Préface Par Michel Bouchaud Proviseur du Lycée Louis le Grand Voici un livre qui donne à penser. Un livre qui semble écrit de la main d’un sage homme qui ose synthétiser la réflexion de toute une vie ; un livre qui cherche, et parvient, à prendre du recul sur une discipline entière grâce à l’articulation audacieuse entre les mathématiques, les sciences expérimentales, les sciences humaines et les domaines habituellement réservés aux littéraires ; un livre qui ouvre des perspectives sans enfoncer des portes ouvertes ; un livre qui donne du sens à cette discipline si rugueuse que sont les mathématiques ; un livre qui choque par sa façon quasi-psychanalytique de décrypter ce qui semble évident, et par son astuce métaphorique pour tisser des connexions neuronales d’un domaine à l’autre (on ne regardera plus une équation ou une figure géométrique de la même manière) ; un livre, enfin, sur les mathématiques qui fait montre d’une grande pédagogie, qui réconciliera ceux qui en sont dégoûtés et donnera de la profondeur à ceux qui en sont passionnés. Ce livre est néanmoins le fait d’un jeune homme de vingt-cinq ans que j’ai rencontré à Dakar par l’entremise d’Alain Houlou, son père, et d’Hamidou Sall, bras droit d’Abdou Diouf à la Francophonie, lors d’un colloque organisé en l’honneur du centième anniversaire de la naissance d’Aimé Césaire, preuve s’il en fallait une de la vaste diversité de ses centres d’intérêt. Parmi les nombreux sujets qui ont animé nos conversations, les mathématiques furent un fil conducteur, nous qui les avons étudiées assidûment, certes à bien des années d’intervalle mais avec une conviction que nous nous partageons : le développement des mathématiques n’est pas séparé de celui de nos sociétés. À cet égard et bien que souvent contestée, l’abstraction est en mathématiques un moyen pour dépasser les frontières configurées par les apparences et séparer le vrai du faux parmi les hypothèses de travail. Le livre d’Antoine Houlou-Garcia nous offre un message brillant et ouvert sur la catégorie du point de vue dont la portée est universelle. Aujourd’hui, c’est dans le rôle de proviseur, du Lycée Louis le Grand mais aussi des autres lycées dont la direction m’a été confiée, que j’écris ces lignes. Proviseur auquel revient que soient crées les conditions pour que chaque élève puisse aller à l’excellence dans les savoirs les plus exigeants, dans la mesure des ses facultés et de son investissement. Le travail d’Antoine Houlou-Garcia s’inscrit dans cette perspective d’exigence intellectuelle bienveillante que l’on s’attache à promouvoir dans tous les établissements. C’est pourquoi, ce livre s’adresse aussi bien aux élèves de classes préparatoires (scientifiques comme littéraires) car il va les conduire à réfléchir puissamment sur ce qu’ils étudient et à encore mieux comprendre les sources des savoirs qu’ils acquièrent, qu’aux enseignants qui peuvent y trouver de nombreuses idées pour faire goûter les mathématiques à leurs élèves, mais également aux lycéens qui ne vont pas manquer d’y trouver une source d’éveil à la science tout comme à la philosophie. Soulignons qu’ils devraient tous y trouver plaisir. 3 Ce livre s’affranchit du séquençage nécessaire à l’appropriation du savoir pour s’inscrire dans la perspective résolument moderne que peut offrir un enseignement transversal où résoudre une équation n’empêche pas de traquer ce qui la sous-tend, de cerner la part d’innovation qu’apporte sa résolution, de comprendre les mécanismes intellectuels qu’elle soulève, ni de penser à la manière dont elle a pu être éventuellement formalisée à travers les âges, ni de saisir et de discuter ses implications dans le domaine de l’économie, de l’art ou de la philosophie. En effet, déconnecter les mathématiques, matière à penser par excellence, du reste de la pensée constitue une erreur. Au contraire, les confronter aux autres disciplines les grandit mais surtout enrichit celui qui s’y emploie avec méthode et critique. Paris, le 24 octobre 2013 4