juin 2009 n° 2 La lettre de MonacoBiodiv : conservation, sensibilisation et gestion durable de la biodiversité monégasque Editorial La richesse de la biodiversité ne se limite pas aux grands singes, aux éléphants ou aux baleines. Cette richesse est également présente autour de nous et la Fondation Prince Albert II de Monaco s’attache dans ses projets à sensibiliser le plus grand nombre à la protection de toutes les formes de la biodiversité en commençant par celles qui nous sont proches. Le projet MONACOBIODIV a déjà permis l’identification sur le territoire de la principauté d’un certain nombre d’espèces animales et végétales à forte valeur patrimoniale. A partir de ces inventaires, MonacoBiodiv initie une gestion audacieuse et innovante en matière de préservation adaptée à ces espèces rares et menacées. Ce projet soutenu par le Gouvernement Princier et la Fondation Prince Albert II permettra de faire découvrir cette richesse patrimoniale méconnue. Cette initiative rendra Monaco exemplaire pour sa politique de protection de la biodiversité. Philippe Mondielli Fondation Prince Albert II de Monaco Nivéole de Nice (Acis nicaeensis), glacis du Palais Princier Sommaire : • Editorial 1 • La biodiversité entomologique monégasque 2 • Des actions concrètes 3 • La communication au service de la biodiversité 4 Vers une protection concertée Le Gouvernement Princier, la Fondation Prince Albert II de Monaco, le Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles, l’Institut Méditerranéen d’Ecologie et de Paléoécologie (UMR CNRS IRD, Aix-Marseille Université) et leurs partenaires travaillent aujourd’hui ensemble pour la conservation et la gestion durable de la biodiversité terrestre monégasque. La lettre de MonacoBiodiv Page 2 n° 2 Bien que ne jouissant pas d’une grande affection parmi le grand public, les insectes sont des éléments importants de la biodiversité. Tout comme la flore, l’entomofaune de la Principauté s’est révélée particulièrement riche et diversifiée. Qu’est-ce que entomologique ? la biodiversité C’est l’ensemble des groupes d’insectes que l’on trouve dans les différents milieux tels que les branches d’arbres, les fleurs, la litière et les cavités, de jour comme de nuit. Euphorbe arborescente, plante patrimoniale sur laquelle un charançon rare est à rechercher La biodiversité entomologique monégasque Depuis le début 2008, 250 espèces d’insectes (Coléoptères et Hétéroptères) dont six coléoptères à forte valeur patrimoniale, ont été inventoriés en Principauté de Monaco, dont au moins deux espèces jamais mentionnées en France ou en Italie. L’origine de cette grande diversité entomologique est complexe et résulte de multiples facteurs notamment un héritage historique qui a permis à la microfaune de survivre aux glaciations quaternaires grâce à un climat particulièrement favorable et une diversité floristique importante. C’est le cas d’un insecte remarquable associé aux orties (Brachypterus labiatus, Coléoptère Kateretidae, photo ci-contre) découvert sur les glacis du Palais Princier et à la Source Marie. Cette espèce ouestméditerranéenne n’avait jamais était signalée en Italie continentale et seule une très vieille mention existait dans le Gard (France). Cette découverte est importante sur le plan biogéographique et elle montre que des milieux rudéralisés et fragmentés par l’urbanisation ne sont pas pour autant dépourvus d’intérêt biologique. L’importance de conserver cette biodiversité Trois animaux sur quatre sont des insectes. Près d'un million d'espèces sont connues à ce jour, et les scientifiques en découvrent chaque année : certaines estimations donnent jusqu'à 100 millions d'espèces sur Terre. Les insectes constituent ainsi la part la plus importante de la Biodiversité. Outre ces chiffres impressionnants, le rôle des insectes dans le fonctionnement des écosystèmes est fondamental. Si on connaît bien leur importance dans la pollinisation des plantes, les insectes contribuent également à la dégradation et le recyclage des déchets végétaux et animaux ou à la régulation d'espèces. Enfin, ils sont à la base de l'alimentation de nombreux animaux. Souvent négligés par méconnaissance, les insectes sont de véritables joyaux de la Nature et rigoureusement indispensables à la vie sur Terre. Quelques chiffres clé En un an, 250 espèces inventoriées (Coléoptères et Hétéroptères) dont 6 Coléoptères remarquables 12 espèces exotiques La lettre de MonacoBiodiv Page 3 Des actions concrètes La gestion des plantes exotiques envahissantes En collaboration avec les jardiniers du Palais Princier et le Directeur du Jardin Exotique de Monaco, les espèces exotiques envahissantes ont été enlevées sur les placettes expérimentales afin de suivre l’évolution de la végétation indigène après éradication sur les falaises du Palais Princier. La mise en place de cette stratégie de contrôle est nécessaire car les falaises abritent de nombreuses espèces végétales endémiques menacées par la concurrence des espèces exotiques. De plus, aucune étude de ce type en situation de falaise n’a jusqu’alors été conduite en Méditerranée. Expérimentation sur le glacis du Palais Princier Le suivi de la dynamique des plantes patrimoniales Les populations monégasques de deux espèces endémiques, la nivéole de Nice (Acis nicaeensis) et le statice à feuilles cordées (Limonium cordatum) sont suivies depuis 2007 grâce à la mise en place de placettes permanentes. Les 9 placettes de Limonium cordatum couvrant l’ensemble de la population monégasque, situées dans la partie basse des falaises de la digue du Port de Fontvieille et du quai Antoine 1er, ont permis le recensement en 2009 de 42 individus. Suivi plantes patrimoniales, Rampe Major et Port de Fontvieille Les 9 placettes de Acis nicaeensis situées à la base des falaises de la Rampe Major et du vallon Ste-Dévote ont permis le dénombrement en 2008 de 170 individus. La conservation ex-situ Dans le cadre de la conservation de la biodiversité végétale de la Principauté de Monaco, la conservation ex-situ des populations de plantes patrimoniales monégasques est en cours d’expérimentation pour plusieurs d’entre elles. Ainsi, des récoltes de graines, entre autres d’Acis nicaeensis, Lavatera maritima, Euphorbia dendroides, Coronilla valentina subsp. valentina, ont été réalisées avec l’aide du Jardin Exotique. Différents protocoles de germination et de mise en culture ont été testés en conditions contrôlées à l’unité d’expérimentions du CBNMED située sur l’île de Porquerolles. Récolte des graines au Jardin Exotique Estimation de la biodiversité entomologique Au cours de l’année 2008, l’entomofaune échantillonnée (voir ci-contre) est apparue bien plus riche que prévue tant du point de vue de la diversité des espèces qu’en nombre d’espèces remarquables. Mais un autre élément important à considérer est lié aux espèces exotiques à caractère envahissant, qui peuvent provoquer des situations de concurrence vis-à-vis d’espèces de Coléoptères indigènes partageant la même niche écologique. Différentes méthodes de captures d’insectes sur le Rocher Ces premiers résultats montrent le grand intérêt écologique et entomologique de la Principauté, qui, en dépit de sa superficie réduite et de la densité des espaces bâtis, réserve encore des îlots de diversité entomologiques qu’il importe de connaître pour pouvoir les protéger. Page 4 La lettre de MonacoBiodiv n° 2 La communication au service de la biodiversité La valorisation de la biodiversité et ainsi la conservation des espèces et des habitats patrimoniaux nécessite tout d’abord sa connaissance et prise en compte auprès des différents publics et principalement des acteurs locaux. Plusieurs actions ont été entreprises dans ce but en 2008 : ♦ Une étroite collaboration avec les différents acteurs locaux lors de la mise en place et du suivi des expérimentations ; ♦ Des réunions avec visite des sites d’expérimentation ; ♦ Des sorties botaniques lors de la semaine de Monacology ; ♦ Une conférence lors de la journée européenne du patrimoine ; ♦ Des articles de presse ; ♦ Des panneaux d’information relatifs à la biodiversité terrestre monégasque seront prochainement exposés. Et n’hésitez pas à nous contacter! Réunion et visite des sites avec les partenaires Focus sur un insecte rarissime, Tomeuna grouvellei Tout petit charançon aveugle de quelques millimètres (3 mm !), Tomeuna grouvellei se trouve enterré à proximité de plantes bulbeuses comme les Scilles ou les Asphodèles. Cet insecte endémique du littoral de France méditerranéenne et de Ligurie a été inventorié à Monaco lors des prospections d’hiver 2009 dans la friche située en arrière de la Source Marie. Cette observation est remarquable car les captures de cette espèce se comptent sur les doigts de la main depuis sa découverte sur les hauteurs de Nice à la fin du XIXème siècle. Pour en savoir plus… Fondation Prince Albert II de Monaco www.fpa2.mc Gouvernement de la Principauté de Monaco www.gouv.mc Institut Méditerranéen d’Ecologie et de Paléoécologie www.imep-cnrs.com Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles www.cbnmed.fr Photos de la page 1 (de haut en bas): Brachypterus labiatus, Nappe montée, Torneuma grouvellei, Piège à interception Polytrap, Penichroa fasciata. Conception: CBNMED - Comité de rédaction de ce n°2: Katia Diadema et Sylvain Fadda - © photos: Jardin Exotique de Monaco; K. Diadema , CBNMED et P. Ponel, IMEP .