RÉSUMÉ
Il est raisonnable de penser que l'activité philosophique, comme toute
forme de connaissance et toute pratique, est jusqu'à un certain point
déterminée par le contexte culturel, social, institutionnel et politique dans
lequel elle s'insère. Pourtant nous, philosophes de formation, négligeons
souvent d'examiner méthodiquement et concrètement comment nos idées
et nos pratiques philosophiques sont façonnées par ces influences
multiples, que ce soit au cours de nos études ou au long de notre carrière
de professeur et de chercheur. Certes, il arrive que nous reconnaissions de
manière générale l'existence de ces contraintes et de ces déterminismes,
mais le plus souvent nous évitons alors d'en tirer les conséquences
pratiques. À moins de sous-estimer la force de l'habitude et de croire que
ce que nous pensons et faisons, en tant que philosophes, nous est
parfaitement transparent, il nous faut reconnaître que nous pouvons nous
tromper sur ce qui nous concerne directement, et du même coup sur les
rôles que nous jouons dans nos sociétés démocratiques. Car il serait fort
étonnant que les illusions que nous nous faisons sur notre propre activité
philosophique n'entravent pas nos tentatives de penser clairement, de
découvrir des vérités pertinentes et utiles, de prendre position dans les
débats déterminant les orientations de nos sociétés, et de former des
citoyens capables de participer intelligemment à la vie politique.
C'est pourquoi il est important, pour qui aime la philosophie et la croit
utile, de faire un diagnostic des conditions actuelles de l'activité
philosophique. Il s'agit, dans cette thèse soutenue à l'Université, de
contribuer à ce diagnostic en élaborant et en éprouvant des techniques
d'analyse et d'écriture ; et, ce faisant, de me former comme philosophe, en
invitant le lecteur à en faire autant. Bien entendu, je ne prétends pas faire
le tour de la question, les problèmes que pose la situation actuelle de la
philosophie, même seulement au Québec, étant trop nombreux et
complexes. Si je m'essaie à ce diagnostic, c'est en laissant à d'autres la
possibilité de le poursuivre, de le corriger ou de le critiquer, selon ce qui
leur semblera juste et utile. Peut-être sera-t-il même possible de
transformer quelque peu le milieu philosophique québécois.