4 EGT Partners Le plein air planétaire rencontre En 1846, l’entreprise Soulet fabriquait des cordages en chanvre pour le monde rural vendéen. Plus de 160 ans plus tard, cette activité a changé d’objet : cordages pour balançoires, filets de sport… Soulet est devenue une des marques développées par les deux associés de EGT Partners, Bertrand Thomas et Emmanuel Girard, qui ont racheté l’entreprise en 1997. Ils en ont fait l’archétype des entreprises du vingt et unième siècle : développement international, fabrication de nombreux composants en Chine, organisation logistique sans faille… Ils ont constamment cherché à anticiper les attentes des consommateurs et les besoins de la distribution. Quelles sont aujourd’hui vos activités ? Bertrand Thomas, directeur général. Dès 1998, nous avons changé la dimension de l’entreprise en créant une gamme de portiques en bois destinés aux enfants pour les jardins. Jusque-là, les portiques en acier dominaient le marché, mais nous avons senti que « l’esprit jardin », qui se développait alors, donnerait la préférence à un produit naturel plus esthétique. Nous avons rapidement pris des parts de marché en vendant jusqu’à 100 000 portiques par an! La diversification a suivi : nous proposons aujourd’hui de nombreuses gammes de produits de plein air, jeux et jouets pour le jardin, piscines en bois, décoration, articles de sport. En 2005, nous avons lancé EGT Garden, qui s’est spécialisée dans les produits utiles pour le jardin : serres d’hiver, treillages, kits potagers… Cette année, un de nos produits phares est le trampoline ! Rebondir sur les attentes du public pourrait être notre devise ! Quelle a été votre stratégie internationale? B.T. Nous avons été formés en écoles de commerce et en avons crédit agricole international No 75 3e trimestre 2012 gardé un esprit « épicier »… Ce qui nous passionne, c’est le commerce. Donc, la création et l’innovation de produits, la normalisation, la logistique, la vente… Nous sous-traitons la partie industrielle. Notre aventure internationale a commencé par un partenariat avec une entreprise chinoise, dès 2000. Puis, nous avons créé TEG International, notre filiale à Hong Kong, Shanghai et Ningbo qui a une triple mission : le sourcing (trouver de nouvelles usines de production), le contrôle qualité (avant que les produits ne partent…) et le développement hors Europe. Plus récemment, nous avons mis en place une structure à Cordoba, en Argentine pour les marchés sudaméricains. Quel est l’appui du Crédit Agricole ? B.T. Nous bénéficions pleinement de l’appui d’une banque proche – le Crédit Agricole Atlantique Vendée – et de sa structure asiatique, la Délégation de Hong Kong. Le premier a mis en place une contre-garantie importante pour permettre à TEG International de bénéficier de lignes d’engagement P.4 EGT Partners Le plein air planétaire FICHE La sécurisation des flux internationaux point de vue Une monnaie pour quoi faire ? D Chiffre d’affaires 2011 : 64 Me dont 15 % hors de france Effectifs du groupe 72 personnes dont 28 en Chine, 3 en Argentine, 1 au Québec www.egt-partners.com Comment voyez vous l’avenir ? B.T. Je pense que nous allons vers une étape nouvelle où la Chine aura une place différente dans notre production. Le développement du marché intérieur de ce pays, les évolutions sociales qui s’amorcent, les rapports yuan/ dollar qui changent vont inciter beaucoup d’entreprises à se tourner à nouveau vers l’Europe. Nous y réfléchissons très sérieusement ! L’aventure continue… P.2 Hong Kong : 2012, 15e anniversaire du retour dans le giron de la Chine P.3 Pays émergents : après la conquête de l’Ouest Chiffres clés (escompte, credoc) chez CACIB. Le Crédit Agricole est très impliqué. Le délégué de Hong Kong connaît parfaitement l’Asie, c’est un interlocuteur précieux qui anticipe certains virages réglementaires – qui sont fréquents en Chine. Le Crédit Agricole est aujourd’hui notre seule banque en Asie. international Crédit agricole International est édité trimestriellement par le GIE GECAM - Fédération nationale du Crédit Agricole, 48 rue La Boétie, 75 008 Paris, tél. 01 49 53 44 05 Directeur de la publication Bertrand Corbeau Rédacteur en chef Jean Salati Comité éditorial E. Boucquey, CR Aquitaine ; C. Eydoux, CA CIB ; L. Garaffini, CA Leasing et Factoring ; A. Hemery, CR du Finistère ; M. Jacquet-Lagreze CA.sa J. Oppermann, CR Centre-est ; D. Paquez, CR Nord de France ; N. Renaut, CA.sa ; P. Staehly, CR Alsace Vosges, J. Tual, CA Corporate & Investment Bank Réalisation et direction technique Paragramme Impression I & D - Dépôt légal : octobre 2012 Abonnements Caisses régionales de Crédit Agricole. epuis trois ans, l’euro est dans la tempête. Les sommets de la dernière chance s’enchaînent de plus en plus vite. Les Français n’ont pas le même avis que les Allemands, opposés aux Italiens, eux-mêmes loin des Espagnols… Au-delà de la construction bancale d’une union monétaire sans communauté budgétaire, les Européens devront, pour avancer, débattre du rôle de la monnaie. Les économistes s’accordent généralement sur trois fonctions essentielles : elle sert à mesurer, échanger et stocker de la valeur. Mais cette définition ne suffit pas. Pour les Anglo-Saxons, la monnaie est au fond un voile qui masque la réalité économique, comme disait le Français Jean-Baptiste Say. Quand elle est abondante, elle fait monter les prix sans changer les autres équilibres économiques. Il est donc inutile de chercher à la manipuler. Sauf quand les circonstances sont exceptionnelles (c’est le fameux pragmatisme anglo-saxon). Dans la Grande Dépression, les Britanniques furent les premiers à dévaluer leur monnaie face à l’or, dès 1931, suivis par les Américains en 1933. Pour les Asiatiques au contraire, la monnaie est une arme. Dans les années 1980, les Japonais ont acheté des centaines de milliards de dollars pour freiner l’ascension de leur devise et préserver ainsi la puissance de leurs exportateurs. Les Chinois ont fait exactement la même chose dans les années 2000. La monnaie est ici asservie à la stratégie de croissance. C’est pour cette raison que les pays d’Asie détiennent aujourd’hui les trois quarts des réserves mondiales de change. Une stratégie qui a protégé en partie leurs économies pendant la crise financière de 2008, mais qui pourrait aussi déboucher sur des pertes massives. En Europe, la vision est encore différente. Si les Allemands ne sont pas Anglo, ils sont tout de même Saxons. Pour eux, la monnaie est un voile de fer, un bouclier contre lettre d’information du crédit agricole No 75 3e trimestre 2012 l’inflation qui les a ruinés à deux reprises au siècle dernier (dans les années 1920 puis après la Seconde Guerre). Ils ne veulent plus de ce scénario, car ils estiment qu’il a débouché directement sur l’accession d’Adolf Hitler au pouvoir. Voilà pourquoi l’indépendance de la banque centrale est quasiment sacrée outre-Rhin. Du coup, les industriels allemands se sont positionnés sur des créneaux d’excellence où il est possible de vendre cher. Les Latins, au contraire, aiment bien la dévaluation qui remet les compteurs à zéro. Pour eux, la monnaie n’est pas vraiment une arme, mais un marteau qui permet de temps en temps d’enfoncer le clou de la compétitivité. Beaucoup d’Italiens regrettent la lire pour cette raison. Les Européens À cet égard, les Français sont des Latins. Leurs industriels devront, pour n’ont pas hésité à publier, il avancer, débattre y a quelque temps, dans un du rôle de la monnaie grand quotidien, un appel à l’inflation et à la dévaluation. Mais ils sont en même temps très attachés à la stabilité monétaire, presque religieusement. Dans les années 1930, la France s’est ainsi accrochée à l’or jusqu’à risquer l’étouffement économique. Sous la houlette du directeur du Trésor puis gouverneur de la Banque de France Jean-Claude Trichet, Paris a mené à la fin des années 1980 et dans les années 1990 une politique de « désinflation compétitive » qui a incité ses entreprises à devenir plus efficaces. Nous devrons un jour choisir la monnaie que nous voulons. D’autant plus que les Français ont une ambition constante depuis des siècles : être les architectes monétaires du monde. Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Échos 2 Hong Kong : 2012, 15e anniversaire du retour dans le giron de la Chine Pays émergents : après la conquête de l’Ouest Horizons Première économie Le commerce est depuis fort longlibérale à l’échelle temps un des moteurs de l’économie en Chine du Sud et Hong mondiale, Hong Kong reste la porte Kong y joue un rôle majeur, mais d’entrée sur la le territoire a aussi la particulaGrande Chine rité d’être d’un grand soutien pour la coordination industrielle. Les raisons en sont multiples : – la liberté du flot d’information, – des réglementations transparentes, – une taxation avantageuse, – un cadre juridique reconnu par tous, – un réseau bancaire expérimenté, – un port assurant une logistique remarquable, – la population chinoise ayant conservé des liens étroits avec le continent mais aussi avec l’étranger par le biais de la diaspora. Les PME françaises sont de nouveau nombreuses à s’implanter sur le territoire pour bénéficier de cet environnement. Outre celles orientées vers l’approvisionnement, ces nouveaux arrivants appartiennent pour beaucoup aux secteurs de référence français : la mode, les cosmétiques et l’agroalimentaire. En outre, de plus en plus de fournisseurs de services et des spécialistes en communication choisissent désormais Hong Kong. Population La raison du regain d’affection pour Hong 7,068 millions Kong est en partie liée à une mise à profit fin 2011 de la part de chacune des grandes métro(dont 52 % d’actifs) poles chinoises de cette enclave libérale. Taux de chômage L’environnement cosmopolite et dyna3,2 % en mai 2012 mique de Hong Kong en fait également Monnaie une base sûre pour déployer une activité Hong Kong Dollar sur l’ensemble de l’Asie et réagir rapide(lié à l’USD autour ment aux changements constants des difd’1 USD = 7,75 HKD) férents pays de la région. PIB per capita Créer une structure à Hong Kong est 33 537 USD fin 2010 rapide et surtout peu coûteux. Pour une Croissance entreprise qui veut sonder le marché de 1974 à 2011 chinois, il est intéressant d’avoir un premoyenne de 5,6 % mier poste d’observation à Hong Kong (1er trim. 2012 : 0,4 %) qui peut disposer de tous les produits Inflation financiers nécessaires pour bien fonc4,3 % en mai 2012 tionner avec les clients et/ou les fourPartenaires nisseurs. Un suivi depuis la France est commerciaux même possible. en 2011 : Chine 31 % Néanmoins, les sociétés de négoce ne USA 15 % doivent pas succomber aux facilités appaUE 7 % rentes des bas prix en Asie. Le « sourcing » Japon 18 % est un métier qui demande de grandes Chiffres clés économie compétences en matière de suivi de la qualité, de l’optimisation des livraisons, mais surtout il faut aussi avoir de solides bases financières. En effet, les fournisseurs demandent régulièrement aux nouveaux arrivants des paiements par crédits documentaires, alors que leurs clients souhaitent payer par transferts classiques. Ce « grand écart » financier peut s’avérer difficile pour ceux qui ne gardent pas de lien avec leur banquier en France. À savoir Hong Kong compte 15 000 français, soit l’une des plus importantes communautés d’Asie (20 % des européens et 10 % des occidentaux) Marché de 7 millions d’habitants mais aussi de près de 40 millions de visiteurs (en grande partie de Chine continentale) et donc un bon test pour cet énorme marché voisin. Cela permet à Hong Kong d’être le 2e excédent commercial de la France. Le Crédit Agricole Le Groupe à Hong Kong est présent à Hong Kong depuis la fin du Grâce à l’exemption XIXe siècle et travaille aujourd’hui de droit de douane, essentiellement sur les métiers de Hong Kong est la banque de financement et d’in- deuxième plateforme mondiale pour le vestissement via CA CIB. D’autres commerce du vin, entités du Groupe comme Amun- derrière New York di (gestion d’actifs), CACEIS et devant Londres. (conservation de titres) et SODI- Les vins français CA (fusions/acquisitions) y sont représentent 33 % en volume des aussi implantées. transactions et CA CIB Hong Kong traite l’en- 65 % en valeur semble des opérations bancaires, (350 millions d’EUR tant en devises que sur le Hong en 2011). Kong Dollar et le CNH, la version offshore du RMB*. Les entreprises françaises et européennes clientes des réseaux du groupe Crédit Agricole peuvent s’appuyer, au sein de CA CIB Hong Kong, sur la délégation Asie-Pacifique du Crédit Agricole. Celle-ci leur fournit des services bancaires personnalisés et facilite leurs procédures d’implantation en les orientant vers des cabinets d’avocats et des cabinets comptables pour remplir toutes les formalités d’enregistrement. Grâce à son implantation à Shanghai, la délégation assure également une continuité de relation sur la Chine continentale. D reaming with BRICs, était intitulé un papier publié en 2003, attirant l’attention sur l’inexorable montée en puissance des quatre grandes puissances émergentes, le Brésil, la Russie, l’Inde, et la Chine. Depuis, ces quatre pays n’ont pas déçu : sur la période 2004-2011, la croissance moyenne de la Chine a été de 10,8 %, celle de l’Inde de 8,3 %, et si celles du Brésil et de la Russie ont été moindres (4,2 % et 4,4 %), elles étaient en forte progression par rapport à la décennie précédente (2,5 % et 0,7 % sur la période 1994-2003). Mais le ralentissement est aujourd’hui net pour ces quatre économies. La production industrielle brésilienne est en recul depuis août 2011, celle de l’Inde est au mieux stagnante, en Russie la croissance est tombée à 2,5 % a/a alors qu’elle dépassait 10 % au début de 2010, et même en Chine, on est revenu d’une croissance de l’ordre de 15 % à moins de 10 %. Au-delà des BRICs, la tendance est également à plus de prudence : alors que le PIB des pays émergents a crû de 7,5 % en 2010 et 6,2 % en 2011, le FMI vient de revoir à la baisse ses prévisions pour 2012 à 5,6 %. C’est encore optimiste : la Chine n’atteindra sans doute pas les 8 % projetés et le Brésil et l’Inde sûrement pas les 2,5 % et 6,1 % annoncés. Malgré la croissance rapide d’une dynamique autonome, celle du consommateur local, les économies émergentes sont encore sensibles à la conjoncture des pays développés, médiocre comme nous le savons. Il n’y a pas encore de réel « découplage ». Le ralentissement de la demande en produits importés aux États-Unis et dans l’Union européenne se traduit mécaniquement, comme en 2009, par une croissance moindre, voire un recul, des exportations des émergents. Cet environnement moins favorable a un impact immédiat sur l’activité. Au-delà du court terme, il convient de rappeler que l’insertion dans l’économie globale a été un puissant stimulant de la modernisation des appareils de production et de la croissance. Si la stagnation des économies avancées venait à se prolonger, l’impact sur les émergents dépasserait une simple contraction de la demande qui leur est adressée. De plus, le creux conjoncturel en Europe et aux États-Unis entraîne aussi un tassement des flux d’investissement. Ainsi, au Brésil, les investissements étrangers directs résistent bien (encore 66 mds USD sur les 12 derniers mois en juillet 2012), mais les investis- Philippe Gresinski, délégué Asie-Pacifique, CA-CIB Crédit Agricole Corporate & Investment Bank Réseau des délégations à l’étranger du groupe Crédit Agricole * RMB : Renminbi (la monnaie chinoise) crédit agricole international No 75 3e trimestre 2012 crédit agricole international No 75 3e trimestre 2012 sements de portefeuille chutent fortement, à 10,8 mds sur les 12 derniers mois, alors qu’ils dépassaient 60 mds jusqu’à la mi-2011. Par ailleurs, la forte croissance des émergents a jusqu’ici été en partie de nature « extensive ». Ainsi, en Chine, l’effort d’investissement, qui est devenu le principal moteur de la croissance du PIB, est sans précédent historique et ne saurait être soutenu indéfiniment. En Chine encore, et en Inde ou en Indonésie demain, le transfert de dizaines de millions de travailleurs agricoles peu qualifiés vers une industrie qui les rend immédiatement plus productifs par le simple fait de commercialiser le produit de leur travail sur le marché mondial a été décisif. Ce gisement de croissance est loin d’être tari (il y a encore des dizaines de millions de jeunes ruraux) mais, comme dans beaucoup de mines, les « coûts de production » augmentent : revendications salariales mais aussi exigences croissantes en qualification. Chez les producteurs de matières premières latino-américains, la croissance a aussi été accélérée par la conquête de nouvelles terres (au Brésil et en Argentine, la canne à sucre et le soja se sont développés sur des terres jusqu’alors peu exploitées d’élevage peu intensif, lui-même repoussé vers de nouvelles terres agricoles), ou par prélèvement sur une ressource naturelle non renouvelable (les pays andins miniers et/ou pétroliers). Il n’est ni anormal ni préoccupant que la croissance soit en partie nourrie par l’incorporation de nouveaux espaces ou d’hommes supplémentaires à l’activité économique, mais la « conquête de l’Ouest » n’est pas éternelle et il vient toujours un moment où le relais doit être pris par l’éducation et le progrès technologique. Comme la Corée et Taiwan l’ont déjà fait, la Chine est sans doute en train de le réussir dans certains secteurs (équipements de télécommunications, énergies renouvelables…). De même, le Brésil dans l’agro-industrie. D’autres pays, plus proches de nous, comme la République tchèque, la Pologne ou la Turquie, ont aussi des atouts pour réussir ce saut qualitatif. Jean-Louis Martin, responsable pays émergents au sein de la Direction des études économiques Groupe de CA.sa 3