPM, nous l’avons vu, est une combinaison de
techniques, encore souvent dans la pratique
basées sur l’agrochimie. Au contraire, la PAEC
est une approche qui se réfère à une acception
scientifique de l’agro-écologie, faisant appel à
des connaissances fines en biologie, écologie et
à l’intégration de ces connaissances. Dans
l’opérationnalité, cette approche agro-écologique
se traduit par une démarche méthodique et or-
donnée, où les techniques ne sont pas superpo-
sées ou ajoutées, mais où elles sont considé-
rées et appliquées selon un ordre préétabli dans
un raisonnement systémique, dans lequel les
échelles sont élargies (échelles d’espace et de
temps, échelle de gestion collective).
Cette démarche ordonnée permet de proposer
sur le terrain une stratégie phytosanitaire claire
et générique. Dans cette approche, la première
et essentielle étape (chronologiquement après le
respect des mesures réglementaires, dont
l’objectif est de se placer dans un cadre légal),
avant d’envisager d’éventuelles techniques cura-
tives, porte sur la mise en oeuvre prioritaire de
mesures préventives. Dans ces mesures préven-
tives, deux principales catégories de tactiques
sont proposées :
- favoriser la santé du sol et cultiver des plantes
saines (exemples de techniques : prophylaxie,
utilisation de variétés adaptées, succession des
cultures et assolements, semis sous couverture
végétale avec un travail minimal du sol, gestion
adaptée de l’enherbement, de la fertilisation et
de l’irrigation, amendements organiques, etc.) ;
- augmenter les populations des auxiliaires (en-
nemis naturels, pollinisateurs, détritivores, recy-
cleurs) et réduire les populations de bioagres-
seurs, au niveau de la parcelle, de ses alentours,
de l’exploitation et de l’agro-écosystème dans
son ensemble (exemples de techniques : cul-
tures ou plantes pièges, implantation de zones
refuges, associations et cultures intercalaires,
techniques de push-pull (répulsion-attraction),
gestion des bords de parcelles, aménagement
de structures de compensation écologique (cor-
ridors, haies, bandes herbacées et fleuries),
techniques d’incorporation de diversité végétale,
etc.).
Abeille butinant sur une fleur de bourrache dans une
bande fleurie insérée dans un agro-écosystème.
© C. Ajaguin Soleyen/Cirad
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agroecologie.cirad.fr
>> La prophylaxie, la lutte biologique par
conservation et la gestion des peuplements
Dans cette approche préventive et systémique,
la gestion agro-écologique de la santé des
plantes se trouve centrée sur la gestion des
peuplements végétaux (cultures et plantes non
cultivées aux abords des parcelles comme dans
l’agro-écosystème), la gestion d’autres popula-
tions d’organismes vivants, principalement les
arthropodes, mais également les autres inverté-
brés du sol, tels que les lombrics et collemboles,
ainsi que les agents pathogènes. Il est en effet
reconnu que les agro-écosystèmes diversifiés
comptent généralement moins de ravageurs gé-
néralistes ou spécialisés et plus d’auxiliaires.
La gestion des peuplements végétaux favorise,
dans un cadre de lutte biologique par conserva-
tion, le maintien ou la création d’habitats favo-
rables à la faune utile indigène et/ou défavo-
rables aux organismes nuisibles.
En complément de cette approche systémique,
la PAEC fait aussi appel aux techniques clas-
siques mobilisées dans l’IPM, sur l’optimisation
des pratiques culturales et sur les modalités de
gestion des peuplements végétaux.
Enfin, la prise en compte, aussi bien dans le rai-
sonnement que dans l’utilisation sur le terrain, de
techniques curatives ne sont envisagées qu’en
dernier recours, seulement en cas de nécessité,
et sous réserve qu’elles soient compatibles avec
le respect du fonctionnement des groupes biolo-
giques fonctionnels assurant la fourniture de ser
vices écologiques, notamment la régulation des
bio-agresseurs.
Dans ce cadre, sans qu’il soit proscrit, l’emploi
des pesticides de synthèse s’envisage en tout
dernier ressort, après d’autres techniques cura-
tives non chimiques. L’avenir des pesticides pa-
raît d’ailleurs à terme limité, compte tenu de
l’évolution de la réglementation et des restric-
tions d’usage environnementales et toxicolo-
giques croissantes.
Suivant ce concept de protection agro-
écologique des cultures, la prophylaxie, via le
contrôle cultural notamment, la gestion des habi-
tats et la lutte biologique sont les trois principales
composantes de la protection des cultures, au
sein de laquelle elles retrouvent pleinement leur
pertinence et leur efficacité.
Parmi les différentes formes de lutte biologique,
c’est la lutte biologique par conservation qui est
privilégiée, car elle participe directement et natu-
rellement aux équilibres bio-écologiques recher-
chés. La lutte biologique par conservation com-
prend l’ensemble des mesures prises pour la
préservation des ennemis naturels, en empê-
chant leur destruction par d’autres pratiques et
en augmentant leur efficacité, notamment par la
gestion des habitats.
Rencontre et discussions sur le terrain entre un agriculteur
et des étudiants
© JP Deguine/Cirad
Verger d’agrumes avec une couverture végétale au sol
© JP Deguine/Cirad
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agroecologie.cirad.fr
>> L’application de la PAEC sur le terrain
et les clés de la transition agro-écologique
Depuis quelques années, on enregistre des
avancées agro-écologiques dans le domaine de
la protection des cultures. C’est par exemple le
cas d’expériences conduites à La Réunion, en
particulier sur les cultures maraîchères (projet
Gamour, (gamour.cirad.fr/site/) et sur cultures
fruitières (projet Biophyto, www.agriculture-
biodiversite-oi.org/Biophyto), qui sont présentées
dans d’autres fiches. Ces avancées résultent
directement de l’application en milieu producteur
des principes de la PAEC. Elles constituent éga-
lement la déclinaison des orientations nationales
en matière d’agro-écologie (Plan agro-
écologique pour la France) et de réduction des
pesticides (plans Ecophyto 1 et 2). La réussite
de ces expériences est aussi le résultat, dans la
conception et la mise en œuvre, d’une approche
collective et participative de la part d’un grand
nombre de partenaires agricoles, au premier
rang desquels on trouve les agriculteurs, ouverts
à l’orientation agro-écologique. Ces partenaires
vont de la Recherche aux Professionnels, en
passant par l’Expérimentation, la Formation, le
Conseil, l’Enseignement et le Transfert.
D’autres expériences agro-écologiques se multi-
plient et tendent à confirmer la plus-value socio-
économique et écologique de la PAEC. A partir
des expériences conduites en milieu producteur,
plusieurs clés de la transition agro-écologique
apparaissent et concernent principalement
quatre domaines d’activités : recherche-
expérimentation, enseignement-formation, con-
seil-transfert, incitation-soutien publics.
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Références
Quelques publications du Cirad
Deguine J.-P., Gloanec C., Laurent P.,
Ratnadass A., Aubertot J.-N. (eds), 2016.
Protection agro-écologique des cultures.
Editions Quae, Versailles, ISBN 978-2-7592-
2410-4, 288 p.
Lucas P., Ratnadass A., Deguine J.-P., 2016.
Passer de la Protection Intégrée des Cultures
à la Protection Agro-écologique des Cultures.
In : Deguine J.-P., Gloanec C., Laurent P.,
Ratnadass A., Aubertot J.-N. (eds), Protection
agro-écologique des cultures. Editions Quae,
Versailles, ISBN 978-2-7592-2410-4, 47-56.
Quelques fiches du Cirad
- La gestion agro-écologique des mouches des
légumes à La Réunion.
- La protection agro-écologique des vergers de
manguiers à La Réunion.
- L’augmentorium.
Sites de projets
Présentation des projets CASDAR Gamour et
Biophyto et interviews d’agriculteurs sur :
- projet Gamour : http://gamour.cirad.fr/site/
- projet Biophyto : http://www.agriculture-
biodiversite-oi.org/Biophyto
Contact
Jean-Philippe Deguine, UMR PVBMT
Quelques clés de la transition agro-écologique en protec-
tion des cultures : un objectif commun et des bénéfices
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