Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 4ème partie
VII-3 : DYSFONCTIONNEMENTS VISUELS ASSOCIÉS À
QUELQUES MALADIES PÉDIATRIQUES MÉTABOLIQUES,
SYSTÉMIQUES et NEUROLOGIQUES. Apport du bilan
électrophysiologique
Quatrième partie
Florence Rigaudière
Eliane Delouvrier
Nuria Garcia Segarra1, 2
Manuel Schiff1
1-Centre de référence Maladies Rares, Maladies Héréditaires du métabolisme, hôpital
Robert Debré, APHP, Paris, France,
2-Centre des maladies moléculaires, département médico-chirurgical de pédiatrie, Centre
Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse
Pour citer ce document
Florence Rigaudière, Eliane Delouvrier, Nuria Garcia Segarra et Manuel Schiff, «VII-3 :
DYSFONCTIONNEMENT VISUELS ASSOCIES A QUELQUES MALADIES PEDIATRIQUES
METABOLIQUES, SYSTEMIQUES ET NEUROLOGIQUES. Apport du bilan
électrophysiologique», Oeil et physiologie de la vision [En ligne], VII-Electrophysiologie
pédiatrique, publié le 17 juillet 2015, mis à jour le 26/02/2016, URL :
http://lodel.irevues.inist.fr/oeiletphysiologiedelavision/index.php?id=257,
doi:10.4267/oeiletphysiologiedelavision.257
Plan
Erreurs innées du métabolisme des cobalamines ou vitamine B12
Introduction
But du chapitre : défauts des cobalamines et déficiences visuelles associées
Etapes métaboliques succinctes des cobalamines
De l’ingestion à la circulation portale
Transport plasmatique
Métabolisme intracellulaire : cytoplasme et mitochondrie
Différents défauts du métabolisme des cobalamines
Carence d’apport : maladie acquise, non génétique
Défauts d’absorption
Déficits en transcobalamine : TC
Défauts intracellulaires : cblF, J, C, D, E & G, B & A
Défauts du métabolisme des cobalamines et déficiences visuelles associées
Déficiences visuelles associées : publiées en nombre limité
Exemples présens ci-dessous et leurs apports
Résultats électrophysiologiques normaux : rappel
Déficit en transcobalamine TC par défaut de transport
Rappels : origine, mode de transmission, signes cliniques généraux
Déficience visuelle associée à un déficit en TC : quatre cas publiés dans la littérature
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 4ème partie
Déficit en transcobalamine TC : un cas personnellement suivi sur 5 ans
Remarque importante : définition inner dystrophy
Comparaison de notre cas aux trois autres publiés
Préconisation pour les patients déficitaires en TC
Défaut cblC
Manifestations cliniques
Manifestations visuelles des défauts cblC
Neuf patients cblC suivis au long cours
Six sujets testés à partir de leur 1ère année de vie
Trois sujets testés à partir de la fin de leur 1ère décennie
Défaut cblC : synthèse des résultats cliniques
Défaut cblC : synthèse des aspects des fonds d’yeux
Défaut cblC : synthèse et apport de l’électrophysiologie
Comparaison entre résultats fonctionnels et anatomiques apportés par l’OCT
Résumé des précisions apportées par nos résultats
Origines possibles des dysfonctionnements rétiniens
Pour conclure…
Défauts cblD, cblE & cblG
Défaut cblD : fréquence, classification et génétique
Manifestations cliniques du défaut cblD
Manifestations visuelles du défaut cblD
Un sujet avec défaut cblD
Défauts cblE & cblG
Deux frères avec défaut cblE
Un sujet avec défaut cblG
Conclusion
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 4ème partie
Texte intégral
Remerciements au Dr Hélène Ogier de Baulny, aux médecins du service de neurologie et
maladies métaboliques, hôpital Robert Debré, Paris, au Dr Dominique Thouvenin,
Toulouse, pour nous avoir adressé leurs patients, au Dr Liza Véra, service
d’ophtalmologie, hôpital Robert Debré, Paris, au Dr Jean-François Benoist, service de
biochimie, hôpital Robert Debré, Paris
Erreurs innées du métabolisme des cobalamines ou vitamine
B12
Introduction
La vitamine B12, également appelée cobalamine, est une vitamine hydrosoluble qui
existe sous plusieurs formes d’où la terminologie : les cobalamines. Elle est apportée à
l’homme uniquement par l’alimentation à travers la consommation de produits d’origine
animale : foie, poisson, viande, œufs, laitages. Elle n’est pas synthétisée par l’organisme
humain. Ses réserves sont essentiellement hépatiques. Les besoins journaliers sont
estimés à environ 2,4 µg/jour.
Toutes les étapes de son métabolisme : apport, absorption, transport sanguin, captation
intracellulaire ou utilisation intracellulaire peuvent présenter des défauts.
Les manifestations cliniques de ces défauts sont variées mais elles ont en commun leur
fréquente précocité qui se traduit par une détérioration neurologique progressive et une
atteinte hématologique (anémie mégaloblastique, pancytopénie).
But du chapitre : défauts des cobalamines et déficiences visuelles
associées
Après un rappel succinct des différentes étapes du métabolisme des cobalamines et des
défauts possibles, nous nous intéresserons plus particulièrement aux défauts du
métabolisme des cobalamines associées à des déficiences visuelles qui se manifestent
essentiellement par des dysfonctionnements rétiniens (surtout pour le défaut cblC) et
plus rarement par des dysfonctionnements des voies visuelles.
Quelques exemples cliniques avec les résultats de l’exploration fonctionnelle visuelle par
électrophysiologie et ses évolutions quand elles sont connues, sont présentés et
commentés ci-dessous.
Etapes métaboliques succinctes des cobalamines
(Zschocke J. & Hoffmann GF., 2005), (Thauvin-Robinet & Roze, 2007), (Ogier de Baulny,
Schiff & Benoist, 2011), (Saudubray JM, Van den Berghe G & Walters JH., 2012), (De
Lonlay, Dubois, Valayannopoulos, Depondt, Ottolenghi & Rabier, 2013).
De l’ingestion à la circulation portale
L’absorption de la vitamine B12 alimentaire implique d’abord sa liaison à l’haptocorrine
pour former un complexe stable. L’haptocorrine est une glycoprotéine produite par les
sécrétions salivaires et gastriques. Ce complexe est dissocié au niveau de l’intestin grêle
par des protéases pancréatiques. La cobalamine libérée (cbl) se fixe au facteur
intrinsèque gastrique (FI) secrété par les cellules pariétales de l’estomac.
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 4ème partie
Ce complexe (cbl-FI) parcourt l’intestin grêle jusqu’à l’iléon terminal où il se fixe sur des
récepteurs membranaires spécifiques (cubiline et amnionless) pour pénétrer dans
l’entérocyte par endocytose. Libérée du facteur intrinsèque, la cobalamine se fixe dans
l’entérocyte à un 3ème transporteur, la transcobalamine (TC) ; le complexe cbl-TC est
libéré dans le sang, puis capté par le foie (organe de réserve), la moelle osseuse (cellules
utilisatrices) et d’autres cellules.
Transport plasmatique
Dans le plasma, le transport se fait grâce à deux transporteurs, la transcobalamine et
l’haptocorrine. 30% de la cobalamine circulante est liée à la transcobalamine (TC), alors
que 70% est liée à l’haptocorrine synthétisée par les granulocytes neutrophiles dont elle
n’est libérée qu’après plusieurs jours (De Lonlay et al., 2013). Cependant, seule la TC (et
non l’haptocorrine) assure le transport de la cobalamine circulante aux cellules cibles
pour permettre sa captation et son utilisation intracellulaire.
Métabolisme intracellulaire : cytoplasme et mitochondrie
La cobalamine circulante liée à la transcobalamine TC se fixe sur des récepteurs
spécifiques (R), est endocytée par le lysosome, y est libérée de la transcobalamine puis,
transférée dans le cytoplasme cellulaire. Elle est ensuite transformée après plusieurs
étapes, d’une part, en méthylcobalamine (MeCbl ou CH3Cbl) dans le cytoplasme et,
d’autre part, en adénosylcobalamine (AdoCbl) dans la mitochondrie (figure VII-3-75). Les
différentes étapes sont dénommées de cblA à cblG, selon la progression temporelle des
découvertes de leursfauts.
Rôle de la MeCbl
La méthylcobalamine (MeCbl) permet la reméthylation de l’homocystéine en
méthionine étant le cofacteur de la méthionine synthétase cytoplasmique (MS), elle-
même catalyseur de la réaction de transformation de l’homocystéine en méthionine
(figure VII-3-76).
Cette transformation de l’homocystéine en méthionine permet le transfert de
groupements méthyl dans le cytosol grâce à la S-adénosylméthionine (SAM). Ces
groupements méthyl sont nécessaires, entre autres, à la méthylation de l’ADN, à la
synthèse de la créatine, de la choline, de l’adrénaline, de la myéline, etc.
Une diminution en MeCbl entraîne l’accumulation d’homocystéine -facteur favorisant les
thromboses- et la diminution de méthionine à l’origine d’un déficit en groupements
méthyl. Ces facteurs combinés participent aux complications neurologiques (Thauvin-
Robinet & Roze, 2007).
Une diminution en MeCbl cause aussi une accumulation de méthyltétrahydrofolate
(MTHF) et un déficit relatif en tétrahydrofolate (THF) (figure VII-3-76) avec
ralentissement des réactions folate-dépendantes à l’origine d’une anémie
mégaloblastique et/ou d’une pancytopénie.
Rôle de AdoCbl
L’adénosylcobalamine mitochondriale (AdoCbl) est le cofacteur de la méthylmalonyl-CoA
mutase, enzyme mitochondriale qui convertit le méthylmalonyl-CoA en succinyl-CoA
(figure VII-1-75). Cette réaction fait partie du catabolisme des acides aminés ramifiés
(valine, isoleucine, leucine) (Kapadia, 1995). Le succinyl-CoA est un intermédiaire du
cycle de Krebs.
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 4ème partie
Différents défauts du métabolisme des cobalamines
Chaque étape du métabolisme des cobalamines peut être affectée par un défaut à
l’origine de pathologies qui se révèlent habituellement précocement dans la vie par des
troubles hématologiques et neurologiques et/ou digestifs.
Ces défauts peuvent se manifester un peu plus tard par des troubles neurologiques et
systémiques, rénaux, cardiaques, respiratoires (par micro-angiopathie thrombotique) le
plus souvent associés à une anémie mégaloblastique (Thauvin-Robinet & Roze, 2007).
Tous ces défauts sont héréditaires autosomiques récessifs.
Ces défauts peuvent se regrouper autour de plusieurs pôles : (1) les carences d’apport
(maladie acquise), (2) les défauts d’absorption, (3) les défauts de transport et (4) les
anomalies du métabolisme intracellulaire par mutations et défauts des cobalamines
classées de cblA à cblG (Watkins & Rosenblatt, 2011), (Watkins, Rosenblatt & Fowler B.,
2012) (figure VII-3-75).
Selon le site du blocage enzymatique, ces défauts distincts ont pour conséquence un
déficit en MeCbl et/ou AdoCbl à l’origine d’une accumulation d’homocystéine
(hyperhomocystéinémie) et d’acide méthylmalonique (acidurie méthylmalonique)
respectivement (Fowler, 1998), (Watkins et al., 2012)
Une brève description de leurs origines et manifestations cliniques est donnée ci-dessous.
Carence d’apport : maladie acquise, non génétique
C’est la cause la plus fréquente de carence en cobalamine (Zschocke J. & Hoffmann GF.,
2005). Il est dû à une carence d’apport en vitamine B12 d’origine nutritionnelle.
Chez le nourrisson, il peut résulter d’un allaitement exclusif par une mère carencée en
vitamine B12 qui suit, par exemple, un régime végétalien ou qui souffre d’une maladie de
Biermer (anémie pernicieuse, pouvant être asymptomatique chez la mère). Il peut aussi
se produire chez un sujet ayant subi une gastrectomie ou une résection de l’intestin grêle
non supplémentés en vitamine B12.
Défauts d’absorption
Ils sont dus, soit à un défaut congénital en facteur intrinsèque (FI, gène GIF), soit à un
défaut de récepteur iléal du complexe cbl-FI, récepteur appelé CUBAM (gènes Cubilin et
Amnionless). Cette anomalie porte le nom de syndrome d’Imerslund-Gräsbeck (Watkins
et al., 2012).
Ces troubles d’absorption sont bien contrôlés par l’apport intramusculaire de vitamine
B12 à intervalles réguliers, tous les 4 à 6 mois (Boina Abdallah, Ogier de Baulny,
Kozyraki, Passemard, Fenneteau, Lebon, Rigal, Mesples, Yacouben, Giraudier, Benoist &
Schiff, 2012).
Remarque importante
Aucune anomalie visuelle n’a jamais été décrite jusqu’ici pour les défauts énoncés ci-
dessus (carence d’apport et défauts d’absorption)
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