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ANALYSER SES PHRASES
à l’occasion d’une relecture/révision de son texte
1. La phrase simple
Un mot sur la phrase
Il est clair que la phrase est une entité aux cent visages, mais il existe au moins un
secteur, et pas le moindre, dans lequel l'existence d’un modèle de phrase est pertinent1,
c’est celui de l’étude de la langue écrite et des registres oraux apparentés. C’est qu’il
peut être un outil efficace et rigoureux, quand il s’agit d'analyser, de comprendre de
manière un peu « concrète » la structure de la plupart des phrases auxquelles les
élèves ont affaire en lecture, et en écriture lors de la révision de leur texte.
L’avantage attendu d’un tel outil est qu’il offre à l’élève une ressource importante pour
l’observation de la langue puisqu’il fournit une forme à laquelle se référer, ce qui permet,
par contraste, de dégager les caractéristiques structurelles de la phrase étudiée.
Ce modèle peut se définir comme une forme abstraite, un prototype constitué de deux
groupes syntaxiques obligatoires : un groupe, en général un GN2, en position ou
fonction de sujet et un GV en position ou fonction de prédicat, ainsi que de groupes
facultatifs en fonction de compléments de phrase (c. de P)3. On parle donc ici de la
phrase définie syntaxiquement4 qu’on appellera P.
L'existence d’un modèle comme celui-là rend possible l’emploi des outils
d'exploration que sont les manipulations syntaxiques et les transformations.
L’analyse
La première étape de l’analyse permettra de repérer les deux constituants obligatoires
de la phrase syntaxique.
1 Voir aussi Paret M. C. (Neuchâtel 2001).
2 GN : groupe du nom (ou nominal), GV groupe du verbe (ou verbal)
3 Notion mieux définie que celle de complément circonstanciel.
4 Il faut donc distinguer cette phrase d’une phrase dite «graphique», qui se définit comme l’énoncé écrit commençant
par une majuscule et se terminant par un point.
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Commençons par une phrase simple :
Le cuisinier du bateau prépare un gâteau aux carottes.
Notre connaissance spontanée, implicite, de la langue et des sens qu’elle véhicule,
avant de savoir si on a affaire à une P ou non, nous permet de repérer une relation entre
des éléments d’un énoncé5, ici entre Le cuisinier du bateau et le fait de préparer un
gâteau.
Par ailleurs, sur le plan syntaxique, en ce qui concerne les fonctions, on sait qu’une
phrase est, par définition, minimalement constituée d’un sujet et d’un prédicat.
On est donc amené à faire l’hypothèse que le cuisinier du bateau constitue le sujet.
On peut analyser une phrase d’un autre point de vue, celui qui relève de
l’organisation du texte, ou discours [Charolles, 1980]. Les phrases sont
alors constituées de ce dont on parle ou thème (ici le cuisinier du
bateau) suivi de ce qu’on en dit ou propos (ici prépare un gâteau aux
carottes).
Mais il faut être TRÈS prudent : même s’il est souvent vrai que le thème
correspond au sujet d’une phrase, on verra que ce n’est pas toujours le
cas. Par exemple, dans En haute montagne, on doit faire preuve de
grande prudence, ce dont on parle est la haute montagne et cest un
complément de phrase, non un sujet. 6
Comment savoir quelles manipulations choisir?
On ne peut pas essayer toutes les manipulations qui existent, il faut donc commencer
par faire une hypothèse, comme nous venons de le faire en nous appuyant sur notre
connaissance implicite de la langue : nous avons affaire à un sujet et un prédicat.
Il faut procéder à des vérifications. Comment? Les manipulations syntaxiques sont
des tests sûrs s’ils sont utilisés correctement.
Celles qui sont utiles pour tester les constituants de la phrase et les constituants des
groupes internes à la phrase sont : le déplacement de certains éléments, le
remplacement (ou substitution), l’effacement, l’addition (ou ajout ou adjonction),
l’encadrement (par c’est…que ou c’est…qui) et le dédoublement.
5 Énoncé : terme général employé avant de décider si une suite de mots a ou non la structure d’une phrase.
6 La question est parfois plus complexe, on peut distinguer un thème principal et un thème secondaire (cf. Structures
thématiques et structures syntaxiques sur ce site)
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VÉRIFIER QUEL EST LE SUJET DE LA PHRASE P
Quelles manipulations permettent de s’assurer 1) qu’une suite de mots correspond à
une unité syntaxique, et 2) que la fonction de cette unité est sujet de la phrase?
L’encadrement
La plus concluante pour détecter le sujet est l’encadrement7 de l’énoncé qu’on observe
avec l’« outil » linguistique c’est…qui, en réalité un procédé d’emphase mais qui permet
aussi d’isoler nettement le sujet8:
C’est le cuisinier du bateau qui prépare un gâteau aux carottes.
L’encadrement de la suite prépare un gâteau aux carottes produit un énoncé non
grammatical (= qui ne correspond pas à une P) :
** C’est prépare un gâteau aux carottes qui le cuisinier du bateau.
Cette manipulation est suffisante pour décider qu’une suite occupe la fonction sujet de la
phrase. Cependant, certains types de phrases ne peuvent s’y soumettre, par exemple la
phrase impersonnelle : Il est utile de bien se préparer puisque **C’est lui qui est utile de
bien se préparer n'est pas une phrase acceptable sur le plan syntaxique.
Le remplacement
Mais on sait par ailleurs que le pronom personnel il est la forme sujet seulement9, il
permet donc, par la manipulation de remplacement, de vérifier qu’une suite de mots
occupe la fonction sujet, ici : Il prépare un gâteau aux carottes, suite tout à fait
grammaticale qui constitue une phrase.
Cela confirme que la fonction grammaticale du groupe le cuisinier du bateau est bien
sujet de la phrase.
Le remplacement par un tel pronom sujet (il/ elle/ on/ ils/ elles) est un test suffisant.10
L’effacement
On peut vérifier par une autre manipulation, l’effacement, que Le cuisinier du bateau
est bien le sujet de la P. En effet, le sujet ne peut être effacé, il en est un constituant
7 Procédé demphase appelé aussi extraction.
8 On reconnaît en effet une forme sujet dans qui.
9 Un sujet au singulier se remplace par il ou elle, au pluriel par ils ou elles.
10 Si on avait remplacé la suite par le pronom le, forme du complément direct du verbe, la suite obtenue
ne serait pas grammaticale : **Le prépare un gâteau aux carottes.
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obligatoire. Or ici il est impossible de supprimer le groupe Le cuisinier du bateau sans
rendre l’énoncé agrammatical :
**Prépare un gâteau aux carottes.
Cela confirme qu’on est bien en présence du sujet de la phrase.
NOTER : l’impossibilité d’effacer le sujet est un indice mais n'est pas suffisante car un
autre groupe de la phrase ne peut pas être effacé : le prédicat.
* * *
Comment s’assurer que la suite Le cuisinier du bateau constitue bien un seul
groupe syntaxique11, une unité indissociable. On peut le décider en tentant d’extraire
un élément de cette suite et de le déplacer (déplacement). L’énoncé obtenu ne doit pas
devenir non grammatical (et souvent incompréhensible au point de vue du sens).
**Le cuisinier prépare un gâteau aux carottes du bateau.
** Le cuisinier prépare du bateau un gâteau aux carottes.
Le cuisinier du bateau est donc bien un groupe syntaxique, un GN.
Le remplacement par un pronom joue le même rôle :
**Il du bateau prépare un gâteau aux carottes.
LA PLACE DU SUJET
Dans la plupart des phrases le sujet est en première place, mais parfois ce n’est pas le
cas, par exemple12 :
Quelques secondes plus tard apparaissait le super héros.
Et aussi dans plusieurs formes de phrases transformées (interrogatives, etc.) et souvent
dans les subordonnées à valeur temporelle13:
Quand reviendront les oiseaux migrateurs, ce sera le printemps.
En résumé
Plusieurs manipulations permettent de vérifier
11 Ou syntagme.
12 Et en poésie : Sous le pont Mirabeau coule la Seine (Verlaine)
13 Riegel, p. 136.
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1) qu’un groupe constitue un sujet :
- l’encadrement par c’est…qui
- le remplacement par un pronom personnel sujet de 3e personne
- l’impossibilité d’effacement
2) les limites de ce groupe :
- le déplacement
- le remplacement par un pronom personnel sujet de 3e ou 6e personne
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QU’EN EST-IL DU PRÉDICAT?
Le prédicat est l’autre constituant obligatoire de la phrase, et toujours sous la forme d’un
groupe verbal (GV).
En plus de former un groupe syntaxique, il n’est ni effaçable, ni déplaçable en tête de
phrase… Vérifions :
L’effacement
Il est impossible de supprimer prépare un gâteau aux carottes, le résultat Le cuisinier
du bateau ne serait pas une phrase syntaxique.
Le déplacement n'est pas possible non plus :
**Prépare un gâteau aux carottes le cuisinier du bateau.
Le groupe verbal (GV) qui constitue le prédicat comprend ici un verbe et un GN
(complément direct). Il aurait pu être constitué d’un verbe et d’un GP (complément
indirect) :
Le cuisinier du bateau pense au menu qu’il va préparer.
ou d’un verbe seul :
Le cuisinier du bateau réfléchit.
ou encore d’un verbe, d’un adverbe (modificateur) et d’un GN (complément direct) :
Le cuisinier du bateau prépare souvent des gâteaux aux carottes.
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