Éditorial
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avril 723
Infectiologie et micro
biologie entre complexité
et santé publique
Prs LAURENT KAISER et THIERRY CALANDRA
Deux événements récents ont marqué notre
spécialité; ils illustrent deux phénomènes
communs en infectiologie: d’abord nos limites
à anticiper l’évolution du monde microbien,
ensuite les répercussions qu’une maladie in-
fectieuse peut avoir sur la santé publique à
l’échelle d’un continent. Ces deux
événements sont l’identification
d’un nouveau mécanisme de ré-
sistance des entérobactéries à un
antibiotique de dernier recours,
la colistine, et l’épidémie due au
virus Zika en Amérique du Sud.
Ces observations illustrent aussi
les frontières infinies de notre spé-
cialité qui navigue entre des mi-
croorganismes si différents mais qui procè dent
de phénomènes similaires lorsqu’ils émergent
du monde animal.
Parlons d’abord des entérobactéries et de la
colistine. Grâce à une investigation méticu-
leuse, des confrères chinois ont identifié que
des entérobactéries productrices de carbapé-
némases, enzymes conférant une résistance
aux antibiotiques de la famille des carbapé-
nèmes (antimicrobiens au spectre d’activité
le plus large ciblant les bactéries Gram néga-
tif ) pouvaient transporter un élément géné-
tique (plasmide) codant pour une résistance
à la colistine. Où est la nouveauté, étant en-
tendu que la résistance à la colistine était un
phénomène connu? Jusqu’à présent les mi-
crobiologistes nous disaient que cette résis-
tance était constitutive et codée par des gènes
bactériens. La nouveauté réside dans le fait
que cette résistance s’avère aussi dorénavant
transmissible d’une espèce bactérienne à une
autre grâce à un élément génétique mobile
plasmidique. En quoi cette nouvelle est-elle
pertinente pour notre pratique? La colistine
est un antibiotique de dernier recours pour
traiter les bactéries Gram négatif multirésis-
tantes qui circulent à travers le monde. Le
risque dorénavant est que cette résistance se
transmette de manière facilitée d’une bacté-
rie à une autre, posant des problèmes sérieux
de contrôle des infections. Cette observation
illustre aussi plusieurs points fondamentaux
de l’infectiologie. Tout d’abord les animaux
d’élevage, ici les cochons, qui sont exposés à
de multiples pressions antibioti-
ques lors de leur croissance, sont
un réservoir expérimental extra-
ordinaire pour le monde bacté-
rien; les bactéries peuvent évoluer
et s’adapter pres que sans limite.
Ces interactions entre l’environ-
nement, l’usage à large échelle
d’antibiotiques, le transfert de
gènes de résistance, puis l’émer-
gence de ces bactéries dans la population
humaine, et fina lement dans nos hôpitaux,
illustrent la complexité des phénomènes en
jeu et les difficultés à prédire l’évolution du
monde microbien et l’apparition de nouvel-
les infections en médecine humaine. Une fois
cette découverte publiée, ces germes ont été
comme par miracle découverts rapidement
partout dans le monde, y compris en Suisse,
où des patients, porteurs de ces bactéries ré-
sistant à tout l’arsenal antibiotique disponi-
ble, sont déjà identifiés. La science microbio-
logique rencontre immédiatement les sciences
cliniques et le contrôle des infections. Les
bactéries, elles, nous ont, comme souvent,
déjà devancés.
Lorsque l’attention du monde entier était
tournée vers le virus Ebola, une épidémie avait
lieu dans l’océan Pacifique, en particulier en
Polynésie française, due à un virus au nom
étrange de Zika. Ce virus, découvert dans une
forêt ougandaise au milieu du siècle dernier,
avait officiellement causé moins d’une ving-
taine de cas jusqu’en 2007. C’est ce que la lit-
térature nous disait, la vérité est certaine-
ment autre; nous avons affaire à une zoonose
non reconnue car non diagnostiquée. Il y a
fort à parier que ce virus a déjà depuis des dé-
Articles publiés
sous la direction
des professeurs
LAURENT KAISER
Service des maladies
infectieuses
Laboratoire de
virologie et Centre
de référence des
infections virales
émergentes
HUG, Genève
THIERRY CALANDRA
Service des maladies
infectieuses
Département de
médecine
CHUV, Lausanne
CES GERMES ONT
ÉTÉ COMME
PAR MIRACLE
DÉCOUVERTS
RAPIDEMENT
PARTOUT DANS
LE MONDE
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