Les gitans de Perpignan - Répertoire des arts du spectacle

PROGRAMME INTERMINISTÉRIEL DE RECHERCHE
CULTURE, VILLE ET DYNAMIQUES SOCIALES
MINISTÈRE DE LA CULTURE, MINISTÈRE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS, FAS, PLAN URBAIN, DIV
LES GITANS DE PERPIGNAN :
ESSAI D'ANTHROPOLOGIE DE L'INSERTION PAR LA CULTURE
LOUIS ASSIER-ANDRIEU
DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS
CENTRE D'ANTHROPOLOGIE CNRS-EHESS & ICRESS
AVEC LA COLLABORATION ET LES CONTRIBUTIONS DE
CHRISTOPHE CHARRAS (ICRESS), KAREN ASNAR (ICRESS) ET GUILLAUME FONBONNE (ICRESS)
1998-1999
INSTITUT CATALAN DE RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES
UNIVERSITÉ DE PERPIGNAN
CHEMIN DE LA PASSIO VELLA, 66860 PERPIGNAN CEDEX-F
TEL.FAX 33-04 68 66 22 10 —E-MAIL : icress@univ-perp.fr
AVANT-PROPOS (L.A.-A.) ...............................................................................................................................................................3
INTRODUCTION - REMARQUES SUR LA CULTURE DANS L'IDÉOLOGIE RÉPUBLICAINE (L.A.-A.) .......3
PREMIÈRE PARTIE ..................................................................................................................................... 14
ENTRE GRÂCE ET DISGRÂCE - LES GITANS, LA VILLE ET LA MUSIQUE.
ESSAI D'ANTHROPOLOGIE DES POLITIQUES PUBLIQUES (L. ASSIER-ANDRIEU) .........................................14
DEUXIÈME PARTIE: VOIES DE RECHERCHE ...................................................................................... 42
CHAPITRE I. INTERPRÉTER UNE POLITIQUE CULTURELLE: GENÈSE ET CONTEXTE D'UNE
"DISCRIMINATION POSITIVE" (CH. CHARRAS) ..................................................................................................................42
CHAPITRE II. L'EXPÉRIENCE "TEKAMELI" OU LES PARADOXES DE LA RÉUSSITE (G. FONBONNE) ..58
CHAPITRE III. LE "NOUVEAU PEUPLE": LA MUSIQUE ET LE SACRÉ .....................................................................65
2
AVANT-PROPOS
En réponse à l'appel d'offres « Cultures, tilles et dynamiques sociales », j'avais proposé
d'étudier les politiques d'insertion par la culture entreprises auprès d'une population
extrêmement marginalisée, dans une ville et dans une région frontalières victimes de maints
paroxysmes sociaux (PIB par habitant le plus bas de France, chômage, précarité, délinquance,
taux d'incidence du virus HIV): La population tsigane (gitane) de Perpignan. Ce choix fut
motivé par un engagement scientifique préalable et l'intérêt d'une situation potentiellement
exemplaire, son cadrage fut en outre débattu et délibéré avec les parties prenantes de la politique
culturelle étudiée sur le plan local et mis en perspective au cours des colloques et séminaires
(notamment ceux de la Belle de Mai à Marseille) qui ont, par la densité des échanges et la
pluralité de leur registres, contribué à faire sortir ce travail des ornières binaires que Jean
Métral, avec autant de tact que de science, a régulièrement invité les participants de cette
entreprise intellectuelle à surpasser. Je pense en particulier au jeu sémantique entre la culture
des anthropologues et la culture des politiques culturelles, à l'opposition entre la recherche et
l'action, ou à l'écart supposé entre sensibilité scientifique et sensibilité artistique pour
l'appréhension de la place du culturel dans la fabrication de l'insertion sociale.
C'est le but d'une politique incitative de recherche publique que d'identifier un front de
connaissances et de convier un ensemble de chercheurs à le franchir et, du mouvement même
qu'ils empruntent ce chemin, à forger leurs compétences, à redessiner le « front », à désigner
d'autres objectifs. Sous la précieuse médiation de Claude Rouot, et des autres animateurs du
programme, questionneurs et souvent « traducteurs » des logiques de décision et des logiques
scientifiques dans le sens de leur mutuelle intelligence, le champ défriché évolue dès lors que,
comme c'est ici le cas, il n'est pas abordé selon c’est autre binarisme commun qui projette sur un
nouvel objet une théorie éprouvée, mais qu'à l'inverse les questionnements théoriques et les
implications problématiques de la démarche sont mis à l'épreuve des réalités perceptibles.
C'est dans cet esprit qu'a été constitué un groupe de travail ad hoc, une équipe composée de
doctorants en anthropologie positionnés sur la question sociale urbaine, ses implications
institutionnelles, les problématiques des normativités, et que nous avons tenté de capter l'enjeu
de l'insertion par la culture, dans la diversité de ses linéaments et en tâchant de multiplier les
grilles de lecture, à l'échelle d'un cadre monographique envisagé non pas en lui-même mais
comme un site-témoin, et dont il soit loisible à quiconque de mesurer sa capacité de « témoigner
». Certaines questions ont été plus poussées que d'autres, certaines pistes closes, d'autres,
inattendues, explorées. C'est cette vision de coupe que ce rapport tente donc de traduire.
Un préambule en précise l'esprit : l'anthropologie des politiques publiques ne saurait faire
l'économie de l'épaisseur historique et des lectures plurielles que ses thèmes mobilisent, nolens
volens. Un essai de synthèse présente ensuite l'enquête perpignanaise et ses principales
implications (Partie I). Une seconde partie entre dans la matière de l’«insertion» gitane avec
(Chapitre I) une contextualisation et une historicisation de la place de cette population dans
l'agglomération perpignanaise et formule l'hypothèse de l'inscription des politiques musicales
3
dans une logique plus vaste de « discrimination positive ». Un deuxième chapitre,
délibérément ponctualisé, éclaire la trajectoire de l'exemple emblématique de la «réussite»
de ces politiques, le groupe Tékaméli, du point de vue du tissu social dont il émane. Enfin,
un troisième chapitre explore le lien des Gitans à la musique en vertu d'un registre de
l'insertion sociale alternatif à l'action des politiques publiques : comme relevant de la
restructuration par le prisme religieux d'une personnalité culturelle et d'une normativité
gitanes. Hermétique, comme l'est toute culture dominée, que sa crainte légitime du
dominant sert à protéger, la société gitane est de plus au cœur d'une multiplicité de tensions
politiques locales et nationales que l'on pourra découvrir au fil de ce travail. L'ethnographie
en est donc rendue peut-être plus sensible que d'autres ethnographies, l'immersion
individuelle met peut-être plus lourdement en cause l'éthique du chercheur (c'est développé
en particulier, et avec une linéarité volontaire, au Chapitre III, Partie II). Malgré la dureté
particulière du contexte « sudiste » où cette enquête se trouve placée, elle reste tributaire du
lot commun de l'anthropologie : livrer une connaissance paradoxale par laquelle tout
dévoilement est susceptible d'instruire à charge ou à décharge ce qui est dévoilé.
L. A.-A.
4
INTRODUCTION
REMARQUES SUR LA CULTURE DANS L'IDÉOLOGIE RÉPUBLICAINE
L'engagement scientifique préalable à ce projet tient à l'approche anthropologique des
normativités que nous avons entreprise depuis plusieurs années, centrée à propos des «politiques
publiques» sur le décryptage des normes conductrices de la prise en compte du «social», de leur
production « partenariale » ou « transversale » (depuis la généralisation par le XIe plan des
politiques de « quartiers » I), de leur effectivité et de leur interaction avec les « aspirations » ou
les représentations des « populations » ciblées. Nous prenons pour fil conducteur l'espace
sémantique des différents concepts mobilisés pour l'action et susceptibles de redéfinitions
permanentes selon les acteurs, selon les situations, selon les localités : par exemple des termes
investis d'une profusion de significations comme ceux de « cohésion sociale », de
« citoyenneté », de « quartier », de « population » ou d'une «culture». Sous ce chef, l'objectif est
de tenter de dégager, à partir des multiples visages que prend la mise en œuvre collégiale des
politiques sociales, un ensemble de logiques, elles-mêmes rapportables à l'influence de modèles
normatifs récurrents, aptes à parcourir la dénivellation des niveaux décisionnels. En résumé2, la
pérennisation de la « crise » et l'adhésion des sociétés européennes, avec de nombreuses
nuances, aux logiques d'un capitalisme globalisateur fait d'une part de la « question sociale »
l'épreuve des valeurs « sociétales » (c'est-à-dire des valeurs revendiquées au fondement du lien
social et mobilisées pour son maintien) et donne à voir d'autre part (avec le dépérissement de
l'Etat «providence» ou de l'Etat distributeur de solidarité) sur un mode pluriel, tributaire de
l'histoire comme des structures anthropologiques de l'humain, la coexistence de référents
normatifs éventuellement contradictoires.
Si nous laissons de côté le modèle assurantiel actuel3, en vertu duquel l'individu n'est en fin
de compte solidaire qu'avec lui-même, en fonction des risques que le simple fait d'exister lui fait
encourir4, ces référents normatifs peuvent être placés sous l'égide de quatre modèles
génériques : la solidarité organique (obligation d'entraide et de réciprocité inscrite dans tous les
aspects d'une structure sociale donnée et condition d'existence de cette structure), la solidarité
dictée (où le geste solidaire répond à une injonction transcendantale — comme la hessed juive
ou la charité chrétienne), la solidarité d'établissement ( l'assistance est prise en charge par des
organismes spécialisés délibérément créés pour assumer cette fonction — de la léproserie ou de
l'hôpital médiévaux jusqu'aux associations volontaires contemporaines) et enfin la solidarité
d’Etat (où l'intégration sociale des individus relève de la constitution même de la société
politique (du contrat social originel jusqu'à la distribution sectorisée des services).
1. Cf. Marie-Thérèse Join-Lambert (et alii), Politiques sociales, Paris, Dalloz & Presses de la FNSP,
1994
2. Pour une présentation théorique de cette approche, voir L. Assier-Andrieu, «Le droit du malheur»,
Nouvelles Annales de la Pensée Politique, Paris, PUF, 1998, I, 2 (sous presse).
3. Dont François Ewald a retracé la genèse conceptuelle et juridique dans L’Etat providence, Paris,
Grasset, 1986.
4. On se réfèrera à la récente contribution d'Elie Alfandari : en l'absence d'une définition juridique du
«risque social» (avec pour corollaire une efflorescence de définitions contingentes), le risque encouru
par l'homme n'est plus lié à la relation de travail, ni même aux risques économiques provoqués par les
disjonctions familiales, «mais à la seule qualité d'individu, de personne humaine» (E. Alfandari,
«L'évolution de la notion de risque social. Les rapports de l'économique et du social», Revue
internationale de droit économique, 1997, I, p. 27).
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