Notes d’intention
Quand je regarde ma fille je me vois, je vois sa mère et je la vois. Attitudes, manière de s’exprimer,
ressemblance physique, traits de caractère, cette petite fille de 8 ans est comme une éponge qui se
serait chargée des influences de son entourage et qui, peu à peu, aurait décidé de « presser » à
certains endroits pour ne garder que certains attributs, et qui aurait également fabriqué ses propres
attributs.
La regarder grandir, c’est comme me voir dans un miroir, qui me renverrait une image de moi
déformée par le prisme de ma fille.
Et puis il y a en elle des choses qui me sont totalement inconnues, qui font qu’elle est une personne
unique, un autre parmi les autres.
Ce qui est valable pour elle l’est aussi pour l’ensemble des enfants : entre inculcation et interaction,
l’espace de l’enfance est celui où se forgent les individualités. L’enfant s’approprie, à travers
l’interaction avec ses proches, un certain nombre de valeurs, de normes, de rôles, qui participent à
son éducation, à sa socialisation. Mais de manière plus sensible, plus inconsciente, il s’approprie
également des savoir être, des « manières de », qui vont l’aider à construire son identité. Dans une
logique de mimétisme ou de rejet, c’est à travers les rencontres qu’il fait, à travers les autres (et
principalement les adultes), que l’enfant se définit.
Nous adultes, sommes donc des modèles, des caricatures de caractères. Et nos enfants sont les
témoins de nos comportements, qu’ils absorbent, assimilent ou rejettent. De ce constat m’est venue
l’envie d’un spectacle. Un spectacle qui parle de cette influence silencieuse que nous exerçons, nous
les grands, mais aussi de la formidable capacité des petits à devenir des êtres uniques, qui à leur tour
nous modèlent.
A l'heure ou la tendance est au repli sur soi, à la crainte de l'autre, il me semblait important
également de mettre l'accent sur les richesses que les rencontres nous apportent à tous, grands et
petits et de répéter que c'est en se frottant à l'autre, à ses différences, que nous sommes en capacité
de grandir, que l'on soit grand ou petit.
Ce spectacle parlera donc de rencontres et d'influences....
Parallèlement, j'avais envie depuis plusieurs années de revenir à la confrontation du jeu masqué et
de la marionnette, déjà présent dans le spectacle « les vies de greniers » créé il y a dix ans, et de
pousser encore ce rapport corps/objet et ce travail d'échelle entre personnage masqué et objet
manipulé. Pour cette création, l'utilisation du masque larvaire a été une évidence : c'est un masque
figé, qui recouvre l'entièreté du visage et qui demande une précision sans faille dans la technique.
C'est tout naturellement que le choix d'Hacid BOUABAYA s'est imposé pour la mise en scène, de par
sa grande expérience de la discipline et des affinités artistiques qui nous lient. Marionnettes et
masques seront donc les acteurs de création « AIR(E) DE JE(UX) ».
Nicolas JEAN