Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1985, 5 (1), 163-169.
Le mouvement des chevaux à travers le monde
et son influence sur la propagation
des maladies infectieuses
D.G. POWELL*
Résumé : Au cours des trois dernières décennies, on a assisté à un accroisse-
ment important des déplacements de chevaux à travers le monde. La majorité
des chevaux sont transportés par voie aérienne et ceci a contribué à la propa-
gation de certaines maladies infectieuses. Les mesures visant à éviter leur
transmission relèvent de la responsabilité des Services vétérinaires gouverne-
mentaux. En effet, ces derniers ont la charge de certifier que les chevaux et
leur localité d'origine sont indemnes de maladies contagieuses. Les réglemen-
tations semblent avoir été efficaces au cours des quinze dernières années pour
empêcher la propagation de plusieurs maladies graves à déclaration obliga-
toire, telles que la peste équine et l'encéphalomyélite équine vénézuélienne.
Cependant, beaucoup d'infections équines, plus bénignes, rarement mortelles,
se sont trouvées largement disséminées à la suite de mouvements internatio-
naux de chevaux : c'est le cas notamment de la grippe et de la métrite conta-
gieuse équines.
Pour appliquer une meilleure prophylaxie, il est nécessaire de mettre en
place, au plan mondial, une épidémiosurveillance continue de la population
équine. Cette action doit s'appuyer sur l'utilisation de laboratoires compétents
pour confirmer les causes des foyers locaux de maladie. Lorsque ce système
sera opérationnel, chaque foyer devra faire l'objet de déclarations aux niveaux
national et international si l'on considère qu'il constitue une menace sanitaire
pour le commerce des chevaux. Il convient d'établir une meilleure communi-
cation entre les Services vétérinaires officiels et les institutions du milieu
équestre au sein de chaque pays aussi bien qu'au plan international pour
s'assurer que des informations précises soient fournies rapidement et dissiper
les malentendus.
MOTS-CLÉS : Commerce international - Haemophilus equigenitalis - Mala-
dies du cheval - Piroplasma - Prophylaxie - Surveillance des maladies - Virus de
l'anémie infectieuse des équidés - Virus de l'encéphalomyélite équine vénézué-
lienne - Virus de la grippe équine - Virus de la peste équine.
INTRODUCTION
Les chevaux circulent d'un pays à un autre pour diverses raisons, telles que la
vente d'un animal, la participation à des compétitions équestres, ou à des fins de
reproduction. Au cours de la dernière décennie, on a observé une augmentation très
nette des déplacements de chevaux. En effet, cette espèce joue un rôle grandissant
* Department of Veterinary Science, College of Agriculture, University of Kentucky, Lexington,
KY 40546-0076, Etats-Unis.
164
r dans les activités de loisir car celles-ci deviennent accessibles à un public de plus en
plus large. Ces activités comprennent non seulement les sports équestres tradition-
nels,
courses et concours hippiques, mais aussi d'autres plus variés tels que les
épreuves d'endurance, de saut, de traction, ainsi que les programmes de loisirs des-
tinés aux jeunes enfants et aux adolescents. En conséquence, les compétitions
équestres ont pris une ampleur considérable à la fois aux niveaux national et inter-
national. Beaucoup de ces compétitions, notamment dans le cadre des manifesta-
tions internationales, sont soumises à la réglementation de la Fédération équestre
internationale (FEI) qui est responsable de leur coordination et de leur supervision.
C'est pourquoi, au cours des dix dernières années, les chevaux pur-sang ont pris
une grande valeur économique en raison de leurs qualités de coureurs ou de repro-
ducteurs, et ont acquis le statut de marchandises sur le marché international. Pour
augmenter leur valeur, ces animaux sélectionnés sont fréquemment déplacés à tra-
vers le monde dans le cadre d'engagements pour des courses ou la reproduction. La
plupart des chevaux se laissent transporter avec calme sans être perturbés par les
longs voyages imposés et en s'adaptant assez bien à un environnement en perpétuel
changement.
A l'intérieur d'un même pays, le transport des chevaux se fait habituellement
par la route, mais pour de longues distances entre continents, le transport aérien est
le plus pratiqué. Précédemment, le transport maritime sur de longues distances
imposait une période utile de quarantaine mais l'usage croissant du transport aérien
a contribué à propager des maladies équines, l'exemple le plus manifeste étant la
grippe équine.
Les progrès des méthodes de laboratoire pour faciliter le diagnostic des maladies
infectieuses équines ont abouti à la mise en évidence de nombreux agents pathogè-
nes "nouveaux". Ceux-ci comprennent les agents causals de la métrite contagieuse
équine (MCE), de la fièvre du Potomac (ehrlichiose monocytaire du cheval) et
l'infection par le virus Getah. La répartition de ces maladies se révèle au fur et à
mesure que les laboratoires des différents pays mettent au point les techniques
nécessaires pour confirmer leur diagnostic.
PROBLÈMES RÉCENTS LIÉS AU MOUVEMENT DES CHEVAUX
Au cours des vingt-cinq dernières années, il a été prouvé que la circulation des
chevaux exerce une influence sur la propagation de beaucoup de maladies infectieu-
ses et contagieuses (Tableau I). D'autres maladies comme la gourme, la rhinopneu-
monie équine et la teigne, qui sont enzootiques dans beaucoup d'effectifs de che-
vaux, et non déclarées régulièrement, sont souvent disséminées à l'occasion des
déplacements internationaux.
Peste équine
A la suite de l'éradication complète de la peste équine en Espagne, au début de
l'année 1967, il n'y a pas eu de nouvelles déclarations de la maladie signalées en
dehors de la zone enzootique africaine. Comme précaution supplémentaire, plu-
sieurs pays, notamment en Europe, interdisent l'importation de chevaux en prove-
nance des pays considérés comme infectés par la maladie ou qui pratiquent la vacci-
nation antipestique.
165
TABLEAU I
Foyers récents de maladie consécutifs au mouvement des chevaux
Maladie Pays concernés Date et origine
Peste équine Moyen-Orient, Asie
du Sud-Ouest, Inde,
Chypre
1959 - Extension de
l'épizootie
africaine
Espagne 1966 - Extension de l'épizoo-
tie
d'Afrique
du Nord
Métrite contagieuse Royaume-Uni, 1977 - Importation
d'une
équine (MCE) Irlande jument porteuse
Australie 1977 - Importation
d'animaux
porteurs en provenance
d'Europe
Etats-Unis 1978 - Importation
d'étalons
porteurs en provenance
d'Europe
Japon 1980 - Importation d'un ani-
mal porteur en prove-
nance
d'Europe
Anémie infectieuse Royaume-Uni 1974 - Importation
d'une
jument porteuse
Grippe équine Etats-Unis 1963 - Nouveau sous-type
2 importé
d'Amérique
du Sud
Singapour et Malaisie 1977 - Sous-type 1 importé
d'Europe
Royaume-Uni 1979 - Sous-type 2 importé au
cours d'un concours
hippique international
Piroplasmose Etats-Unis 1959 - Importation de che-
vaux cubains infectés
par
B. caballi
Encéphalomyélite équine Etats-Unis 1971 - Extension de
l'épizootie
vénézuélienne (EEV) à partir des Amériques
du Sud et Centrale
Métrite contagieuse équine (MCE)
A la suite des premières déclarations de MCE en Angleterre et en Irlande, au
cours du premier semestre 1977, la maladie a été identifiée dans plusieurs pays euro-
péens,
en Scandinavie, aux Etats-Unis, au Japon et en Australie (5). Une prophylaxie
efficace a été obtenue par l'application de "Codes de pratique" qui recommandaient
l'utilisation de méthodes pour l'identification et le traitement des animaux infectés.
Le plus grand risque de propagation de la MCE qui existe actuellement, provient des
jeunes poulains lorsqu'ils commencent leur carrière de reproducteur alors qu'ils
étaients de mères infectées par la bactérie de la MCE au moment de leur mise bas.
Entre 1978 et 1982, Timoney et Powell (8) ont réussi l'isolement de l'agent de la MCE
à partir de seize poulains qui n'avaient pas eu de contact sexuel,
et d'autres cas ont été signalés depuis. Ces observations soulignent l'importance d'un
166
examen bactériologique minutieux de l'appareil génital de tous les poulains avant
leur exportation, comme cela est recommandé par le Code Zoo-sanitaire Internatio-
nal publié par l'Office International des Epizooties (OIE).
L'agent causal de la MCE, appelé précédemment Haemophilus equigenitalis, est
maintenant officiellement classé sous le nom de Taylorella equigenitalis (souche du
type NCTC 11184) (1).
Anémie infectieuse des équidés (AIE)
Dans plusieurs pays comme les Etats-Unis, la France et le Japon, l'incidence de
l'AIE a nettement régressé parmi les effectifs équins qui utilisent l'épreuve diagnos-
tique d'immunodiffusion et qui appliquent simultanément un programme régle-
mentaire d'interdiction de déplacement pour les animaux séropositifs.
Aux Etats-Unis, le pourcentage de prélèvements séropositifs a baissé de 3,8% en
1972 à 0,6% en 1982 (4). A la suite de la 4e Conférence internationale sur les mala-
dies infectieuses équines, qui
s'est
tenue en France en 1976, un accord a été conclu
sur la préparation de sérums internationaux de référence pour contrôler la sensibi-
lité de l'épreuve d'immunodiffusion. Ces sérums sont disponibles auprès de labora-
toires spécialisés aux Etats-Unis, au Japon et en France. Le diagnostic de l'AIE a
été récemment amélioré par la mise au point de la méthode ELISA (7) qui est consi-
dérée comme étant suffisamment sensible pour détecter les anticorps spécifiques de
l'AIE. La méthode a également l'avantage de permettre l'analyse d'un grand nom-
bre de prélèvements sanguins dans une période courte.
Grippe équine
Il n'est apparu aucune pandémie majeure de grippe depuis l'émergence du sous-
type 2 en Amérique du Nord en 1963. Depuis cette époque, des épidémies sont sur-
venues à intervalles irréguliers dans plusieurs continents, notamment en Amérique
du Nord, en Europe et en Malaysia : ces épidémies étaient dues aux sous-types 1 ou
2 du virus grippal. Une étude des souches récentes du sous-type 2 (3), en prove-
nance de diverses origines, indique qu'en majorité elles se distinguent sur le plan
antigénique de la souche de référence Miami. Cependant, les différences entre sou-
ches sont mineures, et ne sont probablement pas la cause majeure de l'augmenta-
tion des foyers de grippe apparaissant parmi des chevaux vaccinés ou non. Bien
qu'il soit admis que la vaccination réduit la gravité de la maladie et son potentiel de
transmission, la protection conférée
s'est
montrée de courte durée et les taux d'anti-
corps humoraux sont faibles à la suite d'une primovaccination et d'un rappel,
notamment avec les antigènes du sous-type 2.
Piroplasmose
La Piroplasmose équine est considérée comme une maladie sanguine qui se
manifeste dans les zones tropicales et subtropicales. Elle a été aussi identifiée dans
les zones tempérées. Elle est très répandue et signalée dans les Amériques, l'Asie,
l'Inde, l'Europe, l'Union soviétique, l'Australie, le Moyen-Orient et les Caraïbes.
La maladie est transmise par une tique tropicale du cheval, Dermacentor nitens qui
se localise préférentiellement dans les oreilles des chevaux et, en cas d'infestation
importante, dans les cornets nasaux, la crinière, la région périnéale et le long de la
ligne médiane du ventre.
167
Encéphalomyélite équine vénézuélienne (EEV)
L'EEV se classe avec la peste équine parmi les maladies qui provoquent poten-
tiellement la plus grande mortalité au sein d'un effectif sensible et, de plus, c'est
une zoonose responsable de décès humains. Elle est endémique dans les forêts tropi-
cales et les zones marécageuses. Elle est à l'origine d'épizooties successives dans les
régions nord de l'Amérique du Sud, entre 1920 et 1967. En Floride (Etats-Unis), au
Mexique et dans les pays d'Amérique Centrale et du Sud, les virus de l'EEV évo-
luent dans des cycles d'enzooties qui se traduisent par leur transmission continue et
à faible niveau entre des rongeurs et des moustiques (6). Grâce à une méthode séro-
logique, il a été possible de différencier les souches virales d'EEV. Il a été ainsi éta-
bli une classification antigénique en corrélation avec des caractéristiques épidémio-
logiques et écologiques de la maladie. Les souches virales classées sous les appella-
tions d'IA, IB, et IC ont été impliquées dans des épizooties, tandis que les autres
souches virales des sous-types I, II, III et IV sont isolées dans des cas d'infection
humaine et équine à évolution sporadique (9). En déterminant les souches, notam-
ment celles appartenant aux virus du sous-type I, il a été possible d'évaluer leur
potentiel de propagation d'une épizootie.
MÉTHODES ACTUELLES DE PROPHYLAXIE
Actuellement, les chevaux circulent d'un pays à un autre avec un certificat déli-
vré par le Service vétérinaire gouvernemental du pays exportateur. En Europe et en
Scandinavie, les chevaux peuvent circuler avec un permis général qui précise l'iden-
tification du cheval et le certifie indemne de certaines maladies. Le permis de circu-
lation comporte également une déclaration sur la situation sanitaire du pays expor-
tateur, par exemple que le pays est indemne d'une maladie particulière au cours de
la période stipulée antérieurement. Pour l'exportation entre continents, il est
d'usage courant que le pays importateur demande de la part du pays exportateur un
permis spécial pour un animal particulier, qui couvre une période limitée à l'impor-
tation. Chaque pays importateur stipule ses propres exigences qui sont en général
fondées sur les recommandations contenues dans l'édition la plus récente du Code
Zoo-sanitaire International.
Certains pays formulent une politique commune d'importation. Un exemple
notable étant le Groupe tripartite comprenant le Royaume-Uni, la France et
l'Irlande. Cet accord informel, qui est effectif depuis 1974, a été passé entre les Ser-
vices vétérinaires gouvernementaux de ces trois pays, s'applique à une liste com-
mune de maladies à déclaration obligatoire et reflète donc une politique commune
d'importation.
Cette politique commune
s'est
concrétisée récemment, lorsque l'importation des
chevaux en provenance des Etats-Unis a été suspendue pendant tout l'été 1984 à la
suite d'une épidémie d'artérite virale équine qui s'était déclarée dans l'Etat du Ken-
tucky chez des juments et étalons pur-sang. Cette suspension a été levée en autori-
sant à nouveau l'importation de chevaux en provenance des Etats-Unis, sous con-
trôle vétérinaire strict.
L'information concernant l'incidence des maladies équines spécifiques dans les
différents pays est disponible auprès du Bureau Central de l'OIE et au travers de
contacts informels qui s'établissent entre les personnes responsables du diagnostic
des maladies équines dans les différentes régions du monde. Pour faciliter l'échange
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