éditorial
du virus de la PPA entre individus réceptifs est prouvé,
faisant de la PPA une arbovirose au sein de l’écosystème
réservoir. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’au sein des
espèces sensibles, la transmission se fait essentiellement par
contact direct entre animaux ou indirect par l’intermédiaire
de l’alimentation ou l’environnement contaminé.
L’agent étiologique est un virus très original à ADN double-
brin, enveloppé et à symétrie icosaédrique. Il appartient à
la famille des Asfarviridae dont il est le membre unique.
Le séquenc¸age du génome complet a permis d’identifier
près de 150 gènes dans une organisation génomique assez
proche de celle des poxvirus. Les méthodes de génoty-
page moléculaire ont permis de caractériser 22 génotypes
majeurs qui sont des identifiants essentiels pour compren-
dre la circulation des souches virales et l’épidémiologie
de la maladie correspondante. Au sein de chaque géno-
type, il existe une variabilité du pouvoir pathogène dont les
supports sont encore mal connus.
Le virus de la PPA est particulièrement résistant à une
large gamme de pH et de températures, ce qui explique
son extraordinaire persistance dans les denrées alimen-
taires issues d’animaux contaminés ou dans les milieux
qu’ils ont contaminés. Ainsi il peut résister plus de deux
ans dans une viande congelée et plus de trois mois dans
un sang à température ambiante. De même à la différence
de nombreux autres virus comme celui de la fièvre aph-
teuse, il n’est pas inactivé par la maturation lactique des
viandes après abattage. Il est donc capable de persister
dans de nombreuses denrées alimentaires ou des déchets
de cuisine communément dénommés « eaux grasses ». Ce
sont probablement ces « eaux grasses » qui constituent le
vecteur essentiel de la dissémination intercontinentale de
la maladie hors de son berceau est-africain. Il s’agit, en
effet, de déchets beaucoup plus difficiles à contrôler que
les denrées alimentaires tout particulièrement quand ils sont
issus de moyens de transports à longue distance (bateaux,
avions).
Leur dissémination explique probablement, en l’absence
d’échanges d’animaux sensibles, la première introduction
de la PPA en Europe, au Portugal, en 1957 puis les nom-
breux épisodes de réintroduction entre 1960 et 1986 dans de
nombreux autres états du continent (Espagne, France, Ita-
lie, Malte, Belgique). Vigoureusement combattue à l’aide
des seules méthodes sanitaires disponibles, elleyaété
éradiquée comme dans les quelques États d’Amérique du
Sud et des Caraïbes où elle avait émergé au cours des
années 1970. Depuis le milieu des années 1990, elle n’a
réussi à persister en dehors du continent africain qu’en Sar-
daigne où son impact est contrôlé sans pouvoir atteindre
l’éradication, compte tenu des structures de l’élevage por-
cin local et de la présence d’une importante population de
sangliers. Les autorités en charge de la santé animale dans
l’UE surveillaient très attentivement la situation de la PPA
en Sardaigne redoutant une extension par contiguïté vers
d’autres territoires de l’UE comme la Corse ou d’autres
régions italiennes.
C’est donc une véritable émergence surprise qui a eu
lieu en Géorgie au début (officiellement détectée en avril)
de l’année 2007 bien loin des zones sub-sahariennes de
l’Afrique et de Madagascar où elle sévit de fac¸on persistante
sous forme enzootique dans les élevages et asymptomatique
chez les suidés sauvages autochtones [2, 3]. À partir de la
Géorgie, la PPA a atteint l’Arménie puis la frontière sud
de la Russie avant d’atteindre Rostov (sur le Don) et d’être
détectée dans la région de Saint-Pétersbourg (Baltique) en
octobre 2009 ! Cette extension spectaculaire montre que la
PPA est maintenant présente dans toute la Russie où ont été
officiellement dénombrés près de 300 foyers [4]. Fin juillet
2012, un premier foyer a été détecté en Ukraine sur la rive
nord de la mer d’Azov dont la rive est, notamment autour de
Rostov, connaît une prévalence particulièrement élevée de
foyers. La FAO a fait part de son inquiétude sur l’évolution
de la situation [4], non seulement pour l’Ukraine mais aussi
pour l’ensemble de la Russie et des États adjacents aussi
bien à l’ouest (UE et Biélorussie) qu’à l’est (Chine).
Cette inquiétude peut être partagée pour plusieurs rai-
sons objectives. La première est liée à l’absence d’un
vaccin efficace malgré les efforts en cours depuis plu-
sieurs décennies, lesquels ont permis des progrès sans
pour autant pouvoir espérer disposer avant longtemps d’un
outil vaccinal comparable à celui disponible pour la peste
bovine [5]. La deuxième concerne la méconnaissance des
déterminants des divers cycles de propagation possible
du virus de la PPA ; ainsi le rôle des tiques en situa-
tion de type sangliers/porcs/pays tempérés est inconnu
comme l’importance et la nature des réservoirs efficaces
dans cette configuration [2]. La troisième question cen-
trale est liée au rôle du sanglier dans la propagation de
la PPA dans la région eurasienne. En effet, les densi-
tés de population de sangliers et d’élevage de porcs en
petites unités familiales sont importantes dans les pays
d’Europe orientale et centrale [4] ; les contacts entre les
deux populations sensibles pourraient favoriser l’extension
épizootique de la maladie compte tenu notamment de la
grande virulence du génotype introduit depuis 2007 (géno-
type II) vis-à-vis des populations de suidés autochtones
[6]. Enfin, il ne faut pas négliger les possibles recombi-
naisons qui peuvent déjà avoir eu lieu [7] et qui pourraient
être associées dans le futur à des changements phénoty-
piques influenc¸ant de fac¸on déterminante l’épidémiologie
de la maladie.
Compte tenu de toutes ces incertitudes, un renforcement
de la surveillance de la PPA combinant l’ensemble des
méthodes disponibles dans les populations à risque est
340 Virologie, Vol 16, n◦6, novembre-décembre 2012
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