La mienne, de rencontre, elle s’est faite dans un théâtre.
Parce que c’est peut-être dans des lieux de spectacles que j’ai pu me sentir le plus ardent, le plus fort
et fragile à la fois. C’est dans ces boites noires que j’ai le plus voyagé, que je me suis rempli d’une
énergie électrique, de courage, de poésie. Les spectacles ont rythmé ma vie de petit garçon. J’ai
grandi en côtoyant tour à tour acrobates, danseurs, chanteurs, déclameurs, porteurs de moustaches et
joueurs de cymbalum. Des gens gorgés d’envie, avec des projets pleins les poches. Des bricoleurs de
spectacles.
Or, mon enfance n’a pas été bercée par une roulotte cahotante, non. Je suis né dans une maison tout
à fait normale, avec des parents commerçants. Ma chance, avoir un oncle barman dans un théâtre.
C’était pour nous l’occasion de faire une sortie familiale en ville de temps en temps. Mais quels
moments ! Ils se sont imprimés dans ma tête. Les soirs de cabaret, l’odeur de cigarette, le goût du
Cacolac, la lumière tamisée et ces gens venus de si loin... J’écoute encore beaucoup de musiques que
j’ai découvertes à cet âge-là sur cette scène-là.
Et comme tout le monde n’a pas un oncle barman dans un théâtre, j’ai envie, avec mes outils à moi, de
bricoleur graphique, de partager ce petit éclat frissonnant qui s’allume dans nos yeux devant certains
spectacles vivants, avec de vraies personnes qui transpirent devant nous.
Parce que c’est là que s’est allumé quelque chose qui a fait ce que je suis, que j’aime m’entourer de
personnes avec lesquelles construire des choses et raconter des histoires, et que je cherche dans la rue
ces petits détails qui égayent l’atmosphère. Maintenant que j’ai été contaminé, je vois des spectacles
partout. Je m’émerveille des tout petits événements qui passent inaperçus. Vous voyez ces lunettes
qui permettent de voir à travers les vêtements ? Et bien c’est sensiblement la même chose, un théâtre.