Baisse de la ressource en eau, l`été : le changement climatique peut

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Cliché Cemagref
Cliché Cemagref
Baisse de la ressource en eau, l'été :
le changement climatique peut-il être en cause ?
La réalité du changement climatique pose la
question de ses impacts possibles sur l'évolution
de notre environnement et en particulier sur
l'équilibre des écosystèmes aquatiques : quantité
d'eau disponible, évolution des températures,
changement de la répartition des espèces,
modifications de la morphologie des cours d'eau,
etc. La prise en compte de cette contrainte
suscite l'inquiétude quand à l'avenir des usages
de la ressource en eau : production d'énergie
électriques, agriculture, tourisme, transport
fluvial… À court ou moyen terme, l’évolution
du climat pourrait également réduire l’intérêt
des efforts déployés par les gestionnaires pour
atteindre le bon état écologique des cours d'eau,
objectif de la directive cadre européenne sur
l’eau.
Il s'avère donc indispensable de mieux caractériser
les évolutions attendues des écosystèmes
aquatiques, afin de d’adapter au plus juste les
modalités de gestion. La directive européenne
sur l’eau, avec son fonctionnement par cycles
de 6 ans, permet d’ailleurs de développer une
"stratégie adaptative" indispensable à la prise en
compte à la fois de l’évolution des connaissances
et de celle du climat.
Faire parler le passé
Chaque nouvel événement extrême, inondation
ou sècheresse, fait ressurgir l'hypothèse d'un
"dérèglement climatique" qui serait à l'origine d'une
intensification ou d'une plus grande fréquence de
ces phénomènes.
Afin d'étudier l'éventualité d'un lien entre évolution
du climat et les extrêmes hydrologiques, les
scientifiques se penchent sur le passé. Parmi les
masses d'observations et de données recueillies
au cours de longues périodes de temps, il est
possible d'identifier des signes d’évolution des
phénomènes hydrologiques extrêmes. Une quête
difficile, car naturellement, le débit des rivières peut
varier fortement, cette grande variabilité pouvant
masquer une évolution de second ordre des
valeurs hydrologiques (débits, hauteurs d'eau…)
extrêmes. De plus, les changements d’origine
climatique pourraient avoir des effets antagonistes
sur les écoulements d'eau : une augmentation de
température pourrait diminuer les plus bas débits
des rivières en été (étiages) et affecter la ressource
en eau ou au contraire les accroître temporairement
lorsque, en montagne, les glaciers alimentant ces
cours d'eau, fondent plus rapidement.
Des étiages sous surveillance
Les scientifiques du Cemagref s'intéressent
depuis plusieurs années à cette question
de l'influence du changement climatique sur
l'évolution des plus faibles débits des rivières,
en été (période d'étiage), et donc de la quantité
d'eau disponible sur ces périodes.
En 20061, leurs travaux fondés sur l'analyse
statistiques de données recueillies avant 2003
sur 200 stations de mesures réparties sur
les cours d'eau français, n'avaient pas révélé
d'évolution généralisée des étiages, à l'échelle
de l’ensemble du territoire métropolitain. En
revanche, ils avaient permis de mettre en
évidence certaines tendances cohérentes, donc
un lien possible entre réchauffement du climat
et évolution des bas débits des rivières, à une
échelle plus fine, régionale, dans les Alpes, les
Pyrénées et Nord-Est.
Une influence possible dans certaines
régions sensibles
Cette analyse statistique a permis de confirmer
l’absence d’évolution généralisée des bas
débits des cours d’eau en France, l’été. Mais,
en s’intéressant à une longue période passée,
les scientifiques ont pu mettre en évidence
pour la première fois des tendances évolutives
marquées dans certaines zones où la question
de la ressource en eau s’avère sensible: ainsi,
la durée et la sévérité des étiages ont augmenté
ces dernières décennies dans le sud de la
France principalement, sauf dans les Alpes,
alors que cette tendance n’est pas révélée dans
le nord. Par ailleurs, la période d’étiage apparait
débuter de plus en plus tôt dans l’année, dans
les régions de plaine.
Sur la base de ces résultats, l'Onema et le
Cemagref ont souhaité mettre en place une
surveillance accrue des bas débits des cours
d'eau, à travers l'établissement d'un réseau
de référence. Ce réseau est constitué de
stations dont les débits sont peu influencés par
les activités humaines locales. Son objectif ?
Détecter et préciser l’évolution des débits d’étiage
liée aux changements globaux, en identifiant les
stations de mesures fiables sur le territoire et les
indicateurs statistiques pertinents pour analyser
les évolutions des étiages (date de survenue,
durée, intensité…) au cours du temps.
Des séries de mesures hydrologiques, étendues
sur plus de 40 ans, ont été triées puis analysées,
en collaboration avec les gestionnaires régionaux,
en particulier les DREAL2, en charge des relevés
et des archives de mesures. La qualité du
protocole de mesure, du suivi et des conditions
environnementales du recueil de ces mesures
a également été soigneusement étudiée afin de
conserver des données fiables et limiter certains
biais ou erreurs (changements d'appareils ou
de techniques de mesures, influence d'activités
humaines, urbanisation…).
Au total, le travail a porté plus spécifiquement sur
les données de 221 stations en France, réparties
sur des rivières non soumises à l’influence
d’activités humaines, et sur une vaste période
s’étendant de 1968 à 2007.
1 - Renard, B. 2006. Détection et prise en compte d'éventuels
impacts du changement climatique sur les extrêmes
hydrologiques en France. Thèse, INPG, Cemagref Lyon.
2 - Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement
et du logement – service régional unifié du ministère de
l‘Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la
Mer (MEEDDM)
Ces résultats d'observation se révèlent cohérents
avec les études d'impact fondées sur les sorties
des modèles de projections climatiques à l'échelle
planétaire, réalisées par ailleurs et auxquelles le
Cemagref a contribué.
L'évolution du régime des étiages peut donc être
influencée par le changement climatique dans
certaines zones parmi les plus sensibles. Celui-ci,
directement ou indirectement (via, par exemple,
une modification de la végétation), serait l'une des
causes possibles de ces évolutions. Il constitue
par conséquent une contrainte supplémentaire
aux mesures à prendre en compte pour atteindre
le bon état des cours d’eau.
Agir dès aujourd'hui
Il s'agit maintenant de confirmer ces tendances
locales en examinant celles qui apparaissent à
une échelle plus large, régionale, et de rechercher
les origines de ces évolutions, notamment par
l'analyse du rôle de la variabilité climatique
dans ces évolutions : existence ou non de
liens statistiques entre des indices climatiques
à grande échelle, comme l’oscillation NordAtlantique (NAO) ou l’oscillation atlantique multidécennale (AMO), et les évolutions détectées
dans les régimes d’étiage.
Ce type d’étude, complété par un réseau de
suivi et des analyses prospectives, permettra de
préciser et caractériser à l’échelle des grands
bassins versants les évolutions attendues des
cours d’eau en lien avec l’évolution du climat.
Développer des stratégies d’adaptation au
changement climatique nécessite en effet de
disposer de scénarii suffisamment précis et
donc régionalisés de l’évolution des principaux
paramètres régulant les écosystèmes aquatiques,
que sont la température et l’hydrologie.
Pour autant, il n’est pas utile d’attendre pour agir.
Un certain nombre d’actions que l’on qualifie
de « sans regret » peuvent d'ores et déjà être
mises en œuvre. L’atteinte du bon état exigée
par la DCE en est un exemple… puisque l’on sait
que les capacités adaptation d’un écosystème
augmentent avec sa qualité.
Contacts scientifiques :
Eric Sauquet, Benjamin Renard, Ignazio Giuntoli Cemagref
Romuald Berrebi - Onema
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