Prises en flagrant délit, les autorités iraniennes
réagissent en suspendant l'activité du C.I.C.R.
sur leur territoire et en accusant l'organisation
humanitaire d'être
«
à
la solde des sionistes
»
et
de se livrer à l'espionnage. Treize délégués sur
seize sont rappelés. Au siège de la Croix-Rouge,
c'est le branle-bas de combat. Des gouverne-
ments réputés amis de l'Iran sont consultés.
«
Ne
vous laissez pas marcher sur les pieds
»,
conseik
lent, par exemple, les Algériens. L'une des idées
avancées est de demander aux ministres des
Affaires étrangères des Dix, réunis à Dublin au
début de décembre, de faire une déclaration
commune. Claude
Cheysson
y est favorable.
Malheureusement, son collègue allemand,
Hans
Dietrich
Genscher,
qui ne veut pas compromet-
tre les excellentes relations commerciales de son
pays avec Téhéran, est plutôt réservé. Il n'y aura
pas d'appel solennel de l'Europe.
Aujourd'hui, le C.I.C.R. attend beaucoup de
la commission d'enquête de
l'O.N.U. —
condition qu'elle puisse faire son travail
»
beaucoup aussi des démarches entreprises par les
ambassadeurs et chargés d'affaires accrédités à
Téhéran, dont les gouvernements ont été infor-
més depuis deux mois.
«
Nous ne céderons sur
rien,
disent les responsables de la Croix-Rouge.
Il y va du respect des lois internationales et de la
vie de plusieurs dizaines de milliers d'hommes.
»
RENÉ
BACKMANN
FANATISME
Nul scoop
dans le document
que nous
publions cette semaine. Il s'agit d'un dis-
cours
«
ordinaire
»
de l'imam
Khomeini,
prononcé le
12
décembre dernier devant
quelques notables
de la République isla-
mique
à
l'occasion de
l'anniversaire de la
naissance de Mahomet. Le lendemain,
cette causerie était
publiée en
bonne
place dans
la presse officielle iranienne.
Pourtant,
rarement discours
aura été
aussi révélateur
de la
folie d'un régime et
de
son cynisme
habillé
d'islamisme.
Ce
texte terrifie
tant il est habité par le goût
de la mort
:
la mort de l'autre — l'adver-
saire
qu'il
faut éliminer comme
une mau-
vaise
herbe
—
et sa propre mort —
le
culte du
martyre. Rappelons que, depuis
plus de quatre ans,
Oran poursuit
contre
l'Irak l'une
des guerres les
plus meurtriè-
res
de ces trente dernières années. A la
lecture de ce
document,
on comprendra
mieux pourquoi Khomeini
ne veuf
pas
qu'elle cesse. Mais
rappelons aussi
que
cette interprétation du
Coran et de
l'islam
est désavouée
par un
très grand
nombre
de musulmans dans le monde.
G.
A.
S
i
on laisse un infidèle poursuivre son rôle
néfaste de corrupteur sur la terre jusqu'à
la fin de sa vie, ses souffrances morales
iront en Augmentant. Si on le tue, et qu'on
empêche ainsi l'infidèle de perpétrer ses méfaits,
cette mort sera son bien. S'il reste vivant, il sera
de plus en plus corrompu, et, par conséquent,
ses souffrances iront en augmentant. C'est une
opération chirurgicale commandée par Dieu le
Tout-Puissant.
[...]
«
Ceux qui s'imaginent que le repos dans ce
monde est un bienfait divin, ceux qui croient que
manger et dormir comme des animaux sont des
cadeaux de Dieu disent que l'islam ne doit pas
infliger de châtiments. Mais ceux qui suivent les
enseignements du Coran savent que l'islam doit
appliquer la loi du talion et donc qu'il doit tuer.
Ceux qui ont la connaissance des souffrances
endurées
dans l'au-delà savent également que
couper la main de quelqu'un pour le forfait qu'il
a
commis
est un bienfait pour lui. Dans l'au-delà
il remerciera ceux qui ont exécuté sur terre les
lois de Dieu.
[...]
«
La
guerre
est une bénédiction pour le monde
et pour toutes les nations. C'est Dieu qui incite
les hommes. à se battre et à tuer. Le Coran dit
"
Combattez jusqu'à ce que toute corruption et
rébellion cessent."
Les guerres conduites par le
Prophète contre les infidèles étaient un bienfait
pour l'humanité tout entière. Imaginez que nous
gagnions prochainement la guerre
(1).
Ce ne sera
pas assez tant que la corruption et la résistance à
l'islam existeront sur la terre. Le Coran dit
"La
guerre, la guerre, jusqu'à la victoire."
Une
religion d'off la guerre est absente est une reli-
gion incomplète. Si on avait donné le temps de
vivre à Sa Sainteté Jésus
—
salut à lui
—,
il
aurait agi comme Moïse et aurait brandi le
glaive. Ceux qui croient que Jésus n'avait pas
"la
tête à ces choses-le et qu'il ne s'intéressait
pas à là
—
guerre ne voient en lui qu'un simple
prédicateur, et non
un
prophète. Un prophète a
tous les pouvoirs. Par la guerre, il purifie la
terre. Les mollahs de cour corrompus qui affir-
ment que tout cela est contraire à l'enseignement
du Coran sont indignes de l'islam. Grâce à Dieu,
actuellement nos jeunes gens s'appliquent, dans
les limites de leurs moyens, à mettre en œuvre les
commandements de Dieu. Prions le Tout-Puis-
sant pour qu'il leur donne la victoire. Ils savent
que tuer l'incroyant est l'une des plus grandes
missions de l'homme
»
.
ROUHOLLAH KHOMEINI
(I) Khomeini
fait ici explicitement référence h la
guerre menée
contre l'Irak.
KHOMEINI :
((LA
GUERRE EST UNE
BÉNÉDICTION
»
Le Nouvel Observateur 35