— 138 — J. BOCCARDI () SUR UNE NOUVELLE ÉQUATION DANS LES OBSERVATIONS DES PASSAGES Nous ne sommes plus au temps où l'astronome MASKELYNE se croyait en devoir de déclarer à l'un de ses assistants qu'il n'était pas fait pour la carrière astronomique, par la seule raison qu'il n'observait pas les passages des étoiles au méridien de la même manière que son directeur. L'équation personnelle est un fait bien connu aujourd'hui, et à mesure que les méthodes d'observation se perfectionnent, on découvre de nouvelles formes de cette équation. Dans ces dernières années on a reconnu l'équation décimale et l'équation de grandeur, ou, pour mieux dire, l'équation d'éclat, dont sont affectés les passages d'étoiles de grandeurs différentes. A l'occasion d'un travail de réobservation de 500 étoiles du catalogue d'ALBANY (de l'Association Allemande), que j'ai faite dernièrement à Turin, je me suis proposé d'examiner si les ascensions droites observées et réduites à un même équinoxe moyen, étaient affectées par les variations des conditions atmosphériques. D'autres avant moi avaient essayé de faire des recherches dans cette direction, sans constater aucune variation systématique. C'est que le nombre des observations relatif à chaque étoile n'était pas grand pour ces observateurs. D'après mon plan, je devais observer pendant plusieurs années de suite les étoiles que j'avais choisies du catalogue d'ALBANY, en commençant plusieurs heures après minuit et en terminant au crépuscule du soir. J'ai observé avec un instrument des passages de 108 mm. d'ouverture et de 160 cm. de distance focale, en employant toujours un grossissement de 129. Cet instrument n'avait pas alors de micromètre dit impersonnel. A l'exception de l'inclinaison de l'axe horizontal qui était mesurée directement avec un excellent niveau à bulle d'air, les constantes instrumentales étaient déterminées au moyen d'observations cle fondamentales, alternées avec celles des petites étoiles au cours de chaque soirée. Le nombre des fondamentales était considérable, c'est-à-dire de 10, 15 jusqu'à 21. Ceci était nécessaire pour pouvoir appliquer la méthode des moindres carrés pour déduire les valeurs des inconnues suivantes: azimut, collimation, correction de i1) Je donne ici un résumé de la communication que j'ai faite au Congrès de Eome. On trouvera de plus amples details dans un Mémoire qui va paraître bientôt. — 139 — l'horloge pour un instant donné et sa marche pendant les observations (l). Autant qu'il a été possible, j'ai choisi des fondamentales entre les grandeurs 4^,0 et 5m,0. Pour les étoiles d'ALBANY sur lesquelles ont porté mes observations, je me sui3 aussi borné aux étoiles de 7m,0 à 8 m ,2. Sans doute, les observations des petites étoiles réduites avec les constantes déterminées au moyen des étoiles d'un éclat plus grand seront affectées par l'équation de grandeur; mais si cette dernière reste constante pendant toute la série des observations, les ascensions droites de chaque étoile réduites à l'équinoxe moyen doivent s'accorder dans les limites des erreurs d'observation. Je dis en passant que l'erreur probable d'une de mes observations a été au commencement de ri= 0S,029 et ensuite elle est descendue à =t= 0S,024. Mais si les variations des conditions atmosphériques, pendant les mois embrassés par les observations de chaque étoile, ont produit un changement dans l'observation des pasages, les ascensions droites seront assujetties à des fluctuations, ou, si l'on veut, l'équation de grandeur doit varier. Mes observations de passages au méridien ont commencé le 2 juillet 1904 et elles ont fini le 29 novembre 190(5. Leur nombre a atteint 12000. Dès la première année, puisque j'ai fait marcher de front les calculs de réduction — que j'ai fait moi-même, auàsi bien que toutes les observations — j'ai remarqué que pour les 600 étoiles d'ALBANY, en commençant par 20h, les ascensions droites réduites à l'équinoxe moyen de 1904,0 étaient un peu plus faibles pour les observations de juillet, plus fortes pour celles de septembre et des mois suivants. La différence était plus sensible pour les étoiles de 7m,7 à 8 m ,2. J'ai soupçonné d'abord une équation qu'on aurait pu appeler de saison, ou bien horaire, puisque elle était en rapport avec les heures des observations ; mais en poursuivant celles-ci je me suis aperçu que la différence de clarté de l'atmosphère jouait un rôle prépondérant dans cette variation des ascensions droites. Le climat de Turin, surtout à cause de la proximité du Po, est assujetti à des variations subites dans l'état du ciel. Il arrive souvent que l'on commence les observations avec un ciel superbe, et ensuite tout-à-coup le brouillard se lève et quelquefois on est obligé d'interrompre les observations. D'autres fois il arrive le contraire; on commence les observations avec un ciel brumeux et au bout d'une heure le ciel se découvre et il devient très clair. Ce climat était donc tout indiqué pour des recherches sur l'influence des conditions atmosphériques sur les observations des passages. Or, en examinant avec soin l'allure des ascensions droites de chaque étoile pour de différents degrés de clarté du ciel, j'ai constaté la loi suivante pour mes observations: « lorsque « le ciel est très clair, les passages sont observés avec avance, lorsque le ciel est « brumeux les passages sont pris en retard. Les observations avec du vent sont aussi « en avance, celles marquées difficiles sont en retard ». A cause de la variabilité du ciel de Turin, j'ai pu bien souvent constater ces lois pendant la même soirée. Et voilà comment. J'ai jugé à propos d'appliquer à mes observations la méthode général de correction proposée par M. SCHIAPARELLI dans l'introduction au catalogue de Brera (Milan), et qui consiste à perfectionner les observations, en les débarassant d'une H Voyez l'Annuario Astronomico del E. Osservatorio di Torino, pour 1906. — 140 — erreur systématique que l'on découvre en comparant pour chacune des étoiles observées dans une soirée l'observation de tel jour à la position très exacte que l'on forme en faisant la moyenne de toutes les observations pour chaque étoile. Cette moyenne, lorsque le nombre des observations est très grand, peut être regardée comme très près de la vérité, par conséquent pour chaque étoile l'écart entre la position d'une soirée et la moyenne donne l'erreur de l'observation. Or, si l'on fait cette comparaison pour toutes les étoiles d'une soirée, on découvre une allure systématique dans ces écarts, que l'on peut représenter avec un diagramme. Dès lors, chaque coordonnée observée est affectée par deux erreurs, l'une qui est due au système dont j'ai parlé tout à l'heure, l'autre qui est tout à fait accidentelle. D'après les principes de la théorie des erreurs, on est autorisé à délivrer chaque observation de l'erreur systématique, et alors il ne restera sur l'observation ainsi modifiée que l'erreur accidentelle. Contre cette manière de perfectionner, pour ainsi dire, les observations, je pense qu'il n'y à rien à objecter. Du moment que l'erreur systématique existe, et qu'elle se révèle d'une manière évidente, on est autorisé, on est même obligé de la faire disparaître, de même que l'on corrige les passages des erreurs d'azimut, de collimation, etc. En appliquant cette méthode aux dates auxquelles l'état du ciel avait changé pendant la série des observations, j'ai reconnu d'une manière évidente sur le diagramme que les ascensions droites des étoiles observées par un ciel très clair étaient au-dessous de la moyenne, tandis que pour les étoiles observées avec du brouillard les ascensions droites étaient plus fortes. Par là l'augmentation des ascensions droites d^ juillet à septembre s'explique parfaitement. A Turin, contrairement à ce qui a lieu ailleurs, l'automne ordinairement n'est pas favorable aux observations. Ceci est arrivé surtout en 1904. Le ciel a été pendant cet automne presque constamment brumeux. Au contraire en juillet 1904 l'atmosphère, surtout après minuit, a été d'une transparence remarquable. Voilà pourquoi mes ascensions droites de juillet sont plus faibles, comme vous pouvez le remarquer sur les feuilles que j'ai l'honneur de vous présenter. J'ajoute qu'à Turin le mois janvier est incontestablement le meilleur de tous pour les observations. Le ciel, surtout pendant les deux ou trois premières semaines, est alors d'une transparence merveilleuse. Il s'ensuit que, pour les mêmes étoiles, les ascensions droites observées en janvier sont un peu plus faibles que celles observées en septembre, quoique les observations de septembre — pour ces étoiles — se fassent après minuit, lorsque l'air est plus calme, la poussière atmosphérique s'est déposée et, pour tout dire, la radiation de l'éclairage de la ville est moindre, tandis que les observations de janvier se font aux premières heures du soir. Après avoir bien constaté sur mes observations la loi que j'ai énoncée plus haut, j'ai pu dresser un tableau donnant les modifications que subissent les ascensions droites observées par moi suivant les variations de l'état du ciel. Ce tableau se trouve sur les feuilles que je vous ai déjà présentées. Mais après avoir reconnu cette loi sur mes observations, j'ai essayé de rechercher s'il s'agit là d'une équation personnelle dans le sens le plus étroit de ce mot, c'està-dire si je suis le seul à l'avoir, ou bien si elle est commune à d'autres. Cette recherche n'était pas facile, d'abord parce que si l'on a fait de longues séries d'obser- — 141 — vations de déclinaisons, surtout à l'occasion des recherches sur la variations des latitudes, il n'existe pas de longues séries d'observations d'ascensions droites; et ensuite parce que, ordinairement, les renseignements sur le conditions atmosphériques ne sont pas donnés avec tous les détails. Toutefois j'ai utilisé la belle série d'observations faites à Arcetri (Florence) par M. B. VIARO. Lui aussi a employé un grand nombre de fondamentales pour la détermination des constantes instrumentales, et il a assez clairement indiqué les conditions du ciel pour chaque soirée et même les variations survenues pendant la même soirée. Pour chaque étoile il n'a fait que 4 à 6 observations, de sorte que la valeur moyenne d'une coordonnée reposant sur un petit nombre d'observations, n'est pas, à la rigueur très près de la vérité. Mais, faute de mieux, je l'ai adoptée comme une valeur plus près de la vérité que n'importe quelle observation isolée. Je n'ai pas osé former un tableau des variations des ascensions droites de M. VIARO, analogue, au mien, puisque le nombre de ses observations n'est pas grand. Toutefois j'ai fait les différences entre les a correspondant à des états différents de transparence de l'atmosphère, ces états allant de I à IV dans le sens croissant de la transparence. J'ai donc trouvé que pour M. VIARO aussi les a diminuent avec le vent et avec une grande clarté du ciel et augmentent avec la brume et le brouillard. Le tableau de ces comparaisons est à côté de celui basé sur mes observations. 2 est la somme des différences entre les a se rapportant aux indications: I, II, III, etc.; n est le nombre des étoiles; m est la moyenne arithmétique de la différence. Enfin il est tellement certain que le manque de clarté de l'athmosphére retarde mes observations de passages, que bien souvent j'ai pu le constater pendant le passage d'une même étoile, c'est-à-dire que lorsque l'observation à quelque fil du micromètre a été faite à travers le brouillard, etc Y a correspondante est résultée plus forte. J'appelle donc l'attention des astronomes sur cette nouvelle forme d'équation dans les observations des passages. Si ce fait est confirmé par d'autres observations, il résulterait la nécessité d'avoir égard aux conditions atmosphériques par lesquelles les observations sont faites. Quant à mon modeste catalogue de 600 étoiles d'ALBANY, puisque le nombre des observations pour chaque étoile est très grand, et elles ont été faites dans toutes les conditions du ciel, mes positions basées sur la moyenne de toutes les observations relatives à chaque étoile correspondent à un état moyen de transparence. Mais pour les autres catalogues d'ascensions droites qui ne reposent pas sur un grand nombre d'observations, l'influence de cette nouvelle équation doit être sensible. Ceci pourrait expliquer, du moins en partie, les différences systématiques que l'on remarque entre les a données pour les mêmes étoiles par différents catalogues, même lorsqu'ils ont adopté le même système de fondamentales. Si l'on admet que par le micromètre auto-régistreur l'équation de grandeur est supprimée, on pourrait observer les passages des étoiles par tous les états de l'atmosphère, et comparer chaque observation à celles qui auraient été faites avec le micromètre sus-dit. Par ce moyen on déterminerait les variations de l'équation de grandeur suivant la clarté du ciel, et le tableau de l'équation de transparence, que l'on formerait ainsi, serait certainement plus exact que le mien.