EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 1 Cavité supraconductrice pour l’accélération d’électrons. © D. SARRAUTE / CEA EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 édito Ce numéro du Journal de Saclay met à l’honneur la supraconductivité, fruit fortuit de recherches fondamentales menées en 1911 par des physiciens dans leur quête des basses températures. Aujourd’hui, la supraconductivité ne se produit toujours pas à température ambiante. Elle reste donc associée aux basses températures, ce qui entraîne des coûts et des contraintes qui en interdisent nombre d’utilisations pour des applications courantes. Il n’en reste pas moins qu’elle est indispensable aux grands dispositifs expérimentaux de recherche nécessitant de fortes puissances électriques et des champs magnétiques intenses. Du point de vue des connaissances, c’est toujours un thème de recherche brûlant car l’origine physique du phénomène n’est pas totalement élucidée. L’utilisation de la supraconductivité est un des savoir-faire du CEA, qu’il s’agisse de recherche fondamentale, à Saclay comme à Grenoble, ou d’applications à la technologie des accélérateurs de particules comme vous le découvrirez dans ce dossier du Journal de Saclay. D’autres laboratoires du Campus de Paris - Saclay, parmi lesquels le Laboratoire de physique du solide1 et le Centre de physique théorique2, travaillent également dans ce domaine. Ce numéro du Journal vous permettra aussi de voir que, suite aux récents appels d’offres relatifs aux investissements d’avenir (ou « grand emprunt »), des équipes du centre CEA de Saclay sont présentes dans neuf « laboratoires d’excellence » et bénéficieront, avec leurs partenaires du campus, de cinq « équipements d’excellence ». “ L’ORIGINE PHYSIQUE DE CE PHÉNOMÈNE N’EST PAS TOTALEMENT ÉLUCIDÉE ” 10:34 Page 2 DOSSIER Les promesses de la supraconductivité Les promesses de la supraco Découverte il y a cent ans, la supraconductivité est loin d’avoir livré tous ses secrets. Ce phénomène fascinant suscite toujours de grands espoirs mais il ne se produit hélas qu’à très basse température. Au centre CEA de Saclay, des physiciens cherchent à mieux la comprendre et d’autres s’attachent à l’exploiter pour la physique des particules ou l’imagerie médicale. ès la découverte du phénomène, l'imaginaire s'est emparé de la supraconductivité1 et une image s'est rapidement imposée à tous : la lévitation d'un aimant audessus d'un échantillon dans l'état supraconducteur ! Naviguer dans l’air comme sur la mer ! Cent ans plus tard, il est temps de trier entre science-fiction et avancées bien réelles. La supraconductivité est également associée à l’utopie d’un transport de l’électricité sans perte sur de longues distances et de son stockage illimité dans le temps. Ces applications sont en réalité restées marginales (voir encadré p. 5) parce qu’il est complexe et coûteux de refroidir des matériaux aux très basses températures nécessaires pour bénéficier de leurs propriétés supraconductrices (-250°C). En revanche, l’utilisation de fils supraconducteurs dans des bobines (électro-aimants) destinées à produire des champs magnétiques très élevés ou très homogènes s’est rapidement imposée, tant pour les accélérateurs de particules que pour les appareils d'imagerie médicale par résonance magnétique nucléaire (IRM). Ces deux domaines sont des spécialités de l’Irfu2, à Saclay. D « Les » supraconductivités Yves Caristan, Directeur du centre CEA de Saclay 1/ Unité mixte de recherche CNRS – Université Paris-Sud 11. Unité mixte deSACLAY recherche CNRS – École polytechnique. CEA DE LE JOURNAL 62/CENTRE Il y a tout juste vingt-cinq ans, la découverte des cuprates , supraconducteurs à haute température critique (HTC) a réveillé les attentes. La barre prévue jusque-là par la théorie (-250°C) était franchie : il n’y avait donc plus de limites conceptuelles à l’augmentation de la température critique ! Le rêve d’une supraconductivité à température ambiante pouvait reprendre. Essayez d’imaginer un châssis de voiture supraconducteur, une route pavée d'aimants : une dépense énergétique minime suffit pour partir en weekend ! Les éoliennes et les cellules photovoltaïques ne délivrent-elles du courant que par intermittence ? Qu’à cela ne tienne, l'énergie produite peut être stockée indéfiniment et sans perte ! Aujourd’hui, il existe plusieurs familles de matériaux supraconducteurs à des températures supérieures à celle de l'azote liquide4 (avec un record à -109°C sous pression) mais inférieures à celle de la carboglace5. On est encore loin de la température ambiante mais ces formes particulières de supraconductivité n'étant pas encore comprises, on peut espérer que la découverte de leur origine permette d’optimiser les performances de nouveaux matériaux. Sans attendre cet aboutissement, les applications concrètes de la supraconductivité HTC sont déjà là, encore discrètes ou confinées dans les laboratoires. Elles concernent essentiellement les circuits électroniques et les capteurs. 1/ Les mots en gras sont expliqués dans l’encadré « Qu’est-ce que la supraconductivité ? » p. 3. 2/ Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers. Voir p. 6. 3/ Céramiques composées d’oxydes de baryum, de lanthane et de cuivre. 4/ Un litre d’azote liquide (-196°C) vaut moins de 0,5 e, alors qu’un litre d'hélium liquide (-269°C) vaut plus de 10 e. 5/ Dioxyde de carbone solide à -78°C. EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 3 Les promesses de la supraconductivité DOSSIER conductivité Des capteurs magnétiques supraconducteurs ultrasensibles, développés par des physiciens du centre CEA de Saclay, permettent de mesurer l’activité cérébrale ou cardiaque de patients (magnéto-encéphalographie ou magnéto-cardiographie). © F. VIGOUROUX / CEA Qu’est-ce que la supraconductivité ? La matière n’est inerte qu’en apparence. À l’échelle des atomes, tout n’est qu’agitation. La température donne la mesure de cette agitation. Pour autant le « zéro absolu » (-273,15°C) ne signifie pas immobilité parfaite. Quand la température baisse, le courant électrique circule de mieux en mieux mais, à l’approche du zéro absolu, la résistance électrique de certains matériaux s’annule brutalement, en-dessous d’une température dite critique : il devient « supra » conducteur. Les électrons se mettent à circuler sans dissipation d’énergie, ce qui rend possible une sorte de mouvement perpétuel ! Quand le courant électrique parcourant le supraconducteur dépasse un certain seuil (courant critique), le matériau retrouve ses propriétés ordinaires et devient « résistif ». Une autre propriété, non moins étonnante, caractérise les supraconducteurs : l’effet Meissner. Lorsqu’on approche un aimant au-dessus d’un supraconducteur, un courant électrique circulaire prend naissance dans ce dernier de manière à annuler le champ magnétique en son sein. Comme s’il expulsait le champ magnétique ! La force entre ce courant et l’aimant explique la lévitation de ce dernier au-dessus du supraconducteur. Cette lévitation se distingue des forces de répulsion observées entre les pôles de même nature de deux aimants. Si on déplace le supraconducteur ou si on le retourne, l’aimant le suit, comme s’il lui était lié mystérieusement ! CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL 37 EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 4 DOSSIER Les promesses de la supraconductivité « La supraconductivité a déjà des applications concrètes. » Les champs magnétiques des IRM sont produites par des aimants supraconducteurs. Ici, IRM à 7 teslas de NeuroSpin, au centre CEA de Saclay. © PF. GROSJEAN / CEA Les dates de la supraconductivité 1911 : Découverte de la supraconductivité par le physicien hollandais Heike Kamerlingh Onnes. Des circuits électroniques pour les télécoms 1962 : Découverte de l'effet Josephson : des électrons appariés en paires de Cooper peuvent traverser une couche mince isolante ou conductrice (non supra) séparant deux matériaux supraconducteurs. En électronique, un gain significatif en sélectivité a récemment été obtenu pour le filtrage des fréquences en introduisant des éléments supraconducteurs à haute température. De tels filtres sont déjà utilisés pour séparer des signaux électriques de télécoms que l'on a « mélangés » dans des canaux pour les transmettre à distance. La possibilité de mixer dans une même bande de fréquences un plus grand nombre de conversations va permettre aux antennes de téléphonie mobile de couvrir un espace plus vaste. Une fois devenues elles-mêmes supraconductrices, ces antennes pourront également être réduites en taille. 1986 : Découverte de supraconducteurs à haute température critique (HTC). La théorie BCS n'est plus valide. Une révolution de l’imagerie médicale 1933 : Mise en évidence de l'effet Meissner. 1957 : Élaboration d’une première théorie de la supraconductivité, dite BCS (Bardeen, Cooper et Schrieffer) qui décrit des électrons liés en « paires de Cooper » grâce à leur interaction avec les vibrations des atomes du matériau. En matière de mesure, de nouveaux capteurs magnétiques ultrasensibles sont développés 4 CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL dans les laboratoires de l'IRAMIS6. Leur sensibilité ultime7 attise les convoitises du monde industriel (détection de métaux), des militaires et du milieu médical. Dans ce dernier domaine, on peut citer la magnéto-cardiographie qui viendra compléter l'électrocardiographie. Avec une meilleure résolution temporelle, le détecteur magnétique capte, sans pose d'électrode, le signal cardiaque produit par les boucles de courant qui traversent notre corps. Autre application en développement : la magnéto-encéphalographie, là aussi complémentaire de l'électro-encéphalographie, offre déjà de nouvelles images fonctionnelles du cerveau. Enfin, l'imagerie par résonance magnétique (IRM), à bas champ magnétique, va pouvoir se développer. Les IRM actuelles, avec leurs aimants bruyants, sont trop rares, coûtent cher (plus d’un million d’euros) et les listes d'attente pour les examens sont longues. Demain, grâce à la sensibilité des nouveaux capteurs supraconducteurs, de simples bobines de cuivre suffiront pour réaliser des appareils plus légers et consommant peu d'énergie. L'IRM pourra être acheminée en urgence au chevet du malade, qu’il soit porteur ou non d’implant métallique, et permettra le suivi des grands prématurés. Vers l’ordinateur quantique ? Dernière application à laquelle travaillent les chercheurs de l’IRAMIS : les circuits électriques quantiques. Une fois refroidis à très basse température, ces circuits macroscopiques présentent un comportement globalement quantique, offrant alors toute la richesse du monde microscopique : ils peuvent notamment se trouver à la fois dans deux états électriques normalement incompatibles. Les chercheurs rêvent d’utiliser ces composants comme éléments « mémoire » d’un futur calculateur quantique, capable de traiter l’information bien plus efficacement qu’avec nos ordinateurs actuels. Pour cela, il est EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 5 Les promesses de la supraconductivité DOSSIER Le saviez- vous ? indispensable de construire ces circuits en matériaux supraconducteurs car les propriétés quantiques d’un objet sont si fragiles qu’elles tendent à disparaître très vite quand cet objet interagit avec le reste du monde. Ainsi, le faible frottement des électrons circulant dans un métal non supraconducteur suffit à réduire de manière catastrophique la « durée de vie quantique » de ces circuits. Dans ce domaine, les applications concrètes sont encore très lointaines, mais les spécialistes réalisent aujourd'hui les éléments de base indispensables pour progresser vers un calculateur véritablement quantique. Des portes ouvertes sur de nouveaux progrès technologiques Ces développements sont les conséquences directes de la découverte très fondamentale de la supraconductivité à haute température, il y a vingt-cinq ans. Ce n'est finalement pas très long À Long Island (New-York), un câble supraconducteur en cuprate, maintenu à -196°C, transporte du courant sur 600 mètres. Intégré au réseau de distribution électrique, il alimente près de 30 000 foyers depuis 2007. Les fils supraconducteurs peuvent transporter plus de 150 fois plus de courant que des fils en cuivre de même diamètre. Coupe du câble supraconducteur de transport électrique le plus long et le plus puissant du monde, développé et fabriqué par Nexans, pour l’un des principaux opérateurs de réseaux électriques américains. © CERN / CLAUDIA MARCELLONI pour faire éclore des innovations qui ne sont pas celles de nos vieux rêves de science-fiction ! La connaissance est là et doit encore progresser, la technologie l’accompagne, de nouveaux progrès sont en route. Aujourd'hui, aucun argument scientifique ne nous autorise à prédire l’avènement de la supraconductivité à température ambiante. Il est cependant probable qu’un jour, la recherche fondamentale permettra d’expli- quer « les supraconductivités ». Gageons que celles-ci continueront longtemps à frapper nos imaginations, comme autant de portes ouvertes sur de nouveaux progrès technologiques. Luc Barbier 6/ Institut rayonnement et matière de Saclay. 7/ De l'ordre du femtotesla ~10-15 tesla, ~10-10 fois le champ magnétique terrestre. ÉCHELLE DE TEMPÉRATURES CRITIQUES DE MATÉRIAUX SUPRACONDUCTEURS Aluminium 1,19 K Mercure 4,15 K Étain 3,71 K Niobium Alliage de Cavités des niobium titane accélérateurs Aimants des de particules accélérateurs de particules 9,3 K et des IRM Plomb 9,3 K 7K Zéro absolu 0 Kelvin ou K -273,15°C Température de l’hélium superfluide 2,17 K - 270,98°C Pnictures 28 K Cuprates Composants télécom, future IRM portative 35 K - 138 K 0°C 273,15 K Température de l’hélium liquide 4,22 K Alliage de niobium étain Futur aimant de l’IRM à 11,7 teslas de NeuroSpin 18,3 K Au CERN, le LHC (Grand collisionneur de hadrons) est équipé d’immenses détecteurs de particules. L’un d’eux, Atlas, compte notamment huit bobines supraconductrices qui font chacune 25 m de long sur 5 m de large, et dont l’alimentation électrique nécessite un courant de 20 500 ampères ! © CERN / CLAUDIA MARCELLONI CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL 5 EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 6 DOSSIER Les promesses de la supraconductivité Le centre CEA de Saclay dispose de plusieurs stations d’essais d’aimants supraconducteurs. L’une d’elles a notamment servi à tester les 70 bobines du démonstrateur de fusion nucléaire à confinement magnétique W7-X de l’Institut de physique du plasma de Garching (Allemagne). Ces travaux sont menés dans un cadre européen. © F. VRIGNAUD / CEA Accélérateurs de particules et... IRM Quoi de commun entre un accélérateur de particules et une IRM ? Des composants supraconducteurs essentiels au fonctionnement de la machine ! Des équipes de Saclay sont des experts de ces bijoux technologiques. Q u’ils servent à déchiffrer les lois de l’Univers ou à analyser la matière, les accélérateurs de particules ne peuvent fonctionner sans champs électriques et magnétiques intenses. Ceux-ci servent à les accélérer, les dévier et même à les détecter. Entraîner des électrons ou des protons à des allures flirtant avec la vitesse de la lumière ? Impossible sans un champ électrique extrêmement puissant ! Dans un accélérateur linéaire, les particules doivent recevoir en un seul passage toute l’énergie nécessaire à leur accélération. Dans un anneau, elles bénéficient d’un « coup de pouce » à chaque tour mais elles doivent être déviées pour tourner en rond : c’est le rôle du champ magnétique. Les détecteurs de certains accélérateurs circulaires comme le LHC au Cern (voir encadré p. 7) exigent, eux aussi, des champs magnétiques considérables. Les particules du LHC se heurtent violemment au cours de collisions frontales et donnent naissance à des gerbes 6 CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL éphémères de particules qui se « métamorphosent » plusieurs fois. Seuls des champs magnétiques considérables, capables de séparer par déviation les particules, permettent d’observer ces invisibles « feux d’artifice ». Produire un champ magnétique ou électrique intense Il n’est donc guère étonnant que la supraconductivité se soit invitée dans les accélérateurs de particules. Les champs magnétiques, produits par des bobines de fils parcourus par un courant électrique, ont fait un grand bond en avant grâce au remplacement du cuivre par un alliage supraconducteur de niobium - titane. Si les aimants du LHC étaient composés de fils de cuivre, la circonférence de l’anneau devrait atteindre 110 km au lieu de 27 pour des performances équivalentes. Autant dire que le LHC n’existerait pas ! Les champs électriques intenses, quant à eux, sont produits à l’intérieur de sortes de « caisses de résonance », appelées cavités accélératrices, au centre desquelles voyagent les particules. Plus précisément, une antenne délivre une onde radiofréquence qui est amplifiée et « stockée » dans les cavités à la géométrie savamment optimisée. C’est ce champ électromagnétique à très haute fréquence qui accélère les particules. Il engendre des courants électriques intenses sur les parois internes des cavités, qui s’échauffent et risquent de fondre lorsqu’elles sont en cuivre. Une part importante de l’énergie injectée est alors perdue sous forme de chaleur. L’utilisation de niobium supraconducteur1 permet d’améliorer le rendement d’un facteur 100 0002 par rapport au cuivre. Au fil des dernières décennies, un peu plus d’une centaine d’ingénieurs et techniciens de l’Irfu ont acquis les compétences nécessaires à la conception, la réalisation, les tests à froid et l’intégration de bobines et de cavités supraconductrices. Leur spécialité, c’est le haut de gamme que les industriels ne savent pas fabriquer. EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 7 Les promesses de la supraconductivité DOSSIER LHC : le plus grand frigo du monde Cavités : le secret d’un faisceau de qualité « Nous disposons de tous les outils pour concevoir un accélérateur de A à Z, détaille Claire Antoine, physicienne de l’Irfu. En particulier, le design des cavités accélératrices est déterminant pour la qualité d’un faisceau de particules. Le choix du matériau, le niobium au lieu du cuivre, pour les cavités du synchrotron3 SOLEIL, nous a permis d’augmenter sensiblement la durée de vie et la luminosité du faisceau d’électrons ». Ces équipes ont également participé à la conception et à la fabrication de cavités supra pour Spiral2. Cet accélérateur de noyaux atomiques radioactifs doit prochainement entrer en service au Ganil4, à Caen, pour étudier des espèces extrêmement instables, inexistantes sur Terre mais banales dans certaines régions de l’Univers. De même, pour l’installation européenne E-Xfel5, située près de Hambourg, l’Irfu fournit une centaine de « cryomodules » de 12 mètres de longueur, contenant chacun huit cavités supraconductrices. Tous ces systèmes seront intégrés sur le centre CEA de Saclay. E-Xfel, dont le démarrage est prévu en 2014, sera une source très puissante de rayons X adossée à un accélérateur linéaire d'électrons. Enfin, les spécialistes des cavités de l’Irfu sont associés au projet d’accélérateur qui pourrait un jour succéder au LHC. Cette machine, baptisée International Linear Collider, serait constituée de deux accélérateurs linéaires projetant, les uns contre les autres, électrons et positrons6. Elle est destinée à étudier la nouvelle physique attendue après les découvertes que permettra le LHC. Un câble pour chaque bobine Non moins complexes que les cavités, les câbles des bobines supraconductrices sont des objets de haute technologie. Il faut en effet à tout prix éviter l’échauffement minime qui ferait franchir localement le seuil de la température critique et ferait basculer très vite l’ensemble du câble en régime résistif (transition). Ainsi, les brins d’un câble sont-ils souvent torsadés pour une distribution plus uniforme du courant. En cas de défaut sur un brin, le courant peut continuer de circuler dans les brins adjacents restés supraconducteurs. Si tous les brins « transitent » en mode résistif, la structure métallique7 de maintien qui les enserre est capable d’absorber l’énergie prodigieuse stockée dans l’aimant qui, sinon, détruirait complètement le câble. « À chaque aimant est associé un câble qui lui est propre, insiste Bertrand Hervieu, ingénieur à l’Irfu. Il faut reprendre tous les calculs de dimensionnement à chaque fois. Quel doit être le pas des torsades des fils supraconducteurs ? Les fils peuvent-ils être refroidis par une circulation d’hé- lium à leur contact ou de manière indirecte, dans la structure de maintien ? Quelle doit être la géométrie de cette structure ? » LHC, IRM et Iter L’Irfu a participé à la conception et au suivi de fabrication de nombreux aimants du LHC. Il a ainsi pris en charge 400 aimants de focalisation destinés à corriger la divergence du faisceau de particules et des aimants gigantesques de deux détecteurs du LHC, CMS et Atlas. L’expérience accumulée a permis aux équipes de l’Irfu de concevoir un aimant exceptionnel d’IRM pour le centre CEA de neuro-imagerie à haut champ NeuroSpin, à Saint-Aubin. Cet aimant produira dès 2013 un champ magnétique de 11,7 teslas qui permettra d’observer le fonctionnement du cerveau humain avec une résolution spatiale encore jamais atteinte. La bobine de 20 tonnes, qui sera refroidie à 1,8 K, est en cours de construction. La génération d’aimants suivante sera, elle, en alliage niobium - étain. Ce matériau supraconducteur plus performant que le niobium titane est malheureusement cassant et ne peut être bobiné que sous une forme où le niobium et l’étain sont séparés. Une fois la bobine Le LHC (Large Hadron Collider) au CERN près de Genève compte 350 000 tonnes de matériaux, 6 000 aimants et 7 500 kilomètres de câbles supraconducteurs ! Tous maintenus en dessous de 4 K, la température de l’hélium liquide, voire même à 1,8 K (hélium superfluide). Une descente (ou remontée) en température ne peut excéder 5 K par heure pour éviter l’éclatement de l’enveloppe isolante des câbles, dont le rétreint thermique diffère de celui du supraconducteur. Chacun des 1 746 grands aimants est positionné à 0,3 mm près, avec une précision du bobinage atteignant 0,015 mm, alors même que certaines bobines sont soumises à des forces d’origine magnétique supérieures à un millier de tonnes. L’aimant d’Atlas mesure 25 mètres de long pour un diamètre extérieur de 20 mètres. Les mensurations de l’aimant de CMS sont plus modestes : une longueur de 12,50 mètres et un diamètre de 7 mètres. À eux deux, ils stockent une énergie électrique équivalente à l'énergie mécanique nécessaire pour soulever la tour Montparnasse de plus d’un mètre. L’intégration des bobines au CERN a duré deux ans... réalisée, elle doit séjourner une à deux semaines dans un four à 600°C pour que se forme l’alliage désiré. Le démonstrateur de fusion nucléaire ITER8, à Cadarache utilisera, à l’horizon 2019, de tels aimants pour confiner la matière portée à plus de cent millions de degrés et l’éloigner des parois du réacteur. 1/ Le niobium n’est pas tout à fait supraconducteur pour les radiofréquences : sa résistance est cependant réduite d’un facteur 100 000. 2/ Il faut cependant refroidir les cavités à 2 K, ce qui ramène le gain en rendement à un facteur compris entre 20 et 100. 3/ Le synchrotron SOLEIL, à SaintAubin, est un accélérateur d’électrons en anneau. Les électrons émettent une lumière intense appelée rayonnement synchrotron, qui est utilisé par une large communauté scientifique pour sonder la matière. SOLEIL est une société civile CNRS - CEA. 4/ Le Grand accélérateur national d’ions lourds est un groupement d’intérêt économique CNRS - CEA. 5/ European X-ray Free Electron Laser. 6/ Les positrons sont les particules d’antimatière associées aux électrons. 7/ Le plus souvent une gaine en cuivre. 8/ International Thermonuclear Experimental Reactor, à Cadarache, en France. Montage d’un aimant supraconducteur de focalisation destiné à l’accélérateur de particules du LHC. © CEA / DAPNIA CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL 79 EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 8 DOSSIER Les promesses de la supraconductivité Comprendre « les » supraconductivités Théoriciens, physiciens et chimistes du centre CEA de Saclay se mobilisent pour tenter de percer les mystères des diverses formes que revêt la supraconductivité, avec à la clé, un potentiel d’innovations insoupçonné. L a supraconductivité est sans doute la plus spectaculaire des manifestations macroscopiques de la mécanique quantique. Elle ne reçoit sa consécration théorique1 que dans les années 1960. L’affaire paraissait alors entendue. Cette propriété ne se manifestait qu’au-dessous d’une température proche du « zéro absolu » (K). Mais la nature est facétieuse et, en 1986, un coup de tonnerre retentit dans la communauté des physiciens de la matière condensée : la découverte d’oxydes de cuivre (cuprates) supraconducteurs à 100 K ! La remise en cause des théories admises jusque-là relance l’intérêt des scientifiques. Tandis que la compréhension de cette supraconductivité à haute température critique (HTC) semble proche même si elle échappe toujours aux scientifiques, nouveau coup de théâtre en 2008 avec la découverte d’une autre famille de supraconducteurs HTC appelés pnictures2 ! La présence de fer dans ces composés brouille alors les cartes et le thème pourtant centenaire retrouve des allures de jeunesse. Une théorie à inventer Revenons quelques années en arrière. La théorie BCS3 décrit, dans certaines conditions par- © C. DUPONT / CEA Mise en place d’un porte-échantillon avec deux monocristaux supraconducteurs de pnictures de fer sur une canne de mesure de leurs propriétés physiques. 8 CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 9 Les promesses de la supraconductivité DOSSIER « On obtient, par l’expérience, de précieuses informations sur l’organisation atomique et le magnétisme de ces matériaux. » ticulières, des électrons capables de se déplacer par paires (dites de Cooper), malgré la répulsion Microscope à force atomique et à effet tunnel, opérationnel à très basse température (pouvant atteindre 30 millikelvins, électrostatique entre deux charges électriques soit - 273,12°C, conçu par une équipe de l’IRAMIS. de même signe. Ces conditions ne sont réunies Les chercheurs ont en particulier étudié grâce à lui qu’à très basse température, lorsque l’agitation l'effet de "proximité" aux interfaces entre métaux des atomes et des molécules est suffisamment supraconducteurs et métaux réduite. D’où la surprise des physiciens lorsqu’ils résistifs usuels. ont découvert la supraconductivité des cuprates à « trop » haute température. Comment expliquer ce nouveau phénomène ? « Dans le cas de la supraconductivité conventionnelle, ce sont les vibrations des atomes au sein d’un cristal qui « collent » les paires de Cooper alors que dans les cuprates et plus généralement dans les matériaux supraconducteurs HTC, on pense qu’il s’agit plutôt d’un mécanisme électronique, peut-être lié au magnétisme, explique Olivier Parcollet, chercheur à l’Institut de physique théorique du CEA. Mais le mécanisme précis de l’appariement, son origine et même sa description ne font pas consensus. » Par ailleurs, la description quantique d’un grand nombre d’électrons est un problème d’une redoutable complexité. « Pour contourner cette difficulté, nous développons des méthodes de calcul inspirées de la physique statistique. Cela nous a permis, par exemple, d’avancer dans la compréhension théorique de l’état de la matière qui précède le seuil de température critique, juste avant qu’elle ne devienne supraconductrice (phase du pseudo-gap) ». Chaque jour apporte une nouvelle pièce du puzzle, mais « nous avons peut-être trop de pièces ! Pour l’instant, nous les rassemblons sans avoir encore une idée males, inconnues dans les supraconducteurs précise du résultat ». conventionnels. « Nous savons déjà que dans cette phase, le matériau ne se comporte plus selon La preuve par l’expérience les lois standard que respectent les métaux. ParaL’expérience apporte naturellement une contri- doxalement, la supraconductivité apparaît justebution essentielle à ce puzzle. Au Laboratoire ment là où le matériau, très perturbé, devient un Léon Brillouin4, à Saclay, l’équipe de Philippe mauvais métal. » En somme, la supraconductiBourges étudie des cristaux de cuprates en les vité surgit là où on l’attend le moins ! Un des bombardant avec des neutrons5. Ils obtiennent derniers résultats obtenus par cette équipe tend ainsi de précieuses informations sur l’organisa- à valider une des hypothèses en vigueur : la tion atomique et le magnétisme de ces maté- phase de pseudo-gap correspondrait à l’exisriaux. Eux aussi s’intéressent particulièrement tence d’un nouvel état de la matière, dans lequel à la phase du pseudo-gap, au cours de laquelle des nano-boucles de courant électrique se forapparaissent des propriétés électroniques anor- ment spontanément. L'observation de ce ma- © C. DUPONT / CEA gnétisme de nature nouvelle renforce la thèse d’une origine magnétique de la supraconductivité HTC. Il reste à confirmer cette interprétation par des observations sur d'autres composés. 1/ Avec la théorie BCS, voir voir encadré p. 4. 2/ Pnictures de fer : du grec pneuma, qui désigne le souffle, ce terme désigne des composés contenant du fer et des éléments de la 15e colonne du tableau de Mendeleïev tels que l'arsenic As (BaFe2As2 par exemple). 3/ Les mots en gras sont expliqués dans l'encadré p. 4. 4/ Unité mixte de recherche CEA-CNRS. 5/ Ces neutrons proviennent du réacteur nucléaire expérimental Orphée du centre CEA de Saclay. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL 9 EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 10 DOSSIER Les promesses de la supraconductivité Enfournement pour recuit sous atmosphère contrôlée d’un échantillon supraconducteur élaboré au laboratoire du groupe "Oxydes conducteurs" de l'IRAMIS. Cette équipe est capable de produire des monocristaux de très grande qualité cristallographique, tout en maîtrisant des compositions chimiques variées, et notamment la teneur en oxygène. cristaux. La complémentarité entre chimistes et physiciens lui permet de maîtriser l’ensemble de la chaîne, depuis la production de matériaux nouveaux jusqu’à l’analyse de leurs propriétés physiques. Au sein de la même équipe, Florence AlbenqueRullier s’intéresse plus particulièrement aux propriétés de transport6 des électrons : « la découverte des pnictures a été une très bonne nouvelle pour nous car contrairement aux cuprates, ils constituent un terrain de jeu passionnant. On peut faire varier des paramètres et étudier leur impact sur l’apparition de la supraconductivité ». Bien placée dans la course à la compréhension des mécanismes de la supraconductivité avec ses premiers résultats, l’équipe a développé des collaborations avec des équipes du Laboratoire de physique du solide7, notamment pour collecter des informations complémentaires sur des échantillons identiques aux siens. La supra ouvre la voie aux circuits quantiques © C. DUPONT / CEA Les supraconducteurs se mettent au fer Basse ou haute température ? Pourquoi les cuprates, avec leur température critique plus élevée, n’ont-ils pas encore détrôné le niobium - titane ? Théoriquement, le courant critique des cuprates à la température de l’azote liquide (-196°C) est dix fois plus élevé que celui du niobium - titane à la température de l’hélium liquide (-269°C). En pratique, il est très inférieur. De plus, il est extrêmement difficile de réaliser une grande longueur de cuprate supraconductrice sans interruption. La technologie de tels câbles est donc pour l’instant très onéreuse. Au Laboratoire des solides irradiés*, à Palaiseau, Kees van der Beek et Marcin Konczykowski étudient l’endommagement de supraconducteurs HTC par irradiation. Leur équipe cherche à introduire des défauts contrôlés, notamment pour augmenter le courant critique. Les cuprates pourraient donc, grâce à un traitement adapté, trouver des applications pratiques plus larges qu’aujourd’hui. * Unité mixte CEA, CNRS, École polytechnique, à Palaiseau. 10 CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL Et justement, la découverte des pnictures en 2008 n’a-t-elle pas apporté de nouveaux indices ? « Pour l’instant, non, car malgré certaines ressemblances, les pnictures à base de fer ont un comportement relativement différent de celui des cuprates », explique Dorothée Colson, chercheuse à l’IRAMIS. « Ils apparaissent comme une classe de matériaux originale et très riche, dont il est possible de modifier finement les propriétés physiques par substitution chimique d’un élément. Ils offrent notamment la possibilité d’étudier les corrélations entre supraconductivité et magnétisme ». C’est un des points forts de cette équipe capable de réaliser la synthèse chimique de cuprates et de pnictures de compositions contrôlées, qu’il s’agisse de céramiques ou de mono- Moins spectaculaire que l’effet Meissner, l’effet Josephson ouvre des perspectives prometteuses dans le domaine des circuits électroniques quantiques (voir p. 4) mais il n’est toujours pas bien compris. Un pas décisif a cependant été franchi par des chercheurs de l’IRAMIS, qui ont réussi, pour la première fois, à mettre en évidence expérimentalement le phénomène qui en serait à l’origine : des états électroniques inédits, baptisés « états liés d’Andreev ». Il s’agit de paires d’électrons similaires à celles à l’œuvre dans un supraconducteur, à ceci près qu’elles sont piégées dans une nanostructure non supraconductrice, en l’occurrence un nanotube de carbone. Les chercheurs du CEA sont parvenus à mesurer les niveaux d’énergie de ces paires. Ce résultat est important car, comme le dit Philippe Joyez, un des responsables de l’expérience, « plus notre compréhension des phénomènes en jeu progresse, plus nous pouvons espérer mettre au point des dispositifs nano-électroniques performants ! ». Gaëlle Degrez 6/ Le transport, au sens physique du terme, désigne un phénomène microscopique apparenté à la diffusion, résultant d’interactions multiples. 7/ Unité mixte de recherche Université de Paris-Sud 11 CNRS, à Orsay. Pour en savoir plus D’autres équipes de chercheurs travaillent dans ce domaine sur le Plateau de Saclay, notamment au Laboratoire de Physique du Solide (LPS), unité mixte de l'Université Paris-Sud 11, CNRS et au Laboratoire des Solides Irradiés (LSI), unité mixte CEA, CNRS, École polytechnique. Autres sites iramis.cea.fr irfu.cea.fr www.lsi.polytechnique.fr www.cnrs.fr/supra2011 www.supraconductivite.fr EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 11 Intelligence artificielle et apprentissage TECHNOLOGIE Intelligence artificielle et apprentissage Avec plusieurs équipes dédiées, l'intelligence artificielle est très présente dans les programmes du CEA, en particulier à l’institut CEA LIST. Son utilisation pour l’apprentissage constitue l’un des piliers de ce domaine très transdisciplinaire. Pour David Mercier, chef du laboratoire « Intelligence, modèles, apprentissage » de l’institut CEA LIST1, « l'intelligence artificielle, ou IA, repose sur la création d'outils mathématiques ou informatiques dont l'architecture prend exemple sur toutes les formes d'intelligence existant dans la nature ». Avec d’autres équipes spécialistes de l'analyse de données, de la robotique ou des interfaces sensorielles entre les mondes réel et virtuel, son équipe contribue aux recherches sur l'IA. Faire émerger la connaissance Dans les années cinquante, les fondateurs de l'intelligence artificielle pensaient pouvoir créer en quelques années des systèmes rivalisant avec l'intelligence humaine. Cet objectif s’est finalement avéré beaucoup plus difficile à atteindre qu’ils ne l’avaient imaginé, mais le processus était lancé. Aujourd’hui, l’IA peut se définir comme une « transdiscipline » réunissant des domaines scientifiques variés et complémentaires, de la cybernétique aux méthodes de formalisation de la connaissance, capable de rivaliser avec l’intelligence humaine sur des tâches spécifiques. L’IA peut désormais, à partir de l’observation et de la mesure du monde réel, faire émerger la connaissance ou rendre possible l’action : le rêve fondateur est de moins en moins utopique... 1/ Institut de la Direction de la recherche technologique centré sur les systèmes numériques intelligents. © CEA LIST En réunissant des disciplines variées et complémentaires, l’intelligence artificielle peut rivaliser avec l’intelligence humaine pour des tâches spécifiques. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL 11 EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 12 TECHNOLOGIE Intelligence artificielle et apprentissage « Notre objectif est d’automatiser le traitement des informations. » Répéter pour apprendre Les plus connues de ces méthodes inspirées du vivant sont les réseaux de neurones artificiels, qui sont encore le plus souvent des simulations numériques. Leur structure s’inspire de l'interconnectivité du cerveau dans lequel fonctionnent des myriades2 de neurones qui reçoivent des informations, les traitent et les transmettent. Comme eux, les réseaux de neurones artificiels gèrent des situations où interfèrent une multitude de facteurs. « Ils sont capables d'apprentissage, un peu comme le sportif répète des milliers de fois le geste à apprendre, précise David Mercier. Exemple : la prévision météo locale. Dans une phase d’apprentissage, il faut fournir au système l'historique des relevés, avec les données relatives aux circonstances dans lesquelles des événements particuliers (orage, neige, etc.) se sont produits. Le système apprend alors, par itérations successives, à s’auto-configurer afin de fournir les meilleures prévisions. » Intelligence multicapteurs Autre exemple d'application du savoir-faire du CEA LIST : sa contribution à l’analyse de données sismiques réalisée par les chercheurs du centre CEA de Bruyères-le-Châtel3. « Notre objectif est d'automatiser le traitement des informations recueillies par les sismomètres qui enregistrent séismes et explosions. Nous développons des algorithmes capables d'isoler les signaux significatifs du bruit de fond, d'identifier leur nature, de distinguer des événements proches ou lointains, puis Les réseaux de neurones artificiels s'inspirent de l'interconnectivité du cerveau. © V. EL KOUBY, M. PERRIN, C. POUPON, J.-F. MANGIN de les localiser précisément », explique Anthony Larue, chef du laboratoire « Outils pour l’analyse de données » au CEA LIST. Spécialisé dans la détection des informations utiles à partir de masses de données brutes, son équipe coopère à de nombreux projets, qu'il s'agisse de reconnaître la signature biologique de bactéries pathogènes pour développer des systèmes de surveillance sanitaire ou de détecter des formes spécifiques dans l'écriture pour créer des outils de reconnaissance de l’écriture manuscrite. Intelligence collective Une autre approche de l'intelligence artificielle, dite distribuée ou multi-agents, s'inspire de l'intelligence collective des insectes sociaux. Comme l'explique David Mercier, « une fourmi ou une abeille isolée a une intelligence minime, mais les interactions des individus dans la colonie font émerger des comportements complexes, comme l’organisation de la collecte de nourriture. La robotique, en particulier, fait appel aux algorithmes multi-agents. Par exemple, pour faire monter un escalier à un robot, il est intéressant de l’équiper de multiples petits composants, dont chacun ne fait qu'un geste élémentaire mais dont l'interaction construit une fonction plus élaborée ». Les systèmes multi-agents sont souvent associés à des capteurs. Moustapha Hafez, chef du laboratoire « Interfaces sensorielles et ambiantes » au CEA LIST, utilise cette approche dans divers projets, dont l'un vise à faciliter le déplacement de personnes aveugles. « En combinant dans un même système des capteurs pédestres enregistrant à tout moment la position, la direction et la vitesse de déplacement de la personne aveugle avec la cartographie précise de lieux comme le métro, un quartier ou un musée, il devient possible de lui fournir en temps réel les informations dont elle a besoin pour se repérer », explique-t-il. Quand la sélection naturelle inspire la recherche Quand les solutions d’un problème sont si nombreuses qu'elles ne peuvent être testées exhaustivement, il est possible de recourir à des algorithmes évolutionnaires, qui s'inspirent 12 CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 13 Intelligence artificielle et apprentissage TECHNOLOGIE de la sélection naturelle. Par évolutions successives, en croisant les solutions les plus efficaces, en testant la « mutation » de tel ou tel critère, on arrive de proche en proche à élaborer un compromis satisfaisant. Cette démarche s’applique par exemple à la recherche de gènes (parmi des centaines de milliers de candidats) afin de diagnostiquer ou suivre l'évolution d'une maladie plurifactorielle. Jean-Denis Muller, responsable programme au CEA LIST, va même plus loin. « Plusieurs dizaines de gènes sont potentiellement impliqués dans certains cancers. Nous combinons ces facteurs génétiques, les antécédents personnels, médicaux, l'âge, pour évaluer le risque pour la personne de développer la maladie, permettant ainsi une prise en charge adaptée du patient. Ceci suppose de découvrir et de combiner des groupes de marqueurs associés à ce risque à partir d'une base de données d’échantillons biologiques constituée par notre partenaire, le CeRePP4 ». Une aide à la décision pour la sécurité civile D'autres méthodes enfin, comme la logique floue qui permet de modéliser ou simuler certaines subtilités du raisonnement humain, sont utilisées pour l'aide à la décision ou la gestion de crise. « Nous travaillons avec la Sécurité civile à la mise au point de systèmes intégrés d'aide à la décision associant les pompiers, le SAMU, le poste de commandement local, le préfet, voire la cellule nationale, détaille David Mercier. Tous sont fournisseurs d'informations et tous ont des besoins spécifiques pour gérer une même situation. Il faut donc concevoir un système qui sache trier, agréger l'information et la présenter sous la forme la plus utile à chacun. Cela implique d’apprendre au système toutes les procédures en vigueur pour qu'il puisse fournir à chaque niveau la bonne conclusion, en intégrant si nécessaire des informations imprévues. Et le tout dans un langage aussi proche que possible de celui des utilisateurs pour qu'une fois le système livré, ils puissent le faire évoluer sans avoir besoin de nous. Des notions banales du quotidien comme le proche, le lointain, le simultané, etc. se révèlent complexes à définir et à utiliser dans un tel système d’aide à la décision ». Intelligence énergétique « Le CEA bénéficie d'un atout très important à mon sens : sa forte culture pluridisciplinaire et sa capacité à faire collaborer efficacement plusieurs équipes, ce qui est décisif en intelligence artifi- L’exploitation d’énergies intermittentes introduit des contraintes complexes dans la gestion du réseau de distribution électrique. Des solutions de distribution intelligente de l’énergie (« smart grids ») répondent à cette problématique grâce à des outils d’intelligence artificielle. © CEA LIST cielle » estime Jean-Denis Muller, par ailleurs vice-président de l'Association française pour l'intelligence artificielle (AFIA5). « La possibilité de connecter désormais, grâce aux réseaux sans fil, des milliers de capteurs et d'énormes capacités de calcul et de stockage avec des algorithmes performants d'IA annonce une véritable révolution technologique, à laquelle le CEA doit participer avec ses atouts ». Un bel exemple est fourni par l'intelligence énergétique. « De plus en plus, à l'électricité fournie par le nucléaire et le thermique, viennent s'ajouter des sources d'énergie éolienne, photovoltaïque, solaire thermique, dont la production est par définition très difficile à planifier. Réguler, optimiser ces flux, sera possible grâce aux « smart grids », ces réseaux de trans- port d'énergie intelligents. Cette gestion, à court ou long terme, à l'échelle d'un équipement, d’un bâtiment, d'un quartier, d'une ville ou d'un pays, est un domaine où le CEA LIST, associé au CEA LITEN6, développe des solutions et participe au transfert de technologie vers des PME et des grands groupes ». L’intelligence artificielle est promise à un bel avenir, car elle constitue désormais une technologie mature et majeure dans notre société de l’information. « La valeur d’une donnée est dans l’usage que l’on sait en faire, et donc dans l’intelligence du traitement. En prendre conscience donne un avantage concurrentiel décisif » conclut Jean-Denis Muller. Charlotte Samson L'intelligence artificielle multi-agents est utilisée en robotique. 2/ Le cerveau humain compte plus de cent milliards de neurones. 3/ Centre rattaché à la Direction des applications militaires. 4/ CeRePP : Centre de recherche sur les pathologies prostatiques, animé par le Pr Oliver Cussenot, généticien et urologue à l'hôpital Tenon de Paris. 5/ L’AFIA a organisé l’événement Plateforme AFIA 2011 à Chambéry du 16 au 20 mai 2011 (http://www.afia2011.org). 6/ LITEN : Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles du CEA. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL 13 EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 14 © F. RHODES / CEA SANTÉ Cancer de la prostate L’analyse des molécules biologiques produites par l’organisme dans l’urine ou le plasma sanguin fournit de précieuses informations pour la compréhension de pathologies multi-factorielles comme le cancer de la prostate. Sur la photo, analyses chimiques par spectrométrie de masse. Vers un meilleur dépistage du cancer de la prostate Face au cancer le plus fréquent chez l’homme occidental, les scientifiques sont en quête de méthodes d’analyses plus sûres et prédictives. Les espoirs se tournent vers la métabolomique. riste palmarès 2010 pour le cancer de la prostate, 1er cancer, 4e cause de mortalité en France chez l’homme, selon l’Institut du cancer. À ce jour, les méthodes de diagnostic (toucher rectal, dosage sanguin de la protéine PSA sécrétée par la prostate) manquent de fiabilité. L’enjeu est de détecter précocement, et de manière certaine, les formes agressives de ce cancer. Aussi les scientifiques visent-ils de nouvelles stratégies et techniques. L’approche métabolomique présente des perspectives prometteuses. C’est l’analyse de l’ensemble des molécules de petite taille (métabolites), pour certaines volatiles, contenues dans les milieux biologiques (urine, plasma, cellules…). « Le chercheur accède aux produits des gènes de l’organisme, mais aussi aux substances naturelles issues de l’alimentation et aux produits chimiques présents dans l’environnement d’un individu. Il visualise ainsi les interactions entre son fonctionnement physiologique et ce avec quoi il est en contact au quotidien. De précieuses informations pour une meilleure compréhension des T 14 CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL pathologies multifactorielles comme le cancer de la prostate », explique Christophe Junot, chercheur à l'Institut de biologie et de technologies de Saclay (iBiTec-S). Depuis un an, il collabore à son dépistage avec le professeur Olivier Cussenot, uro-oncologue à l’hôpital Tenon de Paris, qui mène en parallèle des expériences sur l’identification olfactive, par des chiens dressés, d’urines de patients atteints de ce cancer. Une approche multidisciplinaire Pour le détecter, évaluer son évolution, l’équipe de Christophe Junot recherche donc des métabolites biomarqueurs1 dans les urines. Il s’agit d’ioniser les molécules organiques d’un échantillon, par des techniques basées notamment sur la spectrométrie de masse, une spécialité de ce laboratoire. Les ions produits, soumis à des champs électriques, sont individualisés selon leur rapport masse/charge. Le traitement des signaux donne un graphique (spectre de masse ou empreinte métabolique), riche en informations sur les métabolites présents. L’utilisation successive de logiciels et d’outils d’analyses statistiques dégage les ions intéressants. Par des comparaisons d’empreintes métaboliques, il est possible de distinguer un individu sain d’un malade et d’identifier les ions, donc les molécules discriminantes : ces ions sont fragmentés en motifs structuraux qui permettront de remonter à la molécule, de la même façon qu’on reconstitue un puzzle. Les analyses effectuées depuis un an montrent qu’il existe des « signatures moléculaires » caractéristiques des malades, mais sont-elles spécifiques à ce cancer ? Les chercheurs ne le savent pas encore. L’ identification de ces signatures est en cours. Séverine Bouvart 1/ Biomarqueur : paramètre biologique mesurable, dont les variations de concentration sont susceptibles de révéler la présence d’une pathologie ou l’exposition du patient à un toxique. EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 15 ACTUALITÉ télex... © J.-J. KRAEMER RESIZE CAMPUS PARIS - SACLAY Dominique Vernay élu président de la FCS Dominique Vernay, président de la FCS Campus Paris-Saclay. D’où viennent les sédiments ? Des climatologues de Saclay apportent leur expertise pour préciser l’origine des sédiments dans des bassins versants montagneux. Le Conseil d’administration de la Fondation de Coopération Scientifique (FCS) du Campus Paris-Saclay a élu Dominique Vernay à sa présidence, donnant ainsi un successeur à Paul Vialle, élu il y a deux ans. Né en 1948, Dominique Vernay a fait toute sa carrière dans le groupe Thales. Il préside le pôle de compétitivité SYSTEM@TIC PARIS-RÉGION. Fondateur du club des pôles mondiaux, il est aussi membre du CA du CNRS, du Conseil Stratégique d’OSEO et de la Conférence Nationale pour l’Industrie. Dominique Vernay a nommé Claude Chappert Directeur général de la Fondation de coopération scientifique. À 57 ans, ce directeur de recherche au CNRS est Médaille d’argent du CNRS (2000). De 2005 à 2011, il a été responsable de l’axe thématique « électronique de spin » du Centre de compétences en nanosciences de l’Île-de-France. Il est coordinateur du laboratoire d'excellence Nano-Saclay, labellisé en mars 2011. http://www.campus-paris-saclay.fr Les alluvions représentent un enjeu majeur, tant pour les installations hydro-électriques que pour la surveillance de la pollution. TOXICOLOGIE Chasse à la matière noire La cellule se défend contre les métaux lourds Le «trouble» des enfants maladroits © L. MÉDARD / CEA Le cadmium est un métal très toxique, largement présent dans les déchets industriels. Cependant, les mécanismes cellulaires et moléculaires responsables de sa toxicité ne sont pas bien compris. Chez la levure Saccharomyces cerevisiae, le glutathion, un composé antioxydant très abondant dans la cellule, est considéré comme la première défense contre les métaux lourds. Deux équipes de Saclay ont combiné des études structurales et des expériences de biochimie et de génétique afin de décrire, dans des conditions physiologiques, les premières étapes de la détoxification du cadmium par le glutathion cellulaire. Cinq particules riches de promesses ont été détectées au Laboratoire souterrain de Modane avec des détecteurs en service depuis un an, 35 fois plus sensibles que les précédents. Examen d’un gel de protéines de levure. RECHERCHE Investissements d’avenir Des chercheurs du centre CEA de Saclay sont associés à cinq « équipements d’excellence » sélectionnés par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : • CILEX, l’implantation d’un laser de forte intensité (dans un bâtiment souterrain du centre CEA de Saclay), • Digiscope, le développement de visualisations interactives de données très complexes (à Saclay), • TEMPOS, la création d’une plateforme d’élaboration, de caractérisation et d’exploration de nouvelles propriétés de nano-objets, (à Orsay), • ThomX, la construction d’une source X pour l’imagerie médicale et la thérapie, le patrimoine, les matériaux, etc. (à Orsay et Grenoble), • EQUIP@MESO, la mise en service d’ordinateurs de forte puissance, multisite (dont Paris, Grenoble). La dyspraxie est un trouble de la coordination motrice qui toucherait 250 000 enfants en France. Elle commence à être étudiée grâce à l’IRM par les spécialistes du développement cérébral à NeuroSpin. La thématique « climat, énergie, environnement » est un des axes forts de recherche du Campus Paris - Saclay. Sur la photo, prélèvements de particules atmosphériques pour analyse de la pollution urbaine, dans le cadre du programme européen MEGAPOLI. © F. RHODES / CEA Neuf « laboratoires d’excellence » comptent des équipes du centre CEA de Saclay : • Centre des matériaux pour l’énergie et la combustion propre (EMC3), • Laboratoire systèmes et ingénierie de ParisSaclay (LASIPS), • Laboratoire de recherche sur le médicament et l’innovation thérapeutique (Lermit), • LabEx Institut Pierre-Simon Laplace (L-IPSL), • Nano-Lab multidisciplinaire de Paris-Saclay (Nano-Saclay), • Physique : atomes, lumière, matière (Palm), • Physique des deux infinis et des origines (P2IO), • Terre - planètes - univers : observation, modélisation, transfert (UnivEarthS), • Initiative pour la création d'un Institut de recherche vaccinale (VRI). CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL 15 EXE_13_05_11_JOURNAL51_steph.qxp 20/05/11 10:34 Page 16 En étudiant le mercure à la température de l’hélium liquide, - 269°C, Heike Kamerlingh Onnes découvrait le 8 avril 1911, un nouveau phénomène physique surprenant : la supraconductivité. Accès / ouvert à tous, entrée gratuite. Lieu / Institut national des sciences et techniques nucléaires. Entrée Est du centre (voir plan d’accès ci-dessous). Date et heure / lundi 20 juin 2011 à 20 heures. Organisation et renseignements / Centre CEA de Saclay, Unité communication. Tél. 01 69 08 52 10. Adresse postale : 91191 Gif-sur-Yvette Cedex. CONFÉRENCE CYCLOPE LUNDI 20 JUIN 2011 À L’INSTN Par Philippe Chomaz, directeur de l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers ; Luc Barbier et Florence Albenque-Rullier, chercheurs à l’Institut rayonnement matière de Saclay, centre CEA de Saclay. 1911-2011 La supraconductivité, entre rêve et réalité Depuis la découverte de la supraconductivité, en 1911, l’image d’un aimant en lévitation au-dessus d'un échantillon dans l'état supraconducteur a frappé les imaginations. L’homme s’est vu naviguer sur terre comme sur mer. Il s’est imaginé pouvoir transporter l’électricité sans perte et la stocker sans limitation dans le temps. Aujourd’hui, il est captivant de voir ce qui relève encore de la science-fiction et ce qui s’est traduit par des avancées réelles, sans oublier que les très récentes découvertes de nouveaux types de supraconductivité sont loin d’avoir livré leurs secrets. Dans un métal, le transport de l’électricité s’effectue via le déplacement des électrons qui subissent des collisions et sont freinés dans leurs mouvements même au zéro absolu (-273,15°C). Or, dans certains matériaux, les électrons se mettent à circuler sans dissipation d’énergie. La résistance électrique du matériau s’annule brutalement et il devient « super » conducteur, d’où l’origine du mot « supraconductivité ». Une deuxième propriété, l’effet Meissner, explique la lévitation d’un aimant au-dessus d’un élément supraconducteur : l’aimant se met à flotter, aussi aisément qu’un bateau sur l’eau. Il y a vingt-cinq ans, la découverte de supraconducteurs à haute température critique (HTC) a réveillé les attentes dans le domaine. Le seuil de -250°C était franchi, brisant la limite conceptuelle en température critique pour les supraconducteurs usuels. Depuis 2007, d'autres familles de matériaux supraconducteurs ont été repérées. L’utilisation de la supraconductivité est un des savoir-faire du CEA, qu’il s’agisse de recherche fondamentale ou d’applications pour la physique des particules et l’imagerie médicale. Les conférenciers s’attacheront à expliquer « les » supraconductivités et leurs grands domaines d’application. www-centre-saclay.cea.fr Centre CEA de Saclay Le Journal / N° 51 / 2 trimestre 2011 / Éditeur CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) Centre de Saclay 91191 Gif-sur-Yvette Cedex / Directeur Yves Caristan / Directrice de la publication Danièle Imbault / Rédacteur en chef Christophe Perrin Rédactrice en chef adjointe Sophie Martin / avec la participation de Luc Barbier, Séverine Bouvart, Gaëlle Degrez, Charlotte Samson. Conception graphique Efil communication (www.efil.fr). N° ISSN 1276-2776 Centre CEA de Saclay. / Droits de reproduction, textes et illustrations réservés pour tous pays. Impression Gibert-Clarey, imprimeur labellisé Imprim’vert (charte pour la réduction de l’impact environnemental, la traçabilité et le traitement des déchets). Papier certifié PEFC / 10-31-1073 (garantie d’une gestion durable des ressources forestières). e © CEA / D. TOUZEAU INFOS PRATIQUES