La plupart de ces steppes peuvent se pré-
senter en formations pures ou mixtes
(mosaïques). Dans de nombreux cas, au
moins dans sa partie nord de notre dition
(aride moyen à supérieur), les steppes sont
considérées comme issues de formations
arborées ou arbustives ayant persisté dans
certains cas jusqu’au début du
XX
e
siècle.
Ainsi, des ligneux hauts peuvent être mêlés
à ces steppes (ou les ponctuer) :
–des arbustes dont les plus répandus : le
sedder ou sedra (Ziziphus lotus), le r’tem
(Retama raetam et R. sphaerocarpa), le
talha (Acacia tortilis subsp raddiana), le
tarfa (Tamarix sp.) ;
–des arbres à l’état de relique de forma-
tions forestières maintenant disparues ou
en forte régression comme les pins (Pinus
halepensis)etmêmedesAcacia...
La steppe à armoise blanche (Artemisia
herba-alba) est la plus commune de ce
type de formations. Elle couvrait, en Algé-
rie [54], en faciès purs relativement homo-
gènes, une surface évaluée à
10,5.10
6
hectares [23]. Le couvert végé-
tal d’une telle steppe en bon état est sou-
vent supérieur à 30 %, dont 20 à 25 %
pour l’armoise seule. Cette steppe, qui a
été décrite comme caractérisant les sols
lourds des dépressions d’où elle a été
progressivement éliminée par la mise en
culture, semble être devenue typique des
sols limono-sableux des glacis à croûte
calcaire [51]. Malgré son exceptionnelle
résistance à la sécheresse et au pâturage
[55, 56], elle est désormais en forte
régression. De même, dans les situations
où elle subsiste, son couvert a beaucoup
baissé et la contribution de l’armoise a
nettement régressé au profit de celle
d’autres espèces moins appréciées du
bétail : Atractylis serratuloides,Anabasis
sp., Noaea mucronata,Hammada sp. et,
localement, Salsola vermiculata. Le cou-
vert végétal des pérennes est alors de
l’ordre de 5 à 10 %. De même, le sparte
apparaît chaque fois que la surface est
ensablée. Les espèces citées, et notam-
ment N. mucronata, peuvent, former des
faciès presque purs, lorsque l’armoise a
complètement disparu. Dans la zone la
plus aride, entre les isohyètes annuelles
de 100 et 200 mm de pluie, c’est la
steppe à Hammada scoparia qui lui fait
suite.
Sur sols sableux, se développent les step-
pes à armoise champêtre (Artemisia cam-
pestris subsp. glutinosa) qui forme souvent
des faciès postculturaux.
Sous l’isohyète annuelle de 200 mm, la
steppe à Hammada schmittiana, se déve-
loppe sur sables grossiers. Sous ces
mêmes conditions climatiques, dans les
steppes sur sables, les jachères et les for-
mations postculturales évoluent vers la
steppe à Rhanterium suaveolens.
L’ensemble des liens dynamiques qui
expliquent les passages entre les différents
types de steppes, sur sols squelettiques ou
sols profonds plus ou moins sableux, a été
détaillé par Le Houérou pour l’ensemble
du Nord de l’Afrique [1, 57].
Les changements peuvent être relativement
progressifs, en particulier lorsqu’ils sont
liés au pâturage qui permet, pour un
temps, le maintien d’une partie plus ou
moins importante des plantes pérennes. La
dégradation peut être très lente, se tradui-
sant par des changements seulement per-
ceptibles sur le très long terme. C’est ce
qui a marqué au Maghreb, à l’échelle du
siècle, le passage des steppes d’alfa vers
d’autres formations comme celles à
armoise blanche ou à sparte en Tunisie
[15], en Algérie [51, 58-60], et au Maroc.
Cependant, les changements peuvent être
parfois rapides et détectables en moins
d’une décennie sur la végétation [61] et
sur le sol [62].
• Steppes crassulescentes
et les steppes succulentes
Les autres types de steppes, d’extension
plus restreintes dans le contexte climatique
considéré, sont les steppes crassulescentes
à base de salsolacées halophiles (bordu-
res de sebkhas) et les steppes succulentes
à glycophytes charnus (zones côtières à
forte humidité atmosphérique au Maroc
atlantique et littoral de la mer Rouge en
Égypte) [1].
Biodiversité
En considérant la composition et la
richesse spécifiques, en tant qu’acceptions
classiques de la diversité, outre les espè-
ces pérennes souvent minoritaires, le cor-
tège floristique est composé de thérophy-
tes et de « petites vivaces ». Ces deux
derniers types biologiques sont regroupés
sous les vocables d’« éphémères » ou
d’arido-passives [63, 64] en raison de
leur dormance physiologique estivale.
Cette catégorie, la plus abondante, est
déterminante pour la composition et la
diversité spécifique des steppes arides.
Les études phytosociologiques menées
dans les milieux steppiques ont défini des
phytocénoses dont la composition était
significativement individualisée et relative-
ment stable selon les types de milieux et de
steppes [14, 15]. La dégradation actuelle
s’accompagne de la disparition de nom-
breuses espèces caractéristiques de grou-
pements et de l’arrivée d’espèces plus ou
moins ubiquistes, qui, de ce fait, expli-
quent l’homogénéisation progressive des
cortèges floristiques des steppes et leur
banalisation [35, 61, 65, 66].
Les pérennes étant en régression, les éphé-
mères tendent, au plan fonctionnel, à
dominer et à rythmer la production pri-
maire selon les aléas climatiques intersai-
sonniers ou interannuels. Certaines espè-
ces n’apparaissent que très rarement car
nécessitant une pluviosité et des conditions
particulières pour s’exprimer
5
[52, 67,
68]. L’observation à long terme permet
ainsi de valider la composition floristique
totale qui, souvent ne peut être appréhen-
dée en une seule observation [52]. De
même, elle permet de vérifier les hypothè-
ses dynamiques. Les schémas dynamiques
développés à partir des liens de contiguïté
entre les groupements végétaux ont mon-
tré une tendance à l’augmentation de la
richesse en thérophytes qui semble être un
corollaire à la dégradation et à la déserti-
fication ou, en d’autres termes, une straté-
gie d’adaptation vis-à-vis d’une baisse du
couvert végétal et des ressources édaphi-
ques, notamment de la réserve en eau utile
[69]. Cet accroissement des thérophytes a
été mis en évidence notamment au Maroc
[65], dans les Hautes Plaines algériennes
[51, 60] et en Tunisie aride [66]. De toute
manière, le taux de thérophytes dans les
communautés, augmente naturellement
avec l’aridité.
La diversité concerne aussi les habitats.
Dans le Sud oranais, un suivi à long terme
d’un site permanent a montré que la des-
truction d’une espèce pérenne (ex. : l’alfa)
a entraîné, en quelques années, l’extinc-
tion locale d’espèces, comme Atractylis
phaeolepis,Bromus squarrosus,Xeranthe-
mum inapertum ou Sedum sediforme, rat-
tachées aux steppes arborées et matorrals
[51]. Pour ces espèces, la touffe d’alfa
constituait un habitat indispensable [52] et
leur disparition s’est opérée parallèlement
à l’installation d’espèces synanthropes
6
augmentant, pour un temps, la richesse
locale dans une situation qualifiée d’inter-
médiaire [61]. De nombreux exemples
montrent que les changements de compo-
sition et la baisse de diversité résultent de
changements opérés dans l’habitat, et sur-
tout dans et à la surface du sol, en général
suite à une baisse du niveau trophique. En
moins de 10 ans, le long d’un gradient de
pression pastorale, la perte de biodiver-
sité s’est accompagnée d’une réduction du
couvert des pérennes (- 57 %), de la
matière organique (- 23 à - 63 %) et des
argiles et limons fins (- 28 à - 87 %) selon
les niveaux des prélèvements [45].
Ces paramètres édaphiques d’habitat
n’expliquent pas toutes les dimensions de
5
C’est le cas de Catapodium tenellum poacée
qui n’a été relevée dans la steppe d’armoise
qu’unefoistousles5à10ans.Cetteespèceest
par ailleurs une caractéristique des pelouses
pionnières des landes bretonnes.
6
Préféré à « mauvaise herbe » qualifiant les
espèces invasives de façon générale liées aux
diverses activités humaines [65].
Sécheresse vol. 17, n° 1-2, janvier-juin 2006 23
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.